La Couronne de Cuivre

Quelle journée de merde ! Je n'ai pas d'autre mots : des inconnus qui tentent de me buter, une fuite précipitée et sans explications de la maison, d'autres cinglés mené par une crevure en armure noir qui en veulent aussi à ma vie, la mort de Gorion... J'avais "un peu le moral dans les bottes"...

Gorion, il m'avait demander d'aller ici... si quelque chose lui arrivait, que des amis à lui m'aiderai. Des amis je me demandais à quoi ils pouvaient ressembler ses amis, si c’était pour voir des vieux en robe de bure, il y en avait plein à Chateausuif... Bon sang j’étais enfin arrivé à cette foutue auberge... enfin "auberge" ça ressemblait plus une petite forteresse qu'autre chose, une forteresse avec une très mauvaise sécurité un mage fou m'avait agressé, après m'avoir demander mon nom... une agression de plus...

- C'est ça le Bras "amical" ?

Amical mon cul oui ! Pensais-je, ou alors amical avait pris une toute autre signification depuis mon départ de Chateausuif.

- Le monde est ainsi fait, on n'est jamais en sécurité nulle part...héhéhé

C’était Montaron un halfelin... inquiétant que j'avais rencontré prés de... du lieu de l'assaut... lui et son compagnon mage m'avaient offert leur aide, je n’étais pas en position de refuser. il m'avait demander de les accompagner à Nashkel, je leur avais dit que je devais trouver des"amis" à Bras amical. Ils m'avaient accompagner à contre cœur...

- Jeune homme, DOIS-JE vous rappeler que nous sommes pressés... je suis contrarié ! Contrarié ! CONTRARIÉ !!

Le mage Xzar était sans doute le plus effrayant du groupe, il se mordait les phalanges en lâchant des tirades incompréhensibles, insultait parfois les dieux sans raisons dans un simple conversation, deux ou trois fois déjà il m'avait parlé de lapins en quelques heures, il semblait parfois en caresser des imaginaires... Si Montaron me semblait inquiétant, c’était Xzar qui me foutait vraiment la frousse...

Je regardais Imoen qui me dit avec l'air le plus innocent du monde.

- Ce sont de bien étranges personnes...

Je ne pu m’empêcher d’éclater de rire. Non tu crois ma petite ? On était tombé sur deux cinglés... Bon j’espérais au moins tomber sur des personnes aimables qui pourrait m'aider, et je pourrais ainsi me débarrasser des deux cinglés... plein d'espoir donc je poussa la porte.

- Allez entrons.

J'attendais de réunir le reste du groupe avant d'aller plus loin...

La taverne était pleine de monde, mais je parvins à distinguer deux silhouettes parmi la foule, un homme en armure et une femme, deux demi-elfes visiblement. Je m'approchait me disant que c’était peut-être eux les amis de Gorion... espérant une interaction chaleureuse, un peu de réconfort dans cette journée de merde... Je décidais de parler au plus proche des deux, le demi elfe en armure :

- P-p-puis je vous aider ?

- Je suis Arkan, l'enfant de Gorion il m'a dit que je pouvais trouver de l'aide ici, Gorion est mort et je n'ai personne d'autre vers qui me tourner.

En dehors d'Imoen et des deux affreux, bien entendu.

- C-calmez-vous mon enfant. nous pouvons vous aid...

La femme demi-elfe coupa la parole à son compagnon, d'un ton sec avec un accent à couper au couteau.

- L'enfant de Gorion hein ? Hé bien vous ne semblez pas avoir hérité de son bon sens...

Un peu de réconfort putain... ça commençait bien... Franchement, mais quelle connasse !

Dans une bourgade de Rashéménie, vivait un fier seigneur fort comme un boeuf, rusé comme un renard. Il était marié à une belle héritière qui lui avait donné deux enfants, l'ainée, la fille était le portrait de sa mère, élancée, maligne, elle adorait jouer avec son petit frère Minsc de 4ans qu'elle couvrait de bisous. Minsc était un garçon particulièrement costaud pour son age mais il était extrêmement timide et préférait passer le plus clair de son temps à écouter des histoires de chevalerie que leur comptait leur précepteur. En effet, tout jeune, l'on avait offert au garçonnet un petit hamster, hélas au cours d'un de leur jeu, le rongeur fut écrasé par l'enfant qui n'avait pas mesurer sa force. Tout penaud, le petit garçon se jura alors de rester bien sage et devint introverti au grand dam de son père. Le précepteur de Minsc voyait grandir un enfant destiné à un bel avenir, si jeune déjà, il faisait preuve d'un bel esprit de déduction et son caractère si calme le presenter comme un futur érudit.
- "Vous savez mon cher maître, faisait Minsc avec ses joues rouges, vous avez gagné notre dernière partie d'échec mais je compte bien vous faire gouter à la défaite dès que possible!"

Le père de Minsc passait beaucoup de temps sur ses terres à guerroyer avec ses voisins, il y avait toujours des batailles suivies de périodes de calme, aussi passait-il peu de temps dans sa demeure avec sa femme et ses enfants. Il advint hélas qu'au retour d'une de ses campagnes, l'un de voisins en avait profiter pour attaquer et piller ses terres. Le seigneur ne put alors que constater les dégâts. Ses reserves avaient était dévastées, sa maison brulée, sa femme et sa fille mortes sous les décombres. Fou de tristesse, il partit avec ses soldats chercher vengeance. L'histoire ne raconte pas ce qu'il advint de lui mais l'on ne le revit plus jamais. Sans doute erra-il le regard vide avait après voir terrasser son rival... Pendant ce temps, le précepteur qui avait était mortellement blessé lors de l'assaut savait qu'il n'en avait plus pour longtemps, que le temps lui était compté. Alors qu'il allait s'assoupir gisant contre un mur il entendit un faible gémissements en provenant des décombres, il héla les paysans alentours et coordonna les recherches. Bientôt l'on retrouva le petit Minsc coincé sous une poutre, on le sortit et le remit sur pied, le bambin ouvrit les yeux et se mit à balbutier.
- "Minsc a mal à la tête. Minsc pas se souvenir."

Puis il retomba, inconscient, lorsqu'il se réveilla, il présenta les mêmes symptômes, le précepteur voyant cela en fut profondément peiné et mit ses dernières forces à l'ausculter. Il en conclut, hélas, que le petit garçon avait subit un choc irreversible et qu'il y avait fort à parier qu'il cesse de se développer intellectuellement. Le précepteur réfléchit profondément et dit:
- "Mon petit Minsc, les dieux ont voulut qu'il en soit ainsi, tu as perdu ta famille, tes richesses et ton intellect. Moi il me reste peu de temps à vivre, l'hiver vient et les paysans du coin n'auront sans doute pas de quoi nourrir une bouche en plus. Il m'en coute de te dire cela mais je vais te faire conduire près d'une tribu vivant prés du fleuve. Ils respectent la force et tu seras devenir l'un de leur champion, un guerrier berserker, je le vois dans les astres."
Le vieux maître donna ses derniers ordres, et quelques pieces qui lui restait et l'on conduisit alors le bambin où il l'avait ordonné.
Minsc avait passé son premier combat, du petit garçon il ne restait rien, il en était sortit transformé, à la fois grandit et diminué, il allait devoir se montrer fort et courageux mais tout cela n'était que le début d'une longue aventure...

[INDENT] [INDENT]D’après le témoignage d’Imoen.

[/INDENT]
[INDENT]Même si je ne sais pas encore comment, je ne cesse de me le répéter : « j’me sortirais d’ici ».[/INDENT]

Me voici au milieu d’une région sauvage, une vaste étendue de terre graveleuse clairsemée de maigre verdure. Si quelques sapins et hêtres frappés par l’autonome jalonnent un terrain accidenté, c’est surtout la présence de rochers striés d’ocre qui cache l’horizon.

Avec ce qui me reste de compagnons, je tente de reprendre mes forces autour d’un maigre feu. À mes côtés, un mage paré d’une robe verte finit son repas, tandis qu’une petite personne se repose à même le sol, enveloppée dans une couverture.
Même si l’endroit demeure dangereux, nous avons monté un bivouac sous le couvert de troncs et arbustes dénudés. La visibilité est plus que réduite, on ne peut compter que sur un guerrier nain parti faire son tour de garde.
En cas d’attaque, je ne disposerai que de maigres ressources : seules cinq flèches occupent mon carquois, et mon épée courte semble s’effriter. Le tranchant souffre probablement de ce mal qui ronge le fer venu des mines de Nashkel.
Avachie contre une pierre froide, j’essaye de décrasser ma tunique rose maculée de poussière et de sang.

Surtout, ma tête toujours endolorie de fatigue tente de remettre dans l’ordre les derniers événements…

On aurait dû écouter Jaheira et Khalid qui tenaient à descendre au sud enquêter à propos de cette crise du fer.
Mais non !
Moi et le Meneur, on a voulu partir à l’aventure !
Je le surnomme le Meneur, car c’est lui qui a pris la tête de notre groupe. Après le meurtre de notre père adoptif Gorion, on s’est retrouvé seul dans la nature, avec pour unique direction l’auberge du Brasamical où nous attendaient Jaheira et Khalid. Le Meneur nous a orientés grâce à ses talents de rodeur ; moi qui me moquais de lui quand il furetait dans les jardins de Château-Suif, il a rapidement su s’adapter en plein air !
Sur le chemin, on a recruté deux individus louches : un petit roublard du nom de Montaron, et un mage adepte de la nécromancie, Xzar.
Sur le coup, on était bien content de les avoir avec nous après nos mésaventures.
Pourtant, une fois rejoint par Jaheira et Khalid, leur présence nous est vite devenue pesante. D’autant plus qu’ils n’ont pas manqué de rameuter un nain avide d’argent : Kagain.
Mais en ses temps troublés, mieux vaut être mal accompagné que seul.
Le Meneur a donc joué les médiateurs pour nous entrainer à l’ouest, près des falaises qui surplombent la Côte des épées. Notre groupe manquait d’argent, et des rumeurs à propos de trésor aguichaient nos oreilles.

Seulement, nous n’avions pas le niveau pour pareil endroit.

Dans un premier temps, on a rencontré une sirène. Cet imbécile de Xzar a accepté de l’embrasser… et est immédiatement mort sous le coup du baiser empoisonné. Heureusement, à cinq contre une sirène, on l’a contrainte à ramener d’entre les morts le nécromant. Plein de bonne volonté, le Meneur a souhaité écouter la créature aquatique. Elle nous a expliqué avoir agi sous l’emprise d’un ogre-mage. Sans trop y réfléchir, nous avons décidé de la libérer du joug de ce monstre.

Grave erreur.

L’ogre-mage s’est révélé être un adversaire bien trop redoutable. Le monstre devenait invisible, frappait comme un titan, et lançait des éclairs qui ont failli tuer Montaron et Kagain.
Khalid fut le premier à prendre la fuite, suivi de Xzar. Puis l’ogre-mage a lancé un sort d’horreur qui nous a fait paniquer.
Tout s’est alors emballé.
Notre groupe s’est dispersé à travers une zone dangereuse. Quand j’ai repris mes esprits, j’étais loin de l’ogre-mage ; mais proche de loups qu’affrontaient Kagain. Je suis venue à son secours, et au prix d’une vilaine morsure, nous nous en sommes sortis. Montaron et Xzar nous ont rejoints. Par contre, aucune trace du Meneur, ni de Khalid et Jaheira. Nos recherches n’ont fait que nous approcher d’hordes d’ogres et de hobgobelins. J’ai bien insisté pour que l’on poursuive nos recherches.
En vain. Devant tant de dangers et sans signe des autres, les trois larrons ont tenu à quitter la zone afin de panser leurs plaies.

Alors, sans rassembler notre groupe avant d’aller plus loin, nous sommes partis à l’est, en direction de Bérégost.

Une journée s’est presque écoulée depuis ce drame. Les rayons du soleil commencent à s’assombrir ; mieux vaut repartir sans plus attendre, tant que la lumière nous indique la direction de l’est. J’espère atteindre une route qui puisse nous conduire vers Bérégost pour y reprendre des forces. Après, j’ignore s’il me faut reformer un groupe pour partir chercher le Meneur vers la côte où je l’ai perdu. À moins qu’il n’ait écouté Jaheira et Khalid, auquel cas mieux vaudrait faire route vers Nashkel.
Je ne peux me résoudre à ce qu’il soit mort.

Un bruit de succion me sort de mes pensées.
À mes côtés, Xzar finit d’aspirer la moelle d’un os d’écureuil. Accroupi près du feu, le mage m’observe. Sous ses longues mèches rousses, ressortent ses yeux cernés de khôl ; un noir maquillage qui bave telles des griffures sur ses joues, allant jusqu’à dessiner d’étranges points sur son front. Même le contour de sa bouche se bariole d’encre, comme pour lui rehausser un sourire.
Sa tenue est encore plus sale que la mienne : le bas de sa robe a pris une teinte brunâtre, tandis que le reste est barbouillé de crasse, sang, et je-ne-sais quoi d’autre. La paume des mains tournée vers le feu, Xzar continue de me fixer de ses insupportables yeux globuleux, tout en tétant le fémur du rongeur. Il a un don incroyable pour mettre les gens mal à l’aise.
J’essaye d’engager la conversation, en espérant que cela l’amène à détourner son regard :[INDENT]« Ça va Xzar ? Tu te remets de ton baiser mortel avec la sirène ? »

[/INDENT]
[INDENT]Sans faire tomber l’os de sa bouche, il me répond de son timbre haut perché :

« Hmmm... Votre voix est exquise. »

[/INDENT]
Un frisson me saisit. Je sais pertinemment que son propos n’est en rien une tentative de séduction. Le nécromant s’avère seulement incapable d’avoir une discussion normale. Ce qui n’enlève rien à son côté malsain. Près de nous, allongé sur une couverture qui peine à le couvrir, s’agite un petit homme :[INDENT]« Fermez-la, grogne Montaron de sa voix aigre. Si vous ne m'accordez pas un peu de repos, nos prochains agresseurs risquent de survivre.

— Montaron ! s’exclame Xzar. Vous êtes si exaspérant ! Cela nuit à mon équilibre !

— Bordel, réplique Montaron. Je sens que ça va être moi le prochain agresseur. Imoen, fais-le taire ! »[/INDENT]

Je n’apprécie guère Montaron, car contrairement aux autres petites personnes, le roublard se montre toujours agressif, sans compter la cruauté dont il fait preuve lors de combats. Il en devient même effrayant, car aussi petit soit-il, sa carrure n’en demeure pas moins carrée, tendue sur des muscles secs et nerveux.
Pourtant, il va falloir que je le secoue un peu afin de se remettre en route.
Xzar se charge de l’énerver davantage :[INDENT]« Enfin ! Quelles manières ! En plus, je vous ferai remarquer que nos derniers agresseurs vous ont largement survécu ! »[/INDENT]

D’un bond, Montaron se redresse. Toujours paré de sa besantine, les cheveux en pétard, il affiche une mine mauvaise. De nombreux bleus boursoufflent son visage déjà marqué par des entailles. Ses yeux noirs brillent de haine :[INDENT]« J’vais te tuer, crache Montaron. C’est à cause de toi qu’on s’est fait dégommer comme ça ! Y’avait qu’un con comme toi pour aller rouler une pelle à une sirène !

— Oh ne parlez plus, badine Xzar, ou je vous croque. »[/INDENT]

Montaron se lève et se dirige vers lui. Je n’ai ni la force, ni l’envie de m’interposer. L’infâme petit bonhomme se contente d’infliger de grandes claques au mage qui lui rend quelques griffures.
Quelle misère. Il a fallu que je me retrouve avec la pire partie du groupe, loin du Meneur, de Khalid, et de Jaheira ; la seule disposant d’une magie de soin.
Arrive alors le dernier de mes mauvais compagnons. Trapu tel le nain qu’il est, protégé par une armure feuilletée sur laquelle repose sa barbe, Kagain apparait la hache au poing.
Mais son écu est fixé au dos, il traine de son autre bras quelqu’un d’encore plus petit que lui.[INDENT]« Pouvez pas être plus discrets ? dit le nain. Y’a des ennemis dans le coin.

— Des ennemis ? ricane Montaron en lâchant Xzar. Le gamin que t’as trouvé en fait partie ? »[/INDENT]

En effet, Kagain arrive en tirant par la main un enfant. Consciente de la violence du nain, je me précipite auprès de lui.
Vêtu de haillons, le bambin ne semble pas avoir été blessé. D’ailleurs, il parait même amusé de la situation.
D’une tape dans le dos, Kagain le fait avancer vers notre cercle.[INDENT]« Raconte ce que t’as à dire Footy, dit Kagain.

— Du calme ! lâche-t-il d’une voix enfantine. Faut pas attirer les cadavres ! »[/INDENT]

Je ne tiens plus et me dois d’intervenir :[INDENT]« Que fais-tu ici au milieu de nulle part ? Tu es perdu ?

— Pas du tout ! s’exclame Footy. Je peux rentrer quand je veux à la maison.

— Et où est-elle ta maison ?

— A Bérégost !

— Bérégost ? » Je m’enflamme d’espoir avant de reprendre : « On est tout près de Bérégost ?

— Oui, il faut moins d’une heure pour rentrer ! Je serai déjà sur le chemin du retour si le nain ne me retenait pas ! »
[/INDENT]
Nous sommes tout proche d’un lieu où reprendre des forces ! Et c’est un pauvre gamin en haillon qui nous apporte l’information !
Kagain semble penser à autre chose :[INDENT]« Sauf que t’as des choses intéressantes à nous raconter Footy.

— Oui ! s’exclame-t-il fièrement. J’ai vu Bassilius ! Il est trop rigolo, il passe son après-midi à parler avec des zombis qu’il a ramenés !

— Des zombis ? se réjouit Xzar. Voilà qui doit être intéressant à voir.

— Oui, reprend Footy. Il est tout maboule Bassilius ! Parait qu’il a tué toute sa famille sans faire exprès.

— C’est n’importe quoi, dis-je interloqué par cette histoire. Comment pourrait-on tuer toute sa famille sans le vouloir ?

— J’sais pas moi, se défend Footy. J’ai aussi entendu qu’il a abandonné sa famille alors que des géants les attaquaient. Mais en tout cas, ce balourd de Bassilius leur parle comme s’ils étaient vivants ! »
[/INDENT]
Vraiment, il n’y a plus de jeunesse. Ne voyant pas où mène cette conversation, je préfère sermonner l’enfant :[INDENT]« Ce n’est pas un lieu pour toi ! Il faut que tu retournes chez toi maintenant !

— J’veux ma poule d’abord ! »[/INDENT]

Footy lance un regard accusateur à Kagain. Tout sourire, le nain sort lentement une poule de son sac. D’un plumage blanc un rien encrassé, la poule caquète. On dirait qu’elle se racle la gorge comme pour parler.[INDENT]« Oublie la poule, dit Kagain, elle est à moi.

— Non ! proteste Footy. C’est moi qui l’ai trouvée ! »[/INDENT]

Xzar avance d’un pas et lève l’index pour prendre la parole :[INDENT]« On devrait le manger.

— Ouai, approuve Montaron. Pour une fois, je suis d’accord. On devrait plumer et manger la poule.

— Je ne parlais pas de la poule, » répond Xzar en fixant l’enfant.[/INDENT]

Inconscient du danger, Footy se met à hurler :[INDENT]« Rendez-moi ma poule !

— Ferme-là gamin ! » crie Montaron en lui donnant une claque.[/INDENT]

J’écarte l’enfant et lui ordonne de partir. Footy s’en va alors, en trainant des pieds et pleurnichant à propos de la poule.
L’obscurité grandie, et une pointe de culpabilité me saisit à la vue de ce petit être au milieu de terres vallonnées.[INDENT]« Bon, soupire Xzar, puisqu’il ne reste plus que le gallinacé, je vous laisse la chair. Je prends la moelle et les plumes. Dommage que je n’ai ni chianti ni fèves… »[/INDENT]

Un cri aigu nous fait sursauter :[INDENT]« Côt noooon, me mangez pas, côt ! »[/INDENT]

Hormis Kagain, sous scrutons tous les environs pour savoir d’où provient cette voix. Le nain lève la poule à deux mains en riant :[INDENT]« C’est une poule qui cause ! »[/INDENT]

Xzar, Montaron et moi, on reste bête devant le volatile. C’est alors que, depuis le cou caillé de la poule, caquète une voix humaine :[INDENT]« Je ne suis pas une vraie poule ! dit la poule. Côt, je suis un, côt-côt, un homme !

— Alors ? sourit Kagain. J’en ai vu des choses extraordinaires pendant que vous dormiez !

— Cette poule ! crie Xzar. C’est une magie impie ! Il faut la brûler !

— Non, dit Montaron. On la fait cuire pour la manger. »[/INDENT]

La poule, dont le regard ne laisse entrevoir aucun signe d’intelligence, agite ses ailes :[INDENT]« Côt, ayez pitié, aidez-moi !

— Pourquoi ? ricane Montaron. J’ai faim et une poule qui parle ça sert à rien.

— On pourrait la revendre à un cirque ? » propose Kagain.[/INDENT]

Évidemment le nain pense à s’enrichir. Néanmoins, j’y vois un moyen de raisonner ce groupe avide d’argent :[INDENT]« Un instant, peut-être pourrions-nous découvrir quelques trésors en écoutant l’histoire de cette poule ? »[/INDENT]

Kagain et Montaron s’échangent un regard ; Xzar continue de fixer la poule avec inquiétude. Je me décide à interroger l’animal :[INDENT]« Mes excuses, heu, chère poule. Vous disiez être un homme. Pourquoi avez-vous l’apparence d’une poule alors ? »[/INDENT]

Le gallinacé, toujours serré entre les gants de Kagain, cesse de battre des ailes et entrouvre son bec :[INDENT]« Je m’appelle Mélicamp, côt-côt ! Je suis un mage et, je me suis transformé en poule…

— Malédiction ! s’écrie Xzar. La poule va nous contaminer.

— Non, piaille la poule. Ce n’est pas une malédiction. J’ai seulement essayé un sort de polymorphisme qui, côt-côt, a échoué. »[/INDENT]

J’essaye de calmer Xzar avec cette information :[INDENT]« Tout va bien alors. Aucun risque d’être frappé par une malédiction. »[/INDENT]

Montaron attrape le cou de la poule et tourne son bec vers lui. Les yeux vides de l’animal se retrouvent face à un visage tiré de méchanceté :[INDENT]« Et qu’est-ce qu’on gagnerait à t’aider ? interroge-t-il.

— Côt, eh bien, côt-côt, si vous m’amenez auprès de mon maître, il pourra vous payer…

— Il est riche ton maitre ? demande Kagain.

— Côt oui ! C’est Thalantyr, un mage d’exception. Lui seul pourra me rendre ma forme, côt-coôot ! »[/INDENT]

Montaron lâche le cou de la poule. J’interviens avant que Xzar ne prenne la parole :[INDENT]« Thalantyr est célèbre dans tout Bérégost ! Il vend de nombreux artefacts magiques à Haute-haie, c’est à deux pas de la ville en plus. On peut aller le voir, toucher une prime pour Mélicamp, puis se refaire une santé dans une auberge de Bérégost. »[/INDENT]

Discrètement, j’essaye de diriger ce groupe là où je veux. Kagain se montre peu motivé :[INDENT]« Pas faux, dit le nain sans entrain. Mais je suis pas certain que le mage soit un gars très généreux.

— Côt ne vous en faites pas, je pourrais aussi vous payer !

— Et combien ? » questionne Montaron.[/INDENT]

Incroyable. On trouve une poule qui parle, et ces nabots ne pensent qu’à marchander une prime. Mélicamp nous promet une part de ses économies et l’octroi d’un objet magique fabriqué par Thalantyr. Xzar s’y oppose évidemment :[INDENT]« Non ! s’insurge le mage. Une poule parlante c’est contre-nature !

— C’est toi qu’es contre-nature, assène Montaron.

— Vous allez voir ! crie Xzar en levant les bras au ciel. Bientôt, on entendra parler les hamsters ! »[/INDENT]

Indifférente à l’énième dispute qui s’entame entre les deux comparses, j’essaye de récupérer la poule :[INDENT]« Peu importe, mettons-nous en route pour Haute-haie. Je vais transporter la poule ».[/INDENT]

L’air de rien, je tends les bras pour récupérer l’animal. Mais Kagain l’éloigne de moi en déclarant :[INDENT]« C’est moi qui l’ait trouvée. C’est moi qui la garde.

— Faux, dis-je. Tu l’as volée.

— Pour moi c’est la même chose.

— Côt, intervient Mélicamp, je préfère aller avec la femme…

— Non, réagit froidement Kagain. C’est pas la basse-cour qui commande ici. »[/INDENT]

Sur ces mots, le nain enfonce la tête de la poule dans sa sacoche avant de la nouer fermement. Je sens une tension s’installer. Il va m’être difficile de tenir tête à cette racaille, d’autant que les deux autres sont du même alignement que lui. Avec un rictus chargé de cruauté, le nain remet son casque à corne, saisit son bouclier et sa hache. Il use alors de tout son coffre pour parler d’une voix suffisamment forte pour faire taire Montaron et Xzar :[INDENT]« À présent, tonne-t-il, j'entends faire de nous des gens bourrés d'argent.

— Vraiment ? dis-je un rien narquoise. Je ne crois pas que l’on t’ait nommé chef du groupe. »[/INDENT]

Le nain efface son sourire pour me fixer d’un air menaçant :[INDENT]« Un chef ne se fait pas élire. Il s’impose comme une évidence par ses qualités. Et toi, t’en as pas. »[/INDENT]

La nuit s’épaissit et la tension monte encore d’un cran. Kagain entend diriger notre bande, et il ne compte certainement pas retrouver le Meneur. Même si je ne peux expliquer pourquoi, Montaron et Xzar détestent Jaheira et Khalid ; difficile de les rallier à ma cause. J’ai très envie de tous les traiter d’imbéciles. Finalement, j’opte pour une approche plus fine :[INDENT]« Allons rendre la poule, ce sera un début pour gagner de l’argent.

— J’ai bien mieux comme idée, réagit Kagain. On va d’abord aller voir Bassilius. Footy m’a dit où il est.

— Et pourquoi ? demande Montaron.

— Pour la prime de cinq mille pièces d’or qu’offre le grand-prêtre de Bérégost. Le saint homme voit d’un mauvais œil la présence de ce clerc adepte de Cyric qui agresse des voyageurs.

— Oh oui, se réjouit Xzar. J’ai très envie d’observer ses morts-vivants. »[/INDENT]

Personnellement, je suis plutôt favorable à l’idée de tuer un clerc fou qui relève des cadavres. Seulement, il y a quelques détails qu’il me faut mettre en avant :[INDENT]« Et Footy t’a précisé de combien de morts-vivants dispose Bassilius ?

— Plusieurs, » élude Kagain ennuyé par ma question.[/INDENT]

Pas question de le laisser s’en tirer comme ça. À l’aide de mes doigts, je lui donne le décompte des problèmes qu’il oublie :[INDENT]« On vient d’essuyer un échec contre un ogre-mage, nous ne sommes pas totalement remis de nos blessures, nous n’avons plus de potion de soin, et tu veux nous envoyer vers un autre combat ? En pleine nuit contre des morts-vivants ? Sans avoir mesuré les forces de l’ennemi ? »[/INDENT]

Kagain me fixe l’air rageur :[INDENT]« Sois pas idiote gamine, et me prends pas pour un imbécile. On a cas s’approcher discrètement du clerc, on repère les macchabées à renvoyer sous terre, et on trouve le meilleur angle d’attaque. Si un mioche a pu l’observer sans se faire prendre, on peut y arriver ! »[/INDENT]

Je secoue la tête en signe de négation :[INDENT]
« Non. On n’est pas en état d’engager le combat contre Bassilius.
[/INDENT]
[INDENT]— Assez ! s’impatiente le nain en pointant sa hache vers moi. Si tu veux partir vas-y ! » Il se tourne vers Xzar et Montaron pour crier : « Et vous deux, vous êtes prêt à toucher une jolie prime ?

— Ouai, déclare Montaron. Avec la prime on devrait pouvoir s’acheter de quoi tenir jusqu’aux mines de Nashkel.

— Voilà qui est bien dit, clame Kagain. Allons saigner ce dingue de Bassilius ! »[/INDENT]

Une voix chevrotante résonne alors :[INDENT]« Qui me veut du mal ? »[/INDENT]

Trop pris par notre échange, nous n’avions pas entendu les bruits alentour.
Mais à présent, un bruissement de pas traînants parvient à nos oreilles. La faible lueur du feu me permet de distinguer plusieurs silhouettes décharnées encercler notre campement.

Des squelettes. Des squelettes qui marchent. Des squelettes armés d’arbalètes.[INDENT]« Qui veut me séparer de ma famille ? » répète la même voix.[/INDENT]

Depuis les fourrés, surgit un homme. Il avance vers nous, droit et maigre comme un clou affublé d’une cotte de mailles.
Son visage glabre au teint blafard déteint avec ses cheveux roux. Des cernes violacés labourent ses yeux au point que l’on pourrait les confondre avec des orbites creuses. Mais sous ses sourcils blonds, miroitent des yeux noirs embués de larmes. Aucunes ne coulent, elles se contentent de faire étinceler un regard baigné de folie.
Il avance encore, et je discerne l’emblème placardé contre son torse : un crâne entouré de flammes. L’emblème du dieu assassin Cyric.

Plus aucun doute possible. Kagain le voulait, il l’a eu grâce à notre tapage.
Bassilius est face à nous.

Au bout de ses bras faméliques, le prêtre tient un marteau de guerre dont l’acier doré se macule de terre et de sang. Ses doigts serrent le manche fébrilement.

Des feuilles mortes craquent sous le pas d’ossements.

Bassilius reprend en tentant de contenir le tremblement de sa voix :[INDENT]« Je viens tout juste de retrouver ma famille. Et on veut déjà m’en séparer ?

— Pas du tout ! » s’exclame Xzar.[/INDENT]

Une vague d’appréhension me saisit : quelles idioties va prononcer le mage ?[INDENT]« Nous venons seulement prendre part à la réunion de famille, poursuit Xzar indifférent à la menace. Je suis vexé de ne pas y avoir été convié d’ailleurs. »[/INDENT]

Deux zombis apparaissent entre la végétation. Ils boitent jusqu’au niveau de Bassilius. Sous l’effet de leur respiration sifflante, leur peau décharnée se craquèle en des pelures brunes et verdâtres. Une odeur de viscère me prend au nez ; telle une émanation toxique, elle descend le long de ma gorge pour me retourner l’estomac.
Montaron pose sa main sur la garde son épée. Je fais de même. Kagain relève son bouclier, sans pour autant oser dire un mot.[INDENT]« Oui, » poursuit Bassilius. Il regarde joyeusement les deux zombis. Un sourire découvre ses gencives et dents jaunes : « Nous sommes tous réunis maintenant.
[/INDENT]
[INDENT]— Maintenant que JE suis là ! s’offusque Xzar.

— C’est vrai ? » demande sincèrement Bassilius. Il plisse les yeux pour mieux voir Xzar : « Peut-être. On dirait que vous êtes… oncle Lester ? C’est bien vous ?

— Oui c’est moi ! » répond Xzar sans hésitation.[/INDENT]

Xzar me lance un regard tout joyeux et me murmure :[INDENT]« Voyez comme il est facile à manipuler. »[/INDENT]

Le mage a raison. La folie de Bassilius est une faille à exploiter.[INDENT] « Est-ce vrai ? demande Bassilius à un zombi près de lui. Qu’en penses-tu frère Thurm ? C’est oncle Lester ? »[/INDENT]

La cage thoracique du mort craque en se gonflant :[INDENT]
« Uuuuggggghhhhh, expire le zombi.

— Oui, vous dites vrai. Ce n’est pas lui.

« Aaaarglllllhhhhhhggghh, » confirme Thurm.[/INDENT]

Suite à cet effort, l’œil droit du zombi sort de sa cavité pour choir mollement au sol. Immédiatement, Bassilius le ramasse pour le remettre à sa place. Ses gestes sont grossiers, et le globe éclate en déversant du pus contre la joue morte.[INDENT]« Attention, dit Bassilius en tassant la charpie jaunâtre dans l’orbite. Il ne faudrait pas aggraver tes problèmes de vue. »[/INDENT]

Pendant que le clerc rafistole le cadavre, Kagain en profite pour avancer vers lui.
En un éclair, le prêtre se retourne et pointe son marteau vers le nain. Les squelettes font résonner leurs os en relevant leurs arbalètes.[INDENT]« N’approchez pas ! crie Bassilius. Personne ne touchera à ma famille.

— Du calme, répond Kagain. C’est pas ça. »[/INDENT]

Le nain n’est pas assez diplomate calmer le jeu. Je prends donc l’affaire en main :[INDENT]« Allons pas du tout ! » Je montre Xzar du doigt : « C’est bien oncle Lester. Thurm ne l’a juste pas reconnu à cause de ses problèmes de vue ! »[/INDENT]

La main crispée sur son marteau, le prête fou fixe Xzar. Le mage lui rend un grand sourire relevé par son maquillage.
Bassilius semble figé, tout comme les squelettes nous encerclant.[INDENT]« C’est vrai, » dit simplement Bassilius.[/INDENT]

Les morts-vivants rabaissent leurs armes.
Le clerc se met à me dévisager. La joie illumine son visage cadavérique :[INDENT]« Papa ? »
[/INDENT]
Je reste sans rien dire. Il ne me prend quand même pas pour son père ?[INDENT]« Papa ! s’exclame-t-il joyeusement. C’est toi papa ! »[/INDENT]

Le fou me prend pour son père. C’est tout de même vexant.
Derrière moi, Xzar me murmure un conseil :[INDENT]« Attention à ce que l’on dit. Je pense qu’on peut lui faire entendre que toute sa famille est vraiment morte. Si on y arrive, cela rompra le lien magique avec les autres morts-vivants, qui s’effondreront au sol. »
[/INDENT]
Ce nécromant de Xzar s’avère finalement utile. Je décide de suivre son conseil, et essaye de donner un timbre plus masculin à ma voix :[INDENT]« Oui, c’est bien moi fiston ! Alors, heu, comment ça va ?

— Beaucoup mieux maintenant que tout le monde est là ! »[/INDENT]

Kagain est alors pris d’une idée :[INDENT]« Et moi, dit-il à l’adresse de Bassilius, moi c’est maman.

— Mais oui ! s’enflamme Bassilius. Tu n’as pas changé !

— Evidemment, » sourit Kagain entre sa barbe. Il se dirige vers lui en ouvrant ses bras. Et en serrant sa hache : « Viens ici que je te fasse un câlin.

— Attends ! siffle Xzar. Il doit réaliser par lui-même son mensonge. »[/INDENT]

Mais le nain n’écoute pas. Il avance lentement, sous le regard enjoué du prêtre, les bras tendus en avant. Seul le tintement de son armure brise ce silence de mort.[INDENT]« Maman est là, dit d’une voix aiguë Kagain. Tu lui as beaucoup manqué.

— Oh toi aussi, trépigne d’impatience Bassilius. Je dois te dire que ta barbe te va toujours aussi bien.

— Merci mon enfant, répond Kagain en surjouant.

— Quoique, en y réfléchissant bien, il me semble que… »[/INDENT]

Kagain élance sa hache vers le cou du prêtre. Le fou esquive dans la seconde, et le tranchant ne fait que l’érafler.
Dans un cri strident, Bassilius hurle et martèle les airs de son marteau « Pas ma famille ! » mugit-il.
Kagain pare un coup avec son bouclier. Mais le bois de sa protection est parcouru d’éclairs qui viennent s’enlacer jusqu’à l’avant-bras du nain. L’arme est enchantée. Kagain recule sous l’effet de la douleur.

Un cliquetis d’os vibre en même temps que tinte le roulis mécanique d’arbalètes.

Les deux zombis avancent vers Kagain qui s’apprête à charger Bassilius. Je suis toute proche : en deux enjambées, j’attaque un des zombis qui ne me voit pas venir. Ma lame transperce sans mal la chair morte. Mais elle se coince dans ses côtes.
Et se brise. Pas le temps de pester contre la crise du fer : j’enfonce la garde de mon épée dans une orbite du zombi. Je sens une bouillie froide dégouliner contre ma main ; je réprime une envie de vomir et je pousse la garde de toutes mes forces dans le crâne du zombi.
Des projectiles magiques lancés par Xzar illuminent de rouge les environs. Ils frappent l’autre zombi qui s’effondre ; l’instant de lueur me suffit pour discerner une dizaine de squelettes prêts à tirer.
Le claquement sec des arbalètes nous cingle les oreilles.
J’esquive, Montaron aussi.[INDENT]« Maman ! » hurle Xzar dans mon dos.[/INDENT]

Kagain est stoppé dans sa charge par deux traits qui lui frappent l’épaule droite.
Bassilius en profite pour lancer une incantation : sa main gauche se charge d’une énergie magique verte ; il abat sa paume sur le sol.
Immédiatement, la terre s’agite et ondule. Jaillissent alors des racines ! Des racines et branches animées par une magie qui en fait de longs tentacules essayant de nous agripper.[INDENT]« Tuez Bassilius ! crie Xzar. Ses squelettes tomberont avec lui ! »[/INDENT]

Montaron court vers le prêtre mais trébuche. Des racines le bloquent, elles s’enroulent telles des serpents autour de ses jambes, et glissent le long de son corps. Il est enchevêtré jusqu’au cou, incapable du moindre mouvement.

De mon côté, le zombi est toujours debout malgré le bout d’épée qui lui décore le crâne.
Il parvient à me griffer au bras ; je saigne mais l’éraflure reste légère. Le zombi est à son tour pris par les plantes ; moi je parviens à m’éloigner sans être retenue par la flore magique. Je dégaine mon arc.

Kagain pousse son cri de guerre : « Pour l’argent ! » Sa hache parvient à trancher les mailles de Bassilius. Le clerc pousse un juron tandis qu’une plaie taillade son ventre. « Cinq mille pièces d’or ! se réjouit Kagain. Viens, montre-moi la couleur de ton sang ! »
Le nain est interrompu dans son mouvement : des racines viennent l’enlacer et lui bloquent les bras et jambes.
Le voilà à son tour figé par un filet végétal.
Une nouvelle salve venue des arbalétriers s’abat contre notre groupe.
Des carreaux viennent percer l’armure d’un Montaron toujours immobilisé par le sort de Bassilius.
Je roule au sol pour éviter les projectiles, sans réussir à me relever : des branches en ont profité pour agripper mes chevilles.
Xzar, use d’un sort pour lancer une flèche de feu contre un squelette.

Si les racines ne parviennent pas à remonter mes jambes, leur étreinte se fait de plus en plus forte contre mes pieds.

Kagain est à la merci du clerc fou. Il avance vers lui en brandissant son arme :[INDENT]« Mon sang est rouge ! » hurle Bassilius.[/INDENT]
Un premier coup de marteau cogne avec lourdeur le casque du nain qui étincelle sous les éclairs de l’arme.

J’essaye de me dégager des plantes.[INDENT]« Mon sang est rouge comme celui de papa lorsqu’il est mort ! »[/INDENT]
Bassilius frappe à la tempe Kagain. Un filet couleur vermeille s’en échappe.[INDENT]« Mon sang est rouge comme le tient ! »[/INDENT]
Un troisième coup aplatit la face de Kagain, désormais baigné d’effusions écarlates et d’hématomes noircis par l’électricité du marteau.

Je parviens à me dégager, me mets accroupie, et braque mon arc vers Bassilius. Je tends la corde.[INDENT]« Mon sang est rouge comme les groseilles ! »[/INDENT]
Au son d’un crépitement osseux, un quatrième coup s’enfonce dans le crâne de Kagain.

Ma flèche siffle les airs et se fiche dans le torse de Bassilius ; une violente douleur me transperce la jambe gauche ; j’y découvre un carreau d’arbalète planté droit à travers mon os. Un bruit de cuir percé m’indique que Montaron vient encore d’être touché.
Xzar panique :[INDENT]« A moi ! Appelez des lapins en renfort ! »[/INDENT]

Le sort d’enchevêtrement se dissipe soudainement.
Montaron s’affale au sol sans un mot. Kagain, qui parait plus petit qu’avant, fait de même. Le zombi enchevêtré est à son tour libéré.
La garde de mon épée toujours plantée dans une orbite, le cadavre titube vers moi. Le carreau qui tiraille ma jambe m’empêche de me relever, mais je parviens tout de même à tendre la corde de mon arc. Le mort-vivant accélère. Je décoche assez tôt pour que ma flèche puisse prendre de la vitesse. Elle troue définitivement la tête du zombi, qui, dans un râle, s’étale à mes côtés.
J’aperçois alors Bassilius : il marche en ma direction. Ses lèvres murmurent d’inaudibles incantations. Par un concert de cliquetis squelettiques, le roulis des arbalètes reprend.
L’effroi me saisit. Je rampe pour m’éloigner du clerc, mais il presse le pas. Mon cœur bat à tout rompre, je l’entends cogner contre ma poitrine ; et il sursaute davantage en entendant un cri de femme :[INDENT]« Pour ceux qui ont péri ! »[/INDENT]

Bassilius pousse un braillement de douleur. Une flèche vient de lui transpercer une cuisse. Je regarde autour de moi. Une elfe à la chevelure blonde nouée de tresses vient de mettre à terre un squelette. Elle lui explose le crâne à l’aide de son bâton. Un autre elfe aux cheveux de jais frappe de son épée et bouclier les arbalétriers morts-vivants.

Khalid et Jaheira sont là !

Derrière Bassilius, apparait un rôdeur encapuchonné, armé d’un arc long dont il étire la corde.
Il tire, et un nouveau trait se plante dans le dos du prêtre.
Ce dernier hurle de rage, mais il réussit à user d'un sort qui l’auréole d’une magie blanche : il vient de se soigner.[INDENT]« Pas ma famille ! » mugit-il encore.[/INDENT]

Il jette des regards frénétiques tout autour de lui et entonne une incantation qui rayonne d’éclairs rouges.
Le rôdeur lui décoche une nouvelle flèche qui l’interrompt. Khalid intervient et engage le combat contre Bassilius.
Il esquive le marteau, secoue le clerc d’un coup de bouclier. Le fou vacille. Le guerrier elfe fait tourner son épée et lui entaille le ventre.
Bassilius crache de douleur, il se débat et parvient à se dégager du fer de son attaquant. Un filet rouge bave depuis son estomac.
Le souffle haletant, il chuchote un nouvel envoutement. Khalid assène une estocade à la jugulaire du clerc. La pointe de la lame brille et s’enfonce à travers le cou pour en ressortir ruisselante de vie. Bassilius s’effondre au sol dans un bruit sourd.
Par un geste désespéré, il appose sur la plaie ses doigts décharnés, incapables d’empêcher le sang de s’écouler.

Des larmes coulent le long de ses joues.

Ses muscles si crispés se relâchent enfin.

Un bris d’os carillonne et les squelettes recouvrent le sol autour du campement.

Le silence qui s’abat en est presque étourdissant.
Une ombre familière se penche auprès de moi : Jaheira. La fatigue creuse son visage, mais au moins n’affiche-t-elle aucune trace de blessure.[INDENT]« Serre les dents, » me dit-elle. [/INDENT]

D’une main ferme, la druidesse extrait le carreau de ma jambe. J’étouffe un cri de douleur le temps qu’elle applique un sort de guérison.
Xzar en profite pour se ressaisir. D’un pas lent et hésitant, il se dirige vers le corps de Montaron. Le mage se tire les cheveux et tombe à genoux devant son camarade.

Toute son armure est truffée de carreaux d’arbalètes.[INDENT]« Montaron ! hurle Xzar en réfrénant un pleur. Montaron je… » Ses lèvres tremblent tandis qu’il ferme les yeux. « Je-je » balbutie Xzar. Il contracte sa gorge pour réussir à parler : « Je… je ne vous ai jamais aiméééé... »
[/INDENT]
Le nécromant pousse une lamentation entrecoupée de sanglots.
Je note que si Xzar tire une grimace, aucune larme ne coule.

Un spasme anime subitement le visage de Montaron : une bulle rosâtre suinte de sa bouche en même temps qu’un son inaudible.

Xzar écarquille les yeux et retient sa respiration.
Il approche son oreille pour l’entendre.
Du bout des lèvres, Montaron susurre au nécromant :[INDENT]« Ta gueule Xzar. »
[/INDENT]
Immédiatement, ils reprennent leur dispute, quoique l’infâme petite personne peine à parler. Jaheira les observe, dépitée. Elle hésite réellement à soigner Montaron.
Le Meneur est tout près de moi, il s’attèle à redonner de la vigueur au feu de camp. La lumière qui en ressort me permet de mieux distinguer Kagain. Une épaisse flaque de sang s’étale depuis ce qu’il lui reste de tête : tout le haut du crâne est défoncé jusqu’à la mâchoire du bas. Il en ressort ses dents mal alignées, qui gisent par-dessus le vide ensanglanté de sa caboche.
Non, je ne dirai pas que Kagain est une pauvre chose qui a connu la mort trop tôt.
Encore hébétée, je parviens à me relever devant le Meneur qui m’observe. Le brave a usé de ses talents de pisteurs pour me retrouver.
Je le salue comme si de rien n’était :[INDENT]« Hé ! C'est moi, Imoen ! C'est bon de vous revoir ! »[/INDENT]

Sous son capuchon, je discerne un sourire :[INDENT]« Après quels problèmes es-tu allée courir ? » me demande-t-il.[/INDENT]

À peine réunis, qu’il recommence déjà à me taquiner. Je réplique d’un ton malicieux :[INDENT]« Que nenni ! J’attendais justement ton retour pour finir Bassilius ! Il va nous rapporter cinq mille pièces d’or.
— Tu avais tout calculé alors. »[/INDENT]

Je détecte bien une pointe d’ironie dans son propos. Mais pas question de lui donner raison :[INDENT]« Tout à fait. J’ai même une quête des plus époustouflantes à te proposer.
— Quoi donc ? » interroge le Meneur.[/INDENT]

Je dénoue la sacoche de Kagain et en extirpe la volaille. De mes deux mains je la soulève en l’air. Tandis qu’elle bat des ailes, je clame fièrement :[INDENT]« Rendre forme humaine à la poule qui parle ! »[/INDENT]

Sous une lune à son firmament, la poule déploie son bec et caquète :[INDENT]« Côt ! Je ne suis pas une poule ! CoooÔooot ! »[/INDENT]
[/INDENT]

Les pages de ce journal de quête ont été recueillies aux pieds de deux statues, d'un réalisme saisissant, qui semblent représenter le repas de deux aventuriers. L'expression de leurs visages est particulièrement bien rendue. L'une exprime la terreur, l'autre la surprise.
L'artiste qui les a sculptées ne semble pas les avoir signées.

Vous en commencez la lecture :

Jour 1
"Le soleil hisse paresseusement son disque rougeoyant sur la lande glacée des abords de la Forteresse des Gnolls.
Pourquoi glacée me direz-vous alors que nous sommes manifestement dans les premiers jours d'Eléasis, sans la moindre espèce de contre-réchauffement climatique à l'horizon et même au-delà (de l'horizon je veux dire) ?
Je ne saurais dire, mais comme début je trouve que ça en jette quand même pas mal.
Comment peut-on affubler une forteresse d'un nom aussi ridicule ?
Là non plus, je ne saurais dire.
La Forteresse des Gnolls.
Des Gnolls !
Quand on est guerrier barbare niv.18, dont la rutilante épée de Flamme +3 annonce la venue à au moins 3 miles à la ronde et dont l'armure de plates complète +2 en a fait hésiter plus d'un, aller raconter à la taverne du Dragon Qui Rote qu'on s'en va affronter le mal qui se terre dans les tréfonds de la Forteresse des Gnolls c'est s'assurer quolibets et moqueries de la part de la populace ignare et, comme il se doit, moqueuse de tout ce qu'elle ignore.

Que m'importe ! Grande est ma quête, forte est ma détermination, petit un à parler par inversion du sujet et de l'adjectif quand l'occasion l'exige, petit deux à aller défoncer la gueule à tous ces Gnolls, quels qu'ils fussent, ou quels qu'ils soient, c'est selon, mais pour le coup un petit imparfait du subjonctif ça fait plus classe, dans la mesure ou le Maître de jeu aurait respecté le levelling et où je ne me retrouverais pas avec une horde de zigotos niv.35 en face de moi.

Jour 2
Ce matin j'ai vérifié une dernière fois notre équipement avant de quitter Nashkell. Fallait pas se planter et se retrouver comme une bande de pingouins au pied de la forteresse pour s'apercevoir qu'il manquait une corde, une potion de soin ou que l'on était un peu light côté flèches. Ça m'était déjà arrivé une fois à Pont Flammevin, et l'on avait dû rentrer la queue entre les jambes avec ces cons de Kobolds aux trousses et leurs flèches enflammées de merde qui fusaient de partout. Mais on y était retourné quelques niveaux plus tard, avec tout le bazar de sorts de boules de feu, pluie acide, sort de désintégration et je peux vous dire qu'ils ont fait moins les marioles les espèces de singes qui aboient comme des caniches. On leur avait fait un spectacle son et lumière pour eux tout seuls. Sans blague. Ils l'avaient cherché quand même un petit peu.

Donc ce coup-ci, Forteresse des Gnolls, pas question de revenir comme des quiches et de se farcir 3 jours de marches dans la forêt pour débarquer à nouveau dans ce foutu village. Déjà que ça riait gras et grave en partant, alors qu'est-ce que ce serait si je revenais en disant
"Pardon, excusez-moi, l'aventure se passe bien pour l'instant, mais il nous manque juste des flèches +2, vous n'auriez pas ça sous la main par hasard ? Mais des flèches +1 feraient aussi l'affaire."
Là c'est carrément du -2 en réputation que j'allais me récolter. Interdit de séjour dans le village pour au moins 3 ans, avec en prime ma statue où l'on me verrait allongé, agonisant, et l'épitaphe moqueuse de dire : "Il lui manquait des flèches +2. S'il était moins tarte, il serait encore parmi nous."
Non, il fallait faire dans le précis, le tranchant, l'efficace. On arrive. On les dégomme tous. On nettoie les lieux, on vide les coffres et on se barre.

Côté équipement j'ai donc prévu large. Faut dire qu'un sac sans fond ça aide quand même pas mal.
On est plutôt confortables en arme et armures, ça va de la Dague à la grande Épée à deux mains en passant par les cimeterres, haches, gourdins, baguettes même, mais faut dire aussi qu'avec ces foutus Mdj on sait jamais ce qui peut se passer. On entre dans un donjon sympa avec des gardes pas trop coriaces et puis ça se termine dans des grottes de glaces avec toutes une armada de Glabrezu, Élémentaires ou ces pourritures d'Illithids. Et comme chacun a SA petite arme de prédilection pour être fessé dans les règles de l'art, eh bien par force, on devient plutôt prévoyant et d'aventurier sans le sou on devient marchand ambulant.
J'ai refilé à Imoen une besantine d'ombre ramenée du Val de Bise. Un truc vraiment bien foutu : avec +15% en camouflage elle devrait pouvoir aller zieuter à gauche à droite sans trop se faire gauler (et c'est pas gagné).
Pour ma pomme, une bonne armure de plates pour faire dans la charge frontale comme je les aime, en gueulant bien fort dans les couloirs tout en faisant des moulinets avec les bras. Ça en jette carrément, et les mecs ils détalent comme des lapins.
Sauf quand c'est un dragon. Mais c'est quand même assez rare. Et puis, tant qu'à mourir contre un dragon, autant que ce soit épique.
Du coup j'ai aussi assuré en sorts de résurrection et autres friandises. On est jamais trop prudents. Faut juste qu'Imoen sache en lancer un (et c'est pas gagné)
Et puis quelques broutilles, 200 flèches de glace pour refroidir les ardeurs des plus véhéments, 200 flèches de feu pour réchauffer leurs miches et pour ces foutus Trolls - j'aime pas les Trolls et ça rate jamais, y'a toujours un moment où l'on se ramasse un Troll. Ça loupe jamais. C'est comme les araignées, les égouts, les big boss de la fin qui sont pas morts-même-quand-ils-sont-morts-et-remorts ... Faites le test, et dites-moi s'il ya UN seul RPG où l'on ne se retrouve pas à un moment ou un autre à patauger comme un con dans des égouts avec en prime des araignées et/ou des morts-vivants au cul. Je veux bien qu'il y ait les inéluctables comme les Dragons, les montagnes enneigées, les sorts de boule de feu, les magiciens chaotiques mauvais, et, encore une fois, le big boss qui n'en finit plus de pas mourir, mais pourquoi toujours la scène des égouts ? À quel inconscient collectif cela renvoie-t-il ? Mystère. Et c'est pareil pour ces foutus Trolls. C'est ce que je disais la dernière fois à Edwin, et vous savez ce qu'il m'a répondu ?
- Ben si tu veux passer ton temps à gambader dans les prairies comme Laura Ingalls faut changer de registre mon lapin. Essaie "Les aventures de petit Poney".
Du coup, je l'ai viré de mon groupe. Je trouve qu'il a une mauvaise mentalité.

Pour finir avec mon inventaire, j'ai pris aussi des flèches explosives : 6d6 dégâts d'explosion à l'impact, c'est très sympa, et je peux vous dire que ça fait réfléchir même les plus téméraires. Et puis 400 flèches +3, et une petite dizaine de flèches de dissipation pour le cas où il y aurait des magos planqués dans le tas prêts à balancer des saloperies. Oui je sais, ça fait un petit stock de projectiles à se trimbaler, mais dans ces foutus RPG, on peut invoquer la foudre, convoquer une flopée de Monstres, ouvrir des portes dimensionnelles, mais créer soi-même une simple flèche en bois avec au passage un petit enchantement, ben ça, on sait pas faire. Alors on stocke.
Enfin, les babioles classiques, genre anneaux de protection, amulettes, casques et bracelets super classes avec de beaux motifs dessus, un peu voyants peut-être, mais contre les projectiles c'est vraiment pas mal. C'est cool, ça donne un côté plus sérieux et c'est parfois efficace, alors pourquoi s'en priver ?
Ah oui, et puis une petite laine de protection +2 contre l'humidité parce que dans les donjons les nuits sont quand même parfois un peu frisquettes.

Jour 3
On fait une pause après une altercation dans le village Xvart. Eux aussi, côté nom à la con, ils se classent sans forcer dans le haut du panier. Côté comportement ce serait plutôt le bas en revanche. On était peinard, "on poussait pas des cris d'Indiens, on avançait avec maintien, et d'un pas qui hésite", comme le chantait l'autre troubadour..." on venait pas piller chez eux, on venait pas gober leurs œufs, on venait en visite".
Ils nous ont chargés sans aucune espèce de sommation. De vrais sauvages. Alors bon, si maintenant on ne peut même plus discuter avant de se foutre sur la gueule, juste pour la forme et pour donner une espèce de légitimité à la tuerie qui s'ensuit 9 fois sur 10, faut le dire. Moi ça m'arrange, tous comptes faits.
Je les ai donc dégommés à tour de bras, jusqu'à ce qu'Imoen me dise :
- Euh fais attention là, c'est sur moi que tu tapes.
La rage du Berseker, ça n'a pas toujours que du bon, c'est vrai.


Jour 4
On s'est retrouvés, Imoen et moi, de bon matin aux abords de cette foutue forteresse. D'abord, deux espèces d'abrutis d'Ogrillons ont voulu nous piquer notre or. Ridicule ! Je leur ai balancé leurs 200 PO, mais ils peuvent s'estimer heureux que je n'avais pas envie de violence de bon matin. Et puis 18/0 en Force ça fait réfléchir. Moi en tout cas, parce que eux ils devaient plafonner dans le malus d'Intelligence.
Après, ça semblait pas trop mal indiqué, mais avec Imoen et sa manie de dire "Par ici ! Par ici !" à tout bout de champ, quand elle passe le plus clair de son temps à marcher derrière comme une pomme, allez savoir pourquoi, ça m'a déconcentré, je me suis planté dans le chemin d'accès et je me suis retrouvé à marcher pendant des plombes jusqu'à une espèce de grotte. Rebelote avec des Xvart et des chauves-souris qui voletaient de partout. Ce coup-ci j'ai fini par franchement m'énerver, en arrosant la place à la boule de feu, histoire d'y voir un peu plus clair, et effectivement ça a commencé à moins bouger, surtout Imoen. Ça allait me coûter un sort de résurrection, et trois plombes de reproches. Heureusement, j'ai réussi à mettre la main sur un sort de Silence que j'ai, par grande inadvertance, lancé dans la zone. Bon. Retour sur le chemin sans moufter, direction la forteresse.
Quand j'ai vu débarquer les Gnolls par gros paquets de 3 ou 4, je me suis dit que ce serait peut-être une bonne idée d'étrenner mon arc long composite +2. Le combat à distance c'est un brin vicieux et pas vraiment sport je veux bien l'admettre, puisque leur réussite repose sur la mauvaise programmation du déplacement des créatures, mais bon, c'est efficace et puis à quoi ça sert d'être Chaotique Bon si c'est pour avoir des scrupules de Loyal Bon ? Je vois pas pourquoi j'irais faire le Paladin du Coeur radieux à tour de bras devant un public de Gnolls.
Je vais donc pour amorcer le spectacle avec une volée de flèches explosives et là, problème, pas moyen de tendre cette foutue corde. On se calme, les Gnolls ne font que se rapprocher en hurlant, rien de grave pour l'instant. On examine l'arc, et là qu'est-ce que je vois d'écrit en tout petit genre astérisque pour un contrat d'assurance ? "Attention, l'usage de cet arc est réservé aux guerriers disposant de 13 en Force minimum"
Et voilà ! Génial ! Bravo ! Merci les gars ! 15000 Po de foutus en l'air pour des prunes ! Et avec ses 9 en Force, c'est pas Imoen qui allait me sauver la mise.
Le long des remparts, les Gnolls commençaient à se rapprocher vraiment vraiment pas mal, il valait peut-être mieux commencer à trouver une solution.
- Mais pourquoi tu prends pas une potion de Force ? s'exclama Imoen
- Mais euh, c'est... C'est PRÉCISEMMENT ce que j'allais faire. Je dirais même que c'est TOUT À FAIT ce que j'allais faire ! répliquais-je avec peut-être une once de mauvaise foi.
- Et au passage, tu pourrais PEUT-ÊTRE appuyer sur ESPACE, parce qu'on va finir par se les prendre dans le pare-brise les Gnolls, si ça continue...

Elle ne manquait pas d'à-propos la petite. Elle avait dû s'enfiler une potion de Génie en douce... faudra que je fasse gaffe à ma sacoche à potions, y'a des trucs dangereux à l'intérieur, faudrait pas qu'elle mette la main dessus.
Je pose l'arc, je mets tout le monde en pause, d'abord le troupeau de Gnoll qui, effectivement, commençait à occuper tout mon champ de vision, ensuite et surtout Imoen qui partait dans tous les coins en faisant à peu près n'importe quoi en disant "Moi, j'm'en vais" (elle avait encore dû se chopper un sort de panique ou de confusion...) Bon, s'agit de trouver une potion genre Géant des Tempêtes ou Géant des Nuages ou Géant quelque chose. On appuie sur ESPACE et on cherche tranquillos dans sa sacoche à potions : Potion d'Invisibilité, non c'est pour l'autre cruche, Potion rouge, encore pour l'autre cruche, parce que c'est pas demain qu'elle a 25 en Intelligence. Potion de Sagesse, on s'en tape, Huile de Feux ardents, ouais on verra, pourquoi pas... Potion d'explosion, faire gaffe avec, Potion de rétrovision, Potion de transmutation de la pierre en chair, ça c'est pour ces cons de Basiliks, Potion de transmutation de la chair en pierre, faire super-super gaffe avec, tiens je vais la mettre de côté.
...
C'est fou le nombre de potions qu'on a dans ces jeux et dont on ne se sert strictement, rigoureusement, absolument jamais. Et je compte même pas les parchemins, oubliés pour la plupart dans leur étui. Ces RPG font de nous de foutus rentiers capitalistes, amasseurs de richesses inutiles, avares comme des petites vieilles. Et le plus fort, c'est que j'ai tellement de pognon que j'ai même pas envie de les revendre. C'est pas ici qu'on va bosser sur la décroissance, la robe de bure et les voeux de pauvreté, ça, c'est sûr ! Bon, passons. J'ai mes Gnolls qui attendent.
Ah ! Ça y est, Géant des Collines ! C'est pas le top, mais ça permettra de tendre ce putain d'arc !
On vérifie qu'on est full en flèches de Glaces, on remet Imoen bien dans l'axe de tir (avec des flèches de bois, parce que faut pas gaspiller non plus), et on rappuie sur ESPACE !


Jour 5
Qu'est-ce que je leur ai mis ! Ça leur apprendra aussi. La seule chose qu'ils savent brailler c'est "Mourez, vermines". À ce propos, la traduction penche pour un singulier à "vermine" qui suppose un vouvoiement que je ne trouve pas vraiment de circonstance, vus le niveau d'intelligence et les moeurs frustes des bestioles. Je lui préfère le pluriel, sauf à vouloir faire une adaptation pour la Comédie française. Mais bon. Le politiquement correct n'a pas fini de nous faire pleurer de rire, et l'on risque de se retrouver encore longtemps face à des raclures de la pire espèce, avec 2 d'Intelligence et 0 en Diplomatie, qui donnent dans le "Hola manant ! Veuillez déposer vos armes ou apprêtez-vous à engager le combat et à subir mon courroux" et Imoen de dire "Espèce de racaille".

Avec des stats qui plafonnent à 9, je peux vous dire qu'ils ont pas fait long feu, avec ou sans vouvoiement.

Pour autant, le combat fut rude, l'ennemi nombreux sortait de toute part et Imoen fut une alliée de valeur.
Nous avons besoin de repos, et Imoen s'est proposé de faire un bon repas.

- Oui, avec une potion qui j'ai récupérée dans ton sac !

Moi, Bouh, le terrible!

Franchement. Si j'avais su, je serais pas venu..!

Trois jours dans la poche de ce demeuré, sous la pluie et sans bouger de cet emplacement du bourg; à attendre qu'arrive le "sauveur"!

Pour comprendre ma présence et le pourquoi du comment; je me dois de faire ce que les auteurs de roman nomment un "flashback". Enfin, ceux parlant l'anglois!

Tout à commencé avec cette jeune fille charmante qui m'offrit ce magnifique spécimen d'humain pour s'occuper de moi.

Là, rien à redire, il est gentil. Toujours aux petits soins. Me chuchotant des mots tendres pour ma dire combien il m'aime et m'apprécie au moins autant que sa "Maîtresse"; une mago dans le style: " Minsc, je sens une légère chatouille dans le bas du dos de ma camisole; pourriez-vous, je vous prie, vérifier qu'aucune bestiole ne s'y soit glissée en mon insu, mon brââve"..?

Et l'autre trisomique de s'exécuter en bavant de plaisir.

D'après ce que j'ai compris, le père de "Maîtrese" est un gros mago qui m'a donné, par un rituel compliqué, l'intellect approximatif de sa fille chérie dont mon valet: Minsc, c'est son nom, s'occupe en qualité d'exterminateur de prétendants. Et, je suis supposé être le gentil "grillon du foyer", conscience de la poupée de bois sans âme et conscience d'un certain conte kalishame, dans le cas présent.

Seul problème; et, il est de taille: j'ai hérité du don "empathie avec les humains", mais pas de "discussion avec les humains"... Ce qui créé des interférences avec mon serviteur.

Alors que je lui envoie des ondes empathiques pour lui rappeler telle ou telle chose. Par exemple, que l'on à perdue cette foutue magicienne et qui faut qu'on la retrouve, de préférence en un seul morceau, sinon son papa, facétieux comme je le connait risque de nous désintégrer, juste pour rire, mon serviteur et moi-même.

Je me dois donc de diriger les actes et les dires de celui-ci avec un certain doigté.

Mais si je balance mon don d'empathie trop brusquement, il s'énerve et commence à taper sur ce qui bouge... Enfin quand Mystra met assez de réseau pour une bonne transmission des ondes du pouvoir pour qu'il le comprenne. (Et y'a des coins sans réseau...)

Sinon, c'est la cata; et, l'autre andouille ne comprend plus rien! Et reste figé comme un bol de pudding froid, les yeux en forme de points d'interrogation... Ou cogne, c'est selon...

Mais, depuis ce matin la situation à bien changée et mon meumeuh à été enrôlé dans une histoire de pénurie d'un truc qui ne se mange pas.

J'essaie, par à-coups, de tout lui expliquer; mais il suffit que je fasse alusion à "Maîtresse" pour que mon valet s'énerve. Pas simple de lui concilier les deux...

Mais parlons du "Sauveur" et de ses accolytes.

D'abord le meneur: un boutonneux tout juste sorti du giron de sa mère et qui joue au chef. Si il veut qu'on le prenne au sérieux, il devrait déjà se trouver un baume anti-acné; et, surtout, retirer l'étiquette du prix de sa cotte de maille neuve, étiquetée sur son col.

Ensuite, y'a sa copine. Une petite mignone toujours les mains dans les poches des autres, cherchant quelque friandise à me donner, je suppose.
Elle est gentille, et arrive à me caresser sans que mon valet ne grogne.

Vient ensuite la mégère. Toujours à se plaindre et ergoter. "C'est trop chaud... trop frois... Kalhill, va me chercher ma bouillotte, et vite!... Faudrait que l'on enquête au lieu de rêvasser...".
Vu le caractère, elle à due bosser à la caisse de recouvrement des impôts de sa forêt natale, c'est sûr!

Ce matin, elle m'a regardé et dit comme tous les autres abrutis de cette race de dégénérée: *s'extasiant* : "qu'il est mignon..!"
Là, elle me refile une noix dans son emballage...
Cette conne me prend pour un écureuil..?

Enfin, Minsc, comme casse noix, il est de première et me fait cela entre le pouce et l'index... Frimeur!... Moi aussi, je le ferais si j'avais cinq doigts.

Ensuite viens "Oui chérie"; mais on l'appelle aussi Kalhill. Comme Minsc, il ne semble pas avoir toutes ses facultés, mais il est gentil.

Voyant que sa mégère m'avait donnée une noix, il lui dit :" Doucement ché-ché-chérie; cet an-animal préfèrerait sans doute une grai-graine de tournesol; c'est sur.
Il parle comme ça, mais parfois, quand il parle l'autre langue, là faut un décodeur.

La mégère de lui rétorquer: "T'en sais quoi, toi. C'est qui la druide?"

"Cé-c'est toi ma colombe..! Mais on dit Drui-druidesse, sans te fâcher"

Vous voulez mon avis? Cette histoire je la sens plutôt mal avec ces deux là.

M'enfin, faudra s'en contenter pour retrouver l'autre nunuche d'apprentie magicienne... C'est pas gagné. Moi, je vous le dis..!