La Couronne de Cuivre

Quête : Equité (suite)

Quittant Bortheias sur leurs ânes vigoureux, Reynald et Astrée cheminaient dans les collines. Le soleil avait vaincu les nuages printaniers et caressait un décor enchanteur de prés et de vallons fleuris, déployant corolles et couleurs sous leurs yeux voyageurs. La route était peu fréquentée, ils croisaient de temps en temps une charrette, quelques cavaliers, ou une petite caravane, on se saluait puis on poursuivait son chemin. Il faut dire que la piste ne menait nulle part sinon vers les montagnes et les petits hameaux qui y étaient disséminés. Aucune grande bourgade n'existait dans cette direction et il fallait contourner les Pics pour gagner la Vallée du Nirvana ou la Lorien.
Reynald était d'excellente humeur, menant bon train, puis s'immobilisant pour montrer à Astrée une curiosité du paysage : arbre millénaire, petit château en ruines, cercle de pierres mystérieux. De la même manière, il l'interrogeait de temps en temps sur un oiseau, un papillon ou une fleur qui attirait son regard. Le fond de l'air était tiède. La nature superbe. Il faisait bon errer.

Quête : Equité

Ils avaient tout leur temps. Oh, bien sûr, elle avait une destination à atteindre, un arbre mythique à trouver. Mais... ce serait pour plus tard. Pour l'heure, tout ce qui comptait c'était le plaisir de cheminer en sa compagnie.
Elle écoutait de toutes ses oreilles toutes les petites anecdotes qu'il racontait. Elle avait oublié à quel point c'était agréable de voyager auprès de quelqu'un qui avait tant de connaissances à partager... Il savait tant de choses sur tout ! De son côté, elle faisait de son mieux pour répondre à ses interrogations sur les fleurs ou les oiseaux, mais il racontait tellement mieux qu'elle... Bon, c'est peut-être juste parce qu'elle adorait le son de sa voix. Encouragée par ses questions, elle s'efforça néanmoins de lui montrer à son tour les curiosités naturelles qu'il n'aurait pas remarquées, un nid de mésanges aménagé dans un tronc creux, l'entrée d'un terrier cachée derrière une souche, lui narrant au passage les moeurs de certaines espèces. C'était la saison des amours partout dans la nature, et elle se sentait parfaitement au diapason de tous ces couples de toute espèce qu'ils apercevaient ou devinaient. Le simple fait de sentir sa présence tout près d'elle lui gonflait le coeur d'une douce euphorie, et tout était prétexte à une caresse ou un léger baiser volé. Elle rêvait que ce voyage dure éternellement....

Ils galopèrent dans la broussaille puis finirent par dénicher une petite rivière qu'ils remontèrent un moment, jusqu'à un ensemble de bassins creusés dans la roche. L'eau était absolument glaciale, mais bêtes et humains purent étancher leur soif.
" Voici la Cabriole, le jus bondissant favori de Tybert. Recueillons-nous un instant et imprégnons-nous de l'endroit." commença le clerc, les yeux clos.
Il les rouvrit ensuite.
" Bon, on avait dit qu'on se laverait, il me semble, mais elle est drôlement glacée. Encore une trace de la malédiction d'Eldath. Je propose, après mûre réflexion, que nous gardions nos ablutions pour l'Auberge des Marais. Mais tu es une femme de la campagne et peut-être as-tu besoin de te tremper dans une onde de ce genre pour... éclaircir tes pensées — ce que je ne souhaite pas, ou pour... raffermir ta douce peau*—*ce qui n'est sûrement pas nécessaire..."

Quête : Equité

Astrée rit.
- J'ai au moins un point commun avec Tybert, j'adore les torrents des montagnes... Et puis l'endroit est vraiment magnifique, alors je ne vais pas me laisser arrêter par de l'eau un peu trop glacée. Un brin de toilette me rafraîchira un peu. La peau et les idées... ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.
Elle se sentait vaguement somnolente après toutes ces nuits sans sommeil. Et puis, il fallait bien assumer sa réputation de femme des montagnes non ? Alors, à demi pour se réveiller, à demi par pure provocation, elle attrapa son savon quelque part dans le fond de son sac, ôta ses chaussures, s'avança avec un frisson dans l'eau glacée, et fit rapidement passer par-dessus tête manteau et tunique, qu'elle lança sur la berge avant de se savonner rapidement le torse et le visage. Puis, juste par défi, pour lui prouver qu'elle n'avait pas peur du froid, elle ôta le reste de ses vêtements et se jeta dans l'eau. Pas plus de deux secondes et sans parvenir à y plonger la tête. Elle était vraiment trop glacée.
Elle sortit avec une grimace victorieuse, jaugeant malicieusement l'effet qu'elle lui faisait, avant d'avouer, entre deux claquements de dents en se mettant en quête d'une serviette de toilette :
- Tu avais raison. Vraiment trop froid.

Et Reynald avait l'air absolument ébahi, pour la peine. Etait-ce à l'idée qu'elle ait plongé dans l'eau glacée ou à la vision de son corps nu ruisselant sous le soleil, difficile à dire... Il chercha une serviette d'une main maladroite puis se porta à sa rencontre, demeurant néanmoins sagement sur la berge.
" Viens donc ici que je te réchauffe, belle naïade..." dit-il en écartant les bras.
De plus près, il était manifeste que derrière son souci sincère de ne pas la voir prendre froid, il la dévorait des yeux. Elle en eut la confirmation lorsqu'il l'enveloppa dans l'étoffe sèche, la serrant au passage dans ses bras. Il posa un baiser sur sa nuque, puis dans le creux de sa gorge, enfin sur ses lèvres, tandis que son désir épanoui lui pressait le ventre, impatient.

Quête : Equité

Astrée se blottit avec délices dans la serviette, et surtout dans ses bras... Elle répondit avec fougue à son baiser, une lueur malicieuse dans le regard, ravie de l'effet produit. Et puis, elle était véritablement frigorifiée...
- Je suis sûre que tu sauras me réchauffer de façon extrêmement efficace, souffla-t-elle à son oreille avant de l'embrasser à nouveau, d'un long baiser voluptueux qui semblait ne jamais devoir s'arrêter. Elle avait déjà beaucoup moins froid.
Elle l'entraîna doucement vers un coin de sol moins rocailleux, plus herbeux. Plus confortable...

hrp : à ton tour d'ellipser

hrp : éllipser ? Oo Mais pourquoi voudrais-je faire une chose pareille ? o

Un peu plus tard, ils étaient allongés dans l'herbe rase, le soleil caressant leur peau nue de ses rayons timides.
" Heureusement que je sais soigner n'importe quelle maladie d'un petit trémolo... remarqua Reynald en laissant son doigt courir le long de son dos, épousant la forme de chaque vertèbre une à une. Aller nager dans les torrents... Je parie que tu fais ça en hiver aussi, puis que tu te roules dans la neige... Les gens font ça dans les Vaux, parait-il... Ensuite, ils vont boire de l'alcool et chanter toute la nuit... et le lendemain, tout le monde au temple pour chasser la fièvre..."

Quête : Equité

Astrée rit, et avoua avec un peu plus de sérieux.
"Non, je ne me roule pas dans la neige l'hiver, et je ne plonge pas dans les torrents trop glacés... Mais pour une fois que j'ai un clerc à disposition, pourquoi me priver ? C'est très bon pour la peau paraît-il. Et pour le tonus... Et puis, ton regard quand je suis sortie valait largement l'effort", ajouta-t-elle malicieusement, déposant un baiser léger sur ses lèvres.
"Et je peux désormais attester de tes exceptionnelles capacités à réchauffer une demoiselle frigorifiée..."
Elle se blottit un moment contre lui, un sourire heureux aux lèvres, observant entre ses paupières mi-close la course du soleil dans le ciel. Tout de même, il faisait froid, aussi se redressa-t-elle assez rapidement pour chercher du regard ses vêtements jetés au petit bonheur la chance. Inutile de prendre froid, même avec un prêtre tout disposé à la soigner.

Reynald s'assit sur leur lit d'herbe et tendit le bras pour récupérer leurs vêtements. Il se rhabilla à regrets, interrompant sans cesse la jeune femme dans son activité pour poser un baiser à différents endroits de son anatomie avant qu'elle ne les couvre. Elle parvint néanmoins à se défaire de ses attentions et ils remontèrent en selle. Ils reprirent un petit galop d'abord silencieux, puis le Sorlyn ne put s'empêcher de reprendre son activité favorite : le bavardage. Les collines demeuraient verdoyantes, quelques fermes cossues apparurent, des dizaines de brebis et d'agneaux constellèrent les prairies, et les nuages refirent leur apparition. Reynald tenta de contrer la grisaille par des chansons improvisées, sans réel succès puisqu'il se mit à pleuvoir en fin de journée. Heureusement, les ânes avaient de l'énergie en ce premier jour de vagabondage et ils reprirent une vive allure pour les mener jusqu'à Pré-aux-Joncs. C'était une petite bourgade de maisons basses, de pierre grise, organisée autour d'une place circulaire où glougloutait une fontaine. L'Auberge des Marais en occupait l'un des côtés, bâtisse typique, un peu plus haute que ses voisines, et ils mirent pied à terre sous les prémices d'un orage. Confiant leurs montures à un palefrenier, ils gagnèrent l'intérieur et la petite salle commune où le Sorlyn l'invita à s'asseoir tandis qu'il allait organiser leur nuit.

Astrée chercha du regard, par habitude, une table discrète dans un coin de la salle commune. Un endroit où on ne la remarquerait pas.
Elle se sentait mieux ici, dans un minuscule village de bergers, que dans une ville comme Bortheias, ou, pire, Luménis. C'était juste quelques maisons autour d'une petite place avec une fontaine, guère plus grand finalement que le hameau auquel elle allait se ravitailler lorsqu'elle vivait dans son abri des montagnes de fer. Le genre de bourgade où elle se sentait généralement à sa place.
Elle posa un regard curieux sur ce qui l'entourait, cherchant à s'imprégner de l'atmosphère des lieux, attendant avec une légère impatience le retour de Reynald.

Le clerc revint peu après, manifestement satisfait. Comme il l'avait anticipé, l'Auberge était à moitié déserte et ils disposaient désormais d'une grande chambre où ils pourraient passer la nuit blottis l'un contre l'autre dans la plus parfaite félicité. Il ne leur restait plus qu'à commander un bon repas puis à se replier dans les hauteurs. Le Sorlyn avait l'intention de prendre un bon bain chaud mais c'était son seul projet de la soirée. S'il était éventuellement prêt à jouer pour la rôdeuse, il avait l'intention d'être en vacances jusqu'à son retour à Bortheias. La mention de cette perspective assombrit un peu son humeur mais il trouva à se changer les idées en leur commandant du vin puis de la truite, comme promis. D'autres voyageurs s'étaient installés dans la petite salle, surtout des gens du coin, bergers et colporteurs, ainsi qu'un trio de nains bavards qui buvaient de la bière en riant.
" Plus nous monterons vers le nord, et moins les auberges seront peuplées... Les derniers villages ne présentent généralement qu'une pension... parfois rien du tout. Les gens élèvent généralement des vaches ou des moutons, font du fromage, vendent de la laine ou de la viande. Ils ne sont pas toujours très accueillants, surtout là où tu te rends, mais c'est question de savoir les prendre..."

Quête : Equité

Astrée sentit la tristesse du Sorlyn à l'idée de son retour à Bortheias, et lui prit doucement la main lorsqu'il aborda le sujet. Elle n'avait pas envie d'y songer à l'avance. La séparation viendrait, c'était inévitable. Elle refusait même d'envisager qu'il puisse en être autrement, de s'octroyer le moindre espoir à ce sujet. Il avait sa vie, une vie dont elle ne pouvait faire partie. C'était ainsi, elle le savait depuis le départ. Son coeur se serra un instant, à l'unisson de l'humeur de son compagnon. Mieux valait ne pas y penser. Profiter juste du moment présent.
La diversion du repas fut bienvenue pour changer leur humeur. La truite était effectivement délicieuse, le vin était bon même s'il ne valait pas celui de Maedron.
Elle hocha la tête à sa dernière remarque.
- J'ai l'habitude, c'est souvent le cas en montagne. Des gens un peu rudes... Là où je vis, je fais un peu de troc avec eux, il m'a fallu un peu de temps pour me faire accepter, mais une fois qu'ils connaissent...
Elle grimaça.
- Bien sûr, ici, ils ne me connaîtront pas, mais ce n'est pas grave.
Elle lui sourit, et changea complètement de sujet, caressant doucement sa main.
- Tu sais ce qui va le plus me manquer ce soir, et les soirs à venir ? C'est tes chansons au coin du feu... Ça avait certains avantages, de camper au milieu de nulle part...

Quête : Equité

Il sourit.
" Nous camperons en pleine nature si le temps nous le permet, Astrée, je te le promets. Mais ça fait un certain que je ne suis plus venu dans cette région et je connais moins bien les petits cabanons et les vieilles ruines potentielles que dans le coeur de la Trouée. Au pire, nous nous arrêterons sous un arbre et je te chanterai des chansons en pleine journée, faisant fuir tous les oiseaux !"
Il se pencha vers elle et l'embrassa doucement sur les lèvres.
" Mais si tu veux, je te chanterai une berceuse ce soir... Ou un hymne à l'amour... quelque chose qui se murmure dans la pénombre..."

Quelque chose qui se murmure dans la pénombre...
- Oui, je veux bien, murmura-t-elle en lui retournant à son tour un léger baiser. Je sens que je vais adorer ta chanson...
Elle eut un sourire lumineux, laissant le bonheur briller dans ses yeux. Se refusant à songer qu'ensuite il ne resterait plus que huit jours.
Elle poursuivit son repas un moment en silence, incapable de détacher ses yeux de son regard clair. Incapable non plus de résister à l'envie de frôler une main, un bras, chaque fois que l'occasion se présentait.

Ils ne s'attardèrent pas très longtemps dans la salle commune et Reynald la guida vers l'étage et, en bout de couloir, leur chambre. C'était une pièce vaste qui sentait bon le propre, avec un énorme bouquet de fleurs des champs sur la table, et un lit gigantesque aux draps immaculés, un peu intimidant. Le clerc retira ses bottes avant de s'y asseoir, puis se releva aussitôt en inspectant le couvre-lit.
" Pas le choix, il va falloir qu'on se déshabille intégralement si on ne veut rien salir... Mais j'avais l'intention de prendre un bain... et je vais prendre un bain..."
Il eut un sourire mutin puis s'éclipsa, abandonnant Astrée en solitaire dans la grande pièce.

Astrée sourit, amusée, en se laissant tomber à son tour sur le lit après avoir négligemment posé son sac et son manteau dans un coin de la pièce.
Le moelleux du matelas lui fit subitement réaliser à quel point elle était moulue de fatigue. Ses jambes n'aspiraient qu'à s'allonger, sa tête qu'à se poser sur l'oreiller. Dormir... Elle n'avait pas pu le faire depuis une éternité lui semblait-il. Elle s'allongea quelques instants sur les couvertures, respirant avec délices l'odeur des fleurs coupées, le parfum des draps propres. Se demandant vaguement quelle impulsion lui avait fait réclamer une chanson... et aussi comment Reynald faisait pour ne pas être aussi épuisé qu'elle.
Il n'allait du reste pas tarder à revenir. Mais elle n'avait même pas le courage de se déshabiller en l'attendant. Elle se contenta de bailler, de s'étirer, et de nouer ses mains derrière sa nuque, attendant paisiblement son retour. Avec toujours ce sourire heureux qui ne la quittait plus...

Reynald reparut assez rapidement, propre et tranquille, emmitouflé dans une serviette qu'il abandonna en découvrant la rôdeuse sur la lit. Manquant totalement de pudeur, il s'installa à côté d'elle et commença à délacer sa tunique en fredonnant une berceuse universelle.
" Quand on est fatigué, il faut aller se coucher, demoiselle... Les petits lutins ne vont pas venir faire le boulot à ta place..." fit-il.
Lui-même n'était pas très efficace, rapidement distrait par chaque fragment de peau qu'il découvrait.
" Bon, je ne peux pas jouer du luth dans cette chambre, tous les voisins vont m'entendre..."
Il dénoua le lien de ses chausses, glissa la main à l'intérieur, entreprenante.
" Ce sera une chanson sur la nuit... La nuit qu'on dit sombre et maléfique, mais qui peut-être sombre... et douce..."

Quête : Equité

Astrée sentit sa respiration s'accélérer lorsqu'il commença à délacer ses chausses, son coeur battre plus fort, et tout son corps se tendre vers lui, vers ses caresses, vers cette main qui savait si bien mettre ses sens en émoi.
- Avec toi, elle ne peut être que douce... et merveilleusement tendre, répondit-elle d'une voix rendue un peu rauque en achevant d'ôter ses vêtements.
Elle n'avait plus sommeil. Elle l'embrassa avec douceur, puis plus fébrilement, puis laissa ses lèvres descendre sur son cou, le long de son torse, descendant encore...
- Alors... cette chanson ? murmura-t-elle malicieusement en sentant la fièvre monter en lui.

" Il est des moments où... même... le chanteur... le plus accompli... est... sans voix !"
Son souffle s'était accéléré et il lâcha un gémissement explicite avant de l'attraper par les épaules pour la remonter à sa hauteur et l'embrasser.
" Il va falloir choisir entre le chant de la voix, et le chant du corps, ma douce... On dit cependant que l'inspiration qui suit la petite mort permet parfois d'atteindre une perfection quasi-divine dans la composition..."

Astrée eut un sourire malicieux.
- Ça, si je traduis bien... ça veut dire que tu choisis de commencer d'abord par le chant des corps... murmura-t-elle en laissant ses mains courir le long de son corps, les glissant là où elle savait lui faire perdre tout contrôle de lui-même.
Elle l'embrassa à nouveau, fébrilement. Passionnément. Savourant la fièvre qu'elle lisait dans ses yeux, puis perdant le fil de toute pensée, laissant son corps agir, vibrer, s'enflammer...

Ils finirent par retomber, l'un et l'autre, souffle court et noyés de sueur, sur un lit toujours fait. La bougie était minuscule et l'obscurité proche.
" Ma chanson... va s'appeler... Ode au Corps de la Rôdeuse... Mais je crois que je vais la composer dans mon sommeil, peut-être... Je la chanterai quand tu dors... C'est une... une chanson grivoise, voilà... Tes oreilles éveillées ne peuvent l'entendre, cela te choquerait car... car tu es si douce, si naïve... innocente comme la petite pâquerette délicate qui ouvre sa corolle aux premières lueurs du jour mais... Il ne faudrait pas la froisser, vois-tu ? Tandis qu'assoupie, détendue..."
Sa main traça des cercles langoureux sur sa poitrine, autour de ses seins, sur son ventre...
" Mes paroles iraient chercher ton coeur... sans brusquer ton esprit... sans effaroucher la morale... sans scandaliser la décence..."
Ses doigts descendirent plus bas, sa paume s'immobilisa doucement entre ses jambes.
" Les dieux sont bien cruels de te mener à moi si tard... Dire que j'ai vécu toutes ces années sans avoir pu contempler cette radieuse apparition... Comme une nuit perpétuelle dont je n'étais même pas conscient."

Quête : Equité

Il avait une voix douce et tendre, chaude, envoûtante. Et savait si bien, aussi, trouver les mots qui la faisaient rougir. Elle ne se laissait pas de l'écouter parler, souriant de la poésie qu'il mettait dans chacune de ses phrases.
Certes, le descriptif ne correspondait pas vraiment.... Naïve, elle ? Peut-être, parfois... Innocente, pas vraiment... Quant à la décence ou à la morale... Mais un poète sait toujours trouver les mots qui détournent la réalité pour la rendre plus belle. Elle admirait la facilité avec laquelle ceux-ci lui venaient, coulant sans effort, légers et pourtant graves. Elle aurait voulu trouver des mots aussi beaux pour lui répondre, pour alléger les regrets qu'elle devinait, peut-être. Mais sur lesquels elle ne voulait pas s'attarder. Pour ne pas gâcher la beauté de l'instant.
- L'essentiel est que cette nuit ait pris fin... murmura-t-elle doucement. Que le destin nous aie fait ce cadeau.
A défaut de mots, elle savait les gestes, doux et tendres, qui parleraient à son corps, à son âme aussi peut-être, de douceur et d'amour. Elle l'embrassa avec tendresse, caressant doucement son torse, écartant avec un sourire une mèche de cheveux roux qui lui cachaient les yeux avant de poser à nouveau ses lèvres sur les siennes. Elle se sentait infiniment bien dans ses bras. La bougie allait s'éteindre, la nuit les couvrir d'un voile de pudeur. Elle allait rêver de ses poèmes... Et refuser de songer à plus tard.

Reynald finit quand même par chanter, à mi-voix, une chanson dans une langue étrange, qu'Astrée n'avait jamais entendue. La mélodie avait quelque chose d'hypnotique, comme un envoûtement ancien, peut-être une prière à une vieille divinité, ou une berceuse issue de temps révolus. Il avait pris appui sur un coude et il psalmodia doucement, les yeux fermés, en lui caressant le front du bout des doigts, dessinant des arabesques sur ses tempes, ses joues, dans ses cheveux. Et Astrée s'endormit, tout simplement.
Elle s'éveilla un peu avant l'aube, sous les couvertures, la tête reposant au creux de l'épaule du clerc, qui dormait profondément. Elle perçut les bruits de l'auberge en dessous d'elle, encore ténus, quelqu'un qui marchait dans le couloir, une odeur de pain chaud s'immisçant entre les lattes du plancher. Un oiseau chantait à tue-tête sur la corniche.

Quête : Equité

Astrée ne bougea pas d'un pouce, savourant la quiétude du moment. Elle était si bien dans ses bras. Elle se souvenait de l'étrange berceuse qu'il avait chantée, si douce, si belle. De la fièvre qui avait précédé. De son regard. De la journée merveilleuse qu'ils avaient passée.
Elle leva un regard attendri vers Reynald. "Bonjour, mon amour", formèrent ses lèvres, sans les prononcer. Mots presque incongrus... C'était Kasumi qu'elle appelait "mon amour". Kasumi qu'elle aimait, non ? Et pourtant, elle aimait aussi Reynald. Et au lieu d'en ressentir de la culpabilité, le seul sentiment qui lui venait était qu'elle avait un coeur bien assez grand pour les aimer pleinement tous les deux. Mais qui donc pourrait comprendre, admettre, une chose pareille ?

Elle soupira. Elle était en train de tomber amoureuse, réellement amoureuse. De trop s'attacher à une histoire impossible, à une histoire perdue d'avance. Elle savait qu'il n'y avait pas d'avenir à tout ça. N'avait-elle pas eu tort de se lancer à coeur perdu là-dedans ? Elle allait trop souffrir lorsqu'ils devraient se séparer...
Mais à l'opposé... Devait-on refuser de vivre pour ne pas souffrir ? Sacrifier un moment de bonheur pour éviter un moment de souffrance ?
Non, décidément, elle ne parvenait pas à regretter. Bien au contraire. On doit toujours suivre son coeur. Elle se sentait incroyablement... vivante.
Elle leva à nouveau les yeux vers lui, sourit. Ces moments de bonheur seraient bien trop courts pour les gâcher par des questionnements stériles. Elle bougea légèrement, tendit la main pour effleurer ses cheveux, son visage.

Il s'éveilla rapidement et lui jeta un regard ensommeillé assorti d'un calme sourire. Il paraissait n'avoir aucune envie de se lever et tendit la main pour la saisir derrière la nuque et lui voler un baiser.
" Nous devons nous mettre en route... Je ne veux pas devoir t'abandonner avant d'avoir atteint les Etourneaux." murmura-t-il doucement.
Etouffant un bâillement dans la paume de sa main, il se redressa sur un coude.
" Il y a quelques zones escarpées qui nous prendront plus de temps... surtout si elles sont encombrées... Mais ce soir, nous pourrons camper dans une petite grotte, si cela te tente..."

Quête : Equité

- Une petite grotte... Juste tous les deux au coin du feu, avec ton luth... Ce serait merveilleux.
Elle en avait les yeux qui brillaient d'avance.
- Un peu moins confortable, peut-être, mais ce n'est pas ce qui va m'arrêter !

Elle n'avait pas envie de s'arracher à ses bras. Mais il n'avait pas tort, il fallait qu'ils se mettent en route.
Elle lui vola un dernier baiser, léger. Puis ne résista pas à l'envie d'un autre, un peu plus tendre. Et enfin, à regret, elle se redressa, repoussant les couvertures qu'il avait si délicatement posées sur eux cette nuit, pour attraper ses vêtements.

Ils déjeunèrent rapidement et Reynald négocia quelques provisions avec l'aubergiste avant qu'ils ne reprennent leur route. Le ciel avait pris une teinte bleue des plus agréables, le soleil gagnait en vigueur, les oiseaux rivalisaient d'ardeur et pourchassaient les papillons. Les ânes avaient bien profité de la nuit et ils s'élancèrent au trot sur la route de terre, plus claire au fur et à mesure qu'elle séchait. Le terrain s'élevait peu à peu, Astrée pouvait deviner les courbes de leur chemin à l'horizon, s'incurvant vers l'est. Reynald lui expliqua qu'ils suivaient une trajectoire presque parallèle à la route qui se rendait, contournant la pointe orientale du massif montagneux, jusqu'à Loth Imharil, à travers la forêt de la Lorien. Il lui conseilla de prendre le temps, un jour, de rallier cette cité elfique fantastique, idéalement en compagnie d'un elfe. En effet, ces derniers n'étaient pas très accueillants et il était plus facile d'obtenir un laisser-passer pour y entrer si on était recommandé par l'un d'entre eux. Cependant, le clerc estimait qu'une rôdeuse, même montagnarde, ne pourrait que s'extasier devant la beauté de la Lorien, de ses arbres et de ses clairières.
" Je ne sais combien de temps te prendra ta quête, disait-il, tandis qu'ils traversaient un champ de blé sauvage, pique-niquant en selle, Prince l'abeille butinant dans leur sillage. Mais Loth Imharil est encore relativement loin et on ne circule pas aisément dans la Lorien, hors des quelques routes. Sans compter que tu voudras sans doute t'arrêter pour chaque licorne, chaque nymphe et chaque ourson poilu que tu rencontreras..."

Astrée rit doucement.
- Tu exagères ! Bon, enfin, peut-être pas tant que ça au fond... Mais tu as raison, j'aimerais beaucoup voir un jour loth Imaril. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir de cité elfique. Mais je n'aurai sans doute pas le temps d'y aller cette fois-ci, si je dois être de retour à l'équinoxe chez ton beau-frère. Et puis, comme tu le dis, il faut être accompagné d'un elfe, et je n'en connais pas tant que ça. Il me faudrait l'appui de Dymphéa, si je la trouve et si la situation s'y prête. Ou peut-être espérer que mon amie herboriste m'y amène un jour, c'est la seule elfe que je connaisse un tant soit peu. Il y avait bien Taliesin, ou Arya, qui furent des compagnons d'aventure, mais ils semblent avoir quitté Luménis.
Elle grimaça.
- Comment as-tu eu l'occasion d'y aller, toi ?

" Dymphéa n'est pas une elfe, dit-il alors, avant de s'empourprer. Mais, heu..."
Il s'éclaircit la gorge.
" C'est comique que tu mentionnes un Taliesin. J'en ai connu un, moi aussi. Un barde avec un tempérament... pour le moins orageux. Avec un enfant troublé. Et une rôdeuse. Galathée. Voilà, elle s'appelait Galathée. Ah, Fumeterre, endroit maudit s'il en est, il est des souvenirs dont on préférerait se passer... Je me demande ce qu'ils sont devenus. S'il a survécu, déjà... Il était au bout de lui-même, comme cela arrive rarement chez les elfes... Mais elle l'aimait. L'amour fait des miracles, parfois..."

Astrée haussa les sourcils à la mention de Dymphéa, surtout lorsqu'elle le vit rougir. Il faudrait qu'elle creuse la question... Sauf si c'était directement lié à cet arbre mythique, peut-être. Bah, elle éclaircirait ça plus tard.
Elle ouvrit des yeux ronds d'étonnement en l'entendant parler de Taliesin.
- C'est bien le même Taliesin. Il était toujours avec Galathée,mais je n'ai pas eu l'occasion de la rencontrer. L'enfant non plus, d'ailleurs. Et il n'était pas si orageux, ni détruit comme tu le dis, même si on le sentait parfois troublé encore. J'imagine qu'il avait retrouvé le goût de vivre après quelque chose de difficile. En tout cas, il faisait partie de l'expédition que j'ai guidée, le petit groupe qui devait secourir Albérich. Mais il semble avoir quitté Luménis avec sa compagne et sa famille, juste après.

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[Quête] Dans les contreforts des Pics des Orcs

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