La Couronne de Cuivre

Un temple à la façade plus dépouillée que les autres. Ici, on dit que le plus important n'est pas dans l'habillement ou la décoration. Tout réside dans les actes. Et tous ceux qu'offrent les Ilmates sont à direction des autres. Ils soignent les maux de l'âme et du corps, aident les enfants à naître et accompagnent les derniers instants des mourants. Leurs soins sont gratuits et efficaces. Tout ce qu'ils gagnent est le fruit de donation. Et elles sont nombreuses. Les plus démunis offrent parfois des poules, parfois un seul sourire. Les plus riches vont jusqu'aux ex-voto. Mais la charité prime par dessus tout.

Les abords du temple sont habituellement très fréquentés par une foule hétéroclite. Et les grandes portes sont ouvertes à toute heure de la journée et de la nuit.

Quête : œil pour œil

Le patient - la trentaine environ mais guère davantage en tous cas - était une énigme vivante : il était entouré de mystères à commencer par les circonstances de son arrivée. On l'avait tout simplement retrouvé seul et inconscient devant le temple, trois nuits plus tôt. Cela n'avait rien de très inhabituel en soi mais il était rare que les indigents ainsi abandonnés à la bienveillance du "Dieu qui pleure" portent des vêtements d'une telle qualité. Ses symptômes laissaient les prêtres encore plus dubitatifs : l'homme semblait aveugle, incapable de distinguer le moindre objet mais il semblait que la moindre lumière le blessa à tel point qu'il avait vite été nécessaire de lui bander les yeux pour le soulager, même dans son sommeil. Son état psychologique n'était guère plus enviable : les rares fois où il reprenait conscience suffisamment longtemps pour marmonner quelques mots, il semblait ne se souvenir de rien, pas même son nom. En dehors de cela, il affichait un état de faiblesse générale pouvant en partie s'expliquer par de nombreuses brûlures récentes reçues au torse et aux bras.

On l'avait soigné du mieux que l'on pouvait jusque-là mais il restait un mystère plein et entier : personne ne semblait même avoir signalé la disparition de quelqu'un correspondant à son signalement.

Quête : oeil pour oeil

Angèle gagna le temple Ilmate. Au dessus, de gros nuages gris avaient colonisé le ciel. Il n'allait pas tarder à pleuvoir. Le jour de soleil était loin, déjà. Elle poussa les humbles portes du dieu qui pleure. Quel patient devait-elle visiter ? La situation était étrange. Elle se sentait empruntée dans un rôle qui ne lui correspondait pas. Elle n'avait pas l'habitude de visiter les patients.

Elle avança en quête d'un des prêtres soignants.

Quête : œil pour œil

La chapelle n'était pas suffisamment vaste et l'heure était suffisamment matinale pour qu'une entrée ne passe pas inaperçue. D'autant qu'Angèle - quoiqu'elle puisse sans doute en penser - était une femme qui attirait aisément les regards. Un homme portant l'aube grise toute simple le désignant à coup sûr comme étant un prêtre du dieu qui pleure s'approcha immédiatement d'elle. Quand il fut à quelques pas seulement, la paladine put noter qu'il portait un étrange tatouage sous l'œil gauche : il représentait une larme, grise elle aussi. Il s'adressa à elle d'un ton doux :

- Bonjour. Puis-je vous aider, dame ?

Quête : œil pour œil

Ce ton doux, toujours cette tranquillité. La même que chez une certaine Tempérance qui l'avait sorti d'un sommeil dans lequel elle se perdait. Elle se demanda ce qu'elle était devenue. Peut-être avait-elle franchi elle aussi les portes de Manost. Mais ce n'était pas le sujet qui l'occupait à présent. Elle répondit sur le même ton au clerc, un rien inquiète cependant.

"Je suis envoyée par Sambre d'Estaing pour rendre visite à l'un de vos patients."

Clair et précis en manque cruel de sommeil et de thé. Elle s'étonnait presque.

Le visage du prêtre s'éclaira de compréhension et hocha la tête avant de répondre d'un ton un peu plus grave :

- Nous vous attendions. Quoique nous ne nous attendions pas à ce que le temple de Tyr réagisse aussi vite avec le peu d'information que nous avons pu livrer. J'imagine que Sambre d'Estaing ne vous a pas fait part de beaucoup de détails ? Je suis le frère Dupreux. Mais vous pouvez m'appeler Gontrand si vous le souhaitez.

"Non, j'avoue que je ne sais pas grand chose. A vrai dire, je n'ai eu que son message me demandant de venir jusqu'ici."

Elle n'ajouta pas qu'elle n'avait pas oublié de mettre ses bottes. Et que la facétie du messager lui avait presque fait oublier l'aridité totale des mots de la grande prêtresse.

"Qui est donc ce patient qui nécessite notre aide ?"

Elle n'avait pas vraiment l'habitude d'appeler les gens par leur prénom, hormis ses proches. Mais puisque le clerc lui en offrait la possibilité, elle lui donnerait la réciproque.

[color="#c4d7e"]"Vous pouvez m'appeler Angèle."[/color]

L'Ilmate lui adressa un sourire bienveillant. L'homme grisonnant semblait être quelqu'un de chaleureux. Il était difficile de lui donner un âge avec précision d'autant que son existence n'avait sans doute pas été exempte de souffrances mais Angèle pouvait estimer qu'il avait l'âge qu'aurait son père.

- Enchanté, Angèle. J'aimerais pouvoir répondre à votre question mais le mystère sur l'identité de notre patient reste entier. Le seul détail qui ait attiré notre attention est le symbole de la balance qu'il a dessiné sur un parchemin dans un moment de transe. Mais je manque à tous mes devoirs : veuillez me suivre, s'il vous plait. Je peux peut-être vous servir un rafraichissement ou une boisson chaude au contraire ? Nous pourrons ainsi discuter au calme.

Quête : oeil pour oeil

Ainsi, c'était donc le patient amnésique dont avait parlé Louison. Il avait dessiné une balance sur un parchemin. Peut-être était-il effectivement tyrite. Mais peut-être pas ... La balance pouvait avoir bon nombre de significations. Angèle commençait à douter de sa capacité à apporter son aide. Elle ne laissa cependant rien paraître. Du moins attendrait-elle d'en apprendre un peu plus.

"Je voudrais bien un thé s'il vous plait.", demanda-t-elle en suivant l'ilmate.

Celui-ci acquiesça tout en la menant vers une porte latérale au fond de la chapelle. Celle-ci donnait sur une sorte de réfectoire meublé avec simplicité mais aussi un grand souci de l'aspect fonctionnel. Deux bancs autour d'une grande table désignaient l'endroit où les officiants prenaient très certainement leurs repas. Tout en l'invitant d'un geste à s'asseoir, le prêtre continua vers l'âtre où il mit une marmite d'eau à bouillir.

- Le thé est un excellent choix ! Croyez-le ou non, j'ai justement reçu la visite d'un capitaine luménien qui m'en a offert une pleine boîte tout récemment. Je n'ai pas encore osé y gouter mais il a l'air délicieux.

Un luménien ... Il était assez improbable que se fut celui dont parlait Louison, le monde en aurait été très petit. Elle s'assit sur le banc que lui désignait le clerc. La perspective du thé était attrayante mais elle n'avait pas fait le voyage que pour en apprécier le goût.

"Pouvez-vous me parler de votre patient ? Comment est-il arrivé chez vous ? Vous dites qu'il a des sortes de transes ? Et savez-vous de quoi il souffre ?"

Elle ne voulait négliger aucun détails.

Le prêtre ne se détourna pas de sa tâche, prenant le temps de préparer les tasses pendant que l'eau chauffait avant de répondre d'un ton calme et peut-être un brin amusé :

- Ah, l'impatience de la jeunesse : vous allez droit au but ! Mais j'imagine que j'aurais dû m'y attendre étant donné la rapidité avec laquelle vous avez répondu à mon appel. Tout d'abord, je me crois tenu de vous rassurer sur un point : le patient que nous avons recueilli il y a maintenant trois jours est hors de danger. Nous l'avons recueilli devant notre porte : un jeune initié l'a trouvé alors qu'il s'en retournait chez lui après une opération délicate. Il a des transes oui : il ne reste jamais conscient plus de quelques minutes mais il se réveille parfois brusquement après plusieurs heures. En dehors de ces aspects et du fait qu'il ne se souvient ni d'où il vient ni de son identité, j'ai examiné et traité plusieurs fois pour les brûlures sur le torse et les bras. Je pense que ses yeux aussi ont été atteints. Mais je bavarde, je bavarde et voici que l'eau est juste prête.

Il prit le temps de remplir les deux tasses avant de les amener à table et de s'installer devant la paladine.

- Prenons le temps de déguster ce thé puis je vous emmènerai le voir. Peut-être son visage vous sera-t-il connu ? J'imagine que les vôtres ne sont plus très nombreux en ville.

Angèle avait écouté le clerc avec une attention certaine. A la fin de son récit, elle hocha la tête.

"Nous sommes effectivement en nombre assez restreint en ville."

Point n'était besoin de lui rappeler la guerre aux portes et l'incendie qui avait tué plusieurs novices. Il ne l'ignorait pas. Et en dehors de cela, contrairement aux apparences, le culte de tyr était peu répandu à Manost. Beaucoup moins que celui de Helm ou de Torm en tout cas. Elle avait maintenant une idée plus nette de ce qu'on attendait d'elle. Peut-être serait-elle d'une quelconque utilité. Du moins, elle l'espéra.

Elle se décida à goûter le thé. Il était tout simplement excellent.

L'Ilmate prit le temps de savourer les premières gorgées de son breuvage avant de reprendre calmement la parole :

- S'il est bien ce que nous pensons, je suis certain que la présence d'une représentante du culte telle que vous pourra raviver certains de ses souvenirs. Je soupçonne malgré tout une expérience traumatisante derrière tout ça... Il dormait quand je l'ai quitté tout à l'heure : je pense qu'il est moins risqué que vous le voyez d'abord tant qu'il est inconscient. Peut-être parviendrez-vous à le reconnaître. Mais prenez déjà le temps de finir votre thé. C'est de loin le meilleur que j'aie bu depuis des années et je n'en ai que trop rarement apprécié en aussi bonne compagnie !

Quête : œil pour œil

Angèle approuva la démarche. Mieux valait ne pas brusquer l'inconnu d'avantage. Mais elle doutait fort de reconnaître qui que ce fut. Elle connaissait la plupart des tyrites, du moins les manostiens. Certes, le concours avait emmené des aspirants magistrats à la cité du vigilant mais beaucoup s'en repartaient déjà. Par contre, elle ne les connaissait pas.

Elle but de nouveau une gorgée du thé, puis une autre. Il était tout bonnement délicieux. Pour ce qui était de la bonne compagnie ...

"Ce thé est une pure merveille. Abuserais-je si je vous en demandais la recette ?"

Le prêtre lui adressa un nouveau sourire et répondit d'un ton conciliant :

- Je crains ne pas connaître l'origine de ces feuilles mais je serai prêt à vous donner ce qui me reste si vous parvenez à lever une partie du mystère concernant mon patient.

Il finit le fond de sa tasse d'un trait avant de reporter son attention sur la jeune femme et d'ajouter d'un ton plus grave :

- J'ai sondé l'aura de cet inconnu. Non pas que nous conditionnons les soins que nous prodiguons à ce genre d'examen mais j'espérais en apprendre davantage ainsi. Mais à part de savoir qu'il s'agit d'une personne honorable qui mérite nos efforts, je n'ai pas appris grand chose d'utile. Mais ça je vous l'ai déjà dit.

"Marché conclu, répondit-elle avec un petit sourire, j'espère simplement pouvoir vous être d'une utilité quelconque. Et pas seulement pour le thé."

Elle finit sa tasse presque à regret. Elle aussi aurait pu songer à une détection du mal ou à un autre sort de cet acabit. Toute indication était bonne à prendre.

"Je suis prête.", dit-elle en se levant.

Le prêtre la mena à nouveau vers la salle de prière avant d'emprunter une porte de l'autre côté de la nef. Ils passèrent devant plusieurs portes et tentures abritant certainement les chambres du dispensaire. Ils parcoururent toute la longueur du couloir avant que le frère Dupreux n'ouvre la dernière porte donnant vers l'intérieur du bâtiment, sans doute choisie pour son absence de lumière. Après être entré dans la pièce sombre, il alluma une unique bougie qui dispensa une chiche luminosité. La pièce n'abritait qu'un lit et un patient étendu dans son sommeil. Il était couvert d'un drap jusqu'aux épaules, ce qui ne laissait visible que son visage. Hormis ses yeux recouverts de bandes de tissu. A lueur fantasmagorique de la bougie, ses traits fins se dévoilèrent à la paladine. Elle n'avait jamais vu cet homme dormant paisiblement semblait-il.

Le visage de l'inconnu ne lui rappelait rien et elle en fut désolée. Elle prit le temps de le regarder pour en être sûre. Mais non.

"J'aurais aimé vous dire le contraire mais je ne le connais pas, chuchota-t-elle pour ne pas éveiller le dormeur, peut-être pourrais-je demander aux autres tyrites présents en ville si son visage leur est familier."

Mais cela risquer de s'avérer fastidieux et fatiguant pour le blessé. Elle eut une idée.

"Peut-être avez-vous dans votre entourage une personne qui pourrait esquisser son portrait. Ainsi, vous pourriez demander en ville s'il est connu tout en lui évitant d'être dérangé."

Le clerc se tapa le front avant d'attirer la jeune femme dehors et de lui répondre d'un ton un peu dépité :

- J'aurais dû y penser ! Mais parfois un regard neuf comme le vôtre permet d'entrevoir d'autres approches. Votre idée est excellente mais je crains ne connaître personne assez doué pour esquisser un portrait ressemblant. Mais peut-être que vous si : connaîtriez-vous un artiste qui pourrait nous aider ?

Le premier artiste qui lui vint à l'esprit était vraisemblablement un peu trop loin. Elle pensa ensuite à Amélie. Elle l'avait vue sculpter la veille avec une minutie certaine. Peut-être se défendait-elle aussi bien sur le papier. Elle n'en était pas certaine mais savait-on jamais.

"Je connais une personne en effet. Du moins, je pense qu'elle sait dessiner. Si vous voulez, je peux aller lui demander de ce pas."

Sa réponse dessina un nouveau sourire sur le visage du vieux clerc :

- Et dire que vous disiez douter pouvoir nous aider ! Ce serait vraiment formidable si vous pouviez nous amener cette personne aussi providentielle que vous ! Si cela ne vous cause pas trop de difficultés, j'apprécierai en effet que vous alliez quérir votre artiste. Et s'il vous faut quelque fond pour cela, il va de soi que le temple d'Ilmater est prêt à participer à hauteur de ses moyens.

"Je ne pense pas qu'un paiement soit nécessaire. Je vais de ce pas la chercher."

Quelques minutes plus tard, elle revint avec Amélie, armée pour l'occasion d'un parchemin et d'un fusain. La jeune barde semblait tranquille et parfaitement reposée. Toujours cette approche tranquille des situations qui l'auraient elle-même inquiétée. Elle salua le prêtre ilmate avec un sourire tranquille et lui confirma qu'elle ne désirait pas être payée.

"J'espère juste que le portrait sera assez ressemblant pour qu'on le reconnaisse.", finit-elle par dire.

Le prêtre accueillit la nouvelle venue avec chaleur et reconnaissance avant de la mener, Angèle et elle vers la dernière porte du couloir. Il les enjoignit au plus grand silence et entra le premier dans la chambre, allumant à nouveau sa bougie. Il demanda en un murmure si la lumière suffirait à Amélie pour effectuer sa composition. Angèle eut tout le loisir de le regarder à nouveau, plus longuement tandis qu'Amélie s'affairait avec son fusain et son parchemin. L'homme semblait avoir à peu près son âge. Ses cheveux courts étaient passablement désordonnés et elle les devinaient plutôt clairs sans être blonds mais la lueur de la bougie était trompeuse. Son visage paisible laissait apparaître des traits agréables à regarder. Au demeurant la seule chose qui restait un mystère était ses yeux. Quand Amélie demanda à les voir, le prêtre secoua la tête, préférant ne pas prendre le risque de le réveiller.

A cet instant, il remua légèrement dans son sommeil, marmonnant quelques paroles inintelligibles. L'Ilmate les enjoignit à sortir toutes les deux pour se porter au chevet de son patient.

Sitôt dehors, Amélie regarda son esquisse avec une légère grimace.

"Cela va être difficile sans les yeux."

Angèle regarda par dessus son épaule. Le croquis, même effectué à la va-vite était plutôt ressemblant.

"Tu te débrouilles plutôt bien.
- Moui, répondit-elle quelque peu dubitative, encore quelques peaufinages et ce sera mieux. Et puis, une personne qui dort est tellement différente de ce qu'elle est dans la vie.
- Tu sais, cela va peut-être suffire.
- Si on tombe sur la bonne personne ..."

Elle paraissait assez embêtée et mécontente de son croquis. Peut-être le propre de chaque artiste. Mais Angèle devina que le besoin d'être utile était aussi de mise.

Le prêtre finit pas ressortir de la chambre après plusieurs minutes et referma doucement la porte :

- Il dort à nouveau. Je dois changer son bandage cet après-midi : je devrai brièvement découvrir ses yeux. Vous pourrez ainsi compléter votre portrait. Enfin, si vous êtes toujours disponibles... Vous en avez déjà fait beaucoup et je m'en voudrais d'abuser de votre aide alors qu'il semble que je me sois trompé et qu'il ne soit pas Tyrite. Mais bref, pensez-vous qu'il soit possible de réaliser des copies de votre œuvre ? Je demanderais bien à un ou deux novices de les montrer aux passants dans la rue.

Amélie ne réfléchit même pas pour répondre.

"Il n'y a aucun souci pour les copies. Je peux commencer maintenant, si vous le voulez. Plus de personnes le verront, mieux ce sera. Et pour ce qui est des yeux, je travaillerai vite.
- Et ce n'est pas important qu'il ne soit pas tyrite.", ajouta Angèle.

Le jeune homme ne lui disait absolument rien. Mais vu son état de fatigue, elle se demanda si elle aurait reconnu Dimitri endormi. Si elle l'avait connu, ces traits fins et ce visage agréable à regarder lui auraient assurèment dit quelque chose.

Le prêtre parut heureux de cette réponse enthousiaste et signala à Amélie qu’elle pouvait s’installer dans la salle d’étude du temple, derrière le réfectoire. Il lui ferait apporter tout le matériel dont elle aurait besoin. Et elle pouvait prendre tout son temps évidemment. Il se tourna alors vers Angèle et ajouta d’un ton doux :

- Je suis pourtant persuadé qu’il a dessiné le symbole tyrite. Vous voulez peut-être le voir. Il a aussi inscrit des nombres mais ils ne signifient rien pour moi mais peut-être pas pour vous.

Voila qui était plutôt énigmatique. Cette identité perdue et maintenant ces nombres. Sans compter le symbole de tyr. L'affaire se révélait de plus en plus étrange. Une fois n'est pas coutume, Angèle se sentit un tantinet inquiète. Elle croisa le regard d'Amélie qui lui sourit presque aussitôt.

"Pourrions-nous voir ce qu'il a écrit ?", demanda-t-elle.

Le prêtre hocha gravement la tête et répondit d'un ton calme et posé qui lui semblait coutumier :

- Oui, bien entendu : je garde le document dans la salle d'étude. Si vous voulez bien me suivre, mesdemoiselles.

Il les conduisit d'un pas plutôt alerte vers le réfectoire puis dans une autre pièce dont les tapis et les tapisseries laissaient émaner une impression studieuse plutôt que recueillie. Les murs étaient encombrés d'étagères surchargées tantôt de livres et de parchemin, tantôt d'appareils à l'aspect et à l'utilité mystérieuses. Des chaises étaient disposées ça et là et le centre de la pièce était occupée par une grande table en chêne massif.

Après les avoir invité à s'asseoir, le clerc disparut quelques instants avant de revenir avec une petite pile de parchemins vierges et plusieurs fusains qu'il posa sur la table. Il tendit également à Angèle un parchemin sur lequel figurait - sans qu'il soit possible de s'y méprendre - le symbole du dieu de la justice. Juste en dessous était griffonnée une inscription mystérieuse :

19G 3 42-C

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Temple d'Ilmater

[Bâtiment] Temple d'Ilmater