La Couronne de Cuivre

HRP : Description à compléter si besoin

Valuisant est une ville de taille moyenne, avec ses commerces, ses temples, ses ruelles étroites et tortueuses qui serpentent sur les flancs des collines qui l'entourent. La plupart des constructions sont faites d'une jolie pierre claire aux reflets dorés, extraites d'une carrière située à une ou deux journées de marche, au pied des Montagnes de Fer.
Construite au fond d'une petite vallée, le long d'une rivière, elle est le lieu de passage privilégié des voyageurs qui descendent des Montagnes de Fer en direction d'Edhoras. Elle comporte donc nombre d'auberges, de tout style, pour toutes les bourses, la plupart construites autour d'une immense place carrée, les plus modestes sur les hauteurs. C'est aussi sur cette Place Carrée que se tient, trois fois par veille, le marché aux primeurs.

HRP : début de RP libre ouvert à tous... à la seule condition d'être souples vis-à-vis des règles, détendu vis-à-vis des autres participants, et disponibles pour poster ; envoyez un MP à Galathée ou Voyageuse pour plus d'infos

RP libre... improvisé !

Le soleil déclinant d'une belle journée d'automne éclairait les murs de pierre de la cité, les nimbant de reflets dorés. Le marbre de la coupole du temple de Lathandre, construite sur la colline dominant le sud de la ville, brillait de mille feux. Quelques paysans, venus des champs environnants, regagnaient leurs pénates, et quelques voyageurs, comme tous les soirs, s'apprêtaient à y faire halte.
L'ambiance en cette fin d'après-midi avait cependant quelque chose de particulier, de festif : un petit cirque avait déployé son chapiteau au beau milieu de la Place Carrée, et ses artistes sillonnaient les rues pour vanter leur spectacle.

Après plusieurs jours passés dans la broussaille, à manger des choses parfois comestibles, parfois nettement moins, Rhian avait fini par céder à une envie de voir du monde, même si ce monde était inconnu, incompréhensible et souvent un peu inquiétant. Il avait séjourné quelques jours à Edhoras avant de choisir sa route au hasard, comme il le faisait ces derniers temps. Il ne pouvait jamais rester longtemps au même endroit : il y avait toujours une milice pour repérer sa tendance à fouiller les poubelles et le chasser. Apparemment, dans cette région, les poubelles étaient réservées aux rats, aux corneilles et aux pourceaux. Il avait beau l'avoir compris, il avait du mal à l'accepter.

Quand il avait repéré les maisons, un peu plus tôt dans la journée, il s'était arrêté pour faire une lessive rapide et se débarbouiller, histoire de ne pas attirer l'attention dès son arrivée dans le bourg. A présent qu'il déambulait dans les rues, sans but précis, il fut bien entendu intrigué par les bateleurs. Il n'avait aucune idée de ce qu'était "un cirque". Aussi suivit-il le mouvement des curieux qui approchaient du chapiteau... sans grand espoir de pouvoir y rentrer gratuitement, cela dit.

Il y avait du monde, du mouvement, du bruit. Celui d'un tambour et d'autres percussions, celui d'un clairon, les commentaires des passants, les cris de joie des enfants. Et, tentant de couvrir le tout, les annonces d'un homme vêtu d'une redingote rouge et noire, qu'il ne pouvait entendre que très imparfaitement.
" Oyez !.... dompteurs, acrobates ! ..... cracheurs de feu !..."
Il ne voyait pas grand-chose de là où il se trouvait. Il entendit, plus clairement :
" Ce soir, au coucher du soleil ! Le cirque Danfer ! "
Plusieurs spectateurs, comprenant que le spectacle n'était pas pour l'immédiat, refluaient vers les ruelles alentours. Personne ne faisait attention à lui : ses efforts de toilette avaient été efficace. La foule devenant moins dense, il aperçut une petite procession qui s'engageait dans les rues alentours, tambours en tête, et reprenait ses annonces. Le chapiteau trônait au milieu de la place, peu à peu délaissé sauf par les plus curieux des enfants. Il apercevait des roulottes installées dans un coin de la place, et crut un instant sentir la fumée d'un feu.

Le vacarme qui avait régné un moment sur la place n'était pas des plus agréables et Rhian avait pensé battre en retraite dans les ruelles, histoire de protéger ses oreilles sensibles de tout ce raffut. Mais avec le départ de la procession, un semblant de calme revint autour du chapiteau et il resta en arrière, avec les enfants attardés. Un cirque avait l'air d'être une sorte d'endroit criard où se rassemblaient des amuseurs aux dons divers, comme un festival de bardes. Un acrobate, il devinait ce que c'était. Un dompteur, moins. Un cracheur de feu... Est-ce que ça existait, un cracheur de feu ? Est-ce que c'était une sorte de dragon ? Ou alors un magicien qui jetait des flammes du bout de sa langue plutôt que de ses doigts ? C'était intriguant. Mais cela paraissait aussi relativement inutile. Il était surpris que tant de frivolité enthousiasme à ce point les gens du bourg. Valuisant. Un nom étrange. Quelque chose devait luire quelque part, mais quoi ? Beaucoup de questions, pas beaucoup de réponses. En tout cas, l'odeur du cirque lui rappelait l'étable où il avait souvent travaillé, quand il était encore gamin, dans la communauté.

La foule sur la place s'était à moitié dispersée. Quelques curieux arrivaient encore, certains s'adressaient à un jeune homme posté devant le chapiteau, puis repartaient. Les enfants s'étaient brusquement précipités vers l'arrière du chapiteau, d'un coup, comme une volée de moineau. Il y avait là-bas une sorte d'enclos, et une odeur de paille et d'écurie parvint à ses narines, renforçant ses souvenirs.
Deux gardes apparurent -ou du moins, deux hommes en uniforme. Ils se dirigeaient eux aussi vers le chapiteau, et, en passant près de lui, lui jetèrent un regard curieux, hésitant. L'un d'eux l'apostropha.
" Pardon, monsieur... Êtes-vous quelqu'un du cirque ?"

Rhian eut beaucoup de mal à garder son calme et son sourire. Ces uniformes ne lui plaisaient pas beaucoup, ils étaient synonymes d'insultes, de coups et de menaces. Mais il n'était pas en train de fouiller dans les ordures, aussi n'avait-il aucune raison de se sentir en danger. Pour l'heure. Son instinct de survie prit cependant le dessus de manière un peu maladroite.
" Bien sûr ! dit-il. Je suis... lanceur de flammes. Pas par la langue. Par les doigts. Mais c'est bien aussi. Hum. En quoi puis-je vous être utile ?"
Il aurait sans doute mieux fait de dire le contraire. Mais c'était trop tard.

Les gardes ne semblaient pas agressifs. Son interlocuteur eut même un semblant de sourire avant d'expliquer.
" On aurait besoin de parler à votre patron. Est-ce que vous savez où nous pouvons le trouver ? C'est juste pour les vérifications d'usage, ne vous inquiétez pas."
Le ton était poli et aimable. Rhian nota que le jeune homme, à l'entrée du chapiteau, avait les yeux fixés sur eux.

Rhian adressa un sourire engageant au jeune homme qui les observait puis le désigna aux gardes.
" Je n'en sais rien, mais mon compagnon, là, il pourra sûrement vous renseigner. Moi je dois... rattraper la procession. On m'attend... pour les flammes."
Il secoua les doigts en arborant la mine la plus innocente possible, avec la ferme intention de déguerpir dès que ses interlocuteurs auraient changé de cible.

" D'accord. Merci."
Les gardes le saluèrent, toujours aimables et détendus, et se dirigèrent vers le chapiteau sans paraître s'inquiéter davantage de lui. La procession avait disparu dans une ruelle, sur sa droite. Bien sûr, il pouvait aussi choisir une autre ruelle -il n'avait que l'embarras du choix en l'occurrence, il y en avait de tous les côtés de la place. Ou bien il pouvait choisir de se réfugier dans l'une des auberges voisine, dont la plupart se voyaient de loin : le soleil avait incité à sortir des tables sur les terrasses et les clients s'y prélassaient.

Pour se réfugier dans une auberge, il aurait eu besoin d'argent et il n'en avait pas. C'était quelque chose dont il n'avait jamais eu besoin et dont il ne comprenait toujours pas vraiment l'usage. Il lui semblait complètement farfelu qu'on puisse obtenir une assiette de ragoût en échange d'une petite rondelle de métal qui n'était même pas jolie. Pourtant, tout le monde, ici, trouvait cela normal.
Bref, il opta pour une ruelle au hasard, y demeura quelques minutes, puis revint en arrière. Il avait envie d'en savoir plus ce cirque, mais il lui fallait d'abord s'assurer que les gardes étaient partis.

La ruelle qu'il avait choisie était étroite, et quasiment déserte à l'exception d'une jeune femme qui la descendait en sens inverse d'un pas rapide, un panier à la main, accompagnée par une fillette d'une dizaine d'années. Il n'y prêta pas vraiment attention, trop pressé de redescendre vers la place. Ce qu'il fit à pas lent, désireux de ne pas être aperçu par les gardes. Mais ceux-ci étaient toujours là, encore en pleine discussion avec le jeune homme à l'entrée du chapiteau. Il lui fallut donc patienter quelques instants.
Enfin, les gardes finirent par pénétrer sous le chapiteau, lui laissant le champ libre. Mais juste à ce moment, il entendit un hurlement strident derrière lui.

Oubliant le cirque — tant que les gardes seraient dans les parages, c'était de toute façon zone interdite, Rhian fit volte face et se plaqua instinctivement contre le mur. Il ne savait pas ce qui était susceptible de pousser pareil cri mais c'était sûrement très mauvais et il ne se connaissait pas de talents particuliers pour faire face au très mauvais. Cependant, s'il n'y avait rien à voir... il irait sans doute jeter un oeil vers la source. Après tout, peut-être était-il normal, en ces lieux, de hurler de la sorte...

Evénement aléatoire n°21... c'pas moi, c'est l'dé...

Il comprit aussitôt l'origine des cris : ils provenaient de la fillette, parvenue à quelques mètres derrière lui. Elle avait l'air totalement affolée, tétanisée, hurlant de toutes ses forces, les deux mains sur la tête.
Et la cause en était tout aussi évidente : une armée de rats dévalait la rue, passant entre les jambes de la fillette et celles de sa mère -ou plutôt de l'adulte qui l'accompagnait, une jeune femme aux cheveux dorés, portant une étrange tenue bleu et or étincelante, et qui semblait trop jeune pour être sa mère.
Il n'eut pas le temps de détailler davantage les choses : les rats se ruaient dans sa direction.

La vision de toutes ces créatures le paralysa, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il demeura planté au milieu de la ruelle, dans le passage du troupeau de rats, plus ou moins persuadé que les créatures le dépasseraient sans le toucher pour poursuivre leur route vers le cirque. La raison pour laquelle ce village, d'entre tous, était infesté par ces animaux était des plus mystérieuses... mais ce n'était qu'une bizarrerie supplémentaire du monde, tout bien considéré. Peut-être s'étaient-ils échappés d'un élevage. Quelque chose comme ça.

La jeune femme poussa un cri de douleur : un rat venait de la mordre. Sortant de sa stupéfaction, elle en chassa un autre qui avait atteint l'épaule de la fillette, puis lui donna un ordre à l'oreille. Cessant de hurler, celle-ci se précipita en direction de Rhian.
Les premiers rat, arrivés à sa hauteur, l'avaient dépassé, comme escompté. Puis l'un d'eux lui escalada lestement le pied pour planter ses dents pointues dans son mollet. Un second suivit le même chemin, grimpant jusqu'à sa cuisse.
La jeune femme, quant à elle, s'était retournée vers le haut de la ruelle, d'où des dizaines de rats accouraient. Elle commença une incantation.

Rhian ne s'était pas attendu à ce que la vermine le confonde avec un morceau de fromage ou une pelure de carotte et il poussa un cri perçant. Ensuite, prenant exemple sur la jeune femme bariolée, il incanta à son tour. Il savait que c'était toujours risqué, mais moins lorsqu'il utilisait des petits sortilèges.

Rhian -> Coup de Tonnerre

Il y eut un petit crépitement, comme lorsqu'une étincelle embrase une brindille, puis un coup de tonnerre assourdissant. Autour de Rhian, la moitié des rats tombèrent raides morts. Les autres, vacillant, la gueule ou les oreilles pleines de sang, s'éparpillèrent en couinant.

C'était absolument répugnant. Pas exactement ce qu'il avait voulu. Mais efficace. Efficacement répugnant.

La fillette s'était arrêtée net, les mains sur les oreilles, ne sachant pas si elle devait continuer sa course face à ce déferlement de magie.
Derrière elle, autour de la jeune femme blonde, une dizaine de rats gisaient également au sol, et les autres fuyaient dans le même état ensanglanté et paniqué que les "agresseurs" de Rhian. Leurs deux sortilèges avaient été simultanés et probablement identiques.
Elle se retourna vers eux, contempla la scène, et adressa un sourire chaleureux à Rhian.
" T'inquiète pas, Mélodie, c'est fini", lança-t-elle à la gosse.
Elle faisait preuve d'un peu trop d'optimisme en l'occurrence. Derrière elle, si les petits rats s'étaient dispersé, il en restait cependant trois. Mais pas de simple rats d'égoûts fragiles et impressionnables, non : de très gros rats, de la taille d'un gros chat au moins.

Rhian n'avait jamais vu de rats de cette taille, mais il y avait beaucoup de choses qu'il n'avait jamais vues. A commencer par quelqu'un qui maîtrisait la même magie que lui. C'était en fait bien plus stupéfiant que ces gros rats. Ils faisaient peut-être partie du cirque. Avec le cracheur de feu et le dompteur. La jeune femme semblait ne pas en avoir peur, elle venait de rassurer la petite fille ! Mais bon... ils étaient quand même franchement laids.

En réalité, elle n'avait sans doute pas pris conscience de la présence des gros rats. Elle s'était retournée très vite, juste après avoir lancé son sortilège, alors qu'ils étaient encore au bout de la rue. Mais le regard de Rhian l'incita à se retourner.
" Oh merde...," fit-elle en lâchant son panier.
Les rats géants avançaient droit vers elle, d'un air déterminé... et affamé.
La fillette, quant à elle, avait pris sa décision : elle se mit à courir, dépassa Rhian et fila vers la place, tandis que la jeune femme blonde, après un bref instant, incantait à nouveau.
Lya --> onde de choc
Un nouveau coup de tonnerre, plus puissant que le précédent, ébranla l'atmosphère, au moment même où les rats l'atteignaient. Rhian sentit le souffle du sortilège s'arrêter à moins d'un mètre de lui, projetant l'un des rats, tout sanguinolent, dans sa direction. Un autre fut tué sur le coup, le troisième également grièvement blessé. Mais le premier, rendu fou furieux, se précipita vers Rhian.
" Faites gaffe, ils peuvent être contaminés..."

La jeune femme avait un langage populaire qui choqua le demi-elfe, bien qu'il en ait déjà entendu de belles depuis qu'il était dans la région. Il n'eut pas le temps de relever, cependant : le rat s'approchait. Il hésita une seconde, leva la main pour entamer un sortilège et... fit volte-face pour prendre ses jambes à son cou, direction le cirque. Avec le monde qu'il y aurait là-bas, la bestiole serait rapidement distraite ou neutralisée par un cracheur de feu ou un dompteur ou peut-être même un acrobate.

Il ne parvint pas jusqu'au cirque. Les cris, puis les coups de tonnerre, avaient attiré l'attention de toutes les personnes se trouvant aux alentours. Les passants observaient les rats s'enfuir avec des exclamations de dégoût. Cependant, aucun ne s'approchait pour prendre part au massacre. Il entendit quelques cris plus perçants et devina qu'ils avaient aperçu le rat géant derrière lui, mais personne ne semblait vouloir jouer les héros.
Les gardes, quant à eux, étaient sortis du chapiteau et avançaient à grandes enjambées vers la source du chahut. Lorsqu'ils le virent jaillir de la ruelle, ils marchèrent droit sur lui, apparemment bien décidés à ne pas le laisser s'enfuir.

Rhian se rua dans leur direction.
" A l'aide ! Je suis poursuivi par une... monstruosité géante !" s'exclama-t-il.
Ce qui était vrai. Et c'était leur rôle de gardes de le défendre contre ce genre de menaces, non ? Il essaya de se glisser entre eux pour s'abriter derrière leurs uniformes.

Les gardes parurent un peu décontenancés, puis alarmés en voyant la créature qui le poursuivait. L'un d'eux tira son épée et s'avança pour occire le monstre.
" Vous, vous restez là," lui intima le second en le prenant fermement par le bras au moment où il se réfugiait derrière lui. Son regard indiquait clairement que le demi-elfe passerait un sale quart d'heure s'il n'obtempérait pas.
Il s'avança ensuite pour rejoindre son coéquipier. La lutte fut de courte durée et n'eut rien d'épique : le rat géant, affaibli par l'onde de choc, eut le corps tranché en deux, d'un simple coup d'épée bien ajusté.
La jeune femme blonde débouchait de la ruelle à son tour, d'une démarche beaucoup plus calme que celle de Rhian. Les rats semblaient avoir tous pris la fuite.

Rhian avait eu la tentation de déguerpir sitôt libéré mais les gardes le chassaient, d'habitude, or celui-là lui avait demandé de rester. Depuis tout gosse, il avait toujours obéi à l'autorité ; c'était un des fondamentaux indiscutables de la communauté dans laquelle il avait grandi. Résister à ce qui était pratiquement un instinct lui était très difficile et il se tint donc immobile. Après tout, il n'avait rien fait de mal, pour une fois, juste fui devant un monstre, une réaction des plus raisonnables. Quand la jeune femme parut, il lui décocha, un peu par réflexe, un sourire amical. Elle avait un langage ordurier, mais elle pourrait témoigner en sa faveur.

Les deux gardes s'avancèrent vers la ruelle, après avoir vérifié que le demi-elfe obéissait à leur injonction.
" Il n'y en a pas d'autre, leur lança la jeune femme blonde. Enfin, j'crois pas."
Les deux gardes échangèrent un regard, et l'un d'eux poursuivit son avancée en direction de la ruelle, sans doute pour vérifier les dires de son interlocutrice.
Le second interpella la jeune femme.
" Vous restez ici. Nous devons vous interroger.
- Bah, c'est simple, y'a eu une armée...
- Je n'vous ai pas donné la parole. Lui d'abord."
Il désigna Rhian du menton et se tourna vers lui.
" Je vous écoute. Qu'est-ce qui s'est passé."
Les badauds, autour d'eux, se rapprochaient : quelques dizaines d'oreilles curieuses se tendaient.

Rhian haussa les épaules. L'épisode paraissait un peu hors du commun. A quel point, il n'avait aucun moyen de le savoir.
" Et bien... Je marchais dans cette petite rue et puis soudain... des rats ! des dizaines de rats ! Qui déferlaient vers moi ! En horde ! En troupe ! En... Heu. Je me suis arrêté pour les laisser passer. Je veux dire... chacun a les animaux domestiques qu'il veut, hein, je suis nouveau en ville. Mais ensuite il y en a un qui m'a mordu, et la petite fille —*Mélodie, je pense qu'elle s'appelle — avait peur, et alors... J'ai fait Ka-Boom ! C'est un sortilège magique. Celui qui fait beaucoup de bruit. Et cette dame que je ne connais pas, avec ses vêtements bizarres, a fait la même chose ! C'était bien sauf qu'ensuite, elle a fait autre chose sur les trois géants et ça a mis un des rats en colère et donc je me suis enfui, parce que... ça m'a paru la chose à faire vu que je savais que vous étiez là, les gars, et ça vous connait, de sortir votre épée et de couper les rats géants méchants en rondelles de rat pour défendre les braves gens. Non ? Vous avez fait ça comme des chefs, en plus. Merci beaucoup."
A ce stade, Rhian avait la mine la plus innocente qui soit, ce qui était d'autant plus facile qu'il disait la vérité.

Le garde le fixa d'un oeil un peu héberlué. Il ouvrit la bouche, la referma.
Il capta quelques commentaires variés chez les badauds, dont il devinait le ton plutôt critique et dubitatif. Quelqu'un s'écria "y'a pas d'rat par ici ! C'est eux qui les ont amenés !"

La jeune femme, quand à elle, affichait un large sourire, malgré une légère grimace à l'évocation des sortilèges. Elle abonda dans son sens, en s'adressant davantage au public qu'au garde, d'une voix claire et presque emphatique.
" Ces rats ont surgi d'un coup, venant de nulle part ! Peut-être que l'une ou l'autre cave de la rue en héberge quelques spécimens, mais sûrement pas une telle armée... Enfin, je l'espère pour vous ! A moins que quelqu'un ici en fasse volontairement l'élevage... Non, je n'ose pas imaginer que vos restaurateurs les serviraient en guise de lapin ?"
Il y eut des protestations et quelques rires.
" Bon. je peux vous assurer qu'au cirque il n'y en a pas non plus : ces bêtes-là ne sont absolument pas adaptées à une vie itinérante."
Elle fit un instant de pause, promenant un sourire assuré sur l'assemblée. Elle ne savait pas résister à l'envie de parler à un public. Puis elle reprit, d'une voix plus douce.
"Bien sûr, nous nous excusons pour le bruit et le dérangement causé par les sortilèges. Mais nous avons été attaqués par ces créatures sanguinaires qui terrifiaient ma petite soeur, vous comprenez bien que nous devions la défendre, nous défendre... "
Elle adressa au garde son sourire le plus charmeur.

Son collègue les avait rejoints, la mine sévère, la main sur le pommeau de son épée. Il parut hésiter, puis lança simplement.
" Vous allez nous suivre au poste".

Rhian dévisagea le garde, stupéfait. Ces gens ne pouvaient quand même pas croire qu'il était responsable de ces rats ! Il s'était lavé ce matin-même, dans un petit torrent glacé ! Décidément, il manquait dramatiquement de chance. La donzelle aussi. Il n'avait pas tellement envie d'y être associé — elle était manifestement de moeurs légères, mais apparemment, il n'avait pas le choix.
" D'accord." dit-il avec un haussement d'épaules.
C'était un malentendu. En ce qui le concernait, du moins. Il n'était pas certain de ce dont la fille du cirque était capable. Faire apparaître des animaux, c'était un tour assez spectaculaire, tout bien considéré.

La jeune femme pinça les lèvres.
" Nous n'avons rien fait de mal !
- C'est juste pour prendre votre déposition", assura le premier garde.
La jeune femme ne répondit rien. Elle se mit en marche à la suite du garde, et embrassa du regard la place, les rues adjacentes, comme si elle cherchait une échappatoire. Le second garde fit signe à Rhian d'avancer lui aussi, mais accordait manifestement bien plus d'attention à sa compagne d'infortune. Il ferma la marche.
Ils prirent la rue principale, celle par laquelle Rhian était arrivé, qui longeait la place. La foule des badauds se dispersa, peu à peu. La jeune femme commença à marmonner quelque chose à voix très basse, sûrement un sortilège.

Rhian l'entendit, la dévisagea puis se tourna vers le garde derrière eux, avant de revenir à la jeune femme. Pourquoi diable paniquait-elle à l'idée d'aller faire une déposition ? Au point de lancer un sortilège ? Cela paraissait complètement disproportionné. A moins qu'elle n'ait, en vérité, quelque chose à voir avec cette déferlante de rats. Dans ce cas, elle était encore plus proche de lui qu'il ne l'avait cru : lui aussi avait parfois des petits ratés quand il utilisait la magie. En proie à ces réflexions, sa loyauté était malmenée. Si bien qu'il ne fit rien : il ne prévint pas les gardes des manigances de la jeune femme, ne chercha pas à l'interrompre, continua simplement à marcher, en espérant que le destin prendrait la bonne décision à sa place.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Valuisant

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