[Débat] Je rêve d'une banque...
Posté : ven. 17 juil. 2015, 22:32
Je vais vous raconter une petite histoire.
Imaginons une petite île, perdue en pleine mer. Et au large de cette île, un bateau. Tout à coup, une tempête s’abat sur le navire, qui fait naufrage au beau milieu de l’océan. Seuls cinq naufragés, rescapés du désastre, parviennent à rejoindre la côte en s’accrochant tant bien que mal aux débris.
Ils attendent, attendent, espèrent un sauvetage, mais rien ne vient. Le monde semble les avoir oubliés…
Après avoir bravé les éléments, les cinq survivants refusent de se laisser abattre, et décident de prendre leur nouveau destin en main. L’île sur laquelle ils ont accosté est accueillante, et regorge de richesses. Et après une rapide discussion, ils s’aperçoivent que tous disposent de talents et de savoir-faire uniques, leur permettant à chacun de subvenir aux besoins de la communauté. Ainsi, l’un sait travailler la terre, l’autre élever des bêtes, ou encore travailler le bois, le métal, ou soigner ses pairs à l’aide de plantes. À eux cinq, en exploitant les ressources de l’île, ils sont à même de survivre.
Plusieurs années s’écoulent sur la petite île perdue des naufragés, et si la vie n’est pas rose tous les jours, les cinq compagnons parviennent tout de même à prospérer. Leur communauté s’enrichit. Mais elle ne s’enrichit pas d’or, non, ni de billets. Elle s’enrichit de leur propre travail, des richesses qu’ils ont eux-mêmes créés, à partir de la terre qu’ils partagent tous ensemble. Certains se souviennent du pays dans lequel ils vivaient autrefois. Où les magasins débordaient d’articles, tous plus alléchants les uns que les autres, mais dont personne ne pouvait profiter, car ils étaient trop chers. Non, ici, la vie est différente. Et ça ne viendrait à l’idée de personne de laisser pourrir sous leurs yeux ce dont ils ont besoin, et qu’ils ont eux-mêmes contribué à fabriquer.
Les cinq naufragés se réunissent souvent pour évoquer leur sort, et s’ils s’accordent à dire qu’ils s’en sortent plutôt bien, leur système d’échange n’est pas parfait, et a quelques inconvénients majeurs, d’ordre pratique. Ne vivant qu’en petite communauté, chacun pratique le troc au quotidien, ou l’échange direct de service. Mais ce n’est pas toujours pratique. Par exemple, que se passe-t-il lorsqu’untel a besoin d’un mobilier en bois, mais qu’il ne pourra payer en récoltes qu’à l’été prochain ? Ou encore qu’un autre a besoin de manger, mais que ses compétences de médecin ne servent à personne sur le moment ? Voilà qui était problématique. Il leur fallait trouver une solution.
« Il nous faut une monnaie ! », s’exclamèrent-il tous en chœur. Une monnaie pour simplifier les échanges, et pour permettre à chacun d’exercer ses activités à son rythme.
« Mais aucun d’entre nous ne sait comment créer de l’argent ? », s’inquiètent-ils. Ils savent pourtant produire de la richesse, mais créer de l’argent leur paraît relever de la compétence d’une élite, savante, qui « sait comment on fait ».
Et un soir, que nos compagnons ressassaient leur problème pour la centième fois, ils voient approcher par la mer une barque, menée par un homme. Lui aussi semble être naufragé, et quand il mit le pied sur l’île, tous se réjouirent de l’arrivée d’un nouveau camarade. « Bienvenue chez nous !, lui souhaitèrent-ils. Nous avons bien besoin de nouveaux bras. Que sais-tu faire ? » Mais ce naufragé n’était pas n’importe qui. C’était un banquier.
« Miracle ! », s’écrièrent-ils.
C’était un cadeau du ciel. Ce banquier allait pouvoir fabriquer cette monnaie qui leur faisant tant défaut, et tirer toute la communauté de l’impasse dans laquelle elle se trouvait.
Comme tout banquier, ce nouvel arrivant transportait avec lui un sac. Un sac rempli d’or.
« Je vais fabriquer de la monnaie pour vous, leur promit-il. Mais nous n’utiliserons pas directement le métal précieux, non. À la place, je vais vous donner à chacun des morceaux de papier représentant une certaine quantité de cet or. Nous l’appellerons… le crédit. Que diriez-vous de 200 crédits chacun, pour faciliter vos échanges ? »
Les cinq compagnons applaudirent tous ensembles. Les voilà qui étaient tirés d’affaire.
Mais le banquier avait plus d’un tour dans son sac… Imprimer ces quelques papiers était facile à faire pour lui. Sans personne, ce papier ne valait que ce qu’il était, c’est-à-dire pas grand-chose. Et pourtant, il allait tirer sa valeur de toutes les richesses produites par les autres.
Au moment de leur remettre leur argent fraîchement imprimé, le banquier leur notifia un petit détail qu’il avait oublié de mentionner. « Comme cet or dont vous allez vous servir est à moi, il est logique que je tire une partie des bénéfices que vous allez en faire. C’est pourquoi je ne vous donnerai pas directement cet argent, je vous le prêterai. Oh, contre un intérêt dérisoire, rassurez-vous. Seulement quelques petits pourcents… Et vous ne me paierez que les intérêts, comme ça vous pourrez utiliser le capital comme bon vous semble. Et surtout n’hésitez pas à venir me voir, si vous avez besoin de quoi que ce soit, le banquier est l’ami de tout le monde. »
Les cinq naufragés étaient ravis. Le banquier les avait tirés d’affaire.
« Une dernière petite chose, leur précisa-t-il, trois fois rien. Les affaires sont les affaires, même entre amis. Et, si par mégarde vous ne pouviez pas me rembourser, je serai dans ce cas contraint de compenser en me servant sur vos biens. Mais rassurez-vous, je suis persuadé que cela ne se produira jamais. Vous êtes d’ardents travailleurs, et je sais que vous paierez vos dettes. »
C’était une offre équitable. Et les cinq compagnons, munis de leurs nouveaux crédits, reprirent leurs activités…
Tout semblait aller pour le mieux sur la petite île des naufragés. Grâce à l’argent du banquier, leur production avait considérablement augmenté, et avec elles les richesses produites sur l’île. Mais bien vite, de nouveaux problèmes firent leur apparition. Le banquier ponctionnait régulièrement ses intérêts, contraignant chacun à se tuer à la tâche pour faire rentrer de nouveaux crédits. Et si l’un d’eux s’enrichissait un peu trop, c’était au détriment d’un autre.
Chaque fois qu’ils avaient besoin de crédits supplémentaires pour faciliter tous ces nouveaux échanges, le banquier alourdissait encore la dette que chacun leur devait. Et gare à ceux qui ne produisaient pas assez, car c’était la saisie qui guettait leurs biens.
C’était le monde à l’envers : plus ils produisaient de richesses, et plus ils étaient pauvres !
Contrariés, et déçus de ce nouveau système qui ne leur avait pas rendu la vie meilleure, les cinq naufragés partirent voir le banquier pour lui exposer leurs griefs.
« Monsieur le banquier, votre système n’est pas juste, leur exposèrent-ils. Vous vivez de nos richesses, alors que vous-même ne travaillez même pas. En plus, plus nous travaillons, et plus nous vous devons de l’argent. Même si chacun de nous vous rendait tout l’argent qu’il possède, nous ne pourrions pas vous rembourser, puisque vous demandez des intérêts, et que vous seuls décidez de combien d’argent nous disposons ! Cela suffit. Nous refusons de vous entretenir plus longtemps. »
Leur plainte était légitime. Ils travaillaient dur, créaient de nouvelles richesses, mais n’en profitaient pas pour autant.
« Mais c’est grâce à moi que vous avez pu produire toutes ces richesses, leur répondit le banquier. Sans moi, et sans mon argent, vous n’arriveriez à rien. »
Le banquier se frotta alors les mains.
« Et il fallait mieux lire avant d’accepter, ironisa-t-il. En attendant, si vous ne voulez plus de mon argent, il faut rembourser vos dettes. Et si vous ne pouvez pas me rembourser… n’oubliez pas que vos terres m’appartiennent… »
Imaginons une petite île, perdue en pleine mer. Et au large de cette île, un bateau. Tout à coup, une tempête s’abat sur le navire, qui fait naufrage au beau milieu de l’océan. Seuls cinq naufragés, rescapés du désastre, parviennent à rejoindre la côte en s’accrochant tant bien que mal aux débris.
Ils attendent, attendent, espèrent un sauvetage, mais rien ne vient. Le monde semble les avoir oubliés…
Après avoir bravé les éléments, les cinq survivants refusent de se laisser abattre, et décident de prendre leur nouveau destin en main. L’île sur laquelle ils ont accosté est accueillante, et regorge de richesses. Et après une rapide discussion, ils s’aperçoivent que tous disposent de talents et de savoir-faire uniques, leur permettant à chacun de subvenir aux besoins de la communauté. Ainsi, l’un sait travailler la terre, l’autre élever des bêtes, ou encore travailler le bois, le métal, ou soigner ses pairs à l’aide de plantes. À eux cinq, en exploitant les ressources de l’île, ils sont à même de survivre.
Plusieurs années s’écoulent sur la petite île perdue des naufragés, et si la vie n’est pas rose tous les jours, les cinq compagnons parviennent tout de même à prospérer. Leur communauté s’enrichit. Mais elle ne s’enrichit pas d’or, non, ni de billets. Elle s’enrichit de leur propre travail, des richesses qu’ils ont eux-mêmes créés, à partir de la terre qu’ils partagent tous ensemble. Certains se souviennent du pays dans lequel ils vivaient autrefois. Où les magasins débordaient d’articles, tous plus alléchants les uns que les autres, mais dont personne ne pouvait profiter, car ils étaient trop chers. Non, ici, la vie est différente. Et ça ne viendrait à l’idée de personne de laisser pourrir sous leurs yeux ce dont ils ont besoin, et qu’ils ont eux-mêmes contribué à fabriquer.
Les cinq naufragés se réunissent souvent pour évoquer leur sort, et s’ils s’accordent à dire qu’ils s’en sortent plutôt bien, leur système d’échange n’est pas parfait, et a quelques inconvénients majeurs, d’ordre pratique. Ne vivant qu’en petite communauté, chacun pratique le troc au quotidien, ou l’échange direct de service. Mais ce n’est pas toujours pratique. Par exemple, que se passe-t-il lorsqu’untel a besoin d’un mobilier en bois, mais qu’il ne pourra payer en récoltes qu’à l’été prochain ? Ou encore qu’un autre a besoin de manger, mais que ses compétences de médecin ne servent à personne sur le moment ? Voilà qui était problématique. Il leur fallait trouver une solution.
« Il nous faut une monnaie ! », s’exclamèrent-il tous en chœur. Une monnaie pour simplifier les échanges, et pour permettre à chacun d’exercer ses activités à son rythme.
« Mais aucun d’entre nous ne sait comment créer de l’argent ? », s’inquiètent-ils. Ils savent pourtant produire de la richesse, mais créer de l’argent leur paraît relever de la compétence d’une élite, savante, qui « sait comment on fait ».
Et un soir, que nos compagnons ressassaient leur problème pour la centième fois, ils voient approcher par la mer une barque, menée par un homme. Lui aussi semble être naufragé, et quand il mit le pied sur l’île, tous se réjouirent de l’arrivée d’un nouveau camarade. « Bienvenue chez nous !, lui souhaitèrent-ils. Nous avons bien besoin de nouveaux bras. Que sais-tu faire ? » Mais ce naufragé n’était pas n’importe qui. C’était un banquier.
« Miracle ! », s’écrièrent-ils.
C’était un cadeau du ciel. Ce banquier allait pouvoir fabriquer cette monnaie qui leur faisant tant défaut, et tirer toute la communauté de l’impasse dans laquelle elle se trouvait.
Comme tout banquier, ce nouvel arrivant transportait avec lui un sac. Un sac rempli d’or.
« Je vais fabriquer de la monnaie pour vous, leur promit-il. Mais nous n’utiliserons pas directement le métal précieux, non. À la place, je vais vous donner à chacun des morceaux de papier représentant une certaine quantité de cet or. Nous l’appellerons… le crédit. Que diriez-vous de 200 crédits chacun, pour faciliter vos échanges ? »
Les cinq compagnons applaudirent tous ensembles. Les voilà qui étaient tirés d’affaire.
Mais le banquier avait plus d’un tour dans son sac… Imprimer ces quelques papiers était facile à faire pour lui. Sans personne, ce papier ne valait que ce qu’il était, c’est-à-dire pas grand-chose. Et pourtant, il allait tirer sa valeur de toutes les richesses produites par les autres.
Au moment de leur remettre leur argent fraîchement imprimé, le banquier leur notifia un petit détail qu’il avait oublié de mentionner. « Comme cet or dont vous allez vous servir est à moi, il est logique que je tire une partie des bénéfices que vous allez en faire. C’est pourquoi je ne vous donnerai pas directement cet argent, je vous le prêterai. Oh, contre un intérêt dérisoire, rassurez-vous. Seulement quelques petits pourcents… Et vous ne me paierez que les intérêts, comme ça vous pourrez utiliser le capital comme bon vous semble. Et surtout n’hésitez pas à venir me voir, si vous avez besoin de quoi que ce soit, le banquier est l’ami de tout le monde. »
Les cinq naufragés étaient ravis. Le banquier les avait tirés d’affaire.
« Une dernière petite chose, leur précisa-t-il, trois fois rien. Les affaires sont les affaires, même entre amis. Et, si par mégarde vous ne pouviez pas me rembourser, je serai dans ce cas contraint de compenser en me servant sur vos biens. Mais rassurez-vous, je suis persuadé que cela ne se produira jamais. Vous êtes d’ardents travailleurs, et je sais que vous paierez vos dettes. »
C’était une offre équitable. Et les cinq compagnons, munis de leurs nouveaux crédits, reprirent leurs activités…
Tout semblait aller pour le mieux sur la petite île des naufragés. Grâce à l’argent du banquier, leur production avait considérablement augmenté, et avec elles les richesses produites sur l’île. Mais bien vite, de nouveaux problèmes firent leur apparition. Le banquier ponctionnait régulièrement ses intérêts, contraignant chacun à se tuer à la tâche pour faire rentrer de nouveaux crédits. Et si l’un d’eux s’enrichissait un peu trop, c’était au détriment d’un autre.
Chaque fois qu’ils avaient besoin de crédits supplémentaires pour faciliter tous ces nouveaux échanges, le banquier alourdissait encore la dette que chacun leur devait. Et gare à ceux qui ne produisaient pas assez, car c’était la saisie qui guettait leurs biens.
C’était le monde à l’envers : plus ils produisaient de richesses, et plus ils étaient pauvres !
Contrariés, et déçus de ce nouveau système qui ne leur avait pas rendu la vie meilleure, les cinq naufragés partirent voir le banquier pour lui exposer leurs griefs.
« Monsieur le banquier, votre système n’est pas juste, leur exposèrent-ils. Vous vivez de nos richesses, alors que vous-même ne travaillez même pas. En plus, plus nous travaillons, et plus nous vous devons de l’argent. Même si chacun de nous vous rendait tout l’argent qu’il possède, nous ne pourrions pas vous rembourser, puisque vous demandez des intérêts, et que vous seuls décidez de combien d’argent nous disposons ! Cela suffit. Nous refusons de vous entretenir plus longtemps. »
Leur plainte était légitime. Ils travaillaient dur, créaient de nouvelles richesses, mais n’en profitaient pas pour autant.
« Mais c’est grâce à moi que vous avez pu produire toutes ces richesses, leur répondit le banquier. Sans moi, et sans mon argent, vous n’arriveriez à rien. »
Le banquier se frotta alors les mains.
« Et il fallait mieux lire avant d’accepter, ironisa-t-il. En attendant, si vous ne voulez plus de mon argent, il faut rembourser vos dettes. Et si vous ne pouvez pas me rembourser… n’oubliez pas que vos terres m’appartiennent… »
