La Couronne de Cuivre

Surnommée « la morne », Bortheias est une cité à l’architecture fonctionnelle, bâtie sans la moindre velléité esthétique. Plus de la moitié des bâtiments sont en bois, encaqués les uns contre les autres, en cercles concentriques autour d'une butte sur laquelle se dresse un fortin d'aspect sinistre. Les rues sont de terre, les habitants sauvages et belliqueux et le voyageur n’y fait souvent qu’une courte escale, avant de poursuivre sa route vers des contrées plus hospitalières.

L’Auberge des Champs est l’établissement le plus recommandable de la ville même si, comme dans toute cité-étape, il existe de nombreux endroits où l’étranger trouvera une couche plus ou moins saine et un repas comestible à défaut d’être délicieux.

Bortheias est également une des villes humaines les plus proches de Loth Imharil, et même si les peuples des deux cités se lorgnent avec un mépris larvé et une méfiance presque officielle, plusieurs comptoirs elfiques ont pignon sur rue, dans un quartier périphérique de la bourgade dont la propreté et l’élégance tranchent avec la rudesse des maisons voisines. Certaines personnes bien informées disent que le contraste est délibéré, comme si chacun tentait d’asseoir son identité en en exagérant les caractéristiques. Si l’entente est loin d’être cordiale, les échanges commerciaux sont corrects, et aucune violence n’a jamais émaillé les relations interraciales.

Bortheias est également l’endroit où se ravitaillent traditionnellement les peuples nomades de la Trouée et on y trouve en permanence un campement de yourtes, tentes et autres constructions éphémères, à l’extérieur des remparts, ainsi que d’immenses troupeaux de bétail.

Non loin de la ville, dans les plaines méridionales, se dresse le vaste domaine du Fier Coursier de Bortheias, l’éleveur de chevaux le plus important de la Trouée, ancien Seigneur Cavalier, qui demeure une force politique cruciale dans la région, malgré l’inféodation à Luménis.

En provenance des plateaux de la Trouée

Quête : Equité

Reynald n'avait pas menti car à peine eut-il prononcé le dernier mot de sa chanson, au coeur d'un tourbillon de lumière dorée, que tout redevint noir, comme une nuit tranquille, dans une petite rue d'une cité inconnue. Il lâcha la main d'Astrée, leva celle qu'il avait posée sur le nez de Prince, et se débarrassa de Tybert.
" Parfait ! fit-il avec un sourire. Tout le monde va bien ?"
Il avait l'air fier de sa prestation. Ils se trouvaient devant la porte d'une auberge de belle taille, façade de pierre claire aux croisillons de bois, et il s'en échappait une délicieuse odeur ainsi que le murmure de conversations animées. Le petit étalon s'ébroua. Tybert s'étira lentement.
" Bienvenue à Bortheias ! Vous pouvez conduire votre cheval sous la porte cochère, là, je vais aller prévenir Maedron de notre visite."
Et sans attendre, le Sorlyn poussa la porte de l'établissement.

Quête : Equité

Bon, ça n'avait pas été aussi impressionnant qu'elle ne l'aurait cru. Juste un léger vertige devant le changement brutal de décor. Hésitant presque à bouger, elle remua doucement ses membres comme pour vérifier que tout était bien en place. Tout allait bien. Et Prince n'avait pas l'air particulièrement secoué par le voyage, lui non plus. Elle le caressa doucement, le félicitant pour son calme. Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, mais il faisait trop sombre pour voir davantage que la façade de l'auberge,
Déjà, Reynald entrait à l'intérieur. Obéissant à son injonction, elle entraîna Prince à sa suite et l'attacha sous la porte cochère, l'encourageant à patienter un moment. Elle vérifia que la couverture était bien en place et masquait bien son pelage. Elle n'avait pas oublié la mention par Reynald, quelques jours plus tôt, d'un Fier Seigneur De Bortheias, ou quelque chose comme cela, et préférait ne pas prendre de risque... Elle ne pouvait s'empêcher de lui jeter un oeil inquiet de temps à autre tout en revenant vers Tybert.

Quête : Equité

Quelques minutes plus tard, Reynald reparut, suivi d'un être sombre, du genre qu'Astrée n'aurait jamais imaginé croiser à Bortheias. C'était en effet un elfe noir comme l'ébène, les yeux rougeoyants dans l'obscurité et les cheveux blancs tombant sur les épaules. Il dévisagea la jeune humaine avec une expression neutre puis se tourna vers Tybert.
" Tybert.
— Maedron.
— Tu as encore laissé Reynald m'apporter des ennuis, je vois ?
— Je fais mon petit possible, chaque jour qu'Eldath bénit.
— Elle ne doit pas en bénir des masses."
Le dénommé Maedron s'approcha de Prince. Ce dernier pivota pour l'avoir en ligne de mire.
" Bon, on va le mettre au fond. Venez..."
Il précéda les trois humains à l'intérieur d'une écurie à la bonne odeur de paille fraîche, mais chichement éclairée. Plusieurs chevaux passèrent leur tête hors des stalles pour les regarder passer.
" Reynald, je te promets que si tu m'attires encore des ennuis, je t'obligerai à faire la vaisselle pour moi pendant les quinze prochaines années.
— Tout ira bien. C'est l'affaire de quelques jours.
— Tu disais la même chose la dernière fois. Et nous savons très bien ce que ça a donné.
— Ooooh oui.
— Ce n'était pas du tout le même contexte...
— Peu importe. Si jamais Goran vient à apprendre que j'ai cette bestiole chez moi...
— Goran n'apprendra rien. Et au pire... Je lui parlerai.
— Tu te fais des illusions sur ton influence, Reynald. Mais soit."
Il ouvrit la dernière stalle, vide, et fit un geste en direction du cheval. Celui-ci s'y faufila de lui-même, surprenant sa cavalière. Maedron se tourna vers elle.
" Madame, je vous souhaite la bienvenue en ma modeste auberge. J'espère que vous vous y plairez même si je ne peux pas dire que je souhaite que vous vous y attardiez. Vos chambres seront prêtes d'ici une demi-heure. En attendant, vous pouvez vous installer dans la salle."
Sur ces entrefaites, il fusilla Reynald du regard, puis emprunta une porte de service et disparut. Tybert sourit et lui emboîta le pas, ses fontes sur l'épaule. Reynald demeura en arrière et eut une grimace.
" Ne vous en faites pas. Il se donne un genre. Si vous voulez rester dix ans, il ne vous chassera pas. Et la nourriture est délicieuse."

Quête : Equité

L'accueil n'était pas vraiment enthousiaste. Malgré les affirmations de Reynald, la froideur de l'elfe noir l'intimidait un peu. La présence de Prince semblait vraiment être un problème... Et cette tête de mule refusait toujours se transformer.
Bah, elle n'avais pas l'intention de rester au-delà de deux nuits, trois tout au plus. C'était si peu, songea-t-elle avec un incompréhensible serrement de coeur.

Elle fit brièvement ses adieux à l'étalon confortablement installé, défaisant son harnachement mais l'encourageant à garder sa couverture sur le dos, et prit son sac sur l'épaule, souriant à Reynald. Elle ne résista pas à l'envie de le taquiner.
- Alors comme ça, vous avez l'habitude de lui attirer des ennuis ? Je serais curieuse de savoir lesquels... Peut-être... chaque fois que vous venez en aide à une dame en détresse ?, questionna-t-elle avec un clin d'oeil.

Quête : Equité

Reynald sourit en levant les yeux au ciel. Il l'avait attendue devant la porte et il lui ouvrit.
" La dernière fois impliquait un jeune barde mal inspiré, un prince elfe susceptible, une douzaine de nomades hirsutes et un grand feu de joie, si vous voulez tout savoir, fit-il en s'effaçant pour la laisser passer. J'en ai même tiré une chanson qui s'appelle " Le Troubadour, l'Ilmarien, les Cavaliers et le Drow", mais elle est interdite dans cet établissement, je ne pourrai donc pas vous la jouer."
Astrée pénétra dans un petit couloir au bout duquel résonnaient conversations et rires, dans une lumière de bon aloi. Reynald la suivit.
" Maedron m'en veut sûrement, mais c'est l'être le plus fiable de Bortheias." ajouta-t-il.
La porte du fond les mena directement dans la grande salle de l'auberge qui était animée, sans être complètement bondée, et Astrée y découvrit de multiples voyageurs, de tous styles, riches marchands et montagnards, cavaliers nomades et soldats en uniforme, et sans doute aussi des locaux. Elle vit quelques elfes, quelques nains, et même un demi-orque de bonne taille.
" Et honnêtement, vous ne me faites pas l'effet d'être vraiment en détresse..." lui glissa encore le clerc avant de se diriger vers la table où s'était installé un inébranlable Tybert.

Quête : Equité

Mwouais... Mais bon c'était quand même bien pour lui venir en aide qu'il s'était lancé dans ce voyage, non, au départ ? Elle soupira intérieurement, et se répéta, pour au moins la troisième fois de la journée, qu'il fallait vraiment qu'elle réapprenne à réfléchir avant de parler. Mieux valait sans doute qu'elle se taise complètement, à vrai dire, comme Tybert, songea-t-elle en s'installant à table à son tour.
Bah, elle avait eu une réponse à sa question indiscrète, même si elle ne savait trop quoi penser de cette invraisemblable histoire.
Oubliant déjà sa résolution de se taire, ou peut-être désireuse de changer de sujet, elle questionna à nouveau Reynald.
- Et finalement... Est-ce que votre ami aubergiste vous a demandé de faire un peu d'animation, comme vous le disiez avant de venir ?
L'ayant vu répéter régulièrement tous les soirs de leur voyage, elle était curieuse de le voir sur scène.

Quête : Equité

Reynald grimaça.
" Je vois que vous voulez tout de suite vous débarrasser de moi. Mais oui, cela fait partie de notre arrangement. Au début, lorsqu'il s'est lancé, personne ne fréquentait cette auberge. Un elfe noir, vous imaginez, les gens étaient plutôt enclins à venir casser les vitres ou mettre le feu à l'écurie. Ce qui est arrivé plusieurs fois, à vrai dire. Il s'est trouvé que nous étions de passage lors d'un de ces incidents, c'était... il y a huit ans ?
— Neuf, intervint Tybert.
— Nous sommes intervenus pour limiter l'incendie, au départ, parce que tout le quartier menaçait de partir en flammes. Maedron avait été blessé, il restait encore une domestique coincée au dernier étage... Mais Tybert aime l'eau."
Il jeta un regard à son collègue, qui sourit doucement.
" Et donc nous avons pu sauver ce qui restait. Depuis, disons qu'il y a un lien entre nous. Je me suis chargé d'organiser son animation musicale pendant quelques temps après les réparations, pour attirer le client... puis Maedron a gagné la confiance et l'estime des Bortheans, petit à petit. Depuis, quand nous sommes de passage, nous sommes toujours accueillis... en tout cas pour l'heure... et j'offre mes services. Je pense que nous y trouvons notre compte, malgré les épisodes parfois un peu compliqués."
Une serveuse parut et déposa une bouteille de vin et trois verres sur la table. Tybert prit la bouteille et son sourire s'élargit.
" Quelle année ? demanda Reynald.
— 1377."
Le Sorlyn sourit.
" Il est fâché, mais pas si fâché. Et il ne m'obligera pas à chanter avant que nos chambres ne soient prêtes et que nous nous soyons débarrassés."

Quête : Equité

Astrée écoutait le récit en se disant que décidément, le duo de prêtre avait vraiment le coeur sur la main. Et un certain don, apparemment, pour se trouver exactement là où on avait besoin d'eux et se mêler efficacement de ce qui ne les regardait pas. Comme l'autre jour à Rohan, finalement... Elle se surprit à sourire, rêveuse, heureuse d'avoir eu la chance de les trouver sur son chemin. Parfois le destin faisait bien les choses..

Elle ne fit aucun commentaire au sujet du vin : elle n'y connaissait rien. Mais il semblait à voir leur réaction que l'aubergiste soignait particulièrement ses deux amis...
Elle hocha la tête à la dernière boutade du clerc.
- J'espère bien ! répondit-elle avec un sourire amusé. Mais ensuite, je serai ravie d'assister à votre représentation...
Elle se laissa servir un verre, goûta le breuvage. Effectivement pas mauvais du tout, même pour un néophyte comme elle.

Quête : Equité

Reynald et Tybert profitèrent également du vin. Astrée nota que l'aubergiste semblait disposer d'une importante équipe pour l'aider à gérer son établissement : il n'était ni derrière le bar, où officiait une imposante matrone au sourire facile, ni entre les tables, où se relayaient au moins quatre jeunes gens en tablier. Peut-être était-il en cuisine, ou peut-être dans les étages. Ce fut en tout cas une jeune femme qui vint les prévenir que leurs chambres étaient prêtes et qui les accompagna dans les escaliers.
L'Auberge s'étalait sur plusieurs niveaux et les trois voyageurs grimpèrent jusqu'au troisième étage "plus fatiguant mais plus tranquille", comme l'expliqua Reynald. Effectivement, ils débouchèrent dans un couloir au plancher de bois sombre, couvert d'un tapis elfique de belle facture, et décoré, entre les lampes à huile, de tapisseries de même origine. En cheminant, Astrée découvrit ainsi de nombreuses scènes de grande beauté dépeignant des créatures fantastiques ou des paysages enchanteurs, mais nulle trace des habituelles chasses et guerres qui ornaient d'ordinaire ce genre d'oeuvres.
La jeune femme s'arrêta un peu plus loin devant une porte.
" La chambre verte, annonça-t-elle en tendant une clé à Astrée.
— A plus tard, prenez votre temps." lui dit ensuite Reynald, avant qu'ils ne l'abandonnent dans le couloir.
La chambre verte en question était plutôt blanche, si ce n'est pour le tapis, les rideaux et les draps qui la meublaient. Vaste, elle fleurait bon le propre et les fleurs sauvages, qu'on avait habilement disposées en bouquet sur une petite table ronde. Une grande armoire de bois clair semblait attendre que la rôdeuse y entrepose ses effets. Le lit, lui, aurait pu accueillir au moins quatre personnes.

Quête : Equité

Astrée s'assit presque timidement sur le lit. Elle n'en avait jamais vu d'aussi grand. Il semblait souple et moelleux, parfaitement confortable. Et la chambre était immense... Ils étaient véritablement accueillis comme des hôtes de marque. Après des journées à la dure, c'était bien agréable, même si cela ne lui garantirait pas un meilleur sommeil que la nuit passée. Elle avait beau se sentir moulue de fatigue au point de s'allonger quelques instants pour se détendre un peu les muscles, elle n'avait pas sommeil. Il n'était pas encore si tard que cela, après tout.

Puisqu'elle resterait au moins deux nuits, cela valait la peine de prendre le temps de s'installer. Déballant ses affaires, elle s'occupa d'aérer ses vêtements et de les plier soigneusement, faisant l'inventaire de ce qui avait besoin d'être lavé, choisissant les moins fripés pour terminer la soirée. Évidemment, cela restait de simples vêtements de voyage, presque incongrus dans une si belle auberge. Elle grimaça en contemplant l'entassement d'objets divers et variés, voire de quelques provisions égarées, au fond de son sac. Demain, elle trierait tout ça... Pour l'heure, elle ferait mieux de se mettre à la recherche d'une salle d'eau. Quoiqu'il n'y avait pas urgence : ils n'avaient pas, pour une fois, à déplorer toute la poussière habituelle des fins de journée de voyage. La téléportation avait du bon.

Elle poussa la porte, un peu timidement, décidée à explorer un peu les lieux, se demandant vaguement dans quelles chambres étaient ses deux compagnons. Peut-être étaient-ils déjà en bas, après tout... Non, ils l'auraient attendue tout de même.

Quête : Equité

Elle attendit un petit moment, à lorgner le couloir, puis Tybert apparut, sortant apparemment d'une chambre deux ou trois portes plus loin. Il s'était changé et arborait une aube vert d'eau qui l'identifiait d'emblée comme un clerc. Dans sa tenue de fonction, il avait l'air très sérieux mais aussi imbu d'une certaine puissance, à respecter. Il s'immobilisa à hauteur d'Astrée.
" Reynald est déjà redescendu, fit-il avec sa tranquillité coutumière. Si vous êtes perdue, c'est par là."
Il lui désigna le bout du couloir, avec un très léger sourire, peut-être un peu amusé.

Quête : Equité

Mais pourquoi avait-elle subitement une impression de chaleur sur ses joues? Elle se faisait des idées, Tybert n'était pas du genre à la taquiner. Et puis, dans son aube, il paraissait encore plus sérieux et plus calme que d'habitude. Presque intimidant, aussi.
- Je sais. Je me demandais juste si vous et lui étiez déjà descendus, j'hésitais à vous attendre... expliqua-t-elle, bien inutilement, au clerc, en lui emboîtant le pas. Cet homme-là paraissait depuis le début s'amuser à voir dans ses actions des choses qu'elle-même se refusait à y lire. Et il lui donnait l'impression de deviner beaucoup trop de choses...
Elle se demanda comment serait vêtu Reynald, et grimaça en se disant qu'elle allait paraître complètement dépareillée avec ses vieux vêtements de voyage, à côté des atours des deux clercs.

Quête : Equité

En descendant les escaliers à la suite de Tybert, Astrée tendit l'oreille et réalisa que la salle de l'auberge était moins bruyante qu'au moment où ils étaient montés. Une fois en bas, Tybert la ramena vers leur table, où Reynald n'était plus. Il s'était assis sur un tabouret, posé sur une petite estrade contre le mur nord et accordait son luth avec un léger sourire. Il portait une aube pourpre rehaussée de broderies dorées, décorée de la harpe de Milil sur l'avant. Maedron était en train de parler avec lui, beaucoup plus calme que plus tôt, et Reynald opinait régulièrement du chef, amical.
" Voulez-vous manger quelque chose ?" demanda un jeune homme en tablier, s'arrêtant près de leur table.
Il parut reconnaître Tybert.
" C'est offert par la maison, bien sûr."

Quête : Equité

Astrée observa quelques instants Reynald et leur aubergiste en grande discussion. Son regard s'attarda sur ce dernier : c'était la première fois qu'elle rencontrait un elfe noir, et elle n'avait guère eu le temps de le détailler un peu plus tôt, trop surprise et trop intimidée. Puis elle revint à Reynald, sourit sans même s'en rendre compte... et sursauta quand le serveur s'adressa à eux.
- Euh... Non, merci, rien pour moi, je n'ai pas vraiment faim...
Elle se sentait l'estomac noué dès qu'il était question de nourriture. Et puis après tout, ils avaient déjà mangé avant de rejoindre l'auberge. Enfin presque.

Quête : Equité

Tybert resservit cependant la jeune femme de vin, sans attendre de réponse. Il sirota son propre verre d'un air absent, laissant son regard courir lentement sur la salle. Quelques accords retentirent bientôt, Reynald s'éclaircit la voix. En habitué de ce type d'atmosphère, il n'espérait pas le silence, ni attirer l'attention de la majorité des convives. Non, être barde d'auberge nécessitait de pouvoir pousser la ritournelle sans réellement se soucier des conversations, du bruit des couverts, et des mouvements constants. Mais le clerc paraissait rompu à ce type d'exercice, et il avait une bonne voix, ainsi qu'une présence agréable, aussi parvint-il assez aisément à capter l'attention des tables les plus proches, puis celle des suivantes, et il disposa rapidement d'un petit auditoire attentif. Astrée nota même que certains visiteurs changeaient de place pour venir l'écouter.
Il entama son récital par une ballade au rythme enlevé, manifestement taillée pour la Trouée.
« Ce soir, les loups errent dans la plaine,
La brume descend des montagnes,
Nous galopons à perdre haleine,
La nuit avale la campagne… »
S'ensuivirent pas moins de dix couplets, parlant d'esprits ancestraux, de grands vents, d'une source perdue et d'une cheval sauvage, monté par une jeune fille chassée par son peuple nomade. Pas mal de personnes semblaient connaître le refrain, qu'ils entonnaient à mi-voix chaque fois que Reynald y revenait.
" Douce, Douce, tu es partie,
Douce, Douce, et ils ont faim,
Douce, Douce, ils t'ont bannie,
Mais tu nous reviendras demain."

Quête : Equité

Reynald avait une voix chaude et agréable, et Astrée se laissa simplement entraîner par la chanson. Elle ne le quittait pas des yeux, comme finalement beaucoup d'autres spectateurs sans doute. Elle n'alla tout de même pas jusqu'à chanter, même si au bout d'un moment elle connaissait le refrain par coeur. Elle était trop timide pour cela. Elle se contenta de le fredonner discrètement. Pour une fois qu'une chanson de Reynald parlait d'une jeune fille et d'un cheval sans qu'il paraisse s'adresser à elle, c'était presque un soulagement.

Il faisait chaud, l'atmosphère était joyeuse, et la soif la poussa à porter deux ou trois fois son verre à ses lèvres, ne buvant qu'une gorgée. N'ayant quasiment rien mangé depuis la veille, et n'ayant pas l'habitude de l'alcool, il valait mieux qu'elle se méfie si elle ne voulait pas se retrouver à raconter ou faire n'importe quoi... Tybert, lui, tenait certainement mieux la boisson.

Quête : Equité

Reynald enchaîna sur une légende de la Lande des Sirènes, relatant les aventures d'un paladin et d'un clerc confrontés à une invasion de goules sanguinaires dans un petit village d'éleveurs de chèvres, non loin de Lunaros. Astrée nota qu'on avait subrepticement soufflé de nombreuses bougies et éteint plusieurs lampes dans la salle, ménageant une atmosphère sinistre, mais propice à ce genre de conte. Reynald parlait suffisamment fort pour être entendu, mais paraissait chuchoter, comme s'il osait à peine relater son histoire. Il modulait sa voix, instillant une certaine tension auprès de son auditoire, ponctuait son récit de pauses, changeait d'expression, paraissait passer certains détails sous silence, de peur de choquer la salle. Puis il intégra une première ritournelle à son discours et une brume opaque l'engloba subitement, arrachant un cri de stupeur aux convives. Un peu plus tard, il fit pleuvoir sur ses épaules quand la pluie détrempa les héros assiégés. Il brisa un verre au moment où l'épée du paladin se fracassa contre l'autel maudit au milieu du cimetière, pour mieux le réparer d'un geste, lorsque son dieu intervint pour le sauver. Il fit apparaître une chouette, qui s'envola en hululant au-dessus des têtes et se percha dans les hauteurs. Enfin, une lumière blanche naquit entre ses doigts comme le soleil baignait le village et le retour du duo victorieux. Puis il l'éteignit et se tut.
Cette fois, la salle se permit d'applaudir. Reynald n'avait pas l'air mécontent de lui-même mais il salua modestement.

Excellent post Gal, on se sent dans l'ambiance !

Quête : Equité

Astrée, les deux coudes sur la table et la tête confortablement appuyée dans ses mains, écoutait le conte de toutes ses oreilles. Reynald savait ménager ses effets. Elle se rappela brièvement Gwendal qui lui expliquait l'importance du ton, de l'ambiance visuelle, des effets magiques. Mais le sorlyn le surpassait de loin : il avait des années d'expérience derrière lui et cela se voyait. Elle tenta bien, au début, de prévoir ce qu'il allait faire, mais il la surprenait à chaque fois. Si bien qu'elle finit par se trouver, comme tout le monde, totalement immergée dans l'histoire, frémissant aux moments d'angoisse, un sourire un peu crispé aux lèvres, incapable de détacher ses yeux de la scène. Elle ne put réprimer un léger cri et sursauta, plus fort peut-être que les autres, lorsqu'il disparut subitement, et eut la sensation que son coeur se remettait à battre lorsqu'il reparut. Elle se laissait porter avec délices et frissons par le suspense qui s'accroissait de minute en minute, savourant l'angoisse et l'appréhension qu'il savait si bien faire naître chez ses auditeurs.
La fin de l'histoire la laissa des étoiles plein les yeux, émerveillée comme une enfant. Elle mit quelques instants à réagir avant de se mettre, comme tout le monde, à applaudir avec enthousiasme. Peut-être un peu plus fort qu'à son habitude. Elle mieux comprit pourquoi quand, tendant machinalement la main vers son verre, elle constata qu'il était vide. Elle ne se souvenait même pas l'avoir bu. Elle le repoussa un peu plus loin et, les yeux brillants d'impatience, s'installa le plus confortablement possible pour assister à la suite du spectacle.

Quête : Equité

Il était tard, déjà. La salle, pourtant, ne semblait pas réellement désemplir. Reynald s'offrit une petite pause, quitta un moment l'estrade pour aller se chercher à boire, serra une main ou l'autre, récolta des félicitations, mais ne revint pas jusqu'à leur table. Il ne la chercha même pas des yeux. Tybert demeurait immobile auprès d'Astrée et sur son visage, il n'y avait nulle émotion, ni joie, ni peine, seulement cette douce impassibilité.
Le clerc de Milil regagna sa place, reprit son luth et l'accorda à nouveau.
" Une dernière pour la nuit." dit-il simplement.
Dès les premières mesures, il fut clair qu'il s'agissait d'une complainte mélancolique. Juste avant d'entamer le premier couplet, Reynald releva les yeux et pendant un instant, le temps d'un battement de coeur, son regard s'arrêta sur la rôdeuse. Un sourire léger flotta sur son visage, et il commença.
"J’ai dans mon corps, un cœur, une âme,
Qui ne sont pas à l’unisson
Le premier voudrait plaire aux dames,
La seconde a toujours raison

Souvent mon cœur s’emballe si fort,
Mon âme peine à le rattraper
Elle lui dit qu’il a encore tort,
Il voudrait bien lui échapper,

Mon cœur, mon âme,
Et mes tourments,
Mon cœur, mon âme,
Dans le grand vent.

C’était peut-être un jour de pluie,
Quand le cœur redevient sauvage,
C’était peut-être une jolie fille,
Du genre qui cause des ravages,

Alors mon cœur s’est emporté,
Mon âme s’était assoupie,
Sans réfléchir, il a osé,
Jetant la morale aux orties

A présent que tu te réveilles,
Mon âme, il faudra lui parler
Peut-être moucher son soleil
Mais il l’aura bien mérité

A vagabonder, on se perd,
Et on s’arroge tous les droits,
On louvoie entre ombre et lumière,
On ne se reconnaîtrait pas

Mon cœur, mon âme,
Et mes tourments,
Mon cœur, mon âme,
Dans le grand vent.

Mon cœur, mon cœur, garde confiance
C’est un serment, je te le jure,
Un jour je baisserai mes défenses,
Nous partirons à l’aventure,

Comment exiger la patience,
De celui qui vit dans l’instant,
Ne vais-je pas dans mon ignorance,
Le brider définitivement ?

Alors mon âme, je t’en conjure,
Mon cœur a besoin de mouvement,
Ne lui inflige pas de blessure,
Dont il souffrirait trop longtemps,

Je peux demeurer un moment,
Un être sage et solitaire,
Mais quand reviendra le printemps,
Il faudra que je me libère…

Mon cœur, mon âme,
Et mes tourments,
Mon cœur, mon âme,
Dans le grand vent,
Mon cœur, mon âme,
Comme deux amants,
Mon cœur, mon âme,
Je suis vivant."

Quête : Equité

Astrée dut s'avouer qu'elle était presque... déçue, de voir le sorlyn l'ignorer complètement durant son tour de salle. Un peu vexée, peut-être. Il aurait presque mérité qu'elle refuse de regarder la suite... mais hélas, ne pas le regarder lui était devenu presque aussi difficile que de s'arrêter de respirer.
Son coeur bondit lorsqu'il croisa son regard, juste avant de chanter. Elle sut, avec une étrange certitude, que ce regard était une façon de lui dédier la chanson, et elle se sentit rougir... tout en se morigénant intérieurement d'oser imaginer une chose pareille.

Elle écouta de toute ses oreilles... mais c'est à son âme que parlait la chanson. Quelque part au fond d'elle, en un recoin perdu de son âme, les paroles entraient en résonnance avec ses propres sentiments et émotions, avec ses propres contradictions. Leurs sens lui paraissait à la fois flou et parfaitement limpide. Cette chanson lui parlait. Elle parlait d'elle, de ce qu'elle ressentait si fort en elle-même... Et pourtant il ne pouvait pas savoir : c'était de lui qu'il parlait, non d'elle.
Tout s'embrouillait dans sa tête. Toute la souffrance et l'exaltation conjuguées, difficilement vaincues la nuit passée, resurgissaient, et elle eut un instant les larmes aux yeux. Elle avait la sensation étrange d'être sur le point d'abandonner une lutte, sans savoir si cela signifiait la perdre ou la gagner. Mais elle n'avait simplement plus la force de se battre contre elle-même : elle devait se rendre. Et même ça était au-dessus de ses forces.
Elle était de toute façon trop épuisée pour réfléchir, pour comprendre, pour savoir ce qui se passait en elle. Elle aurait toute la nuit pour y penser : elle ne fermerait pas l'oeil, elle le savait. Comme elle savait très bien qu'une décision était en train de se prendre en elle-même, presque à son insu. La seule décision qui pouvait lui rendre la paix de l'esprit, la réconcilier avec elle-même. La seule possible pour ne pas continuer à se torturer en vain. Elle se sentit ébaucher un sourire, presque apaisée, sans pourtant être capable de s'avouer pourquoi.

Quête : Equité

Et une seconde plus tard, sans qu'elle l'ait vu approcher, Reynald était là, juste derrière elle. Il posa une main légère sur son épaule, puis s'assit et lui sourit furtivement, avant de se tourner vers Tybert.
" Je m'attarderais bien pour un dernier verre, mais quelqu'un a prévenu Dame Gersande que j'étais dans le coin...
— Je l'ai vue, oui…
— Maedron va pouvoir couvrir ma retraite pendant trois minutes maximum.
— Maximum."
Le clerc de Milil soupira et une grimace traversa son visage. Il avait l'air fatigué mais content.
" On n'a pas toujours les admiratrices qu'on voudrait, dit-il, à personne en particulier, avant de revenir à Astrée. J'espère ne pas vous avoir déçue avec mon petit récital... C'était un peu improvisé mais c'est toujours une salle que je sens bien."
Il jeta un oeil par-dessus son épaule puis lui sourit à nouveau.
" Je vais devoir filer. Quelle plaie. J'avais espéré qu'elle serait à Edhoras.
— Elle te flaire à vingt lieues, intervint Maedron, qui les avait rejoints.
— Je déguerpis." dit le Sorlyn, en réalisant que l'aubergiste avait abandonné la partie.
Une seconde plus tard, il s'était levé et battait en retraite vers les escaliers.
" Je vous fais monter quelque chose ?" demanda l'elfe noir.
Tybert leva la bouteille de vin, désormais vide.
" La même chose ?
— Ça marche."
Il leur sourit et s'éloigna.

Quête : Equité

Astrée était trop épuisée et trop secouée par la chanson pour avoir vu le clerc arriver. Elle sursauta lorsqu'elle sentit la main sur son épaule, leva les yeux vers lui et sourit, doucement, espérant que le trouble dans lequel l'avait plongée la chanson ne se voyait pas trop. Mais il était plus que probable qu'elle ait à nouveau rougi.
Incapable de trouver ses mots, un peu assommée en fait, elle écouta en silence l'échange entre les hommes, se demandant vaguement qui était cette Dame Gersande. Elle s'en fichait éperdument au fond.

Ce n'est qu'en voyant le sorlyn s'éloigner vers l'escalier qu'elle réalisa qu'elle ne l'avait pas félicité pour sa prestation, ni remercié pour sa chanson... Quelle ingrate elle faisait.
Elle posa la main sur le bras de Tybert.
- Je n'ai pas eu le temps de le féliciter... S'il vous plaît... Est-ce que vous pouvez lui dire, de ma part, combien j'ai aimé son spectacle ? Et... le remercier pour la chanson...
Elle préféra baisser les yeux sur les derniers mots, mais sans doute inutilement: le clerc semblait habituellement lire en elle mieux qu'elle-même, et sa voix un peu altérée la trahissait.

Il aurait sans doute été préférable qu'elle lui dise lui-même... Mais le moment était passé, il était là-haut et ne voudrait certainement pas être dérangé. Et puis elle se sentait tellement fatiguée... Ou bien n'était-ce que de fausses bonnes raisons et était-elle juste intimidée ?

Quête : Equité

Tybert la dévisagea un instant de ses yeux très clairs, presque gris, comme s'il cherchait à lire quelque chose en elle. Sa bouche se pinça puis il lâcha un bref soupir.
" Si vous en avez encore... l'énergie... Vous êtes la bienvenue dans notre chambre pour le cinquième repas des artistes, dit-il d'une voix douce. Mais sinon, je lui transmettrai votre message, bien sûr."
Puis il se leva, l'aidant à l'imiter.
" A présent, je vous propose de monter, de toute façon. Vous n'avez pas non plus envie de rencontrer Dame Gersande, croyez-moi."
Astrée aperçut alors une grande femme blonde, richement vêtue, qui venait dans leur direction en bousculant les autres convives. Elle se récoltait au passage de nombreux regards noirs mais semblait n'y prêter aucune attention. Deux hommes en uniforme la suivaient, nettement moins rassurés.

Quête : Equité

L'énergie... Elle ne l'avait pas. Mais elle n'avait pas non plus envie de se répéter toute la nuit qu'elle aurait dû lui dire elle-même. Et... Non, certes, elle ne voulait pas avoir affaire à cette Dame Gersande, vraiment pas, aussi emboîta-t-elle le pas à Tybert aussi vite qu'elle put.
Elle constata avec soulagement que sa démarche était plus assurée qu'elle ne l'aurait craint. Sans doute un effet du sentiment d'urgence que venait de lui communiquer le clerc.

Bon puisqu'elle avait la force de marcher, elle aurait bien l'énergie suffisante pour délivrer elle-même son message. Elle lui devait bien ça. Mais elle ne resterait pas plus de quelques minutes. Elle avait vraiment besoin de se retrouver un peu seule...

Quête : Equité

Tybert la fit passer devant lui, comme pour protéger ses arrières, mais lorsqu'ils atteignirent le premier palier, il parut clair qu'ils avaient semé d'éventuels poursuivants. Ils poursuivirent donc leur ascension et gagnèrent finalement le troisième étage et son couloir tranquille. L'Eldathien repassa devant et guida la jeune femme jusqu'à une porte, la troisième au-delà de la Chambre Verte, qu'il ouvrit sans s'annoncer, surprenant son occupant. Reynald était en train de se changer et il poussa un glapissement digne d'une jeune fille dérangée aux bains lorsqu'il réalisa qu'il avait de la visite. Il disparut l'instant suivant derrière une armoire qui faisait paravent dans le fond de la pièce. Astrée ne vit rien sur le visage de Tybert, bien entendu. Il paraissait n'avoir rien remarqué.

La Chambre Bleue était encore plus vaste que la Verte et accueillait deux lits qui se faisaient face, de part et d'autre de la pièce. Tout ce qui avait rappelé les feuilles et l'herbe tendre dans sa propre chambre avait couleur de ciel ou de mer paradisiaque dans celle des deux hommes. Pour le reste, on y trouvait une table un peu plus grande, quelques chaises, et le clerc de Milil avait pris le temps d'allumer plusieurs lampes. Astrée nota également que les voyageurs avaient abandonné leurs fontes sans réellement les déballer, peut-être Reynald s'était-il senti tenu d'aller tenir ses engagements auprès de Maebron le plus vite possible.

Reynald reparut quelques secondes plus tard, vêtu d'une tenue un rien plus terne que son aube, mais qui restait d'excellente facture et trop colorée pour se fondre dans la nature. Il sourit à Astrée, une vague trace de son embarras s'attardant sur ses traits.
" Mais installez-vous. Je gage que Maedron ne tardera pas à nous rejoindre. Il aura peut-être des adresses à vous suggérer, pour commencer votre quête."

Quête : Equité

Astrée réprima une forte envie de rire en voyant Reynald plonger derrière l'armoire, se disant que Tybert avait décidément un humour très imprévisible.
Ses yeux pétillaient encore d'amusement lorsqu'il revint, et elle dut faire un effort pour reprendre son sérieux.
Elle eut une grimace lorsqu'il lui suggéra de rester. Elle était vraiment épuisée. En même temps, elle avait effectivement des questions à poser à l'elfe noir...
- Je ne sais pas, avoua-t-elle. Je ne comptais pas m'attarder en fait, il est tard...
Elle s'assit cependant sur l'une des chaises.
- Je passais juste pour vous féliciter pour votre spectacle... c'était vraiment magnifique...
Elle sourit, les yeux encore remplis d'étoile au souvenir de la représentation. Elle n'osa rien ajouter sur la chanson. Elle aurait mieux fait de laisser Tybert transmettre le message, finalement.
- Je crois qu'il va falloir que je reste un jour ou deux de plus que prévu, rien que pour le bonheur d'en voir d'autres... ajouta-t-elle avec un sourire presque timide.
Oui, il fallait qu'elle reste un peu. Il allait trop lui manquer, le soir à la veillée. Bien sûr, il avait l'autre fois suggéré de l'accompagner encore un bout de route. Mais jamais elle n'oserait lui demander, et puis ce n'était peut-être que par pure gentillesse qu'il avait fait cette proposition.
Il y eut bien, quelque part tout au fond d'elle, une voix de la raison que s'indigna de cette éventualité. Mais elle n'y prêta aucune attention.

Quête : Equité

Reynald rougit, comme s'il n'était pas habitué à recevoir des compliments, ce qui, compte tenu de sa profession, était peu probable. Il détourna cependant le regard quelques secondes, croisa celui de Tybert, impassible, qui les observait sans en avoir l'air.
" Heu... Je ne peux pas promettre que ce sera formidable tous les soirs..." finit par dire le Sorlyn.
Il semblait chercher des yeux quelque chose qui n'était pas encore là, peut-être un verre, pour se donner contenance.
" Mais si vous êtes trop fatiguée... Je peux parler à Maedron et vous tenir au courant de ce qu'il nous dira... Nous devrons probablement, de toute façon, nous promener un peu en ville demain... Autrefois, quand nous..."
Il jeta un regard aigu vers Tybert, à nouveau, et ce dernier avait retrouvé une mine plus concentrée.
" Bref, nous avons déjà profité d'un guide, autrefois, quand nous sommes allés... par là... Je ne pense pas qu'il soit encore à Bortheias, mais on peut toujours aller se renseigner."
On frappa à la porte et Maedron fit son apparition. Il n'avait décidément rien d'un aubergiste, ni dans la tenue, ni dans l'attitude, hormis qu'il transportait adroitement un plateau sur lequel trônaient une bouteille de vin et quatre verres, ainsi qu'une assiette de petits gâteaux encore tièdes.
" Pour l'idole des Bortheans." annonça-t-il en déposant son offrande sur la table, le ton sérieux.
Reynald leva les yeux au ciel avec une grimace, puis tira une chaise. L'elfe noir l'imita. Tybert était déjà assis depuis un moment.

Quête : Equité

Astrée eut un sourire amusé en voyant l'embarras de Reynald devant le compliment de l'aubergiste.
Elle hésita à partir. Mais il valait peut-être mieux qu'elle se reste, au moins quelques instants, qu'elle pose elle-même ses questions. Et non, ce n'était pas parce qu'il était difficile de déjà quitter la pièce où se trouvait Reynald. Elle réalisait que l'heure de la séparation définitive sonnerait bien trop tôt. Et puis, ce serait impoli, l'aubergiste avait apporté 4 verres... Comment diable avait-il deviné ? Cela devait pourtant se voir, qu'elle était épuisée et pas en état de tenir une conversation.

Elle essaya de rassembler ses idées, ce qui était bien difficile dans l'état second dans lequel elle se trouvait. Il lui fallait une carte, certes. Un peu de matériel peut-être. Des provisions. Mais elle n'avait pas vraiment besoin d'un guide tout de suite, au fond : il serait temps quand elle serait sur le point d'attaquer la haute montagne. Et puis, c'était vraiment trop tôt pour engager un guide : elle ne savait même pas exactement quelle était sa destination. Il vaudrait peut-être mieux qu'elle cherche d'abord à s'informer sur cette légende, ce qu'elle ne pouvait faire en présence de Tybert. Il fallait, peut-être, qu'elle trouve l'amie d'Isudë.
Mais après tout, elle pouvait demander à l'aubergiste s'il connaissait aussi des noms de guides au-delà de Bortheias, à quelques jours d'ici par exemple. Ce serait plus simple, elle aurait le temps de défricher un peu les choses. Et non, ce n'était nullement pour donner au sorlyn un prétexte pour l'accompagner quelques jours de plus, s'il osait le suggérer, même si son coeur battait un peu plus fort à cette idée....
Ou alors il y avait aussi la piste qu'il venait de lui donner, le guide qu'ils avaient suivi autrefois. Lui aussi saurait des choses utiles pour sa quête. Elle soupira, et ne put s'empêcher de souhaiter un instant de toutes ses forces qu'il ne se trouve pas à Bortheias, mais juste peu plus loin dans les montagnes. Un voeu absurde et fou...

Puis elle se rappela subitement qu'elle n'était pas seule et ferait mieux de suivre la conversation en attendant de placer ses questions. Et de préférence sans boire une goutte d'alcool cette fois-ci : elle devait garder les idées claires... ou du moins ne pas les embrouiller davantage

Quête : Equité

Deux des trois hommes discutaient désormais avec une certaine animation, tandis que le troisième, Tybert évidemment, suivait la conversation en silence. L'absence momentanée d'Astrée avait été remarquée car Reynald lui lança un regard presque inquiet, qu'elle surprit en reprenant ses esprits.
" Tout ça pour dire que depuis le dégel, on a vu défiler pas mal de monde. Les gens posent beaucoup de questions, s'inquiètent, et en cela, toutes les nouvelles de Luménis sont les bienvenues." disait Maedron en faisant tourner le vin dans son verre.
Reynald se tourna vers Astrée.
" Astrée vient tout droit de Luménis, mais je ne sais pas si elle est très au courant des mouvements de la marine et de l'armée, dit-il avec un haussement d'épaules.
— Bah, c'est un sujet déprimant et peu adapté à une fin de soirée, de toute façon. Si vous me racontiez plutôt ce que vous faites dans le secteur ? Vous avez dû quitter Erhedun très tôt pour être déjà dans nos murs...
— En fait, ce n'est pas exactement ça qui s'est passé..."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Bortheias

[Lieu] Bortheias