La Couronne de Cuivre

Dans une rue à la sortie d'une auberge, titubant, les mains éraflées, je pestais ma colère et ma tristesse toutes deux mêlées.

- Que puis-je faire ? la maison qui m'a vu naitre tombe en ruine ! Le blason et le nom de notre famille est vilipendée par des torche-culs !
Je ne suis que le cadet, je n'ai rien à dire quant aux faits de mon ainé... mais le voir ainsi malmener notre noble maison, me sert le cœur...

Je livrai là un bien misérable et honteux spectacle ; Parler là, seul dans la rue, pinté pour noyer la douleur qui m’étreint et me fait suffoquer... Cette douleur c'est celle de l'honneur bafoué qui ne peut exiger réparation... et qui ne fait qu'empirer avec les mois qui passent et la situation qui empire.

J'avais certainement pris la choppe de trop... J'avais certainement pris l'injure de trop... Un pauvre imbécile, un pilier de comptoir qui crache sur mon blason, je n'ai pas pu résister je lui ai mis la correction de sa vie, il n'avait qu'a connaitre sa place ce va-nu-pied ! Ce mange-merde ! Héhé.. si mon maitre d'arme m'avais fait forger une rapière du nom de la "lame revêche" ce n’était certes pas pour rien...

Ce qui me fait le plus mal... c'est qu'il a raison, le chef de la famille Brise-Haut est un gens foutre qui laisse une illustre famille sombrer dans la misère pour se consacrer à ses menus plaisirs !
Un idiot et un débauché qui traine dans les bas quartiers pour fréquenter la lie de la société ceux qui naissent vivent et meurent dans la fange et la crasse !
Et le pire des frères qui soit, qui non content de savoir que je suis en désaccord avec sa manière de gérer le domaine me rit au nez et me fait comprendre que je n'ai rien à dire.

- Cette fois la coupe est pleine, je ne supporterai pas tout ceci plus longtemps, d'une façon ou d'une autre, il faut que j'en finisse, une bonne fois pour toute !

Je me rendis au manoir familiale il y avait "fête" ce soir, comme tout les soirs, mon très cher frère dépensait tout le bien durement gagné, au prix du sang, par notre famille dans des fêtes et parties fines régulières. Les courtisanes, la nourriture hors de prix et les événements les plus extravagants, tout y passait...

Après quelques minute de marche, le poing serré, la demeure familiale était en vue, celle de mon enfance, celle de ma famille, celle de mes ancêtres... celle qui était maintenant à jamais souillez par le vice... la vue de cet endroit me remplissait d'un sentiment incertain, un mélange de nostalgie et de dégoût !

J’entrais poussant du pied les femmes et les hommes dénudés, vautrés les uns sur les autres, tel des porcs, et me dirigea vers mon frère qui orchestrait tout ceci, prêt à en découdre...

Clithandre se tourna vers moi, et me dit avec son habituel petit sourire en coin,

- Alors Léandre toujours entrain de fulminer ?

En effet je fulminais et cela faisait presque deux mois, deux mois que je me retenais, deux mois que j'avais une envie irrépressible de la passer au fil de l'épée...

- Quel est donc encor ce tapage ? non content de jeter tout le bien de notre famille par les fenêtres, vous jouez maintenant les entremetteurs bénévoles mon frère ?

Mon visage alors que je m'exprimais, était empreint d'une moue montrant mon dégout, face à ce spectacle affligeant... ce à quoi mon frère n’eut d'autre réaction que de conserver son sempiternel rictus, et de poussez un léger soupir.

- Je suis las de tes reproches Léandre, je vais une dernière fois récapituler la situation : je suis l'ainé et de ce fait je suis celui qui a hérité de l'ensemble du domaine, tu es le cadet et donc tu n'a rien a dire, peu me chaut que la situation ne te plaise pas. Tu me fatigues avec tes histoires d'honneur du nom, et de devoir de noble... Tss... on dirai notre père ! Tout ce bien accumuler j'ai bien l'intention d'en profiter. Si tu n'es pas content et bien tu peux t'en aller...

Mes dents crissaient, je serrais les poings pour résister à l'envie qui me submergeait... Celle de le rouer de coups ! Mais cette envie fut bien trop forte, cella faisait trop longtemps que je me retenait, bien trop longtemps, deux mois, deux LONGS et PÉNIBLES mois !
Dans un geste libérateur, je lui assena la gifle la plus forte que jamais je n'avais donner jusqu'alors, si forte qu'il en tomba à terre, si sonore que le manoir entier en reçut l’écho, je crus bien sur le coup que tout Eauprofonde aurai pu l'entendre...

Enfin ce rictus qui me vrillait les nerfs, avait momentanément disparu de son visage, je ne sais si c'est cela, ou le fait de lui avoir collé la gifle qu'il méritait, mais ressentait a ce moment précis une intense satisfaction !

Alors que tous posaient leurs regards sur moi, incrédules et surpris de ce qu'il venait de se passer, je dis à Clithandre, qui reposait sur son arrière train, la main sur sa joue douloureuse, sur un ton que je voulais le plus méprisant possible...

- Fort bien, comme tu me l'as si gentiment conseillé je m'en vais, je quitte ce manoir, mieux je quitte cette ville, je ne supporte plus de voir ton visage de débauché et de moins que rien... vautre toi dans le luxe et la luxure pendant que le peux encor mais lorsque tu seras sans le sou, ne compte pas sur moi pour lever le petit doigt.

Content de mon coup d’éclat, content de voir mon frère rouge de honte et de rage, je sortis de ce lupanar qui fut naguère ma demeure prenant plaisir à bousculer tous ces vils esclaves de leurs sens pour me frayer un chemin vers la sortie.
Une fois dehors je posa un dernier regard sur le manoir qui m'avait vu naitre puis sans grand regret je pris la direction du port.

Je traversa la ville, bien décidé à prendre la mer... mais pour aller où ?

Après tout je n’était jamais réellement partit de cette ville, mes seules expériences militaires s’étant déroulées dans sa périphérie ou dans la campagne proche.

A mesure que je réfléchissais, je me rapprochais du port... j'avais entendu dire que des navires qui partait pour de lointaines destinations cherchaient des volontaires. je n'avais pas le pied marin mais après tout pourquoi pas ?

- Un navire pourra peut-être me prendre à son bord... Me dis-je.

Alors que j’arrivais au quartier du port et que l'odeur du sel me prit au nez, je tomba sur un attroupement de gens devant une estrade, où un homme barbu et ventru, visiblement un recruteur, était en plein discours.

- Approchez ! Approchez ! Voulez-vous vivre avec gloire et mourir sans regrets ? Voulez vous n'avoir rien à penser et qu'un supérieur s'en charge pour vous ? N’hésitez pas engagez-vous ! Engagez vous et vous serez considérés !

Le discours ne pays pas de mine, et on se demandait comment ce triste sire voulait que qui que ce soit s'engage ne racontant des inepties pareilles... Alors que je m’apprêtais à tourner les talons et "continuer" ma recherche lorsque j’entendis la suite du discours...

- Manost, cité naguère sous l'autorité du Vigilant est actuellement en guerre contre la vile cité de Melandis, elle cherche des volontaires qui seront près à ce battre, et même à mourir en héros pour la défendre contre le chaos qui règne à Melandis et qui menace aujourd'hui de pénétrer ses murs.

Voilà qui m’intéressa beaucoup plus, une cité qui désire être défendu contre le Chaos. Je me rappela que Manost était loin à l'ouest, sur un continent en partie inexploré... et je me dis alors que cette ville, pourrai être une chance, une opportunité que je devais saisir.

Je me dirigea donc vers l'estrade écartant les badauds qui me barraient le chemin, et m'adressa au recruteur :

- Eh bien messire, je désire m'engager et suis prêt a servir la cause de Manost, et à la défendre contre le chaos qui frappe à ses portes...

J'avais deja pris ma décision, je voulait tirer un trait sur cette ville et pouvoir porter à nouveau mon nom avec fierté ! Loin d'Eauprofonde, loin de mon frère, loin de tout !
Prendre un nouveau départ, comme on dit parfois !

- Attendez un peu jeune homme que je retrouve le registre...

Je le vis chercher le dit registre désespérément pendant de longue minute de toute évidence il n'y avait pas foule pour s'engager... en même temps au vu du discours, c’était assez compréhensible.

- Ah le voilà ! Puis-je connaitre votre nom ?

- Léandre de Brise-Haut.

Il me demanda d’épeler mon nom, de toute évidence il connaissait pas ma famille, même de réputation... peu importe, je n’était pas là pour profiter de mon statut. Puis il me demanda d'apposer le seing habituel.

- Eh bien voilà qui est fait, nous embarquerons ce soir, sur la Carpe Rugissante... je ne pense pas que l'on puisse trouver plus de volontaires.

J'attendis donc le soir dans une auberge, puis je me suis rendu devant le navire qui devait m'embarquer vers ma nouvelle destination.

Je me trouvais devant la Carpe Rugissante, une frégate dont la figure de proue représentait un grand poisson à tête de lion... j’attendais de voir l'homme qui m'avait recruté, pendant ce temps même si le crépuscule était en train de poindre l’équipage semblait actif, chargeant le navire de caisse tonneaux et autres, tout ceci dans une organisation qui faisait plaisir à voir pour toute personne appréciant l'ordre et la discipline.

Lorsque je vis le recruteur, celui-ci m'intima d'un geste à le suivre, nous montâmes sur le navire et se dirigea vers un vieil homme qui semblait diriger du regard tout ces hommes entrain de travailler, c’était le capitaine du navire.

- Ah ce brave Rodrick ! Je vois que tu as réussi à persuader quelqu'un à te suivre jusque Manost, bon je crois avoir perdu mon pari...

Le vieux loup de mer dit ceci avec un petit sourire malicieux, pendant que Rodrick le recruteur, semblant un peu vexé s'efforça tout de même de faire les présentations.

- Jeune homme je vous présente Arnak, capitaine de la Carpe Rugissante, un marin et meneur d'homme émérite qui dans sa jeunesse a été aux confins du monde connu...

- pfff, arrête dont les ronds de jambe Rodrick, je ne te ferais pas de prix sur la traversée...

Rodrick afficha à son tour un petit sourire, visiblement les deux semblait bien se connaitre.

- Et notre pari ?

- Nous verrons cela lorsque tu m'aura présenté ce jeune homme qui doit s'impatienter !

- Fort bien voici messire Léandre de Brise-Haut, un jeune homme courageux qui accepter de servir la bonne cité de Manost.

- Eh bien fiston, je ne sais pas ce qui vous a motivé a rejoindre cet énergumène pour défendre sa ville, mais sachez que pour cela je respecte votre dévouement à une cause qui n'est en rien la votre, et que vous venez de me faire perdre un pari, ma vengeance sera terrible...

De toute évidence le vieux capitaine semblait plaisanter, bien que je n'aimais pas ce genre de familiarité, il n'y avait dans son allure rien d'offensant, c’était les manières décontractées d'un homme d’expérience et c’était dans une certaine mesure rassurant.

- Je suis heureux de partir pour Manost et je vous remercie de m’accueillir au sein de votre équipage.

Le capitaine Arnak posa sa main sur mon épaule avec un petit sourire. Soudain il se tourna vers le quai et, d'une voix forte et claire cria à ses hommes, qui semblaient avoir finit de charger le navire, profitait d'une petite pose.

- Remuez vous bande de vieilles rascasses ! On doit lever l'ancre et ce navire ne va pas prendre la mer tout seul, à vos postes et au trot !

Quelques minutes plus tard le navire levait l'ancre et partit pour Manost, avec moi à son bord... Qu'est-ce qui m'attendait là bas ?

Cela faisait quelque jour que nous avions pris la mer la mer était lunatique, tantôt calme tantôt agitée, mais rien de notable aucune tempête, la houle me rendait parfois nauséeux, lorsque le capitaine vit mon visage livide il me dit d'un air amusé en me posant la main sur l’épaule :

- Alors fiston sorti de son palais, on a les tripes qui lâchent ? Héhé ne t'en fait pas mon petit nobliaux, c'est normal quand tu n'as pas l'habitude de prendre la mer, c'est un peu le bizutage d'Umberlie... On est tous passés par là !

En temps normal j'aurai réagit négativement à ce genre de manière, mais avec le capitaine je le prenait avec le sourire j'ai réfléchit à cela après coup, plusieurs raison l'expliquait : le fait qu'il était le capitaine, le chef de ce navire et que je lui devait le respect, que peut importe ses petites plaisanteries il n'y avait derrière il me semblait aucune volonté blessante, et puis surtout je l’appréciais tout simplement.

- Merci de votre sollicitude capitaine ! Je pourrais peut-être aider l’équipage vous m'avez pris sur votre navire à titre gratuit, ce serai la moindre des choses...

Ainsi au moment où j'ai proposer au capitaine d'aider les membres de l’équipage dans la conduite du navire estimant que le fait qu'il m’accueille sur son navire sans rien me demander en échange me créait une dette envers lui, mais celui-ci me dit alors :

- Allons gamin ne t'en fait pas, j'ai parié avec Rodrick que s'il parvenait à convaincre ne serait ce qu'une personne de le suivre, que lui paierai à lui comme à ses recrue le voyage de retour, je tiens ma parole tout simplement...

Les hommes d'honneur et de parole étaient choses rares parmi le commun des hommes, il gagna de part ses manières de diriger ce navire et se comporter mon estime et mon respect.

Plusieurs jours encor passèrent encore on avait essuyer une tempête la veille Umberlie s’était réveillée et pas de bonne humeur, l’équipage fit donc la fête pour célébrer leur victoire contre la mort et la mer.

C’était le soir, la mer était calme nous prime notre repas, tous ensemble moi Rodrick et ses hommes ainsi que le capitaine et son équipage, seules la vigie et le navigateur restaient à leur poste attendant la relève...
Ce soir là il y avait un peu du thon péché le jour même, je fus surpris de voir des légumes et des fruits... en pleine mer.

Ceux-ci semblaient presque tout juste récoltés des champs ou cueillis de l'arbre... Ils avaient été conservé par un procédé magique expérimenté par une mage amie du capitaine qui voulait savoir si sa théorie était juste : La consommation de fruits et légumes étaient efficaces pour éviter une maladie fort fréquente sur les navires qui franchissent le grand océan : Le scorbut.

Le capitaine Arnak m'expliqua que lors de sa jeunesse sur le navire de son père "Arnak deuxième du nom", il vit nombre de marins mourir, les dents déchaussées, les lèvres noircies et se vidant de leur sang par le nez et la bouche... Un destin peu enviable que connaissent encore souvent de nombreux marins en expédition.

Lorsque je lui demanda ce qu’était devenu son père,

Rodrick un peu pinté demanda :

- Tient quand j'y pense je ne t'ai jamais demandé il est devenu quoi ton père, Arnak ?

Le capitaine répondit alors avec un petit rire :

- Mon père ? C’était un pirate ! Et comme nombre de pirate, il mourut tué au cours d'un abordage par un groupe d'aventurier. A l'epoque je devais avoir... a peu près le même age que le gamin, j'ai été capturé, j'ai donc dû les suivre un moment dans leurs aventures avant de m’échapper et rejoindre par mes propres moyens le vieux continent de Féérune... je ne sais pas ce qu'ils sont devenus...

- Impressionnant capitaine ! Je...

Le capitaine semblait avoir vécu de de nombreuses choses, au moment ou j’allais lui dire que j’étais impressionné qu'il réussisse à survivre à tout ceci seul, il reprit la parole :

- Tient, ça me rappelle que lors d'un voyage à Athkatla j'en avait parler à un jeune barde qui logeait au quartier du port, il a réécrit et enjolivé mes propos mais bon, je me demande si on peut encore le trouver... j'ai cru entendre dire qu'il n'est pas des plus apprécié des autorités... (hrp oui bon j'avoue je recycle un peu )

Après une longue discussion je retourna dans ma cabine, pensif sur ce qui m'attendait à Manost, le voyage arrivait bientôt à son terme un ou deux jours encor peut-être une semaine... Une chose était sure ma nouvelle vie allait commencer, bientôt, là-bas.