La Couronne de Cuivre

(Description provisoire)
Grande zone agricole dans la Vallée du Nirvana, la Vallée Fertile s'articule autour de trois villages : Vauxgrisants à l'est, non loin de la Lorien, Champsdor au centre, autour de la butte de l'Abbaye, et (à venir), plus loin au nord-ouest.

***

Quête : Le Berceau

Quittant les contrées sauvages de la Vallée, le petit groupe de voyageurs suivait désormais une piste, qui les mena entre les vignes, jusqu'en bas de la colline et au milieu des champs. Le blé était encore vert, le maïs à l'état de grandes tiges feuillues, et il y avait de vastes potagers qui s'étendaient sur des toises et des toises. Quelques personnes y travaillaient, distantes, et levèrent la tête sur leur passage, sans pour autant venir à leur rencontre. Le chemin était parfaitement entretenu. Ils parvinrent finalement à une fourche, juste après avoir traversé une petite rivière. Vaux grisants était vers la droite, assurément, mais Champsdor était plutôt sur la gauche. Cordélia se tourna vers le barde.
" Je crois que je vais aller à Champsdor. Sauf si tu penses que tu vas avoir besoin de moi... Je viendrai vous voir demain ?"

Puisqu'ils avaient jusqu'à présent prévu de se rendre ensemble à Vauxgrisants, il fut quelque peu décontenance. Ce qui ne l'empêcha pas d'acquiescer et de lui sourire.
-Bien sûr, quand tu veux, Cordélia : je pense qu'aujourd'hui et demain, nous prendrons simplement nos marques, donc il y a peu de risques que nous soyons absents quand tu passeras.

" D'accord. Au pire, je vous laisserai un message. Il ne doit pas y avoir beaucoup plus d'une heure, une heure et demi de marche entre les deux villages... Mais Vauxgrisants a l'air drôlement petit... Pas sûre qu'il y ait une auberge, dans ce patelin. Je préfère pas prendre de risques."
Elle sourit.
" Bon, les garçons, je vous confie l'elfe. Veillez sur lui, la forêt est proche !"
Victor vint étreindre Cordélia avec tout son entrain usuel et elle promit de venir les voir rapidement, tandis que Baptiste lui souhaitait bonne route avec plus de distance. Titus avait toujours peur d'elle et s'en écarta, comme s'il craignait qu'elle ne l'embarque subitement.

-J'espère que tu trouveras une bonne auberge, fit-il à Cordélia. Et je te dis à demain !
Il la regarda s'éloigner un moment, se demandant si elle viendrait vraiment les voir ou si quelque rencontre, quelque péripétie la lancerait sur une nouvelle voie. Puis il donna aux garçons le signal du départ : l'heure était venue de gagner Vauxgrisants et de faire la connaissance de leur nouvelle hôtesse.

Il leur fallut encore une bonne heure avant d'atteindre les abords du village. Leur estomac criait alors famine. Ils avaient traversé d'autres champs, des prés où paissaient vaches, chèvres ou moutons, des vergers fleuris, quelques petits bois. La route de terre se mua en chemin de pavés, et ils entrèrent dans le village en traversant un petit pont de pierre. Un pêcheur installé dans son ombre les suivit du regard, manifestement surpris de voir des voyageurs, mais leur sourit. Les premières maisons étaient des entrepôts, puis ils atteignirent une sorte de comptoir, en face duquel se trouvait une forge, pour l'heure inactive. Un peu plus loin se trouvait la place du village, au centre duquel poussait un gigantesque cerisier. Il y avait aussi un abreuvoir, un petit temple dédié à Chauntéa, et plusieurs habitations. Cordélia avait vu juste : aucune trace d'une auberge. Trois petits vieux étaient assis sur un banc, sous l'arbre, et devisaient en fumant la pipe — pour l'homme ou tricotant pour les dames. Ils regardèrent approcher le curieux équipage avec des sourires édentés.
" Voilà le genre de vision qu'on n'a pas souvent...
— C'est comme dans le conte, la dryade et les trois garnements.
— Sauf que c'est pas une dryade, ça, mesdames !"

-Mesdames, monsieur, bien le bonjour.
Il leur sourit, s'inclina courtoisement.
-Pourriez-vous m'indiquer la maison de la veuve Pomone ? Un ami m'a dit que nous pourrions loger chez elle et s'il a bien fait les choses, elle est déjà prévenue de notre arrivée.

" Ah, vous allez loger chez Mona ? Je ne savais pas qu'elle faisait pension. Tu le savais, toi ?
— Non, je savais pas. Mais ça m'surprend pas, y'a de la place chez Mona. Sous l'toit, tu peux mettre au moins deux chambres, j'dirais.
— Deux chambres ? Trois !
— Comment que tu l'saurais, toi ?
— J'ai refait l'ardoise.
— Y'a trente ans ! Bourrique ! Ça nous rajeunit pas."
Ils gloussèrent de concert.
" C'était quoi la question, déjà ?
— Il voulait savoir c'était où, chez Pomone...
— Hé ben, mon gars, tu prends la rue-là, et c'est la troisième maison sur la droite. Avec les volets bleus. Tu peux pas t'tromper."

-Merci pour le renseignement. Je vous souhaite un bon après-midi.
Et sur un nouveau sourire, il remit son petit groupe en marche.
A présent, il ne s'inquiétait plus concernant la localisation de la maison mais... concernant le fait que la veuve Pomone ait ou non été prévenue. Si le courrier du temple ne lui était pas encore parvenu, elle risquait d'être prise complètement au dépourvu...

Ils trouvèrent la maison sans difficultés. C'était une petite bâtisse blanche aux volets bleus, avec un jardinet bien entretenu qui en faisait le tour, un appentis où s'empilait une réserve de bois modeste, et un chat gris sur l'appui de fenêtre, prenant le soleil. Une femme d'environ cinquante ans était en train de pendre du linge entre un arbre et la façade et les regarda approcher, d'abord surprise, puis souriante. Elle avait la taille menue, des cheveux noirs striés de blanc, et des yeux clairs et rieurs.
Elle s'approcha du portail qu'elle ouvrit pour les rejoindre dans la rue.
" Vous êtes le barde, Taliesin. Je suis Pomone. Vous pouvez m'appeler Mona. Venez, venez donc... Vous devez être fatigués."

Et bien, ses inquiétudes s'étaient avérées vaines.
-Je suis effectivement Taliesin. Enchanté de faire votre connaissance.
Il franchit la grille, veilla à ce que les garçons en fassent autant - y compris Titus qu'il gardait à l’œil, conscient que cette plongée dans un village humain pouvait l'inquiéter ou... réveiller de mauvais souvenirs.

Elle lui serra énergiquement la main lorsqu'il se fut approché.
" Je vous attendais ces jours-ci. Peut-être hier, peut-être demain... Mais on connait les aléas de la route..."
Elle se tourna vers les garçons.
" Bon... Et vous... Qui est Victor, qui est Baptiste ?
— Victor, c'est moi.
— Et Baptiste, moi.
— Et qui est le troisième qui a l'air... pétrifié..."

Taliesin hésita. Pas longtemps, cependant : puisqu'il avait opté pour amener leur compagnon de route sous son toit, il ne faudrait pas longtemps avant qu'elle ne se rende compte du fait qu'il n'était pas humain...
-Il se nomme Titus, expliqua-t-il en baissant d'un ton et après avoir jeté un regard autour de lui pour s'assurer qu'il n'y avait pas de témoins trop proches. On me l'a confié pour que je le ramène auprès de son peuple, dans la Lorien. Et comme son peuple est plutôt rare en dehors de la forêt... Nous l'avons déguisé pour qu'il n'attire pas trop l'attention.

" Son peuple ? dit Pomone, étonnée. Qu'est-ce que c'est pour une créature ? On dirait un enfant... un peu elfe ? Mais trop, en fait...
— C'est un faune, répondit Victor. Il est pas méchant."
Il tapota l'épaule de Titus, qui bondit hors de sa portée.
" Mais il baragouine dans un langage incompréhensible... et il est super trouillard.
— C'est pas gentil de dire ça, c'est pas vraiment vrai." intervint Baptiste.
Pomone sourit.
" Bon. Mais c'est très bien. Mon fils Yann est absent mais il rentrera tout à l'heure. Je vais vous préparer un en-cas... Ce serait juste bien si vous pouviez installer votre cheval à l'écurie. Elle est juste là-derrière."
Elle désigna le côté droit de la maison.
" Vous pouvez le mettre dans le box à côté de la mule. Elle est gentille, elle ne l'ennuiera pas."

-Très bien, nous nous en occupons immédiatement. Merci.
Mais avant de se charger de Minuit, c'est à Titus qu'il songea.
-Tu n'as rien à craindre, lui dit-il en sylvestre. Cette dame chez qui nous allons habiter s'appelle Mona : elle m'a été recommandée par un ami. Elle ne te fera aucun mal.

L'écurie était modeste mais bien abritée et propre. La mule leva sa tête grise à leur entrée et les salua d'un braiment tonitruant qui effraya les enfants. Minuit fut rapidement installé, dessellé et ils purent transporter leurs affaires à l'intérieur de la petite maison. Le couloir était court et trois portes y débouchaient. Celle de droite donnait directement dans une vaste salle de séjour, lumineuse et confortable. Une grande table de bois clair en occupait le centre et on y avait déjà déposé des victuailles : fromages et charcuteries, du pain, des fruits et des légumes de saison, ainsi qu'une quiche froide. Pomone leur sourit en les regardant entrer.
" Installez-vous ! Je vous montrerai les chambres ensuite. Elles sont sous le toit, mais ne vous en faites pas : en cette saison, nul risque d'y avoir trop chaud."

-Je suis sûr que ce sera parfait.
Et il l'était, en effet.
Il fit ensuite signe aux enfants de s'installer, pour les y encourager. Et, évidemment, il traduisit les paroles de leur hôtesse à Titus, lequel risquait de se sentir encore plus intimidé, lui qui n'avait sans doute pas l'habitude de manger à table et d'utiliser des couverts...

Titus avait l'air complètement désemparé, mais Baptiste lui montra qu'on pouvait manger avec ses doigts et le faune se détendit. Victor avait bon appétit, son frère s'intéressa surtout au fromage. Le pain était frais, encore tiède, le saucisson était fourré aux noisettes, et le jambon cuit fleurait le miel. Pomone les regarda se sustenter avec le sourire. Elle servit du jus de pommes aux enfants et un vin blanc à Taliesin.
" Comment s'est passé votre voyage ? Vous êtes venus par Champsdor ?"

-Nous avons vu le bourg de loin mais nous n'y sommes pas passés. En fait, nous avons navigué sur la Sylvestre depuis Togoria jusqu'à Rivelfe, puis nous avons traversé les terres en direction du nord.
Il sourit.
-A dire vrai, nous avons eu droit à quelques péripéties. Mais tout s'est toujours bien terminé.

" Oh, vous êtes venus à travers tout ! Vous êtes bien courageux... et vous devez être épuisés !"
Elle se tourna vers les enfants.
" Enfin, tout le monde a l'air en bonne santé. C'est le principal. Mais sachez quand même que la route est plus tranquille. Il y a même un service de coche à partir de Champsdor. Bon, il ne circule qu'une fois par veille, mais c'est sûr et confortable. Personne dans la Vallée ne songerait à aller et venir par un autre moyen !"

-Je comprends bien et c'est sans doute la solution pour laquelle nous opterons au moment de rentrer chez nous, répondit-il. Mais pour autant, je ne regrette pas nos petites aventures : elles se sont bien terminées, elles nous ont permis de voir des lieux intéressants et de faire de belles rencontres. Titus, par exemple, ainsi que la personne qui s'occupait de lui jusqu'à présent ou encore Cordélia, une voyageuse qui viendra nous rendre visite demain, si vous en êtes d'accord : elle nous aurait bien accompagnés ici mais a jugé plus probable de trouver une auberge à Champsdor.

" Elle a eu raison : il y a une taverne à Vauxgrisants, mais pas d'auberge. A Champsdor, il y en a deux, elle trouvera son bonheur."
Elle sourit.
" Nous recevons peu de visiteurs : Vauxgrisants n'a aucun attrait particulier et ne se trouve sur aucune route..."

-...et ne figure pas non plus sur la plupart des cartes, ajouta-t-il. Quoiqu'il en soit, je trouve votre village charmant, vraiment : même s'il n'y avait pas les ruines découvertes par votre fils, je ne regretterais pas d'y être venu. C'est tout à fait le genre d'endroit que j'apprécie, et celui ou nous vivons n'est guère différent. Même si, je le reconnais volontiers, il n'a pas les attraits de la vallée du Nirvana.

" Oh, vous verrez qu'ici, il n'y a ni licornes, ni chimères. Des vaches, des moutons, des champs de blé ou de lin... Non, nous ne sommes pas très représentatifs de la Vallée du Nirvana. Enfin, si vous poussez jusqu'à la Lorien, bien sûr, vous trouverez votre content de monstres de légendes... Elle est sous la juridiction des elfes, comme vous le savez bien sûr, et nous en respectons scrupuleusement les frontières. Bien sûr, quand une bestiole s'égare sur nos terres, nous avons le droit de l'y renvoyer... d'une manière ou d'une autre... mais c'est très rare."
Elle sourit.
" Vos garçons ont bel appétit. Ça me rend toute chose de les voir ainsi... Les miens sont adultes. Seul Yann vit encore à la maison..."

-Je comprends.
Et il préférait ne pas imaginer comme leur maison lui semblerait vide quand tous leurs enfants en seraient partis.
-Mais pour en revenir aux attraits de la vallée, je ne parlais pas des créatures, juste du charme du paysage. Il y a deux ans, nous avons vécu quelques mois à l'orée de la Lorien. C'était à bonne distance au nord d'ici mais j'en garde un excellent souvenir.

" Ah, vous avez donc une certaine habitude de ce qui peut en sortir..."
Elle sourit.
" Mais pour un elfe, cela n'a rien de très surprenant. Ce qui est surprenant, c'est que vous n'y viviez pas !"
Elle rit doucement.
" Il y a très peu d'elfes dans la Vallée Fertile. Quelques demi-sangs, et puis des voyageurs de passage, exclusivement à Champsdor. Les gens seront sans doute un peu sur leurs gardes avec vous... Les elfes de la Lorien sont souvent ombrageux et tout le monde craint de faire un faux pas... mais cela leur passera rapidement quand ils apprendront à vous connaître."

-Je leur expliquerai également que je ne suis pas originaire d'Helonna mais de Féérune, ce qui devrait contribuer à les apaiser, répondit-il, tranquille.
Pour le reste, ni durant leur séjour en bordure de la forêt, ni durant sa traversée, il n'avait vu quoi que ce soit d'extraordinaire dans la Lorien. Mais il se doutait qu'elle regorgeait de créatures sauvages et étranges... Ce qui faisait une partie de son intérêt, d'ailleurs.

" Je suis un peu moins sûre pour le faune... Il a l'air gentil et sans danger mais... Les gens ont souvent peur de ce qu'ils ne connaissent pas. C'est sans doute mieux de ne pas trop l'exhiber... Mais il a l'air tellement timide que j'ai l'impression qu'il préférera aussi garder ses distances."
Titus observait les lieux avec curiosité mais son appétit prenait pour l'heure le dessus.
" Yann est avec les bêtes, à glaner. Mais si les enfants sont intéressés, ils pourront aller voir les cochons tout à l'heure : une de nos truies, Félicie, a mis bas il y a quelques jours et elle a douze porcelets magnifiques."

Taliesin sourit.
-Cela leur rappellera la maison : nous vivons dans une ferme non loin de Luménis.
Il hésita.
-Mais il faudra que nous discutions d'une compensation en échange de l'accueil que vous nous offrez : nous ne pouvons pas nous contenter d'arriver et de nous installer...

Pomone rougit.
" Maître Timothée a envoyé de quoi couvrir votre séjour en même temps qu'une caissette de documents. Vous ne devez pas vous en faire : même si vous restiez tout un mois, j'aurais de quoi faire."
Elle sourit.
" D'autant que les denrées sont moins chères dans la Vallée : nous vivons en parfaite autarcie, ou presque..."

-Oh, Tim ne m'avait pas dit qu'il réglerait cet aspect des choses... répondit-il. Mais c'est tant mieux... Pour autant, si nous pouvons vous être utiles d'une quelconque manière au cours de notre séjour, vous ne devrez pas hésiter à nous le dire.
Car l'argent ne réglait pas tout, évidemment, surtout si ce n'était pas ce dont leur hôtesse avait le plus besoin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Vallée Fertile

[Lieu] La Vallée Fertile