La Couronne de Cuivre

Elle s'approchait... de lui. Et son sourire mutin était tel qu'il s'en souvenait. Non, il n'y avait plus de doute. Non pas sur le fait qu'il s'agisse d'un rêve ou de la réalité : il était incapable de trancher ce dilemme faute de données concrètes. Mais il s'agissait bien d'Amélie : il reconnaissait son visage bien qu'étant un peu moins juvénile peut être. Pour le reste, elle était restée en tous points identique à son souvenir. En plus elle s'approchait de lui comme si elle semblait le reconnaître également. Aucune fille ne se serait ainsi approchée avec un sourire qui lui était destiné. Surtout pas une aussi jolie femme. Il bafouilla avant même de prononcer un premier mot intelligible, cherchant à mêler plusieurs formules de salut en un mélange improbable qui n'aurait pas dénoté dans le laboratoire.

"Bonlutations..."

Rougissant furieusement de sa maladresse, il chercha aussitôt à se reprendre en paraissant sans doute à peine moins ridicule :

"A... Amélie ? Cela ne peut pas être toi ?"

"Ah ..."

Elle avait oublié qu'il était extrêmement timide. Il faudrait qu'elle procède avec douceur car sinon, il risquait de s'évanouir au milieu de la rue. Son sourire s'accentua cependant, ce manque de confiance le rendait tout bonnement attachant.

"Si, je crois que c'est moi. Je suis rentrée cette nuit. Et toi ..."

Que pouvait-elle lui dire pour qu'il se sente bien. Peut-être avait-il besoin de commencer par les questions basiques.

"Et toi, comment vas-tu ? Tu es toujours mage à ce que je vois."

Bien sûr, il ne fallait pas qu'il prenne le "toujours" comme une dépréciation. Aussi se dépécha-t-elle d'ajouter avec un certain enthousiasme.

"C'est merveilleux ! Tu dois faire plein de découvertes intéressantes."

Marvin en était encore à se demander s'il devait tendre la main à Amélie, lui dédier une bise ou même lui ouvrir ses bras quand la jeune-fille le soulagea en abordant un terrain connu et maîtrisé. Rasséréné et touché par son enthousiasme, il répondit beaucoup plus sereinement :

- Je suis en pleine forme ! Et toi aussi d'après ce que je vois. Enfin, si je peux me permettre de le dire !

En fait il aurait aimé avoir assez d'assurance pour souligner qu'elle lui paraissait radieuse... Mais comme pour se détourner de ses pensées, il revint au sujet moins dangereux pour luii être plus familier :

- Et je m'apprête justement à faire une découverte importante. En tous cas je fonde beaucoup d'espoirs dans une expérience en cours...

"Oh, c'est vraiment bien. Et qu'est-ce que c'est que cette découverte ? Si tu veux en parler bien sûr."

Elle le voyait gagner peu à peu en confiance alors autant continuer un peu sur ce terrain. Elle n'y entendait absolument rien dans les arcanes mais elle s'en moquait. Après tout, on ne perdait jamais une occasion de s'instruire. Ensuite, pourrait-elle à nouveau dévier quelque peu la conversation. Rien qu'un petit peu. Il avait un charme fou quand il rougissait et c'était assez amusant. Lui avait sa timidité et elle son hoquet. Elle ne savait pas vraiment lequel pouvait-être le plus embarrassant.

Elle sourit de nouveau pour encourager le jeune homme à parler, se tenant toujours à quelques pas de lui pour ne pas l'effrayer. Sinon, il lui semblait qu'il allait s'enfuir.

Marvin se laissait prendre par la conversation, oubliant un instant sa timidité pour considérer Amélie comme l'amie compréhensive et la confidente épistolaire dont il attendait avec impatience la moindre lettre depuis maintenant des années. Il répliqua avec un certain détachement et un second degré dont il savait faire preuve par écrit :

- Oh, tu sais bien : des trucs de mage ! Faire briller un caillou deux fois plus vivement que le concurrent ou le rendre invisible. Là, en l'occurrence, il s'agit de transporter de la matière inerte au travers d'une porte dimensionnelle. Je sais, ça n'a pas l'air passionnant comme ça... Et toi ? J'imagine que tu as appris tout un tas de techniques pour rendre tes vitraux encore plus incroyables, non ?

"Ah si, s'insurgea Amélie, c'est passionnant. Moi aussi je veux pouvoir lancer des pierres dans des portes dimensionnelles !"

Non, elle n'était pas en train de se moquer, elle s'était simplement laissée surprendre par son enthousiasme. Elle eut un petit sourire penaud avant de changer de sujet.

"Oui, j'ai appris plusieurs techniques. Déjà dans la conception et la pause des vitraux ... Mais je me suis surtout rendu compte que je voulais devenir barde. Oh, je n'ai pas vraiment envie de changer tout de suite j'ai encore mon chef-d'oeuvre à réaliser avant d'être admise dans la corporation. Un peu de sérieux dans la vie, c'est bien ... Mais faire ce qu'on aime c'est encore mieux !"

C'était une des tournures de phrases qu'elle affectionnait particulièrement et que Marvin avait eu plusieurs fois l'occasion de lire. Pour la première fois, elle avait parlé à quelqu'un de son choix d'avenir et elle se sentait mieux.

"Je me suis rendue compte que j'adorais chanter et surtout raconter des histoires. Je me défends plutôt bien au luth à ce qu'on dit. Par contre, je ne voudrais pas te retarder, tu as sûrement beaucoup de choses à faire là-bas. Je te retrouve après tes cours, d'accord ?"

Elle fit mine de tourner les talons avant de revenir.

"Au fait, je suis très contente de te revoir."

Marvin accueillit la révélation sur les velléités de changer de carrière d’Amélie avec un sourire bienveillant et même un certain enthousiasme :

- C’est fantastique d’être barde ! Maître-verrier aussi, bien sûr, mais un barde peut voir et apprendre tellement de choses. Je t’envie ! Et est-ce que je pourrai assister à une de tes représentations ? Je ne manque jamais d’aller voir les artistes qui se produisent en ville mais je suis certain qu’aucun ne t’arrive à la cheville. Si, si, ne fais pas la modeste : la semaine dernière, un halfelin a donné un concert avec un chat qu’il avait invoqué. Et crois-moi, le félin chantait plus juste que lui !

Il mit un certain temps à se rendre compte qu’Amélie était en train de prendre congé et il en ressentit un pincement au cœur. Evidemment, il y avait cette expérience à mener mais elle lui paraissait soudain bien moins captivante que quelques minutes auparavant. Une idée lui traversa l’esprit et il retrouva instantanément un sourire joyeux :

- Moi aussi je suis très content : tu as bien réussi ta surprise ! J’avais prévu de déjeuner dans le parc ce midi. J’ai amené un petit en-cas. Ça te dirait qu’on se retrouve pour manger ?

Amélie l'écouta avec un léger sourire, les bras croisés. Il parlait et même beaucoup pour quelqu'un de timide. Peut-être pour ne pas laisser s'installer les silences. Peut-être qu'il avait peur qu'elle profite d'un de ses blancs dans la conversation pour s'enfuir. Mais elle n'en avait pas l'intention. Elle n'était pas dupe sur ses talents bardiques : elle débutait à peine et n'avait pas l'intention de se produire pour le moment à moins de vouloir faire fuir tous les habitants de Cojum. Ce qui n'empêchait pas Marvin d'être gentil et cela lui faisait plaisir.

"Pour midi, je regrette mais je reste avec mes parents. Je ne les ai pas vus quand je suis rentrée ni ce matin. Je crois qu'ils seraient un peu mécontents si ne passais pas un peu de temps avec eux. Il faut que je leur parle de mon métier. Par contre, ce soir ... Je me disais que je pouvais t'emmener dîner. Il y a une espèce de petite gargote pas très loin de chez moi et j'ai entendu dire que l'on y mangeait bien. Ne prends pas peur, ce ne sera qu'un dîner entre ami. Je passe te chercher après tes cours, donc ?"

Le jeune-homme avait affiché une moue clairement déçue mais compréhensive au refus d’Amélie de l’accompagner pour le repas de midi. Il était toutefois bien naturel qu’Amélie retrouve ses parents qui devaient l’attendre avec autant d’impatience que lui-même. Il s’apprêtait donc à répondre en ce sens quand la jeune femme lui fit une autre proposition. Il sourit alors, rayonnant de plaisir anticipé et son regard se fit un peu rêveur comme à chaque fois qu’il était perdu dans ses pensées.

- Avec grand plaisir ! Mais il vaut peut-être mieux qu’on se donne rendez-vous en ville : mes expériences sont parfois un peu salissantes et animées alors j’aurai sûrement besoin de me changer : je ne voudrais pas te faire honte en portant une tenue qui sente le brûlé.

S'il avait une certaine appréhension à l'idée de ce rendez-vous en tête-à-tête, il la garda pour lui, ne voulant certainement pas gâcher sa chance.

"Très bien."

Amélie sourit de nouveau et se frotta les mains. S'il avait dit non, elle aurait été déçue mais aurait compris elle aussi. Après tout, ne venait-elle pas de décliner pour le repas de midi ? Bien sûr, le dîner en tête à tête apportait son lot d'incertitudes. C'était moins innocent qu'un repas dans le parc. Inviter quelqu'un à partager un repas cela pouvait vouloir dire que l'on tenait à lui. Ou peut-être pas. Elle ne s'était pas vraiment penchée sur la question. En tout cas, elle n'avait jamais invité personne et elle espéra qu'il en allait de même pour Marvin.

"D'accord. Je serai devant chez toi vers sept heures, d'accord ?"

Elle espéra qu'il ne se demanderait pas comment elle savait où il habitait. Plutôt mourir que parler de sa petite séance de filature.

Mais Marvin était bien trop intelligent - parfois trop pour son propre bien - pour ignorer l'anomalie. Il n'avait emménagé que un an plus tôt et il ne se souvenait pas avoir donné d'adresse précise dans ses correspondances épistolaires.

- Attends : tu ne veux pas que je te note l'adresse ? Je ne voudrais pas que tu tournes toute la soirée à ma recherche !

Lui laissait-il sciemment une porte de sortie discrète ? Mystère... En tous cas ses yeux pétillaient de malice ou tout simplement de joie anticipée.

Amélie se garda bien de rougir jusqu'aux oreilles. Elle fit mine de se tapoter le nez avec un petit sourire mystérieux. Elle savait bien sûr que Marvin n'était pas dupe et qu'il la connaissait bien compte tenu de leurs lettres.

"Non, je vais deviner où tu habites grâce à mon flair légendaire. Ne cherche pas, c'est un truc de barde. Et il faudra que tu t'y habitues ... Mon pauvre."

Et elle tourna les talons avant qu'il ait eu le temps de répondre ce qui était chez elle assez habituel. Elle alla jusqu'à chez elle d'un bon pas, là où l'attendaient ses parents.

Amélie put aussitôt constater à quel point ce rendez-vous tenait à cœur de Marvin : il sortit en effet de son appartement pile à l'heure prévue et il avait revêtu l'une de ses tenues les plus seyantes, à n'en pas douter.

Le jeune homme lui décocha un sourire timide dès qu'il la vit. Ne sachant pas vraiment comment l'aborder, il finit par l'interroger avec bienveillance sur ses retrouvailles d'avec ses parents.

- Je te suis : tu me raconteras en chemin !

Amélie hésita quelques secondes avant de lui proposer son bras. Bien sûr, en général c'étaient plutôt les hommes qui avaient ce genre d'attention mais elle aimait bien bousculer les convenances. Cela risquait peut être de perturber Marvin et c'était quelque part amusant. Et après tout, c'était un gage d'amitié comme un autre. Ce soir, elle se sentait heureuse, revenue dans le petit monde qu'elle connaissait, auprès des gens qu'elle aimait. Elle savait que si elle choisissait de suivre la voie bardique, elle passerait la plupart de son temps sur la route. Elle n'en était pas effrayée mais savourait un peu de stabilité avant de prendre son envol. Elle aiderait son père à honorer quelques commandes, le soir, elle travaillerait rimes, histories et mélodies. Elle avait encore le temps.

Le temps d'une soirée d'abord. Elle entraîna Marvin dans les rues de Cojum. L'air du soir était vif et elle se félicita d'avoir pensé à prendre son manteau. Elle s'orienta sans mal jusqu'à une toute petite échoppe où seulement trois tables avaient été dressées. Sûrement pour quelques habitués qui connaissaient le lieu. Amélie murmura à l'oreille du jeune mage.

"J'ai toujours rêvé de voir ce qu'il cuisinaient ici. Mais si ça se trouve, c'est vraiment très mauvais et tu vas me maudire."

Marvin avait été quelque peu nerveux quand la jeune femme lui avait proposé son bras mais il avait été à l’aise ensuite tout du long du trajet, sans doute intégrant cette marque d’affection et proximité inédite comme une des charmantes excentricités qui lui plaisaient tant chez Amélie.

Il lui avait dédié quelques mots d’encouragement sincères quand elle avait abordé à nouveau la question de son choix de carrière puis il s’était franchement esclaffé de son entrée en matière concernant le restaurant :

- Aucun risque : tu partageras mon calvaire si ton choix a été mauvais. Et de toute façon je m’amuse déjà donc la soirée ne peut pas être entièrement gâchée.

Il la devança dans l’établissement comme il convenait mais il céda la parole à l’apprentie barde, ne sachant si elle avait déjà pris la précaution de réserver une table. Sans doute que non : son côté impulsif était le pendant de sa propre nature à tout planifier soigneusement…

Une femme d'âge mûr vint bientôt s'enquérir de la raison de leur présence. Non, Amélie n'avait pas réservé et elle expliqua qu'elle était désolée, qu'elle avait toujours voulu savoir ce que proposait cette petite taverne mais c'était décidée sur un coup de tête. Une expression amusée glissa sur le visage de la propriétaire du lieu.

"Vous avez de la chance jeune fille. Deux tables sur les trois sont prises ce soir.
- Merveilleux.", sourit Amélie.

Elle le pensait vraiment. Ils avaient beaucoup de chance.

"Vous n'êtes pas sans savoir que je ne sers qu'un plat unique : notre spécialité.
- Ce qui nous ira très bien."

Bien sûr, Amélie ignorait totalement ce que l'on servait dans cette petite gargote mais ils verraient bien. Et si deux tables sur les trois étaient réservées, c'est que l'on devait bien manger.

"Amélie ?"

La voix venait de derrière eux. Un jeune homme leur souriait, les bras croisés. Des cheveux châtains coupés courts, trapus sans être gros, des yeux noisette. Les boutons d'acnée avaient laissé la place à une barbe de quelques jours. Et son sourire était aimable. Marvin lui trouva un air familier.

"Quand tu m'as écrit que tu revenais bientôt, j'ai pensé que ça serait dans trois mois."

La jeune aspirante barde lui sauta au cou. Loin de s'en formaliser, il lui donna l'accolade avant de la reposer par terre.

"Léonard, tu te souviens sûrement de Marvin."

Il dévisagea son vis à vis quelques secondes avant de hocher la tête.

"Il a vraiment bien grandi."

Avant de lui tendre la main avec un grand sourire.

Léonard serra affectueusement la main de Marvin avant de se tourner vers Amélie.

"Hé bien, je ne vais pas vous embêter plus longtemps. En tout cas, j'ai eu vraiment de la chance de te croiser. Maintenant, je sais que tu es de retour."

Il sourit à Marvin.

"Je suis aussi très content de te revoir Marvin."

Il hésita comme s'il allait ajouter quelque chose mais se ravisa avant de tapoter affectueusement l'épaule d'Amélie.

"Essaye d'être sage, pour une fois ..."

La jeune femme hocha la tête et lui tira la langue avant de le laisser partir.

Marvin salua une nouvelle fois Léonard quand il prit congé. Il tourna ensuite un regard un peu incertain vers son amie. Pourquoi s’attardait-il à la contempler en cet instant ? Etait-ce parce qu’il se sentait en danger, menacé par l’ancienne terreur qui lui avait gâché bien des étés ? Une terreur puérile qu’il avait fini par exorciser. Conscient qu’il dévisageait un peu trop franchement Amélie, il tenta une diversion en disant d’un ton amusé :

- Alors comme ça tu n’es pas sage d’habitude ? Est-ce que je devrais me méfier ?

Amélie le dévisagea durant un long moment à son tour. Sans bouger, sans sourire, sans approcher, sans rire. Elle regardait Marvin avec une certaine perplexité comme si elle avait surpris, l'espace d'un instant un éclat indéfinissable. Elle fut tentée de courir rattraper Léonard pour lui demander s'il l'avait aussi vu et si lui pouvait lui donner un sens. D'ailleurs, qu'avait voulu dire et que signifiait ce sourire entendu. Une connivence toute masculine ?

Elle n'aimait pas vraiment cela. Pour elle, Marvin et Léonard étaient de points importants de sa vie. Et voila qu'elle ne les comprenait plus vraiment. Était ce parce qu'il y avait des sentiments en jeu maintenant ? Peut être devrait elle éviter de compliquer leurs relations et aller trouver l'amour un peu plus loin que Cojum.

"Sacré Léonard. Tu savais que cela fait environ dix ans qu'on est amis maintenant ?"

Etrangement elle avait trouvé important d'insister sur le mot "ami". Parce que c'est c'était simplement ce qu'ils étaient et ne s'en cachaient pas.

"Mais je suis sage. Très sage. Du moins jusqu'à une certaine limite."

Marvin s’était détendu à la mention de l’amitié d’Amélie pour Léonard puis sa dernière sortie l’avait fait sourire plus franchement. Il répliqua d’un ton amusé :

- Oh tu sais, l’avantage pour moi d’avoir une sœur comme la mienne est que je sais qu’il vaut mieux ne pas pousser les femmes au-delà d’une certaine limite. Je crois que j’aurais un peu peur si tu n’étais soudain plus aussi sage !

Il avait parlé en plaisantant bien sûr. Quoique…

Amélie eut une petite moue amusée.

"C'est un peu de la triche alors ... Comment je dois faire, moi, pour savoir comment vous fonctionnez ?"

Elle était - Marvin le savait très bien - enfant unique, de parents plutôt âgés. Elle n'avait pas vraiment de fratrie sur laquelle s'appuyer. Bien sûr, Léonard en faisait quelque part office mais elle préféra ne pas le mentionner. Elle n'avait pas spécialement envie que Marvin se mette de fausses idées en tête.

"Tiens, et comment va Chandara ? J'espère qu'elle n'a pas abandonné l'idée de devenir paladine."

Marvin lui dédia un sourire bienveillant et Amélie crut même percevoir l’esquisse d’un clin d’œil :

- Oh, ce serait vraiment gâcher tout le plaisir si tu savais à l’avance. C’est comme une expérience d’alchimie : les erreurs apprennent autant de choses que les succès et parfois davantage encore.

Il marqua une pause, sourit, puis ajouta d’un ton affectueux :

- Chandara a reçu l’appel. Elle va venir étudier à l’académie dans quelques mois mais mes parents lui ont déjà trouvé un instructeur. Elle est ravie, tu penses bien !

"Heureusement, tu n'exploseras si je ne fais pas les bons mélanges. D'ailleurs, qu'est-ce qu'il se passe si j'appuie là ?"

Sans prévenir, elle lui enfonça un doigt entre les cotes. Pour l'avoir déjà testée sur Léonard, elle savait fort bien que c'était une méthode de chatouille totalement implacable. Elle s'écarta de lui afin d'éviter d'éventuelles représailles et enchaîna sur un autre sujet.

"Je suis contente pour Chandara. Elle a énormément de mérite. Sans elle, je ne sais pas ce qui se serait passé avec tous ces épouvantails ..."

Elle se rappelait qu'elle avait plus ou moins provoqué l'incident en proposant de se venger de Léonard et s'en voulait toujours.

"Alors, elle va devoir partir à Manost ?"

C'était une éventualité que Marvin avait sûrement envisagé et qui devait lui paraître bien difficile. Mine de rien, elle se dirigea vers la table qu'ils allaient finir par oublier.

Comme attendu, Marvin avait sursauté et même poussé un petit cri très digne sous la chatouille mais il ne lui en tint pas rigueur et ne chercha pas à se venger. Les mages étaient des êtres patients… Il l’accompagna à la table et lui tira galamment sa chaise avant de s’installer en face d’elle.

- En fait, elle va pas mal étudier en ville donc on pourra se voir régulièrement je suppose. Enfin, il me semble que les élèves de l’académie n’ont pas beaucoup de permissions de sortie et ils sont parfois emmenés en campagne pendant plusieurs semaines. Mais bref, elle ne rejoindra la commanderie de Manost que dans quelques années. Quand elle aura réussi sa formation.

Dans l’esprit du jeune homme, cette éventualité ne faisait pas l’ombre d’un doute.