La Couronne de Cuivre

A environ deux lieues de Bortheias se dresse la Forteresse du Fier Coursier. Plantée au milieu de steppes immenses, cette construction de pierre et de bois abrite la cour de Goran Equimestre de Bortheias, un seigneur cavalier qui disposait autrefois d’un pouvoir considérable dans la Trouée. Depuis que les lieux sont passés sous l'autorité de Luménis, le rôle de ce dernier n’a plus rien d’officiel, mais les traditions restent fortes dans cette région sauvage.

Si les barrières n’existent pas dans les plaines de la Trouée, le vaste domaine du Fier Coursier est délimité, pour ceux qui savent le voir, par des bornes de pierre rouge, disséminées dans les hautes herbes. Même s’ils paraissent libres, les chevaux qui galopent sur ses terres lui appartiennent, et la rumeur dit qu’il les connaît tous par leur nom.

***

Tybert et Astrée arrivèrent rapidement auprès de la petite forteresse, qu’on distinguait déjà des portes de Bortheias. Ils galopèrent un moment sur une piste de terre blonde et la jeune femme distingua de nombreux troupeaux de chevaux, arpentant les prés autour d’elle, manifestement peu farouches, peut-être domestiques. Elle reconnut les premiers poulains de l’année, encore graciles mais déjà fringants, s'affrontant en courses folles dans l'herbe humide. Puis leurs propres montures gravirent les dernières toises les séparant de l’enceinte de pieux dressés et Tybert ralentit. Un cavalier caparaçonné se porta à leur rencontre, portant armure et lance. Un étendard représentant un étalon cabré, noir sur fond vert, claquait dans la brise, au-dessus du portail.
« Présentez votre requête. »
Tybert demeura silencieux une seconde, comme s’il rassemblait ses esprits.
« Je suis Tybert d’Eredhun, servant d’Eldath, Déesse Verte et Mère des Bosquets, et voici Dame Astrée, qui m’accompagne. Nous devons absolument rencontrer le Fier Coursier, pour une affaire qui concerne le Cheval Doré de l’Est, ainsi que Reynald d’Eredhun. »
La mention du cheval, puis du clerc, sembla faire son effet, mais l’homme hésita.
« Vous savez que la dernière fois que messire Reynald est venu jusqu’ici, le Fier Coursier a demandé qu’il ne soit plus jamais admis en son domaine.
— Il n’est pas avec nous, comme vous pouvez le constater, répartit Tybert, sans parvenir à dissimuler un certain agacement.
— Certes. Très bien."
Le cavalier fit volte-face et les précéda à l'intérieur de l'enceinte.

Quête : Equité

Astrée tiqua. Il avait demandé que Reynald ne soit plus jamais admis dans le domaine ? En terme d’allié potentiel, elle avait vu mieux... Qu'avait-il donc bien pu faire pour s'attirer une telle inimitié de son beau-frère ? Même en connaissant son don pour s'attirer les pires ennuis, elle avait du mal à l'imaginer. Elle aurait dû poser la question, tout à l'heure, à Maebron ou à Tybert. Mais c'était trop tard. Il restait à espérer que face à une question de vie ou de mort, le Fier Coursier saurait oublier les rancunes passées... Mais la mention du cheval doré semblaît devoir l'appâter suffisamment pour qu'il accepte, au moins, de les écouter.
Elle suivit le cavalier en serrant les poings, sans piper mot, vérifiant machinalement que son bâton était bien accroché en travers de sa selle. Au cas où... Elle jeta un oeil inquiet vers Tybert. Il semblait avoir retrouvé en partie son calme, mais elle craignait fort que ce ne soit qu'une façade... Ou le calme qui précède la tempête.

Quête : Equité

Tybert se porta à sa hauteur tandis qu'ils étaient introduits dans une cour gigantesque où s'entraînaient une trentaine de cavaliers. Certains combattaient, d'autres tiraient à l'arc en plein galop, d'autres s'exerçaient à monter en selle alors même que leur monture était en mouvement.
" Ne vous laissez pas impressionner. Ne tutoyez pas le Coursier. Ne descendez pas de cheval avant d'y avoir été invitée. Nous allons entrer dans le bâtiment en selle, et monter les escaliers, toujours en selle. Cela fait partie de leurs manières, ici. Maedron nous a donné des montures de qualité afin que nous soyons reconnus comme des gens de valeur. L'attachement que vous portez à votre cheval sera davantage respecté que le souci que j'ai de la santé de Reynald, aussi n'hésitez pas en user."
Le garde qui les précédait avait atteint les portes en bois peint de la forteresse et s'immobilisa pour parlementer avec les deux cavaliers qui la flanquaient. L'un d'entre eux disparut à l'intérieur et leur guide fit signe de patienter. Tybert s'immobilisa mais Astrée pouvait percevoir sa grande nervosité, tant le contraste avec son habituelle mine impassible était grand. Mais sans doute un observateur extérieur n'aurait-il rien vu.

Quête : Equité

- D'accord, répliqua-t-elle brièvement, d'une voix un peu étranglée.
Les mises en garde de Tybert ne faisaient qu'accroître la nervosité d'Astrée. Elle avait le trac. Et voir Tybert aussi nerveux qu'elle, aux antipodes de son calme habituel, achevait de l'angoisser.
Tandis qu'on les faisait patienter, elle s'obligea à respirer calmement, lentement. Il fallait qu'elle garde la maîtrise de ses émotions. Facile à dire. Et Tybert voulait qu'elle mette en avant son attachement à Prince... alors qu'elle aussi se faisait surtout un sang d'encre pour Reynald ! Prince était en vie, elle en avait la certitude. il avait trop de valeur à leurs yeux pour qu'ils lui fassent courir le moindre risque. Et il était suffisamment intelligent pour fuir à la première occasion. Mais Reynald...
Elle serra les dents... Comment imaginer que des hommes puissent faire passer la possession d'un cheval avant la vie d'un homme ?
Elle expira lentement. Se concentra sur le contrôle de sa respiration. Na pas descendre de cheval. Se tenir droite, fière, au cas où le fait de posséder le petit cheval doré de l'est lui donne un quelconque statut à leur yeux. Elle ne comprenait rien à ces coutumes...

Quête : Equité

Un nouveau cavalier vint à leur rencontre, tandis que leur premier guide repartait en arrière vers les remparts. Tybert suivit le garde, Astrée s'engagea dans son sillage, et ils pénétrèrent dans la forteresse. Le sol était dallé de pierres rouges, mais comme l'avait prévu l'Eldathien, ils ne démontèrent pas. Ils traversèrent le hall et s'engagèrent dans l'escalier, que les chevaux négocièrent avec compétence, en dépit de l'étroitesse des marches. Peut-être était-ce une manière détournée de démontrer leur habileté. Le premier étage de l'édifice donnait sur une vaste terrasse extérieure, battue par les grands vents, surplombant la plaine. Un homme faisait face au panorama, à cheval lui aussi, et il fit pivoter sa monture lorsque les visiteurs s'approchèrent. Le garde qui accompagnait Astrée et Tybert s'immobilisa et leur fit signe d'avancer.
Le Fier Coursier de Bortheias était un homme immense, monté sur une bête immense elle aussi, noire de jais, à l'encolure arquée. Il avait une moustache hirsute, les yeux très clairs, et des cheveux noirs coiffés en natte. Il portait une armure de cuir teinte en rouge, hérissée de piques sinistres. Il toisa un moment le clerc et la rôdeuse, l'air mauvais. La jeune femme eut l'impression qu'il l'évaluait... et peut-être aussi qu'il la déshabillait des yeux.
" Goran, dit simplement Tybert en inclinant poliment la tête.
— Tybert. Est-ce que c'est tout ce que ce poltron a trouvé ? T'envoyer avec le cheval doré comme sauf-conduit ? Est-ce qu'il en a si peu dans la culotte ?"
L'Eldathien secoua la tête.
" Ce n'est pas vraiment ça, non."
Le Fier Coursier se tourna vers Astrée.
" Et vous êtes, gente dame ?"

Quête : Equité

Astrée détesta d'emblée cet homme. A cause de son regard qui lui nouait les entrailles. A cause de son accueil. A cause de la façon dont il parlait de Reynald. Ce type était... dangereux. Mais elle ne devait pas montrer sa peur.
- Astrée, répondit-elle du ton le plus calme qu'elle put, sans baisser les yeux. Et je suis à la recherche de ma monture, que des... lâches... ont drogué et kidnappé cette nuit. Ils ont aussi kidnappé Reynald. Tybert a dit... que vous pourriez peut-être nous aider, que peut-être vous sauriez qui volerait ainsi un cheval à la robe dorée.
Ouf. Elle avait réussi à parler sans faiblir, ou presque. Et sans le quitter des yeux, guettant sa réaction.

Quête : Equité

Le cavalier se tourna vers Tybert, le sourcil levé, peut-être incrédule.
" C'est la vérité." dit l'Eldathien.
L'étalon noir dansa un moment sous la selle puis le Fier Coursier secoua la tête.
" Dans quoi est-ce que cet imbécile a encore été se fourrer, Tybert ? Il connait parfaitement les coutumes de la région...
— Astrée n'avait pas l'intention de vendre. Nous voulions nous assurer qu'elle n'aurait pas d'ennuis.
— Mettons pied à terre." dit l'autre, et il joignit le geste à la parole.
Tybert l'imita dans l'instant et Astrée ne put qu'en faire de même. Leur hôte claqua dans les mains et deux écuyers parurent, serviles, pour emporter leurs chevaux. Le Fier Coursier les entraîna alors vers une porte richement ouvragée qui donnait sur un petit salon très coloré, bois et tissus, motifs simples, rouges, bleus et jaune d'or. La table était basse et ils s'assirent sur des coussins.
" Je vous aiderai à trois conditions. La première est que vous me prêtiez le cheval en question pour la cérémonie de l'Equinoxe Vernal, le mois prochain. La seconde est que Reynald soit mon barde à demeure pendant deux mois à compter de sa libération. La troisième est que je puisse passer une soirée en votre charmante compagnie, ma dame."
Il assortit sa dernière phrase d'un sourire presque engageant.

Quête : Equité

Astrée sentit toute couleur se retirer de son visage. Ce type était une ordure. Elle serra les dents, tenta en vain de réprimer le tremblement de ses mains. Une ordure.
- Je...
Elle inspira profondément. Cet salop attendait une réponse. Il savait très bien que ce qu'il demandait était... impossible. Mais si la vie de Reynald en dépendait ?
- Si grâce à vous nous retrouvons Prince, je vous promets de vous le prêter pour la cérémonie.
Elle hésita, cherchant désespérément une réponse acceptable pour la suite. Elle le défia du regard un instant.
- Je ne peux pas, en revanche, prendre le moindre engagement pour Reynald... De quel droit pourrais-je décider pour lui ?
Et la troisième condition... Non, elle ne pouvait pas... Reynald... Elle pouvait le retrouver autrement, utiliser son lien avec Prince. Rien ne prouvait que ce type puisse réellement les aider. Rien ne prouvait qu'ils aient vraiment besoin de lui. Il devait y avoir une autre solution.
Et s'il n'y en avait pas d'autre ?
La gorge nouée, elle jeta un coup d'oeil à Tybert, l'appelant silencieusement à l'aide.

Quête : Equité

Tybert pinça les lèvres et se tourna vers leur interlocuteur.
" Dame Astrée craint que vous n'ayez de mauvaises intentions." dit-il de but en blanc.
Le seigneur cavalier parut choqué.
" Reynald aurait-il colporté des rumeurs scandaleuses à mon égard ?
— Je ne pense pas, non.
— Pensez-vous que nous soyons des sauvages, Dame Astrée ? Que j'ai l'intention de profiter d'un petit souper en tout bien tout honneur pour vous violenter dans les coussins ?"

Quête : Equité

Astrée ne put s'empêcher de lui retourner un regard noir. Et tant pis si cela lui prouvait qu'il avait bien deviné.
Elle sentait une sourde colère monter en elle. Elle avait l'impression désagréable qu'il était en train de se moquer d'elle. Bon, c'était peut-être juste elle qui avait les nerfs à fleur de peau. Et pourquoi Tybert était-il aussi direct ? Elle ne connaissait pas assez la mentalité des gens d'ici, peut-être était-ce normal qu'il dise crûment les choses, peut-être effectivement ce type odieux ne parlait que d'un simple dîner. Mais elle ne parvenait pas à se rassurer. Elle avait vu trop d'horreurs, l'année précédente, pour avoir la moindre confiance en cet homme.
- Je n'imagine rien du tout, parvint-elle finalement à répliquer d'un ton froid. Je n'ai simplement pas l'habitude qu'on me propose un dîner en échange d'un appel à l'aide...
Et elle n'avait aucune envie de dîner avec lui... à moins de n'avoir pas d'autre choix.
- Pouvez-vous réellement nous aider à les retrouver ? questionna-t-elle d'un ton dubitatif. Tybert semblait persuadé que oui, mais elle-même pouvait afficher ouvertement ses doutes : peut-être que cela piquerait sa fierté ?

Quête : Equité

Le Fier Coursier croisa les bras et sourit.
" Elle me plait, elle a du caractère !" s'exclama-t-il à l'intention de Tybert.
Une porte latérale s'ouvrit et une femme entra, portant un plateau sur lequel étaient posés trois petites tasses de métal ouvragé et une théière. Elle s'inclina très bas, posa le tout sur la table, et sortit.
" Mes conditions ? demanda-t-il.
— Reynald fera ce que Reynald doit faire, si nous le retrouvons."
Le cavalier observa ensuite Astrée d'un air dubitatif, puis eut un sourire.
" Très bien. Personne ne m'a proposé le cheval, mais tout le monde sait que je veux toujours savoir d'où vient ce que j'achète, et le vol de chevaux n'est toléré entre cavaliers que dans des circonstances bien précises. Duels. Combats dans la plaine. Ce genre de choses. Tous les autres cas sont considérés comme des crimes graves, dont les répercussions sont terribles. On ne vole pas un cheval dans la Trouée. Reynald aurait pu vous expliquer cela."
Il croisa les bras.
" Le commanditaire de votre vol doit avoir les moyens. Et il a probablement embauché des gens extérieurs à la Trouée pour obtenir ce qu'il cherche. Vous devez savoir qu'à l'heure actuelle, il n'y a que deux étalons dorés qui ont été dénichés dans toute la région. Le premier a été donné à l'officier qui est parti sur les navires luméniens, pour la guerre dorrandine, comme porte-bonheur et gage de victoire. Le second est en possession de Valentine Aldemeriel, à Rohan. Elle en loue les services à un prix prohibitif qui fera d'elle la femme la plus riche de la Trouée avant la fin de l'été. L'apparition d'une troisième bête fera grand bruit et personne ne l'ignorera. Sauf..."
Il leva les sourcils, théâtral, et versa le contenu de la théière dans les tasses. C'était un liquide blanc, chaud, qui répandait une odeur particulière, presque désagréable.

Quête : Equité

Et bien, à elle, il ne lui plaisait pas !
Bon, cet homme n'était peut-être pas un mauvais bougre. Il valait mieux lui laisser le bénéfice du doute. Il semblait avoir des principes... Et c'était le beau-frère de Reynald, après tout. Un instant, l'image du sorlyn aux yeux clairs dansa dans son esprit. Elle la repoussa fermement. Elle devait restée concentrée. Goran connaissait bien son sujet. Misère... il n'y avait que deux étalons miel ? Pas étonnant que Prince attire tant les convoitises.
Machinalement, elle saisit la tasse. L'estomac toujours noué. Juste pour se donner une contenance.
- Sauf quoi ?
Astrée s'efforçait de parler d'un ton calme, peut-être un peu trop sec, essayant de garder son sang-froid, chose qui devenait de plus en plus difficile à chaque minute qui passait.

Quête : Equité

Le Fier Coursier vida sa tasse d'un trait, puis reposa les yeux sur Astrée.
" Comme Reynald a dû vous l'expliquer, la Monture de la Félicité revêt une grande importance pour les natifs de la Trouée, et ce même si la plupart d'entre nous réverrons désormais des dieux fééruniens. Ce qu'il ne vous a sans doute pas dit, pour ne pas vous inquiéter, le connaissant, c'est qu'il existe une secte, qu'on appelle l'Hippogriffe, qui estime que les bienfaits de la Monture désignée par les Equitains ne sont accordés que si l'on consomme la créature en question. Alors seulement, chance, succès et fortune viennent aux convives. L'Hippogriffe est discrète et elle est régulièrement réprimée, car sa positon sur la Monture de la Félicité n'est qu'un tout petit détail de sa doctrine nauséabonde, et d'autres aspects nécessitent qu'elle soit démantelée. Malheureusement, nous n'y sommes pas encore... Et si elle mettait la main sur votre animal... Nous n'en saurions jamais rien.
— Par les dieux." souffla Tybert, subitement blême.

Quête : Equité

- Non...
Astrée se sentit défaillir. Si elle n'avait pas été assise sur des coussins, ses jambes se seraient probablement dérobées sous elle. Ça n'était pas possible.
Une petite voix, celle de l'espoir, lui souffla que Prince allait se transformer, s'échapper. Mais s'ils le gardaient endormi ? Ils n'avaient pas besoin qu'il se réveille, au contraire. Elle pouvait très bien ne jamais retrouver le contact avec lui...
Tremblant des pieds à la tête, elle reposa la tasse dont elle avait renversé la moitié du contenu.
- Où est-ce qu'on peut les trouver ? demanda-t-elle d'un ton brusque, levant les yeux sur Goran. Il faut faire vite...

Quête : Equité.

" Ne paniquez pas, aucun des deux, dit Goran en les fixant avec dureté. Le cheval a été volé cette nuit et ils ne le mangeront pas à la va-vite, sur un coin de table. Son sacrifice est une cérémonie codifiée, très précise, qui demande des préparatifs, et ne va se dérouler ni n'importe quand, ni n'importe où. A Bortheias, vous devriez aller trouver Finkus, le chef de la garde. Il a sûrement un ou deux membres de la secte au frais. Ils pourront vous renseigner sur les détails. Ensuite, je vous prêterai une petite troupe pour aller régler ça."
Il pinça les lèvres.
" Mais il n'y a nulle certitude qu'il s'agit de l'Hippogriffe. Je vais me renseigner dans mon cercle, pour savoir si quelqu'un de peu scrupuleux s'est vu proposer le cheval."
Il poussa un bref soupir.
" Cela dit, si c'était réellement l'Hippogriffe, vos chances de récupérer Reynald vivant sont peut-être un peu plus élevées. Il n'a aucune valeur pour le premier bandit venu, mais les adeptes de la Bête-Cheval ont toujours des projets intéressants pour les missionnaires fééruniens."

Quête : Equité.

Ne pas paniquer. Il en avait de bonnes...
La seule bonne nouvelle c'était qu'ils avaient réellement une chance que Reynald soit encore vivant. Elle regarda Goran d'un air sombre, se demandant ce qu'il entendait par "projet intéressant pour ses missionnaires fééruniens". Elle n'osait imaginer. Des missionnaires d'une autre foi entre les mains d'une secte... Elle s'apprêta à poser la question, puis hésita une seconde. Tybert était-il en état d'entendre une réponse trop... trop angoissante ? Cela allait-il lui faire perdre tous ses moyens, et l'espoir qu'il avait peut-être recommencé à ressentir ? Il savait peut-être déjà, après tout. Et elle-même, voulait-elle vraiment savoir ?
- Je ne suis pas sûre de vouloir des détails là-dessus, murmura-t-elle. Sauf si c'est utile à savoir pour le tirer de là. Enfin, si c'est bien eux.
Probable. Un nouveau étalon miel serait trop vite suspect, le voleur courrait de trop grands risques. Goran se renseignerait, de toute façon. La secte, en revanche... Il fallait faire vite. Tant pis pour son histoire de cérémonie codifiée, tout en elle hurlait qu'il y avait urgence. Pour Prince et pour Reynald.

Quête : Equité

Le Fier Coursier parut surpris par la question et jeta un regard aigu vers Tybert, puis revint à Astrée.
" Je ne pense pas que ce soit utile, non, finit-il par dire. Mais je vous conseille de vous mettre en route et d'essayer d'extirper ses secrets à l'un d'entre eux. Je pourrais vous adjoindre un homme ou deux mais je gage que Maedron est impliqué là-dedans et il saura s'en charger si vous n'êtes pas capables de vous salir les mains. Je vous ferai porter les informations que je récolte de mon côté. J'ai des hommes un peu partout et un cheval n'est pas aisé à dissimuler."

Quête : Equité

Astrée hocha sombrement la tête, et se leva.
- Allons-y, alors. Tybert ?
"Se salir les mains". Là par contre elle voyait parfaitement ce qu'il voulait dire. Et l'allusion à Maebron... Elle se souvenait des quelques répliques échangées par Maebron et Tybert. Elle frissonna. Elle ne savait absolument pas de quoi elle était capable elle-même. En temps ordinaire, cette simple perspective l'aurait horrifiée. Mais Reynald était en danger, Prince était en danger, elle se sentait brusquement capable... de tout. A des lieues de ses habitudes. Comme Tybert sans doute. Après, une fois confrontée à l'action... elle ne savait pas.

Quête : Equité

Ils retrouvèrent leurs chevaux sur la terrasse, remontèrent en selle et retraversèrent la forteresse, escaliers, grand hall, cour, puis portail. Dès qu'ils furent sur la route, ils prirent le galop. Tybert ralentit cependant à l'approche de la ville et se porta à la hauteur d'Astrée. De toute façon, le campement nomade les ralentirait de toute façon et ils se retrouvèrent rapidement coincés dans un enchevêtrement de vaches, de cavaliers et de chèvres hirsutes.
" Nous devons retourner voir Maedron en priorité, je pense, fit Tybert. Il aura peut-être des informations sur cette secte, lui aussi, sans compter que s'il a identifié le membre de son personnel qui nous a trahis, nous pourrions nous passer d'interroger un adepte..."
Il poussa un bref soupir.
" Je suis désolé que le Fier Coursier vous ait imposé ce qu'il entend vous imposer. Mais même s'il est de mauvaise compagnie, il ne vous fera pas de mal, croyez-moi, pour autant que vous le repoussiez clairement."

Quête : Equité

Astrée serra les dents, et ne parvint à répondre qu'un grognement étranglé. Le repousser clairement, oui bien sûr... mais s'il faisait semblant de ne pas comprendre ? En étant seule avec lui dans une demeure avec des centaines de personnes à son service à lui ? Bon, il avait des principes concernant les chevaux, peut-être en avait-il concernant la galanterie ? Elle soupira. Elle était quasiment certaine que les hommes de ce pays avaient moins d'égard pour les femmes que pour les chevaux. Mais ce n'était sans doute qu'un préjugé de sa part... Et puis mince, cet homme était sensé être un homme honorable et respecté dans la région, non ?
Elle aurait préféré que Tybert n'aborde pas ce sujet. Ne surtout pas penser à cette promesse stupide. Penser au reste... Reynald allait les maudire pour le deuxième point du contrat. Peut-être qu'il refuserait... Oh et puis peu importait du moment qu'il était vivant. Rien d'autre n'avait d'importance. Surtout pas ce dîner...
- Je me débrouillerai, fit-elle finalement, poings et dents serrées. Pour le moment on va se concentrer sur l'essentiel. Tirer Reynald de là. Et Prince.
Elle adressa au clerc un sourire qu'elle aurait voulu volontaire et assuré mais qui était surtout un peu trop crispé.

Quête : Equité

" Dites-vous que vous n'aurez pas à honorer votre part du contrat si nous ne les retrouverons pas l'un et l'autre... Et si Reynald est contraint à travailler pour Goran, il sera là pour veiller sur vous, au besoin."
Il leva les yeux vers les portes de Bortheias, qui n'étaient plus qu'à quelques toises, au delà de deux chariots à boeuf qui s'étaient embourbés dans la fange, et d'une petite troupe de soldats désorganisés.
" Et si Reynald est là, je serai là aussi."
Les deux chevaux gris entamèrent une manoeuvre audacieuse de contournement et, sur un geste à l'intention des gardes en faction, le clerc et la rôdeuse regagnèrent Bortheias.

Quête : Equité

Quittant les alentours de Montequine à la faveur d'un sortilège de téléportation, Astrée, Reynald et Byron surgirent brutalement dans la cour de la Forteresse, surprenant les cavaliers qui s'y entraînaient. Tout était comme Astrée s'en souvenait : une esplanade immense de terre sablonneuse où des cibles de tir à l'arc jouxtaient des quintaines, le tout encerclé d'une barrière de pieux. La forteresse en elle-même, construction de bois et de pierre d'allure martiale, se trouvait un peu plus loin, derrière de superbes portes de bois peint à dominance rouge.
" Aussitôt fredonné, aussitôt réalisé, s'exclama Reynald.
— Plus jamais !" glapit Byron en retour, avant de s'écarter d'un pas pour le moins incertain.

Astrée adressa un sourire compatissant à Byron.
" On s'y fait, tu verras..."
De toute façon ils n'auraient pas d'autre choix. Pas question de perdre des jours et des jours à marcher.

Elle regarda autour d'elle, un brin anxieuse des réactions que leur arrivée, surtout celle de Byron, allaient provoquer.
" Tu crois que je devrais faire réapparaître Prince, avant qu'ils ne se demandent où il est ? Ou ça risque de nous attirer encore plus de... curiosité ?", demanda-t-elle à Reynald.
Bah, c'était sans doute déjà trop tard... Elle aurait mieux fait d'y penser avant. Mais elle pouvait prétendre qu'il était resté avec Tybert.
" Quoique, le plus simple c'est sans doute qu'il réapparaisse demain"
Idéalement, en même temps que Tybert. On pouvait toujours rêver...

" Je pense que c'est un peu tard pour le matérialiser de nulle part." murmura Reynald.
Tous les regards étaient fixés sur eux, même si les capitaines des différentes groupes d'entraînement essayaient de récupérer l'attention de leurs troupes.
" A mon avis, Goran ne devrait pas tar..."
Les portes s'ouvrirent aussitôt pour laisser passer un petit équipage. Astrée reconnut rapidement le beau-frère de Reynald, monté sur son énorme étalon noir de jais. Il avait l'expression furieuse, qui ne changea en rien lorsqu'il aperçut la jeune femme, mais se modifia spectaculairement lorsque son regard tomba sur Byron. Dès qu'ils furent à proximité, le Fier Coursier démonta et, ignorant son beau frère, il courut jusqu'au centaure.
" Formidable ! s'exclama-t-il. Quelle beauté ! Quelle élégance ! Quel... modèle !"
Il sourit derrière sa moustache.
" Puis-je utiliser le terme modèle ou est-ce insultant ?" demanda-t-il à Reynald.
Celui-ci haussa les épaules avec une grimace.
" Tu peux, dit Byron, embarrassé. Ce n'est pas insultant.
— C'est un plaisir d'accueillir un maître de la plaine en ma modeste demeure. Mais suivez-moi, suivez-moi ! Allons nous mettre à l'aise !"

Bon. Elle ne s'était pas trompée en se disant que Goran serait honoré d'accueillir un centaure. Mais elle n'aurait pas cru le voir enthousiaste à ce point...
Alors, certes, Reynald aurait pu dire à Byron que ça ne se faisait pas de tutoyer le Fier coursier de Bortheias. Elle avait été tentée de lui dire, elle-même, juste avant de partir, mais elle avait estimé que ça n'était pas son rôle : Reynald savait normalement bien mieux qu'elle ce qui se faisait ou pas en présence de son beau-frère, enfin c'est ce qu'il lui semblait...
Bon, de toute façon, c'était trop tard, et apparemment Goran ne s'en était pas vraiment rendu compte. Ou alors il s'en moquait éperdument, venant d'un centaure. Et puis, il comprendrait sans doute, si on lui expliquait, que le tutoiement n'existait pas dans la langue de Byron.

Elle sourit à Byron, qui devait se demander où il venait d'atterrir et, sans doute, s'inquiéter de cet accueil quelque peu excessif. Un sourire aussi confiant et tranquille qu'elle le put. Elle commençait à se dire que finalement, le séjour ici en compagnie de Byron pourrait même s'avérer... presque agréable. Peut-être un peu épuisant nerveusement, tout de même. Mais Goran comprendrait, peut-être mieux que les autorités luméniennes, la nécessité absolue d'aider le peuple de Byron... et leur besoin de l'aide de Reynald. C'est donc finalement le coeur plutôt rasséréné qu'elle suivit le maître des lieux.

Goran les conduisit à l'intérieur de la Forteresse, abandonnant son étalon à la garde de l'un de ses hommes. Il s'engagea ensuite dans l'escalier monumental où Byron le suivit sans peine, tandis que Reynald et Astrée fermaient la marche.
" Les centaures sont très appréciés dans la Trouée, comme tu vas pouvoir le constater, murmura le Sorlyn à la jeune femme. Je me demande d'où viennent les gens de Montequine, originellement... Il doit y avoir quelques épisodes noirs dans leur histoire, pour les avoir menés à asservir leurs voisins..."
Parvenus en haut, Goran les invita à le suivre dans son petit salon. La table basse, devant laquelle il fallait s'asseoir à même le sol, convenait évidemment parfaitement bien à Byron qui, surpris, prit place à côté du maître des lieux. Reynald, par contre, paraissait hésiter.
" Assieds-toi avec nous. Cette fois." lui dit finalement son beau-frère avec un sourire ironique.
Le clerc fit la grimace et s'exécuta tandis qu'une femme leur servait du thé.

Astrée se demanda un instant si elle ne préférait pas l'autorité brutale de Sheldon à l'attitude ironique, voire méprisante, de Goran envers Reynald. Le pauvre devait vivre un enfer ici. C'était rude pour sa fierté... Bah, ça n'était pas si important. Il survivrait. Il l'avait dit lui-même. Il y avait bien pire...
Elle chassa rapidement de son esprit ces pensées un peu incongrues. Il valait mieux se concentrer sur l'instant présent.
Elle s'assit à coté de Reynald, sourit à Byron, et attendit en silence que le maître des lieux commence lui-même à boire son thé, en réfléchissant vaguement aux paroles de Reynald. Elle se demandait, elle aussi, depuis le début, comment les Montequins avaient pu en arriver là. Mais apparemment, ni les centaures, ni le détenu de la prison, n'avaient trouvé ça vraiment surprenant. Sans doute était-elle simplement trop naïve. Et puis, le passé n'avait plus vraiment d'importance en l'occurrence...

Goran invita ses hôtes à boire. Le thé était corsé, un peu salé, mais Byron sembla l'apprécier. Il parut même surpris. Goran, par contre, était très fier de lui-même.
" Vieille recette." fit-il avec une modestie feinte.
Reynald leva les yeux au ciel mais se récolta un regard noir qui le fit rapidement rentrer dans le rang.
" C'est très aimable de ta part." dit Byron.
Le Bortheian n'en sourit que davantage.
" Alors, dites-moi, que me vaut l'honneur de cette visite imprévue ?" demanda-t-il.
Le centaure jeta un oeil à Astrée, puis sourit doucement.
" Je dois me rendre à Luménis pour présenter une requête aux autorités humaines.
— Mais encore ?
— Nous avons quelques problèmes de... voisinage dans les hauteurs."
Goran se tourna vers Reynald.
" Luménis ? Vraiment ? Et tu imaginais aller t'y promener, sans doute ?"

Astrée n'eût pas le loisir de se demander longtemps si cet étrange thé était une recette centaure. Ça en avait l'air, à en juger par la réaction de Byron. C'était assez incroyable... Et en même temps, c'était formidable que la présence d'un centaure puisse amener Goran à de telles débauches d'amabilité.
Sauf que ça risquait de ne pas durer... La réaction de Goran à la mention de Luménis arracha une grimace intérieure à Astrée. Elle s'efforça de rester complètement impassible, en apparence du moins. Reynald avait dit qu'il voulait négocier ça lui-même, elle n'avait pas à s'en mêler, même si elle en avait très envie. Après tout, elle connaissait mieux le sujet que Reynald. Mais avec un peu de chance, Goran n'oserait pas contrarier une demande émanant d'un centaure... Enfin, si Byron insistait un peu dans ce sens, ce qui n'était pas certain. Quoiqu'il en soit, elle avait le sentiment que rien de ce qu'elle pourrait dire n'aurait la moindre importance, que ça pourrait même être néfaste. Et pour être honnête avec elle-même, garder le silence lui convenait on ne peut mieux. Elle n'était pas sûre de savoir trouver les mots. Mieux valait n'intervenir que si on le lui demandait.

" Pouvons-nous aborder cette question en privé ?" demanda Reynald, avec un sourire contraint.
Son beau-frère l'observa un moment puis grimaça.
" Très bien. Mais je sais très bien que tu ne peux pas te balader plusieurs fois par jour. Je t'attends donc dans la grande salle d'ici... une demi-heure. Tu ferais mieux d'aller te préparer. Va donc installer ta belle dans tes appartements. Je vais rester m'entretenir avec notre ami."
Byron dévisagea le Sorlyn, mais celui-ci acquiesça, rassurant, et se leva.
" Viens, Astrée."

La Couronne de Cuivre

[Quête] La Forteresse du Fier Coursier

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