La Couronne de Cuivre

L’ambiance qui régnait dans le camp manostien faisait davantage penser à une veillée funèbre qu’au recueillement précédant logiquement toute bataille. La plupart des soldats, paladins ou prêtres qui allaient participer à la charge étaient en effet dans le même état de dénuement et d’incertitude qu’elle-même. Tout ce silence ne faisait donc que la renvoyer à ses propres doutes : non seulement elle serait moins efficace au combat et donc moins utile à sa cité mais son moral affecterait aussi son utilité tant il était impossible d’occulter la certitude que pas même son âme serait sauvée si elle venait à tomber au combat. La défection d’Arthur, la disparition d’Angèle et ses sombres ruminations concernant leurs chances de victoire pesaient sur son humeur à tel point qu’elle eut bien du mal à sourire au partenaire de Don. Il s’était - du reste - déjà éloigné quand elle pensa à lui demander des nouvelles de ce dernier. Avait-il pu être rapatrié à Manost après avoir été sauvé par Gaspard ? Elle le souhaitait mais ne pouvait hélas pas s’en assurer. Absorbée dans ses pensées, elle s’approcha du factionnaire planté devant la tente du général et lui demanda d’une voix polie mais guère enthousiaste :

- Je suis Chandara de Claire-Combe. Serait-il possible d’obtenir une entrevue avec le général Boros ?

Le planton allait répondre quand une voix sèche provenant de la tente retentit.

"Faites entrer."

Il écarta le battant de mauvaise grâce et s'effaça pour la laisser entrer. A l'intérieur, régnait l'obscurité tout juste écartée par la faible lumière du braséro. Thoenn Boros assis avec raideur sur son siège lui désigna un siège.

"Vous désiriez me voir ?"

La paladine n'osa pas s'asseoir malgré l'invitation et vint se mettre au garde à vous devant le général en faisant son possible pour dissiper son malaise devant cette pénombre et la terreur que lui inspirait l'officier. Elle n'éprouva pas sa patience et répondit aussitôt :

- Je viens vous présenter mes excuses pour avoir quitté votre tente si précipitamment tout à l'heure et j'en profite pour vous proposer mes services si je puis vous être utile. Un traître nous a attiré dans un traquenard et trop de bons manostiens sont morts par sa faute et par notre négligence. Je ne suis pas certaine de pouvoir vivre avec cette idée.

Boros l'arrêta d'un regard.

"Il sera châtié sous peu, mais avant de succomber, il payera pour tous les braves tombés. Je ne sais pas exactement qui il est et où il se tapit. Mais l'embuscade que vous avez subie est la preuve irréfutable de sa traîtrise. J'ai bien sûr quelques soupçons mais pas encore assez de preuves ..."

Il serra un poing rageur avant de se reprendre.

"Comment sont morts mes enfants ?"

Se remémorer ces moments difficiles constituait une épreuve déchirante mais Chandara ne chercha pas à se dérober à la question légitime soulevée par le général. Ou plutôt par le père de deux victimes de guerre présentement... Elle répondit avec dignité et sincérité, consciente que c'était la seule chose humaine à faire :

- Votre fils a été tué par un esprit maléfique qui a tenté de s'emparer du grimoire. Vous devez savoir qu'il avait trouvé sa rédemption avant de rendre son dernier soupir. Nous sommes parvenu à vaincre la créature et à l'emprisonner grâce à l'aide d'une amie de longue date. Malheureusement, il était trop puissant pour que nous le vainquions avant qu'il ne cause le trépas de votre fils...

Un échec dans une longue suite de défaites... Et maintenant elle devait en payer tout le prix en s'expliquant devant un père... Elle reprit bien que sa gorge fut maintenant sèche comme du parchemin :

- Votre fille a été tuée les armes à la main en cherchant à nous aider à repousser les mélandiens venus capturer Arthur et s'emparer du grimoire. Nous avons tous été défaits et moi même ainsi qu'une poignée d'autres ne devons notre vie qu'à l'arrivée opportune du lieutenant Hurlegloire et de sa troupe. Mais là encore, son intervention aura été trop tardive pour Luna...

Sa voix se perdit sur ce dernier nom prononcé avec émotion.

Boros hocha la tête sans parler dans un premier temps, une habitude, sans doute.

"Luna savait ce qu'elle risquait en vous accompagnant dans cette expédition. Quant à Hélios ... Vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir. Votre honnêteté vous honore. Peut-être vous retrouverais-je à Manost dans quelque temps. En attendant, surveillez vos arrières car les traîtres à Manost rôdent. Vous serez presque plus à l'abri sur le champ de bataille."

Il serra de nouveau les poings.

"Nous les retrouverons."

L’évocation de ces traîtres renforçait le sentiment d’amertume de la jeune femme : ne suffisait-il pas que le conflit soit déjà si déséquilibré à leur désavantage ? Sans doute était-ce d’ailleurs une des raisons qui poussaient certains à retourner leur allégeance et à se parjurer dans l’espoir de finir la guerre dans le camp des vainqueurs. Evidemment, cela ne justifiait en rien la trahison dont ils se rendaient coupable mais c’était une explication…

- Oui, nous les retrouverons. Justice sera faite. Et la première façon de leur rendre justice est de donner tort à ces traîtres en remportant la victoire demain. Ma place est donc désormais sur le champ de bataille… A demain, général !

Tout était dit vraisemblablement : Chandara allait retrouver sa tente, ses troupes puis se reposerait avant la grande bataille à venir à moins que le général Boros n’ait autre chose à ajouter ou même une mission à lui confier.

Il fallait l’avouer, le lieutenant Hurlegloire était un peu fatigué. Cette opération de sauvetage avait été particulièrement éprouvante. Des efforts fructueux, heureusement. Mais déjà, c’était du passé. Le présent, bien vite, reprenait ses droits. Sitôt dans le camp Manostien, Gaspard eut la bonne surprise d’être abordé par le caporal Rocrive. Ce dernier lui donna des nouvelles des blessés rapatriés après la bataille du moulin. Il l’informa également qu’Antoine se portait bien. Le gamin était robuste mais il lui faudrait encore un peu de temps avant de pouvoir revenir auprès du prêtre, si cela devait se produire. Maintenant, le colosse en armure se dirigeait vers la tente du général. Sa fatigue demeurait invisible derrière sa posture droite, rigide, et son pas décidé. Sous le bras, il transportait le grimoire maudit, soigneusement enveloppé sous plusieurs couches de tissus. Face au garde de faction surveillant l’entrée de la tente, il déclara de son ton martial :
« Lieutenant Gaspard Hurlegloire. Je viens faire mon rapport. »

Les gardes en faction lancèrent au colosse un regard à la fois admiratif et surpris avant d'entrouvrir les battants de la tente pour le laisser entrer. Thoenn Boros était accompagné d'autres hommes en armure dont la prestance et la qualité de l'équipement laissaient deviner une position haute dans l'armée manostienne. Deux hommes parmi eux dénotaient non par leur attitude ou leur habillement mais plutôt par l'aura qu'ils dégageaient. Il émanait d'eux une certaine puissance qu'un clerc de Tempus pouvait aisément reconnaître. Pas une force brute mais plutôt celle de l'intelligence au combat. Gaspard avait indéniablement affaire à des tacticiens. A son approche, les conversations s'interrompirent. L'un des généraux prit la parole.

"Voici donc le lieutenant Hurlegloire dont je vous ai parlé."

Thoenn Boros se tourna vers un gamin qui se tenait immobile dans le fond de la tente et que Gaspard n'avait de prime abord pas remarqué.

"Vas me chercher Euben Foudroiroches. Dis-lui que nous avons mis la main sur le grimoire. Il comprendra."

Puis retournant au nouvel arrivant.

"Lieutenant, nous vous devons énormément. Sans vous et vos hommes, nous allions droit à un revers manostien voire même à une défaite totale. Le grimoire possède d'énormes pouvoirs ... Avec lui et le pouvoir de leurs dieux maléfiques ils auraient pu nous défaire aisément. Pour vous prouver notre gratitude mais surtout notre confiance, nous aimerions vous confier l'un des bataillons qui ouvrira la voie sur le front. Grâce à vous et à vos hommes, vous pourrez aisément percer les premières lignes ennemies."

Gaspard ne s’était pas attendu à se retrouver en pareille compagnie. A vrai dire, il ne s’était attendu à rien du tout. Il devait aller voir le général, alors le voici. Après un bref instant d’observation, il retira son casque, et exécuta le salut militaire, puis écouta sans mot dire les paroles de Thoenn Boros. On était satisfait de ses services et on lui confiait un nouveau commandement. Il était comblé. Il faudrait arroser ça... après. La rigueur martiale et la fatigue le poussèrent à une réaction mesurée. Il n’était pas du genre à exulter, surtout pas face à un supérieur.

« Mon général, je n’ai fais que mon devoir. Et je suis heureux que vous m’offriez une nouvelle occasion de l’accomplir. Je ferai de mon mieux, soyez-en assuré. »

Il tendit l’ouvrage enveloppé de tissu.

« Voici le grimoire en question. »

Les généraux autour de Gaspard hochèrent la tête avec respect sans pour autant s'approcher du grimoire. Un homme de haute stature vêtu d'une robe pourpre fit son entrée dans la tente. Sans rien dire, il s'avança vers lui et sans demander la permission s'empara de l'ouvrage. Hurlegloire sentit la tension descendre de plusieurs crans. L'homme en armure qui s'était adressé à lui précédemment lui désigna un des deux hommes à l'aura mystérieuse.

"Je vous présente le lieutenant Lothar Strode qui dirigera le bataillon juste à coté du vôtre. Je gage que vous saurez oeuvrer de concert."

L'homme susnommé le dévisagea tête haute avant de le gratifier d'un respectueux salut militaire.

"Nous partageons presque les mêmes obédiences. Et vous semblez être un militaire hors pair. Oui, nous saurons nous entendre."

Pratiquement les mêmes obédiences ? Il ne pouvait s’agir que de l’ordre de la Cavalière Rouge. Cette demi-déesse était la fille de Tempus. Elle incarnait un aspect de la guerre que Gaspard affectionnait. Tactique, ordre, organisation... Il chercha chez le dénommé Lothar Strode le symbole de la pièce d’Echec, tout en lui répondant :

« Je n’en doute pas. La bonne coordination des officiers est indispensable. Quand est prévu l’attaque ? »

Etant fatigué, il espérait pouvoir prendre quelques heures de repos. Avoir l’esprit clair était important. Toutefois, pour préparer une bataille, il fallait du temps. Dans l’idéal, il devait observer le terrain, connaitre exactement les moyens placés sous sa responsabilité, avoir une idée de ce qui allait se passer à côté, voir ses hommes... et bien sûr prier.

Lothar Strode se tourna à demi pour suivre des yeux le mage s'éclipsant avec le grimoire et Gaspard repéra la fameuse pièce d'échec sur sa cape cramoisie.

"Dans l'idéal en fin de matinée. Cela nous laissera à la fois le temps de nous préparer et de réfléchir à la meilleure stratégie. Nos ennemis s'attendent à une approche frontale et nous pouvons encore les surprendre. Je pensais à deux attaques coordonnées en face mais aussi sur un des flancs de leur colonne. Qu'en pensez-vous ?"

« Je ne serais dire. Il me faudrait consulter une carte et mieux connaître les forces en présences. Pour autant, je présume que la tactique globale a déjà été déterminée par nos supérieurs. »

Les simples officiers se contentaient de gérer leurs troupes et de suivre le plan. Gaspard, respectueux de la hiérarchie, tenait à ne pas outrepasser ses prérogatives, surtout pas face au général.

"Je vois que nous sommes sur la même longueur d'ondes caporal."

Il lui désigna une table montée sur traiteaux que la masse des chevaliers dissimulait à sa vue. Gaspard put voir que Graëlon était une plaine encaissée jouxtée par lesforêts. Un peu plus loin au Nord le terrain s'accidentait considérablement. L'homme expliqua sa stratégie.

"Nous pensions effectuer une percée surprise dans leur flanc à partir de la forêt."

Il lui désigna un endroit sur la carte où l'étendue herbeuse laissait soudain la place aux arbres.

"Le terrain est difficilement praticable à cheval. Aussi ne nous attendront-ils pas de ce coté là."

Gaspard s’approcha de la carte et baissa les yeux dessus. Durant un petit moment, il ne dit mot, se contentant de regarder, d’assimiler. Il n’avait pas la chance d’être la personne la plus vive d’esprit qu’on ait pu voir. Cependant, comme tout bon prêtre digne de ce nom, il savait juger des situations.

« Si l’endroit n’est pas trop difficile, qu’il n’handicape pas excessivement notre charge surprise, la manœuvre pourrait s’avérer payante. Je recommande toutefois de ne pas employer la cavalerie lourde, si on en dispose. Elles seraient trop lentes, trop vulnérables aux accidents de terrain. Il est important de frapper vite, avant que les Melandiens ne puissent mettre en formation leurs piquiers. Nos premières lignes pourraient alors profiter de cette désorganisation pour charger à leur tour. »

Lothar acquiesça.

"Nous nous rejoignons de nouveau sur cette idée. Nous disposons bien sûr d'une cavalerie adaptée à ce type de terrain. Le tout est comme vous l'avez si bien dit de créer un véritable effet de surprise. D'autant que cette bataille sera décisive. Les helmites ont subi un bon nombre de pertes face aux troupes mélandiennes qui elles peuvent bénéficier de l'appui de dieux bien vivants ..."

Les généraux grimacèrent mais il était dans le vrai. Nul ne songea à le reprendre.

"Nous avons besoin d'au moins une victoire. Montrons à nos concitoyens que nous sommes encore capables de remporter des batailles. Tel est notre devoir."

Gaspard acquiesça d’un signe de tête. La remarque sur Helm l’avait laissé de marbre. Bien qu’abrupte, elle était incontestablement vraie. La mort de ce dieu avait privé Manost d’une grande partie de ses clercs et, par la même occasion, de son plus grand atout. Il fallait une relève. Mais avant cela, il fallait surtout stopper la progression ennemie. Le lieutenant regardait toujours la carte avec attention. Il finit par demander :

« Où doit se placer mon bataillon ? »

Tout en lui répondant, Lothar lui montra deux points sur la carte.

"Vous avez le choix entre ces deux endroits : soit dans la forêt directement, soit dans une petite hauteur la jouxtant. Toutes deux ont leur inconvénient et leur avantage. Pour le premier, vous ne pourrez pas vous élancer directement vu qu'il faudra maneuvrer entre les arbres. Pour ce qui est du deuxième point, la végétation est assez dégagée ce qui implique que vous pourrez mener une charge mais vous risquez d'être vus quelques secondes avant votre assaut. Je vous laisse choisir, vous connaissez mieux vos hommes que nous et savez donc de quoi ils sont capables."

Il marqua un temps d'arrêt.

"Il semble que vous ayez dans vos rangs un jeune homme de valeur. Un certain Antoine ... Si j'ai bien entendu ce que dit la rumeur, il a tenu tête à un loup garou qui menaçait votre escouade."

« Effectivement. Un novice de mon ordre. Il est resté en ville, il se remet... de cet exploit. J’ai eu de bonnes nouvelles à son sujet. »

Tout en répondant, Gaspard était demeuré penché sur la carte. Il était encore absorbé par la bataille qui se préparait, là, devant ses yeux. Il fixa tour à tour les deux points, marqua une brève hésitation, avant de se redresser et de déclarer :

« J’ai peur qu’aucun ne me convienne. Si j’ai bien compris, vous comptez sur moi pour mener cette charge surprise sur le flanc Melandien. Je ne suis pas la bonne personne. Ce n’est pas l’envie qui me manque, ni le courage, croyez-le bien. Cependant, je risque de ne pas être assez bon cavalier pour diriger la manœuvre. »

Avec ses deux mètres, tout cet acier et son colossal destrier, le lieutenant Hurlegloire pouvait aisément entrer dans la catégorie de la cavalerie lourde. Le terrain lui serait défavorable. De sa main gantée, il désigna un autre point sur le plan.

« Si c’est possible, je voudrais être ici. »

Il désignait la première ligne, celle qui allait faire face à l’armée ennemie.

« Avec le bataillon qu’à évoqué le général, je pourrais me charger de frapper fort alors que les Melandiens seront désorganisés. La charge surprise sera comme le coup de marteau. Et moi, je serais l’enclume. »

Frapper fort, un rôle parfait pour lui. Inutile d’expliquer pourquoi, cela sautait aux yeux.

Cette fois, Lothar Strode laissa transparaître son admiration.

"Oui, cela serait parfait. Vous constituez effectivement une immense force de frappe. C'est effectivement ici que nous aurons besoin de vous. C'est donc moi qui mènerai le second bataillon. Je pense que vous frapperez assez fort pour nous permettre de partir de la petite élévation ce qui nous permettra de prendre de l'élan."

Il frappa du poing dans sa main avant de répéter.

"Oui, cela sera parfait."

Et Gaspard vit qu'il jubilait intérieurement.

« Très bien. Avec une bonne coordination, nos assauts associés feront des ravages. »

Gaspard était moins expressif. En combat, il s’enflammait. Lorsqu’on lui manquait de respect, il s’enflammait. Parfois lorsqu’il buvait un peu trop, il s’enflammait. Mais sinon, il demeurait assez calme. Il jeta un dernier coup d’œil à la carte, histoire de vérifier qu’un détail ne lui avait pas échappé. Apparemment non. L’affaire semblait conclue. Il n’y avait plus qu’à souhaiter que le seigneur de la guerre aide le projet et accorde la victoire.

« Pourquoi me parliez-vous d’Antoine, au fait ? » demanda-t-il finalement.

Lothar répondit du tac au tac.

"Parce que je pense que dans un avenir plus ou moins proche, Manost aura besoin d'un jeune homme tel que lui. Pour le moment, la cité a besoin de nos forces. Plus tard ..."

Il laissa le reste en suspens, laissant entendre que ceux de la Cavalière Rouge ne se contenteraient pas d'une place de choix sur le champ de bataille mais d'un avenir en politique. Gaspard vit les autres généraux autour de la table grimacer sans toutefois intervenir. Lothar Strode se dirigea soudain vers la sortie de la tente, faisant signe à Hurlegloire de le suivre, mettant ainsi fin aux débats.

"Que diriez-vous de quelques libations en l'honneur de nos dieux. Vous et votre bataillon êtes cordialement invités."

Gaspard, avant de sortir de la tente, prit soin de se demander s’il n’avait rien d’autre à dire aux gens assemblés ici. Puisque ce n’était pas le cas, il les salua selon les règles, et tourna les talons. Son casque toujours sous le bras, il marcha au côté de Lothar Strode, tout en regardant le camp qui s’étendait tout autour d’eux.

« Pourquoi pas. Ça pourra donner du cœur aux hommes. Mais avant, je vais retrouver mon bataillon. Où se trouve-t-il ? »

Il avait besoin de le voir, de se présenter à lui, de le connaitre un minimum. Peut-être qu’une partie de celui-ci serait composé de son propre détachement, peut-être pas. A ce sujet, le discours du général et celui de Lothar ne concordaient pas vraiment. Bref, il devait farie son travail.

"J'allais vous emmener le voir. J'espère que vous ne m'en voudrez pas : j'ai pris la liberté de rassembler tous les hommes que vous allez commander."

Lothar mena Gaspard à la périphérie du camp où un petit groupe de tentes sur lesquelles flottait la bannière de la Cavalière Rouge avait été planté. Un groupe d'hommes était rassemblé autour d'une table longue table à tréteaux. Il reconnût un bon nombre de ses hommes mais aussi quelques autres personnes dont les armures arboraient fièrement le symbole du dieu des batailles et celui de sa fille. Il s'aperçut également que l'escadron ne comportait aucune femme.

Tous se tournèrent vers lui et levèrent leurs verres en l'apercevant.

L’espace de quelques longues secondes, Gaspard demeura immobile face à son bataillon. Ses yeux allèrent d’un visage à l’autre, d’une expression à l’autre, d’un blason à l’autre. Puis il franchit les derniers mètres, gagna le bout de table où se trouvait une chaise libre, la sienne certainement, et prit la parole.

« Messieurs, soldats de Manost, ceux qui me connaissent le savent : les longs discours m’ennuient. Je vais donc être bref. Nous avons perdu des batailles, pas la guerre. Nous allons avoir un rôle capital dans ce qui se prépare. Il sera alors temps de donner tout ce qu’on a ! Il sera alors temps de montrer que Manost est grande, puissante ! La victoire est possible. Si Tempus et la Cavalière Rouge le veulent, elle sera grandiose ! Mais pour l’heure... »

Le prêtre remplit son verre et le brandit :

« ...pour l’heure, buvons ! Aux futurs héros ! »

Chacun des hommes but les paroles de Hurlegloire avant de s'écrier le verre brandi.

"A la Cavalière Rouge, à Tempus et à Manost", entendit-il dans le brouhaha ambiant.

Il n'y avait ni Helmites, ni Tyrites, ni d'Ilmates encore moins de Tormites. Ici, les divinités de la guerre festoyaient. Lothar Strode servit une coupe pleine qu'il lui tendit avant de s'en servir une pour lui et de trinquer à grand bruit.

"Buvez mes braves car demain sera votre jour de gloire."