[Bâtiment] Le Palais de Justice

[Hugues de Breizh]

Quête : Vol d'une Relique

Le Conseiller écouta ce qu’avait à lui dire le soldat. Ainsi le Grand Emissaire désirait organiser un Conseil extraordinaire afin de faire quelques lumières sur la quête de la relique. Il est vrai que de nombreuses zones d’ombre restaient en suspend et notamment le rôle de chacun dans les évènements. Il faudrait aussi prendre des mesures contre les Phalanges Pourpres, le Conseiller étant quasiment sûr qu’elles ne tarderaient pas à refaire parler d’elles.
Quant aux jugements des traîtres, il fallait aussi en parler.
Bref, ce Conseil allait sûrement durer en longueur.

Le Conseiller donna des ordres pour loger convenablement Lord Ilberan dans les quartiers des invités. Il lui fit, par ailleurs, porter une missive lui résumant les derniers évènements. C’était aussi une manière de lui dire que le départ pour Luménis n’allait pas tarder et qu’il s’occupait toujours de l’affaire.

Quelques minutes plus tard, le Conseiller se rendit au Palais Administratif, escorté par sa garde personnelle. On n’était jamais trop prudent.

[Saiko]

Quete : les Caves du Loyal

En arrivant de l'Office Culturel

Le Palais de Justice se trouvait à quelques encablures du Palais Royal. Sa grande façade en pierre blanche surplombait la place au bout de laquelle il était inplanté. De longues marches menaient à la majestueuse porte d'entrée en bois dur, encadrées de deux grandes statues de bronze.

Après avoir franchi les grandes portes (restées ouvertes pour aérer), le rodeur et Drydo se retrouvèrent au milieu d'un hall dont les dalles reflètaient la lumière. Un magnifique lustre doré et ornée de pierres précieuses descendait du haut plafond domique.

Saiko prit l'initiative cette fois-ci d'aborder un passant, qui, au vu de sa tenue, devait se trouver la plupart du temps du bon coté de la barre.

- Bonjour Mossieur, auriez-vous l'amabilité de nous consacrer un peu de votre temps et de nous indiquer l'emplacement des archives. Nous recherchons en particulier des informations sur un dénommé Anselm.

Le rodeur etait capable de grande patience et de grande politesse pour la première fois qu'il s'adressait à quelqu'un (le première fois, j'ai bien dit...).

[Althéa]

Quête : les caves du Loyal

Le greffier sursauta en entendant le nom que le rôdeur belluaire venait de citer et fronça les sourcils. Cela faisait une éternité que la justice avait posé son scellé sur cette affaire sordide. La ville avait tourné la page et ne s’en portait que mieux. Pourquoi donc venait on à nouveau remuer ce passé douloureux. Et des étrangers qui plus est. L’espace d’une seconde, il faillit les expulser manu militari mais se ravisa. Peut être n’entreraient ils pas dans le vif du sujet. Après tout, le secret était bien gardé. Il n’y avait aucune raison valable pour que le passé ressurgisse comme cela.

« Anselm Lleno est l’ancien propriétaire du Loyal Paladin. Il séjourne à la prison de Manost. Mais si vous désirez le voir et lui parler, vous avez peu de chance : le pauvre bougre est à moitié fou. Après ce qu’il a découvert … »

Mais il s’interrompit. Mieux valait ne pas s’appesantir certains détails. Il changea donc de sujet sans en avoir trop l’air.

« … pour les archives, j’en suis responsable. Mais avant de vous fournir les documents, j’ai besoin de savoir quel est l’objet de votre recherche »

Et il regarda le duo d’un air méfiant.

[Saiko]

Quete : Les Caves du Loyal

Anselm etait un sujet chaud-bouillant. Pour ne pas effrayer les seuls detenteurs d'informations interessantes, il allait falloir la jouer fine. Mieux valait le rassurer tout de suite.

- Je me presente, Saiko, Manostien, Membre des Guildes de Manost, Rodeur Belluaire, et gerant actuel de la forge principale de Manost. Vous pouvez verifier mon identite aupres de Sieur Lothringen ou aupres de Maitre Jan Foudreroche

Le rodeur insista bien sur les titres des personnes citees, il voulait montrer a cet homme qu'il etait pret a respecter toutes les regles de la hierarchie, du moins tant qu'il obtiendrait satisfaction.

- La personne qui m'accompagne et moi sommes amis de Titoeil Debeurre et de Driade, vous les connaissez bien sur.

Comment justifier leurs recherches ? Tenter le bluff ? Il espera un instant que Drydo reagirait, si elle pouvait faire quelquechose elle. En fin de compte, il decida de lui dire tout simplement la verite.

- Eh bien voila, un personnage mysterieux dont nous ne connaissons pas les intentions apparait regulierement a la Taverne. Et nous avons decouvert une trappe dans le sol dont Titoeil ne connait pas l'origine. L'homme semble passer regulierement par cette trappe. C'est ce mystere que nous tentons de resoudre. Vous comprenez qu'on ne puisse pas laisser qui que ce soit vivre impunement dans les sous-sols d'un batiment manostien, sans qu'on n'obtienne plus d'informations.

Comment le greffier allait-il reagir ? Il esperait que le greffier prendrait peur et se debarasserait directement du fardeau de l'information pour eloigner les deux aventuriers.

[Althéa]

Quête : les caves du Loyal

L’homme écarquilla les yeux et se retint de rire. Voila qu’on se mettait à voir des apparitions ! Et pourquoi pas Helm en personne dans les rues de Manost ? Et il blêmit soudain. Le souvenir lui revint. Il avait accompagné les gardes dans les caves pour consigner ce qu’il voyait. Rien, même dans ses pires cauchemars ne l’avait préparé à l’horreur dont il allait être témoin. Il se souvint avoir hurlé, puis vomi, et hurlé encore jusqu’à n’avoir plus ni tripes ni souffle. Il avait été obligé de sortir. Et les visions de cauchemars l’accompagnaient encore certaines nuits. L’espace d’un instant, il crût les voir à nouveau. Il frissonna pour chasser les images.

Mais il ne pouvait se confier. Pas à des étrangers. Il avait voulu parler, dire tout ce qu’il avait vu à qui voulait l’entendre. Mais la justice Manostienne s’était dépêchée d’étouffer l’affaire. On avait arrêté et exécutés les meurtriers dans le plus grand silence. Et personne n’avait rien sû des atrocités qu’ils avaient perpétré. Et il n'arriverait pas à en parler. Pas maintenant, c'était encore trop tôt. Mais ils devaient savoir. Il n’y avait qu’un moyen. Il partit quelques minutes puis revint avec un parchemin :

« Un sauf conduit, expliqua t’il en tendant le document à Saiko, allez à la citadelle de la lame d’argent. Là bas, se trouve une guilde d’espion. Retrouvez la et demandez Giacomo. Quand vous serez en sa présence, dites lui de ma part que Ethan vous envoie"

[Saiko]

Quete : Les Caves du Loyal

Cool ! Un sauf-conduit, et un autre endroit a visiter ! Visiblement les gens étaient très peu loquaces quand a l'affaire concernant Anselm. Il irait s'adresser directement a lui. Il avait d'ailleurs été surpris d'apprendre qu'il était vivant.

Il se tourna vers Drydo.

- Qu'en penses-tu ? Es-tu d'accord pour aller a la Citadelle de la Lame d'Argent ?

[Drydo]

Quête : les caves du Loyal
De retour, pour vous jouer des mauvais tours ! Quoi mon sous-titre il est pourri ?

Drydo applaudit mentalement la performance de Saiko sur ce coup-là. Pas mal du tout, ce petit....et nous voilà avec encore plus de boulot dans les bras !

- Je meurs d'envie de me précipiter à la prison, mais après tout....Force sans sagesse, et on te botte les fesses !

Elle lui fit un petit clin d'oeil malicieux.

- Bon, Elza nous attend sûrement au Loyal, en train de se prélasser devant la cheminée...elle pourra attendre un peu plus. Allez, direction la Citadelle de la Lame d'Argent ! Hiiiiii yaaaah !!

Suite à ce discours des plus poétiques, l'elfe noire entraîna Saiko dans sa course en lui tirant sur le bras, simplement dans l'espoir de le faire trébucher. Un regain d'ancien sadisme, sans doute.

Et maintenant, place à de nouvelles aventures de nos incroyables aventuriers du tonnerre !

[Streen]

Quête: Temps perdu

En provencne de la prison de Manost ici: http://www.baldursgateworld.fr/lacouron ... post244780


Les aventuriers avaient franchi l’immense porte et avaient été amené dans la salle d’audience. Dans la salle trônait une lourde table marbrée, sûrement celle à laquelle le juge donnait ses verdicts. On y trouvait une dizaine de soldats supplémentaires qui s’ajoutaient aux soldats ayant escorté le groupe. Une trentaine de personnes résidaient sur les bancs en bois et il semblait que ceux-ci soient des invités dans la salle d’audience, de rares privilégiés ayant le droit d’assister aux auditions. La plupart d’entre eux étaient des nobles et des hommes faisant partie des autorités de Manost. Dans la salle à côté du bureau du juge figuraient deux personnes, il devait s’agit de l’avocat général et l’avocat de la défense. Quand au juge, il n’était pas encore arrivé et manquait à l’appel. Etrangement, on fit installer des tréteaux puis on y installa une planche en bois sur le coté avec des chaises en bois au nombre de sept. A ce moment là, les sept personnes dans la salle représentant les autorités de Manost se levèrent et prirent place sur ses chaises. Toute l’installation de la salle avait pris trois bonnes heures. Enfin, le sergent Maelstre entra à son tour dans la salle. Il était entièrement vêtu de noir et cette nouvelle tenue laissait penser qu’il ressemblait plus à un magicien qu’à un officier d’autant plus qu’il était plutôt frêle d’apparence physique. A la grande surprise du groupe, il prit la place du juge et s’assit avant de prendre la parole.
-Bienvenue à tous au palais de justice de Manost. Je suis le sergent Maelstre et concernant l’affaire qui va suivre, j’ai été désigné comme juge. J’annonce avec regret que le juge précédent a disparu depuis quelques jours et pour cette affaire on m’a demandé de le remplacer. Tout au long de la séance qui va suivre, je vais avant tout expliquer les faits. Ensuite, les accusés auront le droit à la parole mais ils ne pourront parler qu’une fois chacun leur tour. Quelques témoins viendront ensuite plaidoyer en faveur ou défaveur des accusés. A ma droite l’avocat général fera son réquisitoire tandis que l’avocat de la défense à ma gauche fera son plaidoyer. Enfin, les sept personnes que vous voyez sur la table en bois sont des représentants des autorités de manost. Ils appliqueront le rôle de jurés et trancheront sur l’innocence ou la culpabilité des accusés. En fonction de leur verdict, je l’appliquerai et la séance prendra fin.

Le sergent marqua un temps d’arrêt et dit :
-J’annonce l’ouverture de la séance.
Puis il prit une feuille et dicta :
-Callista nom de famille inconnu est accusée de s’être infiltrée illégalement dans la cité par deux fois. Elle a donc échappé à tout contrôle obligatoire et des personnes dans la salle peuvent témoigner. De plus, elle s’est évadée et a refusée de me rendre l’objet qu’elle possédait ce qui est un délit grave. Quand à Dorian Cheveuxdejais et Arya du Varden, ils sont accusés de complicité envers Callista. Là aussi il s’agit d’un délit grave dans la mesure où ils l’auraient protégé et probablement aidé à s’évader de la prison. Nous possédons là aussi un témoin dans cette affaire. Il est possible que Callista provienne de Mélandis et aie eu pour but de nous espionner pour le compte de cette cité.
A ces mots, les membres des jurés blêmirent. Les dernières paroles du sergent les avaient affectés.
-J’appelle maintenant les accusés Callista, Dorian et Arya à la barre. Nulle autre personne n’a le droit d’intervenir pendant leur plaidoyer.
A ce mots, Callista semblait avoir subi un regain d’énergie. Elle se dirigea la première à la barre l’air altier. Cet ait couplé avec ses cheveux étincelants et ses yeux de saphir avaient déjà attiré l’attention et la sympathie de certain nobles de la salle. Elle parla de sa voix habituelle douce et calme :
-Je vous remercie me laisser me justifier. Je tiens avant tout à m’excuser pour ne pas avoir appliqué le règles d’entrée dans la cité de Manost. Cependant je n’ai pas eu l’intention de créer des problèmes et j’ai simplement demandé de l’aide. Je n’ai crée aucun dommage à la cité ni fait de mal à quiquonque. Quand à mes amis qui se trouvent à coté de moi dit elle en désignant le groupe, ils ont simplement répondu à mon appel et n’ont rien avoir avec cette affaire. Je demande à la justice à ce qu’ils soient mis hors de cause.
Sa voix avait été comme un enchantement et quelques invités eurent l’audace d’applaudir devant son discours. Le serent tapa sur le bureau avec son marteau en criant :
-Silence !
Puis au reste des accusés :
-J’appelle maintenant Dorian et Arya à la barre.

[Arya Du Varden]

La magicienne était peinée de voir l'abattement de sa consœur et elle ne put qu'être satisfaite de l'accueil qu'eut ses paroles dans l'assemblée. Surtout, il n'était pas question que Callista reste emprisonnée et surtout que le sergent s'approprie l'objet qu'il avait confisqué.

L'elfe s'avança avec toute la grâce de sa race tout en annihilant l'air supérieur qu'ils avaient l'habitude d'aborder. Tout aussi calme que Callista, sa voix était chantante et empreinte de sincérité.

Je peux vous assurer que jamais je n'aurai osé enfreindre les lois de votre cité. Les événements furent tels que je vous le concède, bien en dehors de ma volonté, je n'ai pas suivi les règles. Quant à mon intégrité, si cela devait être, le gouvernement lumenien pourrait vous assurer que je suis une citoyenne exemplaire et que lorsqu'en mon âme et conscience j'apporte mon aide, cela n'est pas fait à la légère.

Son regard se porta autant sur ceux qui avait applaudi aux paroles de son amie que sur ceux qui semblait lui porter ombrage.

Surtout, je me permettrais d'affirmer que Dame Callista n'a jamais nui à qui que ce fut ou à quoi que ce fut, ni même que cette idée ait pu effleurer son esprit. Sa quête est humble et elle n'est faite que de sentiments nobles.

Finalement, son regard se posa avec insistance sur le sergent et le ton de sa voix se fit affirmatif et interrogateur tout à la fois.

De plus, j'affirme, que cet objet qui vous lui avez confisquer est la seule raison de notre arrestation et il me serait agréable que vous en expliquiez les tenants et aboutissants à l'assemblée afin que tout un chacun connaisse les raisons qui ont amenés à notre arrestation et à notre déferrement devant un tribunal.

[Bat]

Re : [Batiment] Le Palais de Justice


Dorian admirait la force avec laquelle Callista et Arya faisaient front. Pourtant tous les 3 risquaient la prison, voire la mort. Mais aucune des deux compagnes d' aventure du bon vampire ne faiblissait. A son tour Dorian s' adressa au tribunal d' une voix forte mais au ton volontairement mesuré et atténué.

"Citoyens de Manost, ainsi que mes amies viennent de vous le dire, aucune mauvaise intention n' a présidé à notre décision de nous infiltrer dans votre belle cité du dieu Heaume bien au contraire. C'est pour éviter une immense catastrophe qu' Arya et moi avons joint nos efforts. Cette catastrophe qui est encore à venir menace rien moins que la survie même de votre cité. Un rayon de feu du ciel viendra et détruira cet endroit. C'est pourquoi tous 2, nous sommes partis à l' aventure, pour déterminer comment le drame est survenu et comment l'éviter et d'abord pour sauver vos vies en même temps que l'existence de Manost.


Ce que j' affirme n'est qu' un témoignage certe.Mais ce témoignage une personne peut le confirmer, une personne que le sergent Maelstre lii-même ici présent honore de sa confiance.Il s' agit de dame Oriane. Avec nous elle a voyagé, elle a vu ce que serait l' avenir ici.Qu'elle nous apporte son témoignage impartial et objectif. Ainsi vous jugerez si nos actes méritent un châtiment" fit Dorian.

Son discours terminé le vampire continua à regarder intensément la salle qu' il n' avait cessé d' observer pendant tout son discours,puis il baissa volontairement les yeux.

[Streen]

Arya et Dorian retournèrent à leur place. Leur discours n’avait pas autant convaincu les invités que celui de Callista. Néanmoins les nobles chuchotèrent et bien que leurs propos soient inaudibles, ils semblaient tous se quereller. La moitié semblait être de leur coté tandis que l’autre moitié ne les approuvait pas. Ne disposant pas de preuves et l’accusation de Maelstre ayant un poids plus lourd, le procès allait s’annoncer mitigé. Avant que le sergent ne demande aux témoins de se présenter, un membre du juré intervint.
-Sergent Maelstre dit il, si vous nous expliquiez la raison pour laquelle vous avez confisqué cet objet à dame Callista ?
Le sergent fronça les sourcils comme si cette question le prit au dépourvu. Néanmoins il répondit du tac au tac.
-Messieurs les jurés, la raison qui m’a poussé à confisquer cet objet ne révèle que de l’ordre de la sécurité. Les accusés ne doivent pas porter ce genre d’objet d’autant plus que je soupçonne celui-ci d’avoir permis à Callista de s’échapper de la prison si on compte en plus Dorian et Arya. Cet objet lui sera rendu uniquement si elle est reconnue innocente par le tribunal.
Les jurés ne posant pas d’autres questions, il déclara :
-J’appelle les témoins à la barre.
Les témoins n’étaient que trois et parmi eux se trouvait Landris. Tous les trois donnèrent un avis négatif concernant les accusés selon les faits donnés. Un noble intervint alors pour dire que malgré les faits, les preuves permettant de soupçonner Callista de travailler pour le compte de Mélandis semblaient manquer à l’appel. Cette interruption ne fut pas du goût d’un des membres des jurés qui affirma :
- Le fait que Callista provienne ou non de Mélandis ne change rien à ce qu’elle a commis. Elle s’est infiltrée sans autorisation par deux fois dans la cité, elle s’est évadée et Dorian et Arya sont ses complices. Je propose une sanction quelquesoit le jugement rendu aux accusés.
Tous les jurés approuvèrent de la tête cette décision ce qui eut pour effet une huée de la part des invités.
-Silence ! ordonna le sergent. A présent j’appelle Lester et Oriane à la barre.

[loqueteux]

Lester avait déjà vu ce genre de rassemblement qui donnait l'illusion que certaines personnes détenaient un pouvoir bien plus important que dans la réalité, la vérité importait peu. "Jusqu'à ce qu'elles ne soient rattrapés par les ténèbres et le néant", lui murmurait une voix dont la source lui échappait totalement.
Alors qu'il se dirigeait nonchalamment à la barre, il entendait des cris, des hurlements qui s'élevaient au fur et à mesure qu'il avançait. Apparemment, il s'aperçut que ceux qui le regardaient ne semblaient rien remarquer de ces présences disgracieuses en fond sonore.
Il distingua quelques mots parmi ces cris:"pourriras... poussière... nous... deviendras..."
La luminosité diminuait petit à petit dans son champ de vision. Pourtant personne ne s'en trouva affecté pour autant. Il marqua un temps un petit moment, comme si avancer vers cette barre lui drainait la majeure partie de son énergie.
Il ne savait pas par quoi les gens autour de lui étaient le plus préoccupés, par le nuage de suie qui l'entourait, se demander comment l'individu respirait dans ces conditions ou si'il s'agissait d'une sorte de blague d'un goût douteux.
Néanmoins, à part la pause éphémère, Lester n'en afficha aucun autre indice.
Je ne m'étalerais pas ici sur ce que je ne sais pas. Ainsi, je ne puis dire si l'accusée Callista ici est coupable ou non de ce que le sergent Maelstre, juge de ce tribunal, l'accuse. Je puis néanmoins dire que Mr le juge m'avait chargé de ramener l'accusée qui avait fui, selon lui, la prison de Manost pour se diriger vers Mélandis et que nous devions rattraper vers Graëlon. Oriane en était chargée également. Mais nous avons été attaqué dans la forêt par une sorte de rôdeur fou qui semblait nous avoir pris pour ses proies. Le combat a ensuite été interrompu par une sorte de bête poilue qui s'y est également mêlée. Nous avons fui, j'ai été blessé puis nous sommes arrivés vers un campement en lisière de forêt. Là, nous avons été invité par l'accusée à nous réchauffer auprès du feu et récupérer de cette nuit mouvementée. Elle nous attendait et il y avait également plusieurs personnes aux visages cachés sous des casques qui nous attendaient également. Ce qui me semblait un peu étrange c'est qu'elles portaient à peu de choses près les mêmes uniformes que ceux des gardes de Manost. Quant aux deux autres complices, je ne me rappelle pas les avoir vu à ce moment là. Néanmoins, l'attaque que l'on a essuyé dans les bois nous a fourni un mobile suffisant pour faire croire à l'accusée et aux personnes casquées que nous étions sur la trace de vulgaires bandits et que celà s'était mal passé.
C'est ainsi qu'elle nous a dit qu'elle nécessitait notre aide et qu'elle nous emmènerait quelque part pour nous montrer quelque chose. J'ai refusé, Oriane a accepté puis j'ai dit que je les attendrais ici. Et c'est ainsi que celà devait fonctionner. Oriane la suivait et moi, je rapportais à Mr le juge les infomations de notre premier échec mais que nous savions tout de même où il pourrait arrêter l'accusée.
Oriane s'est très bien débrouillée en ramenant l'accusée aux autorités de Manost. Après, je n'ai nullement été témoin de crimes qui lui sont reprochées.
Veuillez m'excuser mais je ne crois tout simplement pas être un témoin clé dans cette affaire.
Puis Lester retourna au même endroit qu'il avait quitté pour se diriger à la barre. La vérité importait peu. La vérité leur importait peu.

[Oriane]

Oriane avait presque eu envie de ne pas se rendre au procès. A quoi bon ? Pouvaient-ils vraiment empêcher ce qui allait se passer ? Elle frissonna au simple souvenir de ce qu'ils avaient vu. Depuis leur retour, elle n'avait cessé d'y songer, devenue presque sourde à se qui pouvait se passer autour d'elle. Puis, peu à peu, elle avait reprit contact avec la réalité, et l'horreur de la situation ainsi tout ce qu'elle pouvait impliquer lui était apparu clairement.
Une partie d'elle ne voulait pas intervenir, ne plus jamais revoir ces images, oublier. Après tout, le cataclysme ne se produirait pas avant des siècles. Et qui pouvait dire si, en cherchant à l'éviter, ils ne feraient pas que l'avancer ?
Mais elle savait pertinemment que si elle repartait, si elle ne faisait rien, elle ne pourrait plus jamais se regarder dans un miroir. Callista, Arya et Dorian ne pouvaient pas être condamnés alors qu'ils n'espéraient rien d'autre que de pouvoir aider Manost.

Alors elle était là, au tribunal, prête à témoigner à son tour. A cet instant précis, elle aurait été incapable de dire quel serait le verdict des jurés. Avaient-ils crus au témoignage des accusés ? Elle n'était sûre que d'une chose, ce qu'elle allait dire influencerait sans doute grandement leurs avis. Elle prit une profonde inspiration et s'avança à son tour vers la barre.

Son regard s'arrêta rapidement sur le sergent et elle prit la parole :

"Vous m'avez confier une mission, celle de ramener cette femme accusée, si j'ai parfaitement saisi la situation, d'espionnage pour le compte de la ville de Mélandis. L'ayant rencontrée, cette hypothèse a commencé à me paraître, excusez-moi mais, douteuse. Mais peut-être cachait-elle simplement bien son jeu. J'ai décidé de la suivre."

Elle s'arrêta un instant, s'efforçant de chasser les images qui s'étaient imposées une nouvelle fois à son esprit.

"Je ne peux que confirmer ce qu'ils vous ont dit. Nous sommes allés dans le futur, et nous avons vu de quoi il serait fait. C'était...apocalyptique, pire que vous ne pourriez l'imaginer. Et le seul but de Callista et de ses compagnons est d'empêcher ça. A mon sens, ils n'ont rien à faire sur le banc des accusés."

[Streen]

Le sergent Maelstre haussa les sourcils en entendant les propos d'Arya. Il finit par dire:
-Oriane, vous savez très bien qu'il est impossible d'aller dans le futur et il se peut que Callista vous aie manipulé durant votre temps passé avec elle. Mais si vous jugez bon de défendre les accusés quelquesoit vos raisons, les jurés prendront peut être en compte ces éléments. A présent, j'apelle l'avocat général et l'avocat de la défense à la barre.
Les deux personnes présentes aux cotés du juge s'approchèrent.

[Galathée]

L'avocate de la défense était une petite bonne femme rubiconde, aux cheveux gris fer un peu ébouriffé, et n'eut-ce été pour la tenue d'apparat propre à sa profession, elle n'eut pas dépareillé sur le marché au poisson des quais. Elle jeta un coup d'oeil acéré à son collègue de l'accusation puis, boitillante, elle fit un pas en avant et s'empara du crachoir.
" Pardonnez-moi, monsieur le Juge, mais je dis billevesées. Et je mesure mes mots. Billevesées, foutaises, crottes de bique, voilà tout ! Tout ce tralala, ce procès, ces accusations, ne reposent sur rien."
Elle secoua la tête, baissa la voix et décocha un sourire goguenard au juge.
" Déjà, en tant que Tyrite, je suis scandalisée de vous trouver juge et partie. On aimerait savoir ce que vous avez confisqué, par exemple. Vous portez l'accusation tout en prenant le siège de l'impartialité. Très irrégulier. Trrrrrrès irrégulier."
Elle haussa les épaules, se tourna vers le jury.
" De Mélandis, nous ne savons rien. Suppositions. Vous n'avez rien qui vous permette d'en décider. La petite Callista n'a pas fait route vers Mélandis lorsqu'elle en a eu l'opportunité. Elle a préféré profiter de nos collines, je la comprends, il y a quelques jolis coins là en bas. Elle n'a pas non plus commis d'actes délictueux à Manost, si on omet cette regrettable évasion. Alors, bien sûr, elle n'a pas emprunté les portes. Grands dieux. Peut-être pourrait-on la condamner à quelques travaux d'intérêt général pour avoir omis de s'essuyer les pieds sur le paillasson officiel, mais de là à imaginer tout de suite que ses motivations à être discrète relèvent de la conspiration... C'est bien typique d'une certaine paranoïa que l'on rencontre malheureusement souvent dans le chef des amoureux de la discipline..."
Elle soupira, retroussa ses manches et se tourna vers le juge.
" Vous lui reprochez de ne pas vous avoir remis un certain objet... Mais moi non plus, je ne vous confierais pas mon sac à main, mon ami ! Peut-on savoir de quoi il s'agit, au passage ?"
C'était une question rhétorique.
" Revenons à nos moutons. Une demoiselle qui se faufile, pour une raison, une autre... Elle n'a causé aucun tort à Manost, et n'a eu aucun contact avec Mélandis. Elle n'a même pas tenté de s'en approcher. Son lien, ses motivations : du vent, des rumeurs, suppositions, accusations. On ne peut rien en faire. Ses compagnons... ont une histoire intéressante à raconter. Une histoire de ruine, à laquelle il faudrait peut-être prêter attention... Mais qui n'est pas, finalement, le coeur de notre procès. Ils ont fait confiance à Callista. Même s'ils ont été abusés, ils ne sont pas coupables. Ou si peu. Et Oriane, notre Oriane, une Manostienne, comme vous, comme moi, se porte garante de leur honnêteté. Que demander de plus ? Vraiment, monsieur le Juge, je ne comprends pas ce que nous faisons ici. Déranger ces braves citoyens pour se prononcer sur une affaire aussi maigre. Pas de preuves, rien. Juste des suppositions. Un objet mystérieux. Et probablement votre mauvaise humeur. Je recommande l'acquittement pour tout le monde. D'où qu'ils viennent. Nous perdons notre temps."

[loqueteux]

Lester se rendait compte que tout le monde semblait croire à une version téléportée de ce déplacement dans la prison. Etant donné qu'Oriane n'y était peut-être pour rien, cela rendait cette version particulièrement amusante, puisque comme l'avait souligné l'avocate, non seulement ils ne s'étaient pas réfugiés à Mélandis mais s'étaient volontairement réfugiés dans la prison de Manost. Mais peut-être était-ce la manière dont le sergent reconnaissait la marque mélandienne sur cette action...
Lester attendit que l'avocate ait fini sa plaidoirie pour essayer de tourner en ridicule la situation.
Excusez-moi... Juste un moment s'il vous plait...
Rien ne vous choque dans toute cette affaire? Passons outre le fait que ces accusés se soient directement téléportés là où ils n'auraient en tout et pour tout rencontré que de l'hostilité envers leur but, ce qui feraient d'eux de bien piètres malfaiteurs s'ils en étaient.
Analysons la situation beaucoup plus profondément. Nous avons monsieur le juge ici présent qui les accuse de s'être téléportés de leur plein gré dans sa prison pour lui demander de l'aide une première fois puis ils recommencent une deuxième fois pour marquer le coup, si certainsn'avaient pas compris. Mais c'est vrai, tous les chemins mènent en prison, je vous l'accorde.
Monsieur le juge, pourriez-vous nous montrer comment ce groupe de si dangereux malfaiteurs a fait pour se téléporter dans cette prison s'ils ne l'ont pas fait de leur plein gré, vous permettant ainsi de récupérer un objet que vous convoitiez?
Mesdames et messieurs, laissez-moi vous montrer comment je vois cette histoire de téléportation depuis que le juge ici présent me l'avait déjà évoqué au moment où il a loué mes services.
Voyez, pour l'instant, je n'ai pas bougé. Fermez les yeux un instant s'il vous plait ou regardez ailleurs un petit moment, c'est bien aussi.
Lester attendit quelques instants puis fit quelques pas en avant.
Veuillez rouvrir les yeux ou regarder dans ma direction s'il vous plait. Voyez, la téléportation, c'est aussi simple que ça. Ceci, à moins que vous n'ayez, mosieur le juge, une preuve que ce groupe d'accusés ici présents se soit bien téléporté volontairement dans cette salle pour y subir votre profond sens de la justice et que personne, voire aucun garde ne leur ait ouvert de portes bien sûr. Après tout, forcer quelqu'un à se rendre dans une prison, puis l'accuser de s'être téléporté illégalement dans cette prison, le relacher ensuite pour pouvoir l'accuser de conspirations mélandiennes, c'est une histoire bien recherchée. Non, non, heureusement, ils se sont évidemment rendus directement et volontairement, sans aucune pression, dans cette prison. Oh, excusez-moi, c'est vrai, c'est la magie de la téléportation, n'est-ce pas?
Pourquoi voulez-vous à ce point l'objet que vous tenez entre les mains? Je crois que dans cette affaire, vous auriez carrément pu dire que cet objet vous appartenait. Après tout, quelle serait la preuve qu'il ne vous appartienne pas? Voyons, en quoi cela pourrait-il constituer un vol? Après tout, ces accusés sont assurément des malfaiteurs qui essaient juste de s'interposer entre cet objet et vous, après vous l'avoir gentiment rapporté. Alors, monsieur le juge, allez-vous nous montrer comment cet objet permet la téléportation jusque dans cette prison? Je suis sûr que vous allez faire un malheur avec ce merveilleux objet et votre brillante démonstration de la répréhensible téléportation.

[Streen]

Le sergent confortablement assis sur sa chaise n’avait pas perdu une miette de tout le déroulement du procès. Et à voir ses sourcils se froncer, il y avait des propos qu’il n’avait pas apprécié. Il se contenta néanmoins de répondre en jetant un regard noir à l’avocate de la défense:
-Premièrement, je ne prends pas partie du procès. Le fait que Callista et ses compagnons travaillent pour Mélandis et la principale raison de leur accusation et nous sommes là pour rechercher des témoins et des preuves pour en avoir la certitude. Il faut dire qu’il y a beaucoup de preuves qui jouent en leur défaveur. Mais il se peut que les jurés décident l’innocence après la plaidoirie. Quand à votre remarque Lester, j’ignore par quel moyen elle s’est infiltrée dans la cité mais elle l’a fait par deux fois et de nombreux témoins pourraient en témoigner. Si elle possède cet objet plutôt que de venir normalement à la cité et qu’il dispose d’un tel pouvoir, c’est qu’elle devait savoir qu’il y avait un contrôle et qu’on ne l’aurait pas laissé rentrer. Aurait elle quelque chose à se reprocher ? Il faut dire qu’utiliser un tel stratagème pour rentrer illégalement est bien louche et accuse l’accusée d’espionnage. Néanmoins, ce sont les jurés qui prendront la décision finale. Moi je ne suis ici que pour l’appliquer et j’aurais été ravi de ne pas prendre cette fonction de juge si mon prédécesseur était encore ici. Quand à l’objet, je ne sais pas l’utiliser et de toute manière, cela m’importe peu. Le règlement manostien stipule que chaque prévenu doit être dépossédé de ses biens. Mais comme je l’ai annoncé, il lui sera rendu si la justice décide de l’innocenter. A présent veuillez ne pas interrompre la séance Lester. J’appelle maintenant l’avocate générale à la barre.

[Lothringen]

L'avocate générale était une femme dans la force de l'âge, grande et sèche, pour l'heure très énervée, semblait-il, par la tournure générale que prenaient les évènements. Sur certains points, elle n'était pas très loin de s'accorder avec la défense : tout ceci était une insulte à Tyr.

Après l'intarissable flot verbal qui avait brassé beaucoup de vent dans les heures précédentes, elle n'était pas fâchée de pouvoir enfin en placer une. Déambulant d'un pas lent devant les stalles du jury, elle rassemblait ses manches et leurs effets en vue d'un réquisitoire dans les règles de l'art. De son point de vue, la seule chose qui serait dans les règles, du reste, de toute cette parodie de procès.

« Messieurs et mesdames les jurés, vous aurez remarqué aussi bien que nous combien cette affaire est obscure, et combien rares les informations sûres dont nous disposons au sujet de la prévenue. A-t-elle expliqué de façon satisfaisante les raisons de son infiltration illégale dans la cité, a-t-elle daigné ne serait-ce que décliner son identité, son origine ? Non. L'objet qui lui a été confisqué a-t-il été porté au registre des pièces à conviction ? Non plus. Le dossier est vide, ou à peu près, et nous sommes tentée de faire inculper les représentants de la garde impliqués pour outrage à la cour, vue la façon dont a été menée l'instruction.

La seule chose dont nous puissions être certains, c'est que la prévenue se moque parfaitement de nos lois et ne les enfreint pas sans raisons. Elle aurait agi pour, ah... sauver la cité d'un raton de feu du ciel en import direct du futur ?! Cela ressemble à un pathétique canular. A aucun moment les autorités ou services de sécurité de la cité n'ont été consultés ou informés de quoi que ce soit. Et bien sûr, pas la moindre preuve pour étayer ces dires, à part l'intime conviction de ces chasseurs de prime. En dépit de leurs affirmations, nous ne voyons quant à nous que quelqu'un qui va, vient et fait ses petites affaires au mépris complet de nos lois, en s'accompagnant d'hommes d'armes qui pourraient aussi bien provenir de Mélandis, pour ce que nous en savons. Probablement une intrigante, membre de quelqu'une de ces organisations secrètes qui gangrènent notre cité et fatiguent nos sentinelles. En temps ordinaire, nous les reconduisons à la frontière, mais nous savons déjà que les remparts et la distance n'arrêtent guère les ardeurs de cette demoiselle.

Nous réclamons la poursuite de la détention préventive de Callista jusqu'à ce qu'il soit prouvé que cette jeune femme au comportement suspect n'est pas une menace pour la cité. Nous exigeons le recours aux interrogatoires poussés et notamment à la magie des enchanteurs pour que la vérité soit enfin mise au jour. En bref, nous demandons un report du procès pour complément d'enquête.

Nous réclamons que l'objet confisqué à la jeune femme soit mis à disposition des juges ; faute de quoi, nous exigeons que le sergent Maelstre fasse l'objet d'une enquête interne et ait à se justifier de tentative d'entrave à la justice.

Quant à ces chasseurs de prime au sens de la loyauté très conforme à ce que l'on peut attendre de ce genre d'engeance, nous considèrons qu'ils peuvent repartir libres. Nous croirons en leur sincérité, au bénéfice du doute. Néanmoins, vue leur façon de doubler la garde et les fluctuations de leur allégeance, il y a peu de chances pour que nous soyons tentés d'avoir de nouveau recours à leurs services pour une prochaine affaire délicate.

Telles sont les requêtes de l'accusation, pour la justice, mais aussi la sécurité de Manost. Merci de votre attention. »

[Streen]

Le réquisitoire et la plaidoierie avaient été rendus. Le sergent Maelstre n’avait pas aimé les derniers propos de l’avocate générale. Il se leva d’un bond et dit :
-Comment osez vous… ?
-Sergent Maelstre, déclara un des jurés, asseyez vous et calmez vous de suite sans quoi vous pourriez avoir des ennuis.
Le sergent obéit mais la salle eut l’impression que l’envie de sauter sur les deux avocates lui était tentante. Le juré qui avait parlé finit par dire :
-Cette histoire d’objet qui permet de visiter le futur nous dépasse. Et nous sommes plus préoccupés par les temps agités qui courent plutôt qu’à cette histoire frivole. Nous allons nous concerter pour trancher sur la culpabilité des trois prévenus.
A ce moment là, tous les jurés se levèrent et laissèrent la salle dans l’attente.

Une heure plus tard, ils revinrent se reasseoir puis l’un d’eux prit la parole.
-Après avoir entendus tous les témoignages et les faits, nous avons décidé à 5 voix contre 2, de l’innocence des trois prévenus. Et pour cause, nous manquons cruellement de preuves dans toute cette affaire qui puise les inculper d’espionnage pour le compte de la cité de Mélandis. Nous estimons que le sergent Maelstre n’a fait que son devoir et n’a pas à se justifier de ses actes même si sa réaction a été disons…excessive. Néanmoins, nous refusons de laisser les trois prevenus s’en tirer de si bon marché. Rapellons qu’ils ont participé à une évasion et qu’ils se moquent de nos lois. Nous condamnons les trois prevenus à deux jours de travaux d’interêt général à compter à partir de demain. Ils reposeront ce soir dans une cellule et travailleront pendant ces deux jours en tant que gardiens de prison. Ils seront relachés après et devront quitter la cité de suite. Quand à cet objet, il sera rendu à Callista après ces deux journées au sein de la prison. Sergent Maelstre, nous comptons sur vous pour appliquer notre décision.
La salle retentit d’applaudissements suite à la décision des jurés. La sanction était tout à fait acceptable et méritée. Le sergent hocha la tête l’air grave puis fit signe aux soldats. Ils amenèrent Arya, Callista et Dorian de force même s’ils desserèrent leur étreinte. Tout le groupe se rendit à la prison de Manost ici:
http://www.baldursgateworld.fr/lacouron ... post246405

[Althéa]

hrp : suite du rp solo.

Angèle quitta le Clos en compagnie des autres dans un état presque second. Amélie, attentive lui avait heureusement recommandé de remplacer sa tenue de jardinage par un vêtement plus adéquat. S'en était suivi un branle bas de combat quand on s'était rendu compte qu'elle n'avait emporté aucune tenue "descente" et que ses vêtements se trouvaient à la commanderie. Pendant que Dimitri escortait une Sambre furibonde dans sa chasse aux habits, elle avait tenté de rationaliser la situation. Meridith était une battante. Meridith était la plus efficace de toutes les juristes. Elle n'avait donc aucune chance. Il lui était aussi difficile à ignorer qu'elle était aussi son amie. Du moins, c'est ce qu'elle se demandait. Ce qui n'empêcherait bien sûr pas Meridith de ne faire d'elle qu'une bouchée.

Elle entra dans le palais de justice et sans s'en rendre compte entra dans le bureau jouxtant la salle d’audience. Elle retrouva des sensations familières comme l'écho mat de ses pas sur le sol de pierre et les odeurs de vieux bois. C'était son univers, sa maison. Pourtant, aujourd'hui, elle s'y sentait comme une étrangère. Ses vêtements aussi avaient changé. Il lui semblait plus amples, rendant ses gestes plus laborieux. Elle avait manqué plusieurs fois trébucher dans sa robe d'avocate aux couleurs de Tyr. Elle se sentait complètement grotesque. Et elle en était sûre, ce même uniforme allait parfaitement à Meridith.

Quelqu'un cria sur sa droite et se précipita vers elle. Totalement nerveuse et comme on lui avait si bien enseigné à Melandis, son premier geste fut de se replier instinctivement sur elle-même, les bras devant la figure pour éviter un coup. Étouffant de justesse un cri de panique. Une seconde plus tard, quelqu'un la serrait contre elle en lui parlant doucement.

"Angèle, l'audience n'a même pas commencé. Et puis tu sais, attaquer par surprise n'est pas ma technique."

La voix de Meridith qui ne l'avait pas lâchée.

"Allez d'Aulfray, ressaisis-toi. Tout le monde nous regarde."

Elle se redressa. Elle serait tombée si la nouvelle tormite ne l'avait pas retenue. Elle ne prit pas la peine de regarder autour d'elle. Elle la dévisagea seulement. Meridith n'avait pas changé d'un iota. Toujours la même jeune femme aux cheveux châtains remontés en un chignon impeccable et des grands yeux d'un bleu vif. Elle ne put s'empêcher de remarquer une petite ride soucieuse mais qui bien sûr l’embellissait d'autant plus. Elle la dévisageait aussi avec une moue inquiète.

"Je crois que nous sommes attendues."

En effet, "la préposée à la justice" les observait dans l'encadrement de la porte de la salle d'audience désormais ouverte. Épithète un peu ronflante pour désigner une petite femme fluette à la moue sèche d'une cinquantaine d'années.

"Dames, vais-je devoir attendre toute la journée ?
- Toujours aussi revêche, chuchota Meridith en poussant Angèle devant elle, je l'adore ... Allez d'Aulfray, je ferai en sorte qu'elle te mange en premier. "

Non, elle n'avait pas changé ... Elle déclara avant même de s'assoir.

"J'aimerais que mon client soit relâché avant le début de l'audience. Il n'est pas logique qu'il demeure en prison à cause d'un accident.
- Un accident qui a coûté la vie à une demi douzaine de personnes dont de jeunes novices. Et pour une torche qu'il a lui-même lancé., s'insurgea Angèle.

- D'accord pour le relâcher, les interrompit la juge, mais qu'il ne sorte pas de chez lui. La cession aura lieu comme d'habitude en vase clos. Je vous donne trois jours ...
- Trois jours, c'est parfait ..."

[Althéa]

suite du rp solo.

Elles suspendirent leurs robes de fonction à la patère prévue à cet effet. Sobres voire informes, d'un gris foncé tirant vers le noir, elles ne se différenciaient l'une de l'autre que par une bande de couleur au col indiquant leurs obédiences. D'un bleu roi pour Angèle et d'un vert vif pour Meridith.

Si la tormite semblait contente de sa prestation, la tyrite analysait l'issue de la séance. Certes, l'émeutier sortait de prison conformément à ce qu'avait demandé la défense. En revanche, il était assigné à résidence ce qui signifiait qu'elle avait peut-être marqué un point. Statu quo donc ...

"Hé bien voila une bonne chose de faite, souffla Meridith, on va boire un verre au Loyal ?"

Angèle la regarda interdite. Elles buvaient de concert après les audiences ... Du temps où elles faisaient équipe.

"Tu ne vas pas commencer à rédiger ta défense ?", voulut-elle savoir.

De tout temps, son amie avait été réputée pour être un bourreau de travail et livrait des plaidoiries habilement ciselées. Et certains disaient qu'elle n'était pas en reste.

"Et toi, tu ne m'as pas l'air en état de commencer à travailler sur ton réquisitoire. Je me trompe ?"

Elle approuva en silence, Meridith avait raison.

"Je commencerai sans doute ce soir pour ne rien te cacher. Mais là, j'aimerais bien passer un peu de temps avec une vieille amie. Et puis je préfère te battre à la loyale."

Elle fit la grimace pensant que sa consoeur agissait ainsi pour la préserver.

"Je te fais tellement pitié ?, s'insurgea-t-elle.
- Si tu me faisais tellement pitié, j'aurais fait des pieds et des mains pour avoir un autre adversaire. Et tu sais très bien ce dont je suis capable. Tu sais que Titoeil sert un nouveau thé ? Du théà la menthe très sucré. Tu ne vas pas me dire que tu n'es pas intéressée.
- Je suis trop facilement corruptible.", conclut-elle avec un sourire.

[Althéa]

Ils marchaient vite, sans doute dans l'espoir naïf de passer entre les goûtes de pluie. Et ils débattaient sous leurs capuches.

"Fuir hilare, ce n'est pas très sérieux. C'est un peu notre métier de rédiger ces textes.
- Et moi, je te dis que trop de loi tue la loi. Quarante texte pour la circulation sur les docks, tu ne trouves pas que c'est un peu trop ?
- Peut-être devrions-nous lui dire ...
- Pour qu'elle nous saque à la prochaine audience ? Non, il vaut mieux la fuir. Et puis, ça fait partie du jeu. Je suis persuadé qu'elle-même trouve le jeu amusant.
- La chasse aux juristes ?
- C'est son sport favori. Et regarde comme il lui réussit : soixante ans et même pas une ride.
- Des générations entières d'avocats traumatisés.
- Et pour encore longtemps ...
- Quelle sadique. Tu as raison, il vaut mieux la fuir."

Dimitri hocha la tête. Ils étaient à quelques pas du palais de justice si bien qu'ils virent distinctement deux personnes franchir les portes et se diriger dans leur direction.

"Les siamois maléfiques, souffla le jeune homme en poussant sa comparse du coude, on esquive ?"

Elle reconnut sans mal les deux paladins tormites. Un homme et une femme de leur génération. Les mêmes cheveux bruns et le même regard vert. On aurait pu les croire frères mais il n'en était rien. Toujours associés, ils se complétaient à la perfection. Ils étaient retors et pointilleux, efficaces et opiniâtres. Le double cauchemar des juristes tyrites. Mais politesse oblige ...

"On les salue et on sourit ... Tu veux leur donner du grain à moudre ?"

Ils allaient les aborder quand un cri se fit entendre. Une voix de femme qui roulait les "r" comme l'aurait fait un torrent avec des cailloux. Une femme qui n'avait visiblement pas l'air contente.

"Dimitrius !"

Dimitri vira du rose au pourpre en une fraction de secondes et s'arrêta net. Les tormites quant à eux battirent en retraite.

"Dimitrius ! Oui, c'est à toi que je parle."

Angèle, totalement interdite se tourna vers son confrère qui semblait sur le point de s'enfuir à son tour. Mais qui prit finalement sur lui et laissa l'inconnue les rejoindre. Une femme élancée aux pommettes hautes et dont la ressemblance avec son ami ne laissait aucun doute.

"Maman ! Je t'avais demandé de ne pas m'appeler comme ça ... Et pas ici ... Maintenant, tous mes collègues ont entendu."

La femme essuya le camouflet d'un geste théâtral.

"Aurais-tu honte de ton prénom ?
- Bien sûr que non. Mais Dimitrius, c'est long.
- Dix générations d'hommes ont porté ce prénom avant toi. Et ils s'en sont toujours accommodés.
- Ils se sont toujours faits appeler Dimitri ...
- Peut-être mais toi, tu es MON Dimitrius.
- Je sais. Alors, pourquoi me poursuivais-tu ?
- J'aimerais que tu reprennes Roger. Il me rend folle. Il n'arrête pas de parler.
- Tu ne le laisses pas dans sa cage ?
- Là, il appelle encore plus fort. Et il devient vulgaire. C'est toi qu'il veut. Il te réclame. Ils se languit de toi. Je vais devenir folle. Tu veux que je devienne folle, Dimitrius ?
- Je viendrai le chercher tout à l'heure. Je te le promets."

L'apparition satisfaite hocha la tête et repartit comme elle était arrivée, laissant un avocat perplexe et l'autre à moitié sonné.

"Qui ..., commença Angèle.

- Cette fois, c'est toi qui ne veux rien savoir.", lui souffla Dimitri.

Ils poussèrent enfin les portes du palais de justice.

[Althéa]

Le sempiternel tableau - renseigné chaque jours par de diligents novices - des audiences était situé au premier étage sur le pallier d'un escalier raide et tortueux comme la justice. Comme à leur habitude, ils franchirent les marches quatre à quatre. Dimitri semblait plus que nerveux.

"Bon ... Je fais le guet et tu regardes où nous sommes inscrits. Si elle arrive, je dis "audience" et on se replie par le couloir de gauche. De là, on atteint l'escalier de service. Compris ?"

Angèle hocha la tête un peu perplexe devant tant de précautions. Après tout, ils n'étaient pas en guerre, du moins pas contre Hilare. Mais Dimitri avait l'air d'avoir avalé un sac de puces et ne semblait surtout pas d'humeur à être contrarié. Elle s'approcha du tableau. Leur audience avait lieu à 10h et serait arbitrée par le juge Verdegris. Elle grimaça. L'homme en question était sourd comme un pot. Cela avait comme avantage que l'on pouvait invectiver, sermonner et même insulter partenaires et adversaires sans qu'il n'entende rien. Et avait l'inconvénient notable qu'il fallait presque hurler pour se faire entendre ce qui donnait parfois à la salle des airs de criée du port au petit matin.

Elle sentit tout d'un coup la main de Dimitri dans la sienne. Le temps de sursauter, elle le suivait en courant dans le couloir droit. Il ouvrit prestement une porte et la tira à l'intérieur.

"La maligne, elle est arrivée par le couloir gauche ..."

Elle regarda autour d'elle. Des robes aux liserés pourpres pendaient sur des patères. Le vestiaire des juges. Son ami le reconnût en même temps qu'elle. Il pâlit pour le coup.

"Non de non. Et je te parie qu'elle va se changer."

Des pas se rapprochaient dans leur direction. Il regarda autour de lui, fébrile. Son regard passa en quelques instants vers la fenêtre pour s'arrêter sur le chêne géant qui le jouxtait. Angèle écarquilla les yeux.

"Dimitri, tu n'y penses pas ...
- C'est la seule solution, répondit son ami en ouvrant la fenêtre, je n'ai pas envie de rédiger ces textes
- Ce n'est pas raisonnable.
- Je l'ai déjà fait, tu l'as déjà fait aussi. Je m'en souviens très bien.
- Nous étions plus jeunes.
- Allez, c'est pas très haut" dit-il en enjambant la fenêtre.

Elle hésita. Les pas s'arrêtèrent devant la porte. Elle prit la main que lui tendait Dimitri. Quelques secondes plus tard, elle était assise à califourchon sur une branche d'arbre.

"Tiens, salut la compagnie !"

Elle sursauta en entendant une voix fort reconnaissable.

"Hugo, qu'est-ce que tu fais ici ?"

Son ami, vêtu lui aussi de sa robe de juriste lui sourit.

"J'attends l'automne ..."

Elle fronça les sourcils. Hugo repartit plus sérieusement.

"C'est bête, mais je me suis souvenu que j'avais le vertige."

Dimitri, plus près d'elle sur la branche étouffa un éclat de rire mais son confrère était plus que sérieux.

"Je voudrais bien t'y voir. En plus, les voisins du Palais de justice n'ont pas vraiment l'air contents qu'on soit là. D'ailleurs, ils nous regardent."

Elle regarda autour d'elle interdite. L'arbre donnait une vision d'ensemble sur des grandes fenêtres. Une grande maison vraisemblablement dont les habitants s'étaient massés contre le verre pour mieux les voir. Si certains visages étaient amusés, d'autres présentaient effectivement quelques jolies grimaces de mécontentement. Elle perçut un mouvement à la périphérie de son regard. Hugo lui souffla

"Ne les regarde pas. Aies l'air naturel et souris.
- Je suis assise sur une branche en tenue d'avocate ...
- C'est cocasse n'est-ce pas ?
- Mais qu'est-ce qui m'a pris ?
- Je crois qu'ils incantent ... Gare aux projectiles magiques !"

Ils se penchèrent pour éviter l'effet du sort - qui s'avéra être un renvoi - et c'est à ce moment qu'Angèle tomba de la branche. Elle ne sut jamais comment mais elle se retrouva mystérieusement sur ses pieds. Lorsqu'elle toucha le sol, elle ressentit une douleur fulgurante dans son genou gauche. Une entorse, plutôt une fracture ou peut-être autre chose ... Elle n'eut pas le temps de pousser le débat plus avant car elle tourna de l’œil et perdit connaissance.

[Althéa]

Tout le long du trajet qui la séparait du Palais de justice, Angèle se demanda si le petit-déjeuner était vraiment une bonne idée. Elle était angoissée jusqu'à la nausée et ce n'était pas ce repas pris sur le pouce qui allait tout arranger. Bien au contraire. Dimitri devant elle marchait d'un pas alerte, le visage parfaitement serein pour ce qu'elle pouvait en voir. Visiblement, sa nuit de sommeil avait été profitable. Elle se demanda si elle n'aurait pas dû l'imiter en fin de compte.

Locke et Cley en avance comme à leur habitude devisaient tranquillement dans la salle des pas perdus. Dimitri leur adressa un signe de la main en guise de salut et se dirigea à grands pas vers le vestiaire des juristes. Elle le suivit machinalement avec l'impression d'avoir l'estomac en feu. Ils enfilèrent leurs robes encore humides de l'averse de la veille. Au moins, elle n'aurait pas trop chaud.

Elle regagna la salle des pas perdus à la suite de Dimitri. Si celui-ci avait l'air tranquille, elle ne l'était pas du tout. Une première pour elle. D'ordinaire, elle allait plaider quel que soit le sujet comme s'il avait s'agit d'une formalité sans importance ... Aujourd'hui, elle ne pouvait s'arrêter de se poser des questions. Comment Séraphin avait-il passé la nuit ? Viendrait-il à l'audience avec des habits d'homme comme elle lui avait préconisé ? Elle se sentait fatiguée et vaguement fébrile avec l'envie d'être partout ailleurs que dans un tribunal. Peut-être n'était-il pas trop tard pour se reconvertir. Elle sursauta quand on lui tapa sur l'épaule.

"Maître d'Aulfray, vous aurais-je fait peur ?"

Tiphanie Locke lui tendit la main avec un petit sourire. Elle parvint de justesse à la saluer sans rougir.

"J'étais un peu ailleurs. Je ne vous ai pas entendue approcher.
- Alors, vous revoilà ici après tout ce temps. C'est comme si vous n'étiez jamais partie."

Locke ne pouvait savoir combien elle se trompait sur ce point. Il lui semblait être partie mille ans au point d'être devenue une personne différente qui n'avait plus sa place ici. Mais ce n'était pas le genre de confidences à prodiguer à la partie adverse juste avant une audience. Elle préféra les semi-vérités.

"Oui, je vois que les meubles sont toujours à la même place.
- Voyons Angèle, s'amusa la tormite en la poussant du coude, aviez-vous oublié qu'à Manost, nous sommes un peu conservateurs ?
- Ce n'est pas pour rien que "Persistance" est un des mots de notre devise
- Il est vrai. Au fait, avez-vous vu Hugo ?"

Elle devina soudain pourquoi Locke d'habitude aussi réservée qu'elle était aussi prolixe. Elle secoua néanmoins la tête. La dernière fois qu'elle avait posé les yeux sur lui, il était perché dans un arbre mais elle se garda bien de le dire. Son interlocutrice ne parvint pas à dissimuler son air déçu. Visiblement, Hugo avait encore fait une émule. Et pas n'importe laquelle ... De quoi rendre son adversaire encore plus coriace. Elle le maudit intérieurement.

Dimitri les rejoignit sur ces entrefaites.

"Le juge vient d'arriver. Restent nos clients et puis ce sera bon."

Locke lui offrit son plus beau sourire.

"Contente de plaider contre vous Dimitrius."

Et sourit jusqu'aux oreilles en voyant le tyrite grimacer. Cley passant près d'eux émit un petit rire.

"ça, c'était déloyal, souffla l'intéressé, mais on ne me déstabilise pas aussi facilement. Tenez-vous le pour dit."

Un homme franchit la porte du Palais flanqué de deux gardes. Grand, brun, les cheveux courts et ondulés. Il était vêtu d'une élégante chemise et d'un pantalon de toile grise. Il sourit à Angèle qui lui trouva un air étrangement familier.

"Bonjour Angèle."

La voix ne trompait pas. Mais elle eut toutes les peines du monde à reconnaître Séraphin.

[Althéa]

"Séraphin ... Mais vous êtes méconnaissable.", dit-elle en serrant la main qu'il lui tendait.

Il hocha la tête et se tortilla, quelque peu nerveux. Elle s'abstint d'ajouter qu'il était beau. Peut-être ne goûterait-il pas pleinement le compliment. Une belle apparence, loin de ce qu'il voulait-être. Là, sous les habits, et même sous sa peau. Il regarda par dessus son épaule et se raidit.

"Il est là. Il arrive. Et il a toujours l'air en colère."

Angèle voulut se retourner, il la retint d'un geste.

"Mon ami ... Du moins, celui qui était mon ami. Oh, il regarde par ici."

Angèle regarda par dessus son épaule. L'homme qui s'avançait était grand et sec. Un visage plutôt long au regard triste. Des grands yeux qui cherchaient ceux de Séraphin. Et qui se rabaissèrent quand il croisa son regard. Et toute sa physionomie se ferma.

"Toujours en colère ...", marmotta Séraphin.

Le son de sa voix trahissait une certaine détresse et elle eut du mal à lever les yeux sur lui. La douleur d'être rejeté. D'être soudain considéré comme un autre. De voir soudain les liens se rompre et de devenir un traître tout au plus. Et qui renforçait les murs de sa solitude. Elle aurait voulu lui dire qu'il n'était pas seul et que quelqu'un l'aimerait un jour l'aimerait tel qu'il était. Que ces amours aussi pouvaient durer très longtemps. Et que lorsqu'ils se terminaient bien au delà du conte, ils faisaient souffrir tout autant. Sauf que l'on était presque seul pour en porter le deuil.

"Angèle ?"

La voix de Dimitri était inquiète. Combien de temps était-elle restée à penser, les yeux dans le vide. Son ami lui effleura doucement le bras.

"Les autres sont montés. Il va bientôt ne manquer plus que nous."

Elle hocha bravement la tête, comme un petit soldat ou une habituée des tribunaux qu'elle n'était plus.

"Allons-y alors ..."

[Althéa]

Ils arrivèrent juste avant Verdegris dont les jambes vieillies supportaient mal les escaliers et prirent place sur un banc à coté de Seraphin. Comme prévu, l'audience était strictement privée : aucun juré n'avait été appelé. Angèle regarda autour d'elle. Comme l'avait dit Locke, rien n'avait changé autour d'elle. Le même bois verni et poli par les ans. Les mêmes robes. Les mêmes visages sages un tantinet anxieux. A l'arrivée de la cour, elle se leva d'un geste machinal. Son corps n'avait pas oublié les vieilles habitudes.

La parole était à l'accusation. Cette fois, ils entraient dans le vif du sujet. L'ancien ami de Séraphin fut appelé à la barre. Et ce fut Locke qui eut pour mission de l'interroger. L'angoisse montant, elle dut faire effort pour se concentrer et les écouter pleinement.

L'ami de Dimtri avait pour nom Eric Jaouen et avait trente-cinq ans. Il connaissait le prévenu ou du moins sa forme féminine depuis quelques semaines. Non, il n'avait pas l'habitude de venir boire à la Taie Dorée mais s'était rendu plus souvent dans le débit de boisson pour voir le jeune homme. Oui, il avait été en quelque sorte poussé à la consommation. Et plus encore quand il s'était rendu compte de la tromperie. Elle grimaça. Locke emmenait son client là où elle le voulait. Jaouen avait tout de l'innocente victime. Elle allait avoir du mal à faire pencher la balance de l'autre coté.

"La parole est à la défense."

Elle se leva sans vraiment s'en rendre compte. Son visage de marbre ne reflétait aucune tension, elle en était certaine. A l'intérieur, elle était tout simplement effrayée.

"Vous dites que cet homme vous a trompé, commença-t-elle, en êtes vous persuadé ?
- Oui, il se faisait passer pour une femme, répondit le plaignant, donc il m'a abusé.
- Il se faisait passer pour une femme ... Mais êtes-vous sûr qu'il ne le faisait pas dans le cadre de son travail ? N'était-il pas habillé ainsi avant que vous posiez ses yeux sur lui ?

- Il m'a trompé tout de même. C'est un homme, vous le voyez autant que moi."

Sa voix était un peu moins assurée. Une bonne nouvelle.

"Mais ne vous l'a-t-il pas dit ? N'est-ce pas lui, en fin de compte qui vous a révélé ce qu'il était ?
- Si, il me l'a dit après que nous nous sommes embrassés ...
- Et qu'avez-vous fait ensuite ?"

Elle le vit blêmir. Elle réprima de justesse un sourire. L'espace d'un instant, elle eut envie de l'humilier, de le détruire, de l'écraser à force de mots. Une simple vengeance bien méritée. Cette pensée l'effraya.

"Dois-je reposer ma question ?"

Sa voix était anormalement montée dans les aigus. Il fallait qu'elle se calme. Jaouen se tourna vers son avocate qui hocha la tête avec un soupir.

"Je l'ai frappé parce qu'il m'a trompé. Et parce que je ne suis pas une tapette."

Elle se sentit sourire. Un sourire triste et dépité. Un sourire glacé. Elle se tourna vers le juge.

"Voila ou nous en sommes. Mon client a avoué à l'homme qu'il aimait qui il était vraiment. Et celui-ci l'a frappé et traîné dans un tribunal. Cela est-il logique ?
- Objection !, crièrent de concert Locke et Cley, on n'essaye pas d'influencer le juge.
- Je suis désolée, dit-elle sincèrement, et je n'ai plus aucune question."

La parole était donc à l'accusé. Jaouen laissa la place à Séraphin sans lui adresser le moindre regard.

[Althéa]

Au moment où elle s'approcha de Séraphin pour poser ses questions, elle le vit sourire. Il ne semblait nullement inquiet, comme s'il était persuadé que le juge trancherait en sa faveur, comme s'il lui faisait confiance. Et cela la désarçonna presque totalement. Elle le regarda interdite. Il sourit d'autant plus.

"Maître d'Aulfray, nous vous écoutons ...", s'impatienta aimablement le juge Verdegris.

Elle toussa poliment avant de s'excuser. Elle avait des questions à poser. Lesquelles ? Il lui sembla les avoir oubliées. Elle respira profondément quelques secondes. Du coin de l'oeil, elle vit Dimitri faire mine de se lever. Elle l'arrêta d'un geste. Elle avait retrouvé ses mots.

"Monsieur Doyle. Quand avez-vous commencé à travailler à la Taie Dorée ?
- Il y a environ deux ans maintenant, répondit Séraphin.
- Quand vous vous êtes présenté la première fois, était-ce habillé en femme ou en homme ?
- En femme ...
- Vous ont-ils posé des questions sur votre identité ?
- Jamais, ils ne sont pas très regardants à ce niveau. Surtout si on sait tenir un plateau et être aimable avec les clients.
- Donc vous ne leur avez jamais parlé.
- Toujours par gestes.
- Donc vous n'avez jamais rien dit.
- Je l'aurais fait s'ils avaient insisté.
- Vous n'auriez pas menti ?
- Je ne mens jamais."

Elle entendit Locke et Cley rire sous cape. Elle n'eut qu'à se retourner pour que leur hilarité cesse. Le privilège d'avoir un regard glacé. Elle continua.

"Comment avez-vous rencontré Eric Jaouen, ici présent ?
- Il est venu boire à la Taie Dorée. Une pinte de bière brune, je m'en souviens très bien."

Le regard de Séraphin alla chercher imperceptiblement celui de son ancien compagnon qui se raidit sur son siège.

"Lequel d'entre vous a abordé l'autre le premier ?
- C'est lui qui m'a apostrophé pour commander.
- Et ensuite ?
- Il a voulu savoir quand j'aurais terminé mon service.
- Et que lui avez-vous répondu ?
- J'ai secoué la tête je ne suis pas une fe... une personne facile d'accès.
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Il n'a pas insisté. Eric est un homme délicat ..."

Si délicat qu'il l'avait roué de coups. Elle soupira. Séraphin compléta.

"Il est revenu le lendemain. Et le lendemain encore. Il s'asseyait toujours à la même place, "pour me voir passer". Et puis, il a commencé à m'emmener des fleurs. J'adore les roses.
- Vous avez donc décidé de céder ?
- Je lui ai proposé un rendez-vous ...
- Où lui avez vous fixé rendez-vous ?
- Dans le parc de Manost. L'endroit est romantique."

Elle entendit de nouveau Locke rire. Séraphin grimaça. De même que Jaouen à sa grande surprise. Pendant quelques secondes elle sentit la colère l'envahir. Elle eut envie de se jeter sur l'avocate et de lui faire rentrer sa bêtise dans la gorge. Les hommes et les femmes comme elle et Séraphin n'avaient donc pas droit à un peu de romantisme, simplement à la saleté qu'on leur imputait ? Ils s'imaginaient sûrement des étreintes à la sauvette dans des bouges sordides ...

"Maître Locke, si toute cette histoire vous amuse, commença-t-elle d'une voix blanche.
- Désolée ..., s'interrompit l'avocate assez surprise de la colère subite.

Elle se força à respirer de nouveau.

"Que s'est-il passé ensuite ?
- Il est venu au rendez-vous. Et il m'a embrassé.
- Alors, que lui avez-vous dit ?
- Tout, je lui ai tout avoué. Je n'avais pas dormi la nuit précédente. Je voulais qu'il sache qui j'étais avant que nous commencions à nous attacher l'un à l'autre.

Séraphin soupira. Elle se tourna vers Eric Jaouen. Celui-ci hésita quelques secondes et finit par hocher la tête.

"C'est vrai. Séraphin m'a tout dit. Il a été honnête. Avec moi tout du moins.
- Donc si je comprends bien, reprit-elle, le prévenu n'a jamais menti. Je n'ai pas d'autres questions.

La parole passa donc à l'accusation. Elle retourna s'asseoir, la peur au ventre. Elle sentit la main de Dimitri frôler brièvement la sienne. Cley se leva à son tour.

"Donc vous dites que vous êtes allé travailler à la Taie Dorée habillé en femme.
- Ils cherchaient une serveuse, pas un videur ...
- Donc vous leur en avez offert une.
- Et j'ai fait l'affaire.
- Mais vous n'étiez pas ce que vous prétendiez être.
- Je ne l'ai jamais prétendu.
- Mais vous saviez bien que porter des vêtements de femme quand on est un homme .... Voyons, c'est un déguisement.
- En quelque sorte. Mais je suis mieux comme cela.
- Et en agissant ainsi, vous ôtiez le poste à une véritable femme qui aurait pu postuler.
- La serveuse m'a dit que si je ne m'étais pas présenté, ils auraient embauché une semi orque. Comme au Loyal Paladin. Et moi, comme j'étais bien charpenté ...
- Donc vous avez triché. Vous avez menti pour avoir ce poste. Comme vous avez menti par omission à l'homme qui était venu vous séduire.
- Je lui ai tout avoué ..."

Séraphin se tourna vers le plaignant avant de lui murmurer.

"Je suis désolé."

Cette fois, Jauoen ne détourna pas la tête et approuva en silence.

"Je n'ai pas d'autres questions.", conclut Cley.

[Althéa]

Durant l'interrogatoire de Cley, Angèle avait serré les dents. Elle s'était tenue prête à émettre la moindre objection s'il avait dépassé le cadre strict de l'audience mais il avait flirté avec les limites sans jamais les atteindre. Il se débrouillait bien et la rendait totalement nerveuse. De son coté, le sourire de Dimitri s'était éteint. Selon la formule consacrée, le juge Verdegris demanda.

"Mesdames et messieurs les avocats, quelles sont vos conclusions ?"

Locke se leva alors que Cley s'asseyait. Un ballet minuté et savamment préparé. Elle n'avait rien prévu avec Dimitri. Elle avait rédigé ce qu'elle avait à dire à la lueur d'un petit bout de chandelle pendant que son comparse dormait. Et aucun des deux tormites ne s'était blessé en tombant d'un arbre, elle en était certaine. Locke parla plus fort que de coutume afin que chaque propos soit entendu par le juge.

"Votre honneur, cette affaire est invraisemblable. Et ce genre de cas ne devrait jamais exister à Manost. A Antelucas passe encore mais pas ici. L'accusé ici présent a abusé et tiré profit grâce à ses manigances. Je serais d'avis de l'empêcher de nuire tout d'abord à l'obligeant à verser une amende à l'encontre de mon client pour le grave préjudice moral qu'il lui a causé. Ensuite, en lui interdisant de travailler de nouveau à la Taie Dorée. Telles sont mes conclusions."

Elle retourna s'assoir. Angèle se leva à son tour. Son estomac se tordait furieusement, elle sentit un goût acide lui remonter dans la gorge et parvint de justesse à ne pas vomir. Elle se tourna vers Séraphin qui se força à sourire et cela la toucha.

"Cet homme a-t-il vraiment abusé de son monde ? Certes, on attendait une femme charpentée à la Taie Dorée ou une semi-orque. Aux yeux de tous, c'est ce qu'il était : une demoiselle aux larges épaules. Il aurait très bien pu continuer son subterfuge jusqu'au bout. Il aurait pu continuer de travailler tranquillement sans que personne n'en sache rien. Mais il est tombé amoureux. Et c'est bien pour cela qu'il est là à présent. Parce qu'il s'est découvert pour la personne qu'il appréciait. Il aurait pu au moyen d'un truchement dissimuler son essence à l'homme qui l'appréciait aussi. Il a voulu qu'il sache qui se cachait derrière les apparences. Et on l'a repoussé. Pire encore, on l'a frappé. Est-ce le genre de pratiques que nous tolérons à Manost ? Devons-nous frapper et faire payer ceux qui agissent différemment ? C'est ce que je me demande."

Quelques secondes plus tard, ils se retrouvaient tous dans le couloir en attendant que le juge donne ses conclusions. Cinq minutes étaient déjà passées. Dimitri et Séraphin faisaient les cent pas, se suivant l'un et l'autre sans s'en apercevoir. Angèle s'était assise sur un banc. Derrière son visage tranquille, elle bouillait d'impatience et avait toujours autant mal au ventre. Toujours cette sensation d'acidité. Elle n'aurait peut-être pas dû manger. Cinq autres minutes passèrent. Enfin, la greffière de Verdegris ouvrit de nouveau sa porte et les invita à entrer. Ils entrèrent en bon ordre et sans se bousculer. Une discipline bien manostienne. Debout, ils écoutèrent le juge donner son verdict.

"Ce genre d'affaire est inédite et doit le rester. Ce genre de comportement est inacceptable, surtout dans une ville comme Manost. J’exige donc que le prévenu laisse une fois pour toutes ses habits féminins de coté et son emploi à la Taie Dorée. Nous veillerons à ce qu'il trouve un travail honnête. Pour ce qui est de l'accusation de tromperie et de perversité, je les estime infondées. En vertu de quoi, et bien sûr sous réserve que Séraphin Doyle respecte les injonctions qui lui sont assignées, il est considéré comme libre ..."

Après le coup de marteau traditionnel, les juristes purent enfin respirer. Angèle se rassit sur le banc. Elle se sentit soudain très fatiguée comme assommée par le verdict que pourtant, elle recherchait à moitié. Elle sentit la main de Séraphin sur son épaule avant de l'entendre parler.

"Angèle, ça veut dire qu'on a gagné non ?"

Elle eut du mal à relever la tête et à le regarder.

"Plus de Taie Dorée et plus d'habits de femme ...", souffla-t-elle.

Séraphin lui sourit. Elle sentit une pointe de colère l'envahir. N'avait-il donc pas compris ? D'ici quelques heures, il devrait chercher un nouveau travail. Non, ils n'avaient pas gagné.

"Nous nous attendions à une partie du verdict. Vous avez fait tomber l'accusation de tromperie. C'est l'essentiel. Pour le reste ... Votre proposition tient-elle toujours ?"

Elle perçut de l'angoisse dans sa voix. Peut-être son idée lui avait-elle permis de tenir. Elle hocha la tête et sourit à son tour. En esprit, elle demanda à Tyr de lui pardonner. Mais il ne s'agissait pas de justice. Simplement d'une petite touche d'humanité.Le sourire de Séraphin s'éclaira de nouveau. Il paraissait heureux. Et pourtant, il ne s'agissait que d'un palliatif. Elle eut brusquement envie de pleurer, se reprit de justesse.

"Il faut que je rentre.", dit-elle en se levant brusquement.

Elle sentit Dimitri enserrer son bras.

"Je te raccompagne.
-Et moi aussi", ajouta Séraphin.

[Althéa]

Ils avaient fini par se déplacer tous. Une promenade afin de profiter du soleil. Ils avaient convenu qu'Angèle et Dimitri parapheraient le compte-rendu avant de rejoindre les autres. Il faisait bien trop beau pour rester enfermés. Et le jardin et surtout ses carottes attisaient trop de convoitises.

A proximité du Loyal Paladin, ils tombèrent sur Juliet Vimaire qui interpella Louison et se porta à leur rencontre. Elle portait sous les yeux les ombres d'une nuit courte ce qui fit sourire Hugo à la dérobée.

"J'ai eu un souci avec le mainate."

Louison vira au rouge brique et balbutia un début d'excuse.

"J'aurais dû vous prévenir ..."

Mais Vimaire sourit.

"Disons qu'il a apporté un peu de piquant à ma soirée. Mais il est parti.
- Parti ?, intervint Dimitri soudain inquiet.
- Tout à l'heure, j'ai laissé ma porte entrouverte pour regarder quelqu'un partir et il en a profité pour filer. Je suis navrée Louison.
- Mon mainate ...", souffla Dimitri.

Il avait l'air sensiblement catastrophé.

"Mais il va effrayer tout le monde ...
- Roger est très gentil, tenta de le rassurer Louison.
- Le soucis, c'est qu'il est bavard et qu'en volant, il peut aller partout. Je vous parie que sous peu, beaucoup de personnes vont se plaindre d'entendre des voix.
- Je veillerai au grain."

Juliet Vimaire sourit.

"Façon de parler. Je veux dire que je me chargerai de rassurer la population. Du moins si on m'en parle. Peut-être qu'il ne fera pas tant de frasques que cela."

Et elle partit sur ces entrefaites après s'être excusée une fois de plus. Ils reprirent leur promenade jusqu'au Palais de justice. Seuls Dimitri, Angèle, Amélie et Louison franchirent les grandes portes. Et c'est alors que Louison le vit.

Là, devant elle, qui lui tournait le dos. Il était petit, vêtu de sa robe noire. Oui, c'était bien lui, il n'y avait aucun doute : son hallucination. Elle se précipita vers lui. Les trois autres la regardèrent surpris durant quelques secondes. Angèle écarquilla les yeux sans comprendre d'abord. Pourquoi son amie fonçait-elle d'un air décidé. Elle vit alors celui qui se trouvait devant elle avant de s'écrier.

"Louison non ! Je le vois, c'est une vraie personne !"

Louison qui avait commencé à lever le pied interrompit son geste. Le petit individu vêtu d'une robe noire se retourna inquiet. C'était un tieffelin au visage juvénile qui pour le moment trahissait une certaine tension.

"Plaît-il ?" demanda-t-il à Louison.

La jeune femme rougit jusqu'aux oreilles.

"Je suis désolée, je ne voulais pas vous attaquer.
- J'espère bien, sourit-il, à moins que ça ne soit ainsi que vous traitez les nouveaux arrivants à Manost.
- Non, non ... Je croyais que vous n'existiez pas. Enfin ..."

Elle semblait vouloir creuser un trou pour descendre sous terre. Les autres se portèrent à leur rencontre. Le halfelin la regardait un tantinet interdit.

"Vous êtes donc un confrère ?", demanda Dimitri en lui tendant la main.

Il lui répondit par l'affirmative.

"Je suis ici pour passer le concours. Au fait, je me nomme Barnabé Lupindor."

[Althéa]

Pour autant qu'elle s'en souvienne, elle n'avait pas dormi. Ou du moins pas qu'elle s'en souvienne véritablement. La seule fois où elle avait glissé dans le sommeil, elle avait rêvé que les plumes et les encriers prenaient feu au cours de l'épreuve, les blessant tous grièvement. Elle s'était réveillée en sursaut et était descendue dans la cuisine. Elle n'avait pas vraiment été surprise de retrouver Meridith. La jeune femme lui avait tendu une tasse de thé avec un petit sourire. Elles avaient discuté jusqu'à ce que l'aube vienne poindre à leur fenêtre.

Dimitri vint frapper à leur porte peu après. Ses traits tirés indiquaient clairement une nuit blanche. Il leur demanda comment elles se sentaient en étouffant un bâillement. Meridith ne tenait pas en place. Angèle se sentait montée sur ressorts. Ils conclurent que leurs copies rendues ils s'effondreraient vraisemblablement tous les trois.

Ils hésitèrent à réviser avant l'épreuve. Décidant que leur cerveau fatigué n’enregistrait de toute façon plus rien. Ils s'assirent donc dans le salon en regardant passer les heures. Amélie guillerette et en forme les trouva à moitié endormis. Elle leur demanda quand avait lieu le concours. Ils se regardèrent soudain inquiets et se levèrent d'un bond. Juste avant qu'elle ne parte, Amélie rattrapa Angèle par la main. Lorsqu'elle se retourna, elle la prit dans ses bras et se juchant sur la pointe des pieds, lui murmura un "merde", avant de la relâcher. Un gros mot mais pour la bonne cause. Elle partit donc avec le sourire.

Ils arrivèrent en courant au Palais de justice, alors que les grandes portes s'ouvraient. Il régnait dans le lieu une agitation peu commune. Trente aspirants magistrats se tassaient dans la salle des pas perdus. De nombreux visages étaient inconnus. Le concours drainait une bonne partie de ceux de Dorrandin. Chacun savait qu'il n'y avait pas de meilleure école de la magistrature que celle de Manost. Et elle en faisait les frais.

La juge Mac Gonagall descendit alors les marches de la salle des audiences et leur présenta le déroulement de l'épreuve. Chacun d'entre eux devait tirer un numéro de sujet au sort. Sujet qui leur serait donné dans la salle d’examen. Ils auraient ensuite huit heures pour composer. Il allait de soi que tout échange avec le voisin était strictement interdit et éliminatoire.

Les candidats se mirent en rang dans une parfaite discipline. Angèle se retrouva entre ses deux amis. L'angoisse, chassée par la gentillesse d'Amélie recommença à croître. Elle était restée deux années totalement absente. Elle avait perdu deux années précieuses de révisions, de cas pratiques et de plaidoiries. Quelque temps, elle songea à sortir de la file et retourner chez elle. Mais elle sentit sur son épaule la main de Meridith et vit Dimitri tendre la sienne en arrière. Elle l'attrapa et la serra quelques secondes et se retourna le temps de sourire. Grâce à eux, elle parvint à se tenir tranquille.

Elle sourcilla lorsqu'elle tira le sujet 13. Elle n'était pas gâtée si Beshaba l'accompagnait. Et effectivement, son sujet se révéla malcommode. Il s'agissait d'une enclave manosto mélandienne dans laquelle un grand domaine fermier était tenu par des propriétaires mélandiens. Celui-ci s'était marié avec une manostienne. Les enfants, de par leur père étaient devenus mélandiens. Ils avaient donc hérité du domaine. Puis, une guerre avait éclaté et l'enclave était devenue celle de la cité du vigilant. Les manostiens présents voulaient à présent que les héritiers quittent leur domaine dans lequel ils avaient vécu la majeure partie de leur vie. Les mélandiens quant à eux voulaient rester. C'est ce litige que le juge devait arbitrer.

Elle soupira. C'était complexe. De nombreuses données étaient à prendre en compte. Elle sentit son angoisse monter d'un cran. Elle n'arriverait jamais à composer. Elle prit sa tête dans ses mains durant quelques secondes et respira à fond. Elle pensa au juge Doyle qu'elle avait assisté durant sa deuxième année d'apprentissage. Comment aurait-elle procédé ? Elle finit par prendre sa plume.

Elle parla de l'acte de propriété foncière, de l'héritage mentionnant chacun des enfants, invoqua le droit du sol qui faisait certes des enfants mélandiens de par leur père mais qui étaient de par leur naissance citoyens manostiens. Elle rédigea longtemps avant de conclure que les héritiers n'étaient expulsables d'aucune façon et même en temps de guerre, ils avaient droit à la protection manostienne. Elle se relut, ne fut plus vraiment certaine de ce qu'elle avait écrit. Elle sentit s'insinuer le doute. Non, elle ne savait plus pour les temps de guerre ... Et Mac Gonagall appelait déjà au retour des copies.

Elle quitta la salle d'examen sans un mot. Meridith, Barnabé et Dimitri l'attendaient dehors. Eux aussi avaient eu des sujets quelque peu alambiqués. Meridith avait travaillé sur l'importation d'articles qui juste après leur importation avaient été déclarés frauduleux. Barnabé quant à lui avait dû démêler une affaire d'accident qui selon les lois à Manost s'apparentait à un crime. Dimitri avait eu un sujet traitant d'actes notariés contractés par des jumeaux. Elle leur parla brièvement du sien. Aucun d'entre eux n'avait été gâté. Mais le sort était à présent jeté. Dans un mois ils auraient la réponse qui déterminerait la suite de leur carrière et l'orientation prochaine de leur vie. En attendant, ils pouvaient se considérer en vacances.