La Couronne de Cuivre

Bellatrix, les bras derrière la tête s'était mise tout doucement à fredonner.

"Un kilomètre à pied, deux kilomètres à pied ..."

Elle commençait à s'ennuyer fermement. Et elle se demanda ce que l'officier leur voulait. Elle observa alors ses compagnons d'infortune. Un grand tout palot qui ne lui disait rien qui vaille et qui même ne lui disait rien du tout, et un elfe trognon comme une pomme.

Elle leur fit un petit sourire engageant ainsi qu'un petit signe de la main.

Ailyn était fébrile, extrêmement fébrile. Il n'en fallait pas beaucoup pour qu'elle explose. De quelle façon, elle n'en avait aucune idée. Mais il était sûr et certain qu'elle ressentait très fort la tension qui régnait depuis un moment sur les soldats. Et cette convocation ne lui plaisait pas outre mesure. Les choses sérieuses allaient commencer...

Cela dit, Ailyn était rassurée par la présence de Bellatrix, qui avait pris soin de lui natter ses indomptables cheveux avant de partir. La demi-elfe espérait juste qu'elle n'avait rien glissé dans ses boucles brunes...

Tâchant d'avoir un air avenant, elle se tourna vers les nouveaux venus. Deux personnes qu'elle ne connaissait pas. Peut être l'occasion de nouer de nouvelles amitiés ?

L'air de rien, elle leur lança :

"On s'ennuie un peu, quand même, non ?"

Dorian fut un peu rassuré par la réponse de Zaïu mais il sentait bien que l' Elfe n' était qu' à moitié satisfait. A l' avenir il faudrait peut être trouver une autre solution...Dans l' immédiat deux gentes demoiselles aussi charmantes l' une que l' autre se tenaient devant les deux luméniens. Elles les regardaient un peu surprises, surtout lui Dorian le géant au teint si pâle...

Cassant un peu sa gigantesque taille, le bon vampire s' inclina devant les deux inconnues.
" Mes hommages Dames. Voici mon ami Zaïu et moi je suis le demi-elfe Dorian Cheveux - de - Jais
mais vous pouvez m' appeler Dorian tout simplement " fit le forgeron d' une voix grave et un peu
musicale à la fois.
" A qui avons - nous l' honneur Dames ? " poursuivit le bon vampire en regardant ses interlocutrices.

Bellatrix sans répondre alla jusqu'à Zaiu et se planta devant lui. Elle observa chacun de ses gestes avec attention.

"Ah oui. Il faut deviner. Un mot, une expression ? Plusieurs mots. Hum ... Je crois que je vois ... J'ai tout à fait compris ! La bataille de Paymill par temps de pluie. C'est ça ? J'ai gagné ?"

Elle battit des mains, contente d'elle.

"Au fait, je suis Bellatrix. Mais tu peux m'appeler Bellatrix."

Ailyn fit la moue. Elle ne savait pas si c'était vraiment la meilleure entrée en matière qui soit de la part de Bellatrix, mais bon, c'était sa façon d'agir après tout, on n'allait pas la changer du jour au lendemain...

Intriguée, la jeune demi-elfe se présenta à son tour, tâchant de donner le change avec un sourire :

"Je m'appelle Ailyn. Ravie de vous rencontrer !"

Elle n'en dit pas plus, dévisageant tour à tour ses deux nouveaux camarades. Ils avaient l'air assez particulier tous les deux, et semblaient n'avoir aucune ressemblance avec les soldats croisés jusque là.

L'intervention de Bellatrix fit interrompre Zaïu dans la position du Vol d'Oie Sauvage, par temps de pluie. Car il s'agissait effectivement d'une métaphore. La représentation était une personnification de l'instinct animal de l'homme, par mimétisme, ce qui permettait d'éveiller les chakras du cubitus et du péroné.

Il est rare de rencontrer des gens avec une sensibilité aussi développée que la votre !

Adoptant une posture cette fois plus en adéquation avec les normes sociales en vigueur un peu partout, il finit sa séance en se massant le visage à pleines mains, pour se réveiller encore un peu plus.
Il prit ensuite quelques instants pour dévisager ses nouvelles interlocutrices.

Zaïu s'appelle Zaïu, mais vous pouvez l’appeler Zaïu.

Fit-il, sur le même ton que Bellatrix.

Puis il battit des main à son tour. C'était peut-être une marque de respect dans leur pays.

Dorian fut interloqué par la réaction de Bellatrix qui ne lui avait même pas répondu, même brièvement et par pure politesse. Il n' étyait pas repoussant à ce point. Déjà que Zaïu appréciait à peine sa présence, malgré leurs aventures communes à Luménis...Cette aventure promettait d' être charmante...

Sans se laisser démoraliser toutefois, le demi-elfe se tourna vers Zaïu : désormais les deux occuperaient des tentes différentes, c' était décidé. Dorian ne désirait pas continuer à mettre son compagnon de voyage aussi mal à l' aise, pour Zaïu comme pour lui Dorian d' ailleurs. Après tout il avait bien assez de soucis à venir avec les Mélandiens sans rajouter une dose de stress due à ses rapports délicats avec certains de ses compagnons d' aventure...

Essayant de faire bonne figure, il rendit son sourire à la dénommée Ailyn.

" C' est un plaisir de vous rencontrer " fit le bon vampire d' un ton un peu guindé. " J' espère que nous manierons bien l' arc et le glaive ensembles, contre l' ennemi mélandien. "

Cette entrée en matière sonnait un peu plat mais Dorian ne savait trop quoi dire de plus.

Le planton vint les interrompre à ce point de leurs présentations en leur annonçant que pendant qu'ils étaient très occupés à se dévisager les uns les autres, l'officier était rentré, et que lui n'aimait pas attendre. Ils pénètrèrent donc sous la tente, un peu exiguë pour cinq, mais passons.

L'officier Mersad – la quarantaine, chauve, bedonnant, rutillant dans son armure - dévisagea les quatre visiteurs tout en se frottant les mains. On les lui avait livrés comme promis, et il fallait reconnaître, cela allait bien au-delà de ses espérances. Oh, il se rappellerait toujours la mine du conseil des mages, quand il leur avait demandé s'ils avaient des personnes correspondant au profil à lui suggérer pour la mission. Le duo d'entropistes, lui avait-on dit, serait parfait. Indisciplinées, imprévisibles, inconscientes. Hurlements nocturnes et folie rampante, un cancer dans leurs rangs. Elles ne manqueraient à personne. Du côté des combattants luméniens, la réponse avait mis plus de temps à venir, mais ils avaient fini par s'accorder sur un vampire dont la seule présence soulevait un vent de panique parmi pas mal de lathandrites, et une forte tête qui créait un peu trop de remous. Là encore, ce seraient des candidats parfaits.

Mersad se tourna vers son quatuor en arborant un sourire conquérant. La forte tête faisait déjà la gueule, le vampire générait des ondes malsaines involontaires, les entropistes semblaient défoncées au lotus noir : à croire qu'on leur avait donné un livret pour bien tenir leur rôle.

« Félicitations à vous quatre ! Je cherchais des individus disponibles pour une mission difficile et, sur le conseil de vos supérieurs, vous avez été Elus. »

L'entrée en matière était un peu pompeuse, mais c'était pour les mettre en condition. Quand on veut faire risquer leur peau aux gens, on peut être généreux en paroles.

Un officier bedonnant, une armure sans aucune trace de combat... De quoi inspirer les troupes assurément.

Heureusement, la déclaration de Mersad remonta le moral de Zaïu qui en avait bien besoin. Enfin, remonter le moral ... Il ne put s'empêcher de s'esclaffer en attendant la déclaration de leur nouveau supérieur. Une intuition. Peut-être fausse. Mais en promenant son regard sur la belle équipe qu'ils formaient, il avait l'impression que la lie de l'armée alliée était là, ou, à tout le moins, les inclassables. De manière générale, il ne faisait pas confiance à ce Mersad.

Elus ! Pour une mission difficile ! Zaïu vous prévient, c'est un très mauvais lavandier.

Mersad se jouait d'eux, autant lui rendre la pareille. La curiosité le piquait tout de même. Et peut-être sa rebuffade était injustifiée. Si Bellatrix et Aylin avait accompli l'équivalent de ce que Dorian et lui avait fait, alors effectivement, il devait y avait ici une belle équipe ! Mais quand on a un faible score en sagesse, ce genre de détail n'a pas d'importance.

De son côté, Dorian avait écouté attentivement le discours de l' officier Morsad : il avait conservé une attitude impassible, toute faite de curiosité. Il avait néanmoins remarqué l' attitude sceptique de Bellatrix et Zaïu, qui se manifestait par un comportement surprenant. visiblement l' entropiste et l' Elfe partageaient l' opinion du bon vampire sur l' officier Mestrad : ce dernier leur servait de belles paroles pour mieux les envoyer au charbon...

Dorian remarqua le clin d' oeil bref que lui jeta Bellatrix, auquel il répondit par un regard entendu. Au moins elle l' avait remarqué, ça c' était positif. Quand à Zaïu comme de coutume, il égarait les gens dont il se méfiait par des propos surprenants.

Dorian regard bien en face l' officier Manostien :

" Une mission diffiicle messire ? Cela ne sera certes pas la première fois pour n' importe lequel d' entre nous. En quoi consiste - t - elle ? Une mission d' infiltration peut - être ? "

Ailyn haussa méchamment le sourcil gauche, sans sourire. L'officier avait un ton pompeux, et air un peu "ni vu ni connu je t'embrouille" comme aurait dit le Vieux. Comment avoir confiance dans quelqu'un qui venait leur parler de "mission difficile" alors qu'il était déjà difficile de savoir si on allait sortir vivant de cette guerre... Ce monsieur était encore plus mauvais bonimenteur que le boulanger de son village qui leur vendait du pain si dur qu'on aurait pu se casser toutes les dents de devant avec la croute.
Bellatrix et elle n'avaient jamais été appréciées au sein des mages, et on les accolait à un grand type tout blanc avec un air étrange et un autre qui ne savait parler de lui qu'à la troisième personne. Mais bien sûr, ils étaient l'élite, à n'en pas douter...

"Une mission difficile, hein ?"

Mersad ne se départissait pas de son sourire, comme s'il se l'était accroché une fois pour toutes sur la face.

« Tout à fait ! Votre mission - et vous l'avez déjà acceptée – consistera, comme votre camarade pâlichon l'a fort bien deviné, à vous infiltrer dans un groupe de mélandiens qui sème la panique et la désolation dans les villages à moitié abandonnés le long de la lisière du Bosquet. Evidemment, il y a des bataillons entiers de mélandiens qui n'ont pas d'autre activité que de jouer à cela, et nous enverrons la cavalerie légère s'occuper d'eux – mais ce groupe-là est particulier. Ils ne seraient qu'une quinzaine. Ils se sont détachés de leur corps d'armée, ce qui en fait donc des déserteurs particulièrement difficiles à repérer, mais aussi plus faciles à éliminer. Qui plus est... les atrocités qu'ils ont commises feraient pâlir l'état-major impérial lui-même.

Ils ont besoin de renforts pour espérer survivre longtemps dans la région. Nous voulons que vous vous gagniez leur confiance, que vous vous joigniez à eux, que vous trouviez leur planque, et si jamais ils ne l'ont pas encore tué, que vous alliez délivrer le bourgmestre de Macreda, qu'ils ont pris en otage avec sa famille. C'était le rôdeur protecteur de ce bourg. Il avait tenu à être le dernier à quitter la ville... Cet homme a rendu d'éminents services à l'état helmite. Il détient aussi des informations que nous n'aimerions pas voir tomber aux mains de ces monstres. »

Ca coule de source.

Si Zaïu dirigeait un groupe de quinze personne, qu'il était en rupture de ban, isolé et sans vivre, avec une famille en otage à charge, il accepterait spontanément 2 jolies femmes, un vampire et un elfe inconnus pour assurer sa logistique défaillante...

Comme à son habitude, quand il devait se livrer à une activité aussi difficile que réfléchir, Zaïu le faisait à voix haute. Cela lui permit de se rendre compte que tout ce plan était le plus idiot du monde toutes catégories, selon ses critères à lui bien entendu. Il se permit de poursuivre :

Le fait d'apercevoir ces renégats devrait donc conduire à un bain de sang immédiat... Et donc, à notre mort à tous si un si petit groupe arrive piller des bourgs entiers... Ou alors, vos défenses sont ... Bref ...

Zaïu ne se rappelle pas avoir accepté quoique ce soit...

Qu'allaient dire ses compagnons ? Il était à près sur que Dorian accepterait avec la raideur digne d'un paladin. Puis il était déjà mort, donc, ce genre de détail ne devait pas l'effrayer. Qu'en était-il pour les filles ? Il avait besoin de soutien là.

"On pourrait se faire passer pour une famille ! Moi, je serais le père et Ailyn le grand père. Zaiu, tu pourrais être notre cousine. Et puis Dorian, tu pourrais être notre fille. Oui, tu serais un peu grande pour ton âge. Mais je crois que ça pourrait être tout simplement parfait."

Bellatrix applaudit son idée.

Ailyn se tapa sur le front du plat de la main. Une fois. Deux fois. Trois fois. Elle résista alors méchamment à l'idée de hurler à Mersad : "Excusez moi, mais... c'est quoi ce plan de merde ?".
Non parce qu'elle aurait voulu se suicider, elle s'y serait peut être pris de façon un peu plus douce. Mais là, on leur promettait quand même plus que monts et merveilles, on leur promettait une mort lente et extrêmement douloureuse, en cas d'échec.

Ailyn soupira. Avaient-ils vraiment le choix ? Ce pauvre bourgmestre et sa famille souffraient sûrement déjà des méfaits de ces brigands. Et combien de personnes ces gens avaient-ils torturés et massacrés ? Même si Ailyn n'avait pas spécialement envie de s'ajouta à leur liste, elle savait qu'il faudrait bien que quelqu'un prenne le taureau par les cornes. Et aujourd'hui, ce serait sûrement eux.

Elle regarda ses camarades à la dérobée. Si ces gens étaient des déséquilibrés, il y avait des chances qu'ils arrivent à les berner, en effet. Zaïu et sa manière de parler à la troisième personne, Bellatrix qui pensait dur comme fer qu'elle pourrait faire un excellent grand-père, et le grand Dorian tout blanc qui avait l'air tout droit sorti du cimetière. "Non mais en fait, dans le tas, il n'y a que moi qui ai l'air vaguement normal", songea-t-elle soudain.

De toutes façons, c'était soit ça, soit aller directement sur le champ de bataille où les chances de survie n'était pas des plus élevées qui soient. Peu importe où on les mettrait, la mort les attendait après chaque touffe d'herbe. Même si Ailyn se rebellait secrètement à l'idée de laisser sa peau dans cette guerre et éprouvait depuis leur départ une peur rampante et sans nom qui la faisait cauchemarder atrocement, il faudrait bien, à un moment ou à un autre, s'y confronter. Dommage de le faire dans ces conditions, mais... elle était là pour ça, non ?

"Je suppose que nous n'avons pas des possibilités de choix énormes, intervint Ailyn avec circonspection. N'aurons-nous pas quelque... soutien logistique ? Je ne sais pas moi, un peu de matériel magique ou autre ?"

Elle prit son temps pour ajouter :

"Non parce que bon... votre proposition est intéressante, pas alléchante hein, je vous le dis, mais intéressante, dans la mesure où on pourrait essayer de faire en sorte que l'un de nous puisse en sortir vivant, ne serait-ce que pour vous faire notre rapport..."

Ailyn frissonna. Elle prit encore une seconde pour réfléchir, regarda à nouveau la carrure de Dorian, avant de conclure :

"Je pense qu'à nous quatre, on doit pouvoir faire quelque chose. Mais si vous aviez un peu de matériel, ou même une cinquième personne à proposer, je pense que ce ne serait pas de refus."

Dorian manqua de rire en entendant les " suggestions " de Bellatrix selon lesquellesi l pourrait jouer le rôle de la fille des entropistes. A la limite il pourrait jouer le rôle d' une fille d' une géante des nuages mais certainement pas d' une humaine...


Dorian avait noté les regards inquiets qui se posaient sur sa personne. Bien entendu son aspect physique le rendait assez particulier : le teint pâle, avec une taille qui avoisinait les 2 mètres de haut et une silhouette de culturiste...Quand à leur petit groupe il était on ne peut plus disparate : un Elfe surprenant, deux entropistes...indépendantes d' esprit et lui Dorian le bon vampire à la silhouette que l' on remarquait forcément.

Quand à cette mission Ailyn avait bien raison : si il s' était agi de s' infiltrer derrière les lignes mélandiennes, cela n' aura pas présenté plus de danger qu' un combat ordinaire. Par contre, là, il s' agissait d' aller à la rencontre de l' ennemi, sans chercher à se cacher. Comment accomplir cette démarche et réussir à donner le change aux pillards mélandiens, sans finir transpercés sur le champs par une volée de flèches ou bien par quelques coups d' épée ?

Il y avait peut - être une solution....Dorian laissa Ailyn achever ses questions puis pris la parole :

"Ma camarade ici présente est dans le vrai. Peut - être quelques renforts seraient - ils les bienvenus. Pour le surplus, pour inspirer confiance aux mélandiens, nous pourrions nous faire passer pour des marginaux, en maraude et fuyant les autorités manostiennes. Ca pourrait tromper l' ennemi...Mais quelques combattants manostiens normaux dans nos rangs seraient utiles pour appuyer nos propos."

Mersad hocha la tête, sans se départir de son sourire. Une personnalité comme Bellatrix serait parfaite pour donner le change. Quant au Zaiu, on aurait pu prédire ses réponses trois coups à l'avance. Ils avaient tous l'air tellement... ah, tellement improbables, il en aurait pleuré.

« C'est l'idée, mon cher, c'est l'idée ! A première vue, croyez-vous que l'on puisse spontanément supposer possible que vous soyez en mission pour l'armée helmite ? »

Vous, les entropistes, fous et autres mort-vivants.

« Vous avez vous-mêmes l'air de marginaux en rupture de ban. C'est ce qu'ils cherchent. Ils ont eu des morts, et déjà recruté de force. Faites-vous passer pour un groupe de criminels et ils vous ouvriront leurs rangs, pourvu que vous ne vendiez pas la mèche. Car ils ont besoin de renforts : une quinzaine, c'est assez pour piller les villages laissés à l'abandon devant la progression de l'armée mélandienne – car oui nous évacuons les villages, jeune homme, commenta-t-il à l'attention de Zaiu, ce qui veut dire des défenses inexistantes – mais à la première rencontre avec une garnison ils sont cuits et le savent. »

Il se tourna vers Ailyn, qui avait manifesté l'esprit le plus pratique du lot.

« Niveau soutien logistique, un éclaireur vous accompagnera jusqu'au dernier endroit où la bande a été repérée. Ils n'ont pas pu piller totalement un entrepôt là-bas et il est probable qu'ils y retournent achever le travail d'ici à quelques temps. Nous préférons ne pas vous adjoindre d'autres soldats : un groupe trop nombreux éveillerait trop de méfiance. Vous ferez ce trajet à cheval et l'éclaireur reprendra les montures une fois parvenus à destination. Vous devrez ensuite vous débrouiller seuls. Trop de bon matériel éveillerait là encore la méfiance de vos futurs compagnons. Comme vous êtes exclusivement lanceurs de sorts et guerriers, voici tout de même un instrument qui vous sera peut-être utile. »

Il tira d'un petit meuble une sorte de passe-partout.

« Il ouvre toutes les serrures, et débloque les fermetures magiques simples. Des questions ? »

Bellatrix regarda le groupe qu'elle formait avec les autres durant de longues minutes puis elle eut une sorte de bref moment de lucidité. Petite parenthèse qui lui arrivait environ une fois tous les deux mois.

"Hé bien, on pourrait leur faire croire que les helmites ne veulent pas de nous. D'ailleurs, c'est ce qui se passe, non ? Ils nous aiment bien mais ils nous veulent ailleurs. C'est rigolo ça ! J'aime bien ma réplique !"

Ailyn hocha la tête avec toujours le sourcil gauche méchamment relevé, écoutant Dorian, puis Bellatrix avec attention.

"Ce que dit Bellatrix n'est pas dénué de sens..." lança-t-elle à Mersad d'un ton lourd de sous-entendus.

Pour les chevaux, elle ne se formalisa pas. Elle avait vécu longtemps, bien longtemps parmi les bouseux, et elle avait au moins appris à monter les chevaux de traits, pour s'amuser, avec ses anciens camarades de jeu. En général, ces animaux l'aimaient bien, et elle leur rendait la pareille.
Bon par contre, on n'allait pas traîner, autant aller se suicider avec énergie, histoire que ce soit fini plus vite !
Ailyn s'empara du passe-partout et le tendit devant elle :
"Qui veut garder notre compagnon avant gardiste qui saura nous sauver la vie en toutes circonstances, hein ?"

Dorian secoua la tête affirmativement. La mission que l' officier Mersad était peut-être risquée à l' extrême, il avait néanmoins pensé à tous les détails importants apparemment. Monter à cheval ne poserait pas de problèmes au forgeron-guerrier luménien : son amour des équidés - amour réciproque d' ailleurs - n' avait d' égal que son talent pour l' équitation. C' était un peu étrange d' ailleurs : les cavaliers étaient souvent vus comme des hommes de petite taille, non comme des combattants de forte stature comme Dorian...

Dorian espérait que chacun des membres de son groupe saurait sans problème effectuer ce petit trajet à cheval. Quand au passe-partout c' était une bonne idée. Pourquoi Ailyn ne le garderait - elle pas? Elle possédait visiblement du calme et du bon sens.

" Vous pourriez garder ce précieux objet Dame Ailyn " fit le bon vampire.

Et à Mersad :

" Votre stratagème semble bien préparé messire. Quand devons - nous nous mettre en route ? "

Ok ... Bon ... D'accord ...
Alors comme ça, on va se jeter dans la gueule du loup mais, avec un passe-partout magique qui pourra peut-être la rouvrir. Zaïu ne sentait pas, alors pas du tout cette "mission". Infiltrer signifiait mentir... Il ne se voyait pas incendier des masures ou brutaliser des paysans qui ont trop tarder à évacuer. En fait, il était à peu prés convaincu que le sang coulerait plus vite que prévu. Au moins, il connaissait Dorian et savait qu'il pouvait compter sur lui, dans une certaine mesure. Quant aux deux autres ... Bellatrix était marrante en fait.

Son regard, un peu morose et emprunt d'une motivation toute absente, revint à Mersad.

Oui, question :

Quand on aura retrouvé et sauvé les otages, où doit-on les ramener ?

"Questions pertinentes !" Mersad montrait un enthousiasme tellement inaltérable que cela donnait presque envie de le giffler. Presque.

"Vous avez rendez-vous avec l'éclaireur et les chevaux devant cette tente, dans deux heures. Cela devrait vous laisser le temps de faire vos bagages. Quant au lieu où ramener les otages... Il s'agira de Poydras, une bourgade située à deux jours de voyage à l'est d'ici, mais qui bénéficie pour sa part d'une palissade et d'une forte garnison. Je vous y attendrai. De là, on les rapatriera sans doute sur Graëlon. Vous aurez pris du retard sur les armées, mais pourrez sans doute le rattraper à cheval. Quoi qu'il en soit, la mission est prioritaire pour vous, quel que soit le temps qu'elle prenne."

Bellatrix se prit le menton, réfléchit intensément. Oui, elle avait compris le but de la mission. Mais les dernières paroles du bibendum céleste la rendirent assez perplexe.

"Autre question ... Qu'est-ce qu'on doit faire avec un éclaireur et un cheval ? Vous ne voulez pas plutôt un vétérinaire ? Enfin ... Moi, je dis ça, je dis rien. Et si les gens ne veulent pas nous suivre ? Parce que Graëlon, c'est beau, c'est chic. Mais vous savez, il y a le syndrôme de Melandis. S'ils se mettent à penser que leurs geôliers sont plus gentils et plus beaux que nous ? Vous savez, il y a des choses contre lesquelles on ne peut pas lutter."

Aujourd'hui, elle se sentait d'humeur romanesque.

Le sourire de Mersad oublia de s'élargir.

"Hum, si j'en crois les rapports qui m'ont été faits sur les manières d'agir de ces rustres, il y a peu de chances que leurs otages préfèrent rester avec eux. Ils ont des pratiques à faire frémir. Croyez-moi... vous ne voulez pas savoir !"

Ailyn déglutit péniblement. Elle avait la bouche sèche, très sèche. Trop sèche.

"Je crois qu'on va tout simplement s'épargner cette partie du tableau, sans quoi, mon envie de me lancer dans cette belle partie de campagne va fondre comme neige au soleil".

Elle inspira puis expira longtemps. Elle prit à nouveau une grande inspiration, avant de demander :

"Et euh, on ne peut toujours pas négocier un ou deux parchemins magiques, là ?"

Deux heures, c' était le laps de temps dont disposait le quatuor pour se reposer avant de s' engager dans une mission aussi fatigante que dangereuse. Ce n' était vraiment pas beaucoup même si Dorian étant guerrier lui-même pouvait comprendre une telle hâte de l' état - major manostien. Les contingences de la guerre toujours...Le bon vampire espérait juste ne pas s' endormir sur l' encolure de son cheval en cours de route, bien qu' il ne fût pas spécialement fatigué...

Quand au syndrome de Mélandis qui semblait préoccuper un peu dame Bellatrix, étant donné les Mélandiens et leurs méthodes, Dorian était certain que les otages ne seraient pas malheureux d' être délivrés...

La remarque d' Ailyn étaiti ntéressante : quelques parchemins, notamment des parchemins de protection ( contre la magie, le feu, l' acide, et bien d' autres attaques spéciales ) seraient sans doute des plus utiles...

" Dame Alyn a raison : auriez - vous des parchemins ou potions en trop ? Ou tout au moins des marchands d' objets magiques se trouveraient - ils dans votre camps ? "

Dorian pensa à Thalantyr, Taerorm Grondemarteau, Ribald Bartelman et autres commerçants moins connus et qui de la Porte de Baldur à Amekathran vendaient tant de matériels si utiles aux aventuriers...