[Quête] Rapports diplomatiques: Une masure isolée

[Onsima Al'Sinda]

Avoir la chance ne serait-ce que d'entrevoir la demeure de celle qui s'est faite connaître, ces derniers temps, comme l'oracle de Manost, dispensant par monts et par vaux ses sentences sybillines et prémonitoires, fait partie des privilèges dont peu d'aventuriers (certains diraient plutôt de vils curieux) ont bénéficié.

La forêt du bosquet des pierres, sous les dehors inoffensifs d'un bois paisible et luxuriant, est en effet réputée, pour qui connait un tant soit peu la région, pour être un véritable labyrinthe végétal protégeant par là même les zones les plus sensibles de toute intrusion innoportune. Il n'est pas rare qu'un visiteur (inconscient?) s'engage sur les sentiers visibles à l'orée du bois, appaté par les récits légendaires voire les anecdotes piochées dans une taverne au sujet du bestiaire fabuleux demeurant dans ce lieu si mystérieux. Mais les allées clairsemées et les taillis accueillants laissent rapidement la place à des brouissailles de plus en plus touffues, inextricables même, tandis que la lumière s'infiltre de moins en moins, jetant quiconque parvenant assez loin de la lisière dans une pénombre peu rassurante.



On dit même que cette forêt, épargnée de fait par les personnes avisées, est infranchissable et que tous ceux qui s'y sont engagés ont été mystérieusement ramenés à l'orée sans avoir pu comprendre comment ce prodige s'était réalisé. Un signe de la protection de Maïliki?. Pourtant, quelques élus ont eu l'immense honneur de pouvoir fouler les parties les plus reculées, et approcher ainsi le superbe lagon trônant au centre du bosquet et ses cascades réflétant de manière féérique les rayons de lumière parvenant à percer la voute compacte des feuillages des chênes les plus hauts.

Véritable refuge pour toutes les créatures sylvestres, centaures, dryades, pixies, hybsils, farfadets, naïdes, Sylves...cette forêt serait considérée comme un des vestiges de la génèse de Toril. Ses profondeurs demeurent hermétiques et irréelles. Des esprits gardiens assurent l'infranchissabilité des lieux, et testent les motivations des pelerins pour aller plus avant.

A mesure que l'on s'enfonce dans les tréfonds de ces bois placés sous le sceau de la légende, des brumes entourants les vieux arbres moussus viennent envelopper le voyageur chanceux qui est parvenu à contourner les protections magiques, bénéficiant de la mansuétude des esprits de la forêt. La lumière se fait rare si ce n'est, ça et là, quelques halos scintillants créant une dimension surnaturelle.



C'est là, nichée près d'une futaie, que s'élève une cabane solidement bâtie à l'architecture simpliste. Une petite cour sablée, parsemée de pierres runiques positionnées de façon à laisser apparaître un symbole cabalistique, une croix imbriquée dans un cercle, précède un long sentier dont chaque côté constitue un jardin foisonnant de plantes diverses mêlées à des arbustes fruités et des buissons au feuillage dru. Enfin, quelques marches introduisent à la porte d'entrée entourées de bibelots et colifichets divers se cognant au rythme des brises du vent. Au son de l'eau ruissellant derrière, on devine une petite cascade répendant une légère bruine dans les environs.



Qui peut donc s'être retiré aussi profondement au coeur du bosquet?

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

En provenance de : La fontaine d'Inselwenn

Le voyage aérien n'avait pas duré si longtemps que cela: le temps survoler quelques lieues de forêt dense, de retourner l'estomac de Mornagest et de ne plus sentir ses pieds. Pas beaucoup plus à la fête que le guerrier dans cette position contre nature, Lothringen se promit de ne jamais plus voler que sous forme animale. Même en dragon, même en pixie, même en public - comme au dernier festival d'Helonna - il se sentait plus à son aise.

Il y avait pourtant plus d'une occasion où il s'était félicité d'avoir conservé sa forme originelle. Importunés par des vents contraires, ils avaient quelquefois frôlé les feuillages de très près, et la vue perçante du semi-drow avait pu apercevoir en passant les plates formes et les abris des elfes de cuivre dissimulés dans les ramures. Il était à peu près certain d'avoir dépassé le gros de leur agglomération, mais ce qu'il avait vu de l'étendue de la forêt n'était pas très encourageant pour la suite. L'étendue des bois du bosquet paraissait, vue de haut, bien plus immense que sur n'importe quelle carte. Et la clairière que Mornagest lui fit remarquer avait l'air d'une clairière tout ce qu'il y avait de plus ordinaire...

Ils allaient arriver en fin de sort. Pas le choix. Ne pas rater l'atterrissage...

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Encore plus tendu en se voyant approcher à grande vitesse du sol, Mornagest dut cette fois réfreiner un violent spasme afin d'éviter de régurgiter son repas de la veille sur lui-même. Il serra les mâchoires, puis fit un effort pour ouvrir les yeux et observer ce qu'il se passait. Sans doute souffrirait-il moins des mouvements de la sorte ?

Lothringen réussit heureusement son atterrissage, et tous deux furent au sol, les deux pieds dans les herbes folles qui recouvraient la clairière. Mornagest fit néanmoins un pas de côté, puis manqua vasciller et choir à terre, déséquilibré comme s'il avait tourné sur lui-même pendant plusieurs minutes. En tous les cas, son ventre semblait réellement l'avoir fait, lui...

"Beuh..." murmura-t-il. Il se remit d'aplomb, puis regarda autour de lui. Une clairière sans particularités, peut-être n'était-ce pas celle que Lothringen cherchait ?

"Tu crois que nous sommes tout près ?"

[Lothringen]

[Quête : rapports diplomatiques]

Non, décidément, ils n'y étaient pas encore. Lothringen ne savait pas au juste ce qu'il cherchait. Cette sorcière, il n'avait jamais vu où elle habitait; mais il l'avait entraperçue une fois, une seule, sur la lisière, lorsqu'elle les avait guidés, Erszebeth, Shinook et lui, jusqu'à un weirwood blessé et à l'archidruide dément qui le gardait. * Où logeait-elle? Bien plus profondément, sans doute, au coeur même du Bosquet. Il leur faudrait poursuivre plus à l'est.

Au ras du sol, l'atmosphère étrange de cette forêt se faisait déjà plus sensible. Les chênes y atteignaient des hauteurs vertigineuses, comme Lothringen n'en avait jamais vues qu'au Téthyr. La verdeur éclatante des herbes sauvages prenait en soi une dimension quelque peu surnaturelle, tandis que le regard, sous la fûtaie, n'apercevait que des nappes de brume flottant entre une quasi obscurité et un taillis particulièrement dense.

Il pesait sur l'ensemble un silence improbable, comme si toute créature vivante avait choisi de déserter provisoirement les lieux à leur approche. Pas un criaillement d'oiseau, pas un froissement de feuille dans le sous-bois. On aurait que la forêt demeurait dans l'expectative, attendant de savoir s'il fallait les traiter en amis ou en adversaires.

Plutôt que de répondre à Mornagest, Lothringen demeurait immobile, aux aguets, s'efforçant de déterminer à quoi ils avaient affaire, et comment entrer en contact avec cette présence autrement que par le conflit. Il s'agissait là d'un pouvoir primitif, immémorial, difficile à identifier. Une sourde menace. Les légendes du Bosquet n'étaient manifestement pas que des racontars d'aïeule azimuthée.

* Cf. le rp "L'enquête": le dénouement.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Pesant silence. Mornagest aurait aimé que Lothringen dise quelque chose, pour briser cette opaque absence de bruit. Il entendait le souffle de sa respiration comme si c'était une tempête qui se déchaînait sur la forêt.

"Il fait trop calme, ici", chuchota-t-il, mais sa voix paraissait hurler ces mots, qui résonnèrent dans la clairière.

Il était mal à l'aise. Son estomac se remettait peu à peu de ses émotions, mais une nouvelle source d'inquiétude leur apparaissait maintenant. Il avait l'habitude des forêts, de la pleine nature, et en général, cela lui procurait un bien-être presque jamais inégalé ; absence d'hommes, d'agitation, et tout le temps nécessaire pour songer à toutes ces choses qui lui vrillait le cerveau depuis de si longues années.

Mais ici, il avait l'impression de ne pas être le bienvenu. Et à voir le visage que faisait Lothringen, il devait ressentir exactement la même chose.

"Par où aller ? On dirait qu'on nous observe..."

[Lothringen]

[Quête : rapports diplomatiques]

"Cela ne devrait pas tarder à se manifester..."

Comme pour confirmer ce murmure du semi-drow, l'un des troncs d'arbre qui leur faisait face commença de se boursouffler et de se déformer avec des craquements sinistres qui faisaient irrésistiblement songer aux douleurs d'une femme en géhenne. Au terme de ses élancements, une silhouette humanoïde se détacha du tronc. L'écorce qui couvrait ses membres s'aplanit peu à peu, et bientôt, ce parut être une belle femme au corps ambré, à peine couvert de feuillages divers, une couronne de bois tendre dans ses cheveux roux. Son regard avait une fixité quasi hypnotique qui attirait aussitôt l'attention. Pour ne plus la laisser repartir.

"De tous temps, je veille. En tout lieu, je surveille. Je suis l'un des Gardiens. Et vous autres? Ces lieux sont purs, et vous autres - vos passions - je les sens - vos crimes et vos angoisses - ce sang qui crie vers moi - pourquoi devrais-je tolérer ces souillures?"

Lothringen fronça les sourcils. Un Gardien du Bosquet? L'elfe noir n'avait jamais pu comprendre que l'on puisse vouloir vouer son être à la protection des brins d'herbe.

"Nous ne faisons que passer; nous cherchons la sorcière. Quand nous aurons trouvé ce que nous voulons, nous repartirons sans nous attarder. Et si vous insistez, j'ôterai avec soin chaque motte de terre rivée à chacune de mes semelles, afin d'être certain de ne rien emporter de ces lieux avec moi."

L'être ne broncha pas sous le sarcasme, mais sa voix se durcit.

"Je ne suis pas patient envers ceux de vos races, intrus. Tu parles de paix, mais tu ne parlerais pas autrement si tu voulais en découdre. Oui, je vois... vous aimez vous battre, vous vous croyez forts. Hé bien..."

Il fixa Lothringen un moment, puis disparut en éclatant d'un rire funeste.

"Soyez servis!"

Quand Mornagest se tourna vers Lothringen pour lui demander ce qu'il pensait du sens de cette apparition, il put constater que le regard du semi-drow avait pris une fixité étrangement semblable à celle de l'espèce de nymphe - dryade? hamadryade? illusion? peu importe - qu'ils venaient d'apercevoir. Sans mot dire, le manostien tira ses haches et commença de marcher sur lui...

HRP: Lothringen est sous l'effet d'un sort de charme. Il t'est impossible d'engager la conversation avec lui. En revanche, il ne peut pas incanter. Tu peux 1/ essayer de l'assommer 2/ essayer de le maîtriser 3/ essayer de rompre le charme 4/ te battre avec 5/ t'enfuir à grandes enjambées 6/ as you like it. :oops:

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Aucun doute n'était permis : Lothringen ne voulait pas que du bien au mélandien, avec ses deux haches tirées au clair. Hésitant, Mornagest ne savait au juste que faire. Il n'avait aucun moyen de rompre le lien qui s'était établi entre la créature et le drow... Combattre serait dangereux : Lothringen était habile, et ses armes, puissantes... Restait la possibilité de l'assommer en attendant que le sortilège se dissipe. D'après ce qu'il en savait, ces charmes ne duraient normalement pas trop longtemps. Restait à ne pas se faire tuer avant qu'il n'arrête de faire effet.

Il songea à tout cela en une fraction de seconde, car il était temps d'agir : Lothringen n'était plus qu'à deux mètres de lui, et levait ses armes, pour frapper. Il bondit alors vers Mornagest, et manqua lui découper le bras droit, si le guerrier n'avait pas eu un réflexe surhumain.

L'ironie de la situation enrageait Mornagest. Il avait bien envie de combattre. En réalité, il se posa la même question : qu'est-ce qui l'empêchait de tuer Lothringen, et de simuler un accident ensuite ? Quoi de plus crédible, dans un territoire aussi hostile ? Et ici, il ne s'agirait même pas d'un meurtre, mais de légitime défense...

Nouvel assaut, mais cette fois, Mornagest para le coup de son épée, et repoussa Lothringen. Même si le drow était costaud, il n'égalait pas la stature de l'armoire à glace qu'était l'ambassadeur mélandien. Ce dernier recula d'un bon pas, puis décida d'attaquer lui aussi. La partie serait serrée ; assommer Lothringen sans se faire blesser, voire tuer...

Il feinta sur la gauche, tout en évitant une nouvelle attaque, puis il attrapa le poignet droit de Lothringen, en le tordant. Sous la pression, sa hache tomba au sol, mais il lui restait l'autre... Mornagest lâcha lui aussi son épée, de crainte de toucher le drow avec. Il retint son bras gauche qui s'abattait sur lui, et frappa du poing au visage de Lothringen, qui recula mais tint bon.

Cependant, il était légèrement désorienté, et Mornagest en profita pour se jeter littéralement sur lui, au ventre. Ils tombèrent tous deux au sol, Lothringen écrasé par le guerrier qui maîtrisa son bras armé. Un nouveau direct du droit dans la mâchoire de Lothringen allait sans doute l'aider à faire la sieste...

[Lothringen]

[Quête : rapports diplomatiques]

... Encore aurait-il fallu qu'il l'atteigne, ce que prévint un coup de genoux à l'entrejambe particulièrement bien ciblé. Tandis que Mornagest se pliait de douleur, Lothringen lui mordit le poignet pour lui faire lâcher prise et se tortilla sur le sol en tâchant de se dégager, mais ses efforts demeurèrent inutiles car le guerrier tenait bon malgré tout.

Quand le semi-drow, dans un ultime effort, tenta de rouler sur le côté, Mornagest le suivit, de sorte qu'ils en furent quitte pour un tour complet. De nouveau paralysé sous la masse écrasante du mélandien, Lothringen rechercha la faille sans la trouver. Il ne put finalement éviter le coup de poing que Mornagest lui destinait précédemment, ce qui l'envoya gésir au sol, les membres relâchés, complètement sonné.

Peut-être le semi-drow revint-il à lui plus rapidement que prévu car, quand il rouvrit les yeux, Mornagest n'avait pas bougé. La position étant un peu... étouffante... gênante... Lothringen hocha la tête en souriant d'un air d'excuse.

"Si tu n'y vois pas d'inconvénient, j'aimerais que tu me lâches et que tu évites de me fracasser une nouvelle fois la mâchoire. Maintenant que son petit test est fini, le gardien va probablement mettre en route son plan de rechange, et nous ne serons pas trop de deux."

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Cette fois, il était certain que Lothringen était bien redevenu lui-même. Aussi, Mornagest se releva, avec touujours de désagréables élancements dans le bas-ventre, qui risquaient de perdurer encore une bonne heure...

"Content de voir que ça va mieux", dit-il en grimaçant. "Désolé pour le traitement de choc, mais dans ton genre, tu n'es pas mal non plus...", ajouta-t-il ironiquement. "Que penses-tu qu'il tente de nous infliger, cette fois ?"

Il récupéra sa lame, et tendit ses haches au drow. La force brute serait-elle utile face à de telles créatures ?

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Le semi-drow, titubant, s’était redressé avec difficulté, et la pénible impression d’avoir été piétiné par tout un troupeau de golems. Il avait l’estomac en bouillie, là où Mornagest venait de lui enfoncer les côtes d’un coup de tête à couper le souffle - le dos écrasé par un plaquage irréprochable, les poignets broyés jusqu’à l’os, une belle migraine, et le sentiment de devoir une fière chandelle à Tymora si deux ou trois de ses dents n’avaient pas profité de l’uppercut pour déchausser en douce. Il se massait encore la mâchoire avec incrédulité quand Mornagest l’interrogea sur ce qu’il risquait d’arriver:

« Ce sera la surprise. Si j’avais la moindre idée des méthodes de cette créature, j’aurais commencé par éviter de la regarder en face. »

Au moins était-ce une erreur qui ne risquait pas de se reproduire. Lothringen frissonna de sa propre imprudence: si le guerrier n’avait pas réussi à le maîtriser, cela aurait pu beaucoup plus mal finir. A un tel régime, on apprend vite. Et c’est donc le regard rivé au sol qu’il guetta le moindre signe de la présence de leur « hôte. »

Du reste, ce dernier ne tarda guère à se manifester à nouveau, à vrai dire dès qu'ils firent mine de vouloir reprendre la route vers le levant : le gardien réapparut sous la même forme que précédemment, au beau milieu de la clairière, son beau visage durci par la colère de devoir intervenir à nouveau.

« L’avertissement ne vous suffit donc pas ? »

« L’échec ne vous décourage donc pas ? »

« C’est mon devoir que de vous barrer l’accès. Vous ne passerez pas ! »

« Votre devoir est insensé, et qui en tirera profit sinon je ne sais quelle entité abstraite que vous appellerez la quiétude de ces bois? Je suis venu sans malveillance, et ma volonté de conquérir ma liberté ne pourra que l'emporter sur un tel devoir… »

« Tes intentions, tu les crois bonnes ? Et que diras-tu de celles de ton compagnon ? »

Lothringen n’hésita qu’un bref instant.

« Je dirais... qu’il m’aide. Mais assez parlé dans le vent. »

« Oui. Il est temps de voir, comme tu dis, si le désir des impurs vaut mieux que le sens du devoir… »

Sur ces mots, la créature écarta les bras en croix tandis que se levaient des vents puissants qui attiraient à elle terre, feuillages et bois mort, bientôt fondus en une masse vivante ocre comme l’argile qui recouvrit entièrement sa première apparence. Au finale, quand les vents se calmèrent, cela avait doublé de taille, n’avait plus qu’une très vague parenté avec une créature humanoïde, faisait trembler le sol à chaque pas, et semblait devoir porter des coups de la force d’un ettin.

Mornagest attaqua le premier, pendant que Lothringen incantait derrière lui un premier sort d’assistance.

Lothringen = = > rapidité = = > Lothringen + Mornagest

Le guerrier frappa vigoureusement de son épée et eut la désagréable surprise, ayant fait mouche, de constater que la masse terreuse se refermait presque instantanément sur la fente qu’il venait de créer dans son flanc. Peut-être son arme était-elle insuffisamment puissante, n’étant pas enchantée ? Mais le problème devait être ailleurs, car, quand Lothringen frappa à son tour, il n’obtint pas plus de succès. Pendant ce temps-là, la créature avait levé les « bras » : elle les abaissa brutalement sur le mélandien, qui manqua être assommé par la puissance de ce premier coup – le sol trembla.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Guère habitué à bénéficier d'un sortilège de rapidité, Mornagest mit quelques instants avant de se familiariser avec sa nouvelle vélocité, tant et si bien qu'il reçut un coup de la créature qu'il venait d'essayer d'atteindre, sur la tête. Titubant, le guerrier recula prestement sous peine d'être écrasé par un second assaut de la part de la chose en terre.

Le mélandien se massa vigoureusement le dessus du crâne, tandis qu'il regardait d'un air ébahi cette monstruosité que rien ne semblait pouvoir atteindre, pas même les haches puissamment enchantées de Lothringent... Faudrait-il encore recourir à la magie pour vaincre cela ? Il n'avait décidément pas de chance, depuis son arrivée à Manost, il subissait tous les revers qu'un combattant pouvait imaginer ; sauf celui, évident, de mourir...

Il cria donc au drow, afin de couvrir le bruit des pas de la créature se dirigeant vers lui :

"Lance-lui des sortilèges !"

Dire que la créature des bois avait osé remettre en cause les bonnes intentions de Mornagest, et qu'elle-même leur envoyait une espèce de golem de terre et de branches...

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

Lothringen se doutait qu'une créature capable de résister à ses armes en dépit de la puissance de leur enchantement devait aussi développer une bonne résistance à la magie, aussi tenta-t-il de déterminer au plus tôt quelles pouvaient être les chances de réussite de ses sorts. Pour ce faire, le sortilège idéal était encore celui qui multipliait les attaques en une seule:

Lothringen = = > projectiles magiques = = > gardien

Au terme de l'incantation, cinq boules de lumière pourpre fusèrent de ses doigts pour venir frapper l'adversaire en divers points de son enveloppe. La première parut se dissiper dans l'air comme un sortilège d'illusion, la seconde se perdit sans un bruit à la surface de la créature... Lothringen compta: sur ses cinq projectiles, un seul atteignit sa cible en lui infligeant des dommages, évidemment négligeables. La conclusion s'imposait d'elle même: il n'avait pas mémorisé suffisamment de sorts d'attaque pour espérer vaincre leur ennemi uniquement par la magie.

Il allait falloir trouver autre chose. Et, comme la masse de terre se préparait de nouveau à abattre ses puissants leviers sur Mornagest, on pouvait même préciser: et vite...

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Un comble ! Cette vilenie résistait à tout, ou presque ! Mornagest ne savait trop que faire, hormis éviter le prochain coup que le monstre semblait vouloir diriger contre lui. Il fit quelques pas de côté, avec célérité, et évita facilement cette fois l'attaque. Mais cela ne pourrait durer éternellement, la durée du sortilège étant sans doute limitée. Et il leur fallait vaincre cette chose, si c'était pour accéder à cette maudite druidesse. Il aurait bien des choses à lui dire, en la rencontrant...

Le guerrier réfléchissait à une parade pour blesser le golem. Il songea à de l'eau, afin d'affaiblir la structure en terre, mais il n'avait aperçu aucun cours d'eau en arrivant sur la clairière. Bien mauvaise idée, car, en dehors de ce combat, ils leur faudrait bien boire, à un moment ou à un autre. Un sortilège d'eau ? Cela existait-il ?

"Essaie avec de l'eau !" beugla-t-il.

Il tenta, presque malgré lui, de porter un nouveau coup au colosse, plus par réflexe que par réel espoir de l'atteindre. Il visa les pieds, ou ce qui en tenait lieu, et sentit sa lame s'enfoncer dans la masse humide et organique, produisant un "scrouitch" sonore des plus appétissants.

[Lothringen]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mais cette attaque eut exactement le même effet que la première: dès qu'il retira sa lame, il vit la fissure se refermer sans laisser la moindre trace.

De l'eau? songea Lothringen. Quelle idée saugrenue, la création d'eau était un sort de prêtre; du reste, elle n'aurait pas fourni de quoi humidifier un seul pied du colosse. Et il n'était malheureusement pas druide ni chaman pour commander la pluie. Encore que...

Encore que cela venait de lui donner une idée. S'il ne pouvait cibler l'adversaire de ses sorts, sans doute pouvait-il encore lancer des sorts de zone, et espérer lui infliger tout de même quelques dégâts conséquents. Il lui suffirait, hum... d'une pincée de poussière et de quelques gouttes d'eau. Cette flaque de pluie, par exemple.

"Recule-toi vite!" lança-t-il à Mornagest tandis qu'il étendait les bras pour incanter.

Lothringen = = > tempête de grêle = = > gardien

En dépit du temps dégagé qu'il faisait ce jour-là, la gigantesque créature vit déferler sur elle une nuée de grêlons gros comme des oeufs de pigeon, dont une bonne partie ne franchit pas sa résistance à la magie, mais dont l'autre lui infligea des dégâts conséquents en s'enfonçant profondément dans la masse argileuse. La tempête fut malheureusement de courte durée et, comme elle s'achevait, la créature, recouvrant ses esprits, revint cette fois vers Lothringen, désireuse, sans doute, de se débarrasser d'abord de celui qui avait réussi à l'atteindre.

Lothringen = = > image miroir = = > Lothringen

Le semi-drow, pour l'heure très occupé à préparer un semblant de défense, n'eut pas le temps de s'adresser à son compagnon. Mais il y avait peut-être un enseignement à tirer de sa dernière attaque...

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Les lames ne leur étaient d'aucun secours, mais les grêlons l'avaient visiblement blessés, d'une manière ou d'une autre... Il fallait donc aplatir cette créature, et non la découper en rondelles. Bien évidemment, Mornagest n'avait pas de marteau de guerre sur lui, et Lothringen était exactement dans le même cas. Il n'avait d'autre choix que de se procurer un morceau de bois qui puisse être suffisamment solide pour frapper la chose, et au trot !

Aidé par le sort de rapidité, Mornagest fila en direction des arbres, espérant ne pas rencontrer d'autres de ces horreurs argileuses, ou des arbres mangeurs d'hommes... Sait-on jamais ? Il fouilla rapidement le sol, à la recherche d'un quelconque tronc abattu. Il trouva, au bout de quelques minutes qui lui parurent une éternité, un vieux saule, dont les racines fatiguées n'avaient pu résister à une tempête récente. Il s'empressa de briser un morceau de bois mort, d'une longueur à peu près égale à sa propre taille, et de revenir au pas de course à la clairière. Tout ceci lui avait pris cinq bonnes minutes, mais est-ce que Lothringen avait pu éviter les coups du golem ?

Il ne voyait que le monstre, et commençait à paniquer, quand il s'aperçut qu'une petite silhouette, derrière le golem, s'agitait à chaque assaut de son adversaire, sans doute pour éviter les coups, tout comme il l'avait fait auparavant. Il devait profiter de ce qu'il chargeait Lothringen pour frapper.

Se précipitant vers le monstre, il saisit son bâton des deux mains, et l'abattit de toutes ses forces sur le dos de la créature, en hurlant sa rage à plein poumons.

[Lothringen]

Quête : rapports diplomatiques

Son cri fut bientôt recouvert par un puissant mugissement de douleur, de surprise et de colère mêlées: le gardien se retournait vers lui, oubliant désormais un semi-drow à bout de souffle et de sorts, qui accueillit la diversion avec un soulagement non dissimulé.

Pendant que ce nouveau combat s'engageait dans une zone floue placée à la périphérie de son champ de vision, Lothringen s'appuya sur un genou, le temps de reprendre le contrôle de sa respiration. Sa peau de pierre était percée en de nombreux endroits, et le sort de clignotement qui l'envoyait un temps sur deux s'effacer dans le plan éthéré, comme le sort de rapidité avant lui, finirait par s'éteindre. Il avait bien tenté d'attaquer à coups de poings, mais les dommages qu'il avait pu causer n'avaient été que quantité négligeable.

Même, il était venu un moment où Lothringen s'était sérieusement demandé si Mornagest reviendrait... Vu que le gardien avaitt déjà réussi à l'atteindre par deux fois, ce qui avait manqué lui broyer la colonne vertébrale, sa seule consolation était de savoir qu'il n'aurait plus eu à se le demander longtemps. Il n'empêche, quelle lamentable façon de mourir... Il ferma pour un temps les yeux, incapable de concentrer son attention sur les échanges de coups et de cris non loin de lui. Les cris de Mornagest respiraient la rage, ceux de leur ennemi la colère impuissante, c'était bon signe...

Quand il parvint enfin à rassembler suffisamment ses esprits pour observer la suite du combat, il put assister à un dernier coup de Mornagest, qui envoya la créature au sol, écrasée, disloquée et difforme. Le guerrier allait se précipiter pour l'achever quand Lothringen l'arrêta d'un cri.

"Attends!"

Il désigna d'un geste la périphérie de la clairière, désormais peuplée d'un myriade d'animaux immobiles: des loups, des renards, des sangliers, par centaines, figés dans une observation à la fois inquiète et menaçante. Un frisson parcourut l'échine du semi-drow. Il suffirait de peu de choses pour qu'ils passent à l'attaque à leur tour. Est-ce qu'épargner leur gardien leur suffirait?

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest grogna. Toute la forêt semblait se liguer contre eux, ou il n'y connaissait rien en complots... Il était bien tenté d'achever le monstre d'argile, mais au vu du nombre d'animaux les observant, il jugea beaucoup plus raisonnable de suivre le conseil de Lothringen. Aussi baissa-t-il son bâton de fortune, en laissant échapper un profond soupir. Attaquer des animaux n'était pas non plus son sport favori.

"Bien, quelle est cette nouvelle farce ?" Il devenait de mauvaise humeur, après avoir été inquiet, puis pratiquement effrayé par le charme opérant sur Lothringen, puis la transformation de la créature en cette espèce de masse informe et répugnante...

[Lothringen]

Quête : rapports diplomatiques

Les animaux n'approchaient pas, ne partaient pas: impossible de communiquer avec eux. Lothringen se tourna donc vers le gardien, ou ce qu'il en restait de conscience. Il se pencha sur lui, et chuchota:

"S'ils nous attaquent à cause de vous, nous en mourrons sans doute, mais non sans massacre. Puisque vous avez failli, que nous voici encore ici, armés - une menace - ne préférerez-vous pas nous guider où nous voulons aller, de sorte que nous partions plus vite et que le sang ne soit pas versé en ces lieux? Nous garderions alors les armes au fourreau - je vous en donne ma parole, pour ce qu'elle vaut."

La créature ne répondit pas. Pourtant, sur un soupir, elle commença de se désagréger ; des vents partirent de son corps étendu, remportant avec eux les branchages, les herbes et les mottes de terre qui la composaient. Bientôt, il ne demeura plus rien d'elle qu'un cercle de terre stérile au milieu de la clairière.

Derrière les deux compagnons, un loup s'était détaché du cercle des animaux qui les observaient. Il avait d'abord retroussé les babines et s'était mis à gronder, comme s'il pensait venger la mort de son gardien; mais, l'instant d'après, il reculait maladroitement et jappait en couchant les oreilles. Un moment plus tard, la crise passée, il se redressa et, fier à présent comme le chef de meute qu'il était sans doute, il se mit à marcher en direction de la lisière est de la clairière, où il s'arrêta et se retourna, les invitant manifestement à le suivre. Faute de meilleure option, les deux guerriers lui emboîtèrent le pas.

Alors commença la longue marche.

Il n'y avait pas de sentier. Au moment de son atterrissage dans la clairière, Lothringen l'aurait juré: mais ils marchaient désormais sur une sente suffisamment large pour deux hommes de front, dégagée de toute broussaille, qui plus est baignée de lumière. Autour d'eux, la réalité se distendait visiblement: le semi-drow ne parvenait pas à voir au-delà de la végétation qui bordait le chemin, mais il entendait quelquefois le bruit de mille pattes courantes, se sentait observé: leur escorte d'honneur, en quelque sorte.

L'elfe noir se contentait de suivre le loup sans piper mot, mais cette impression de constante surveillance n'était pas seule en cause: les combats précédents, au physique comme au moral, l'avaient harassé. Et il ruminait des pensées sombres, tout en avançant d'un pas mécanique...

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Dans quelle maléfique galère étaient-ils tombés ? Les voilà en train de suivre un loup sur ordre de la chose qu'ils venaient d'occire... Que leur était-il réservé ensuite ? Une embuscade ? Un piège dans lequel les attaqueraient une multitude d'araignées démoniaques ?

Mornagest se sentait mal à l'aise ici. Il avait pourtant l'habitude des forêts, mais celle-ci les rejetait violemment, à mesure qu'ils avançaient le long du chemin. Elle était oppressante, hostile, et il n'avait jamais ressenti cela auparavant. Il aurait aimé parler avec Lothringen de ses impressions, mais le semi-drow faisait grise mine, et engager une conversation alors qu'ils n'étaient pas en position de force n'était sans doute pas une bonne idée.

Il se contenta de serrer les poings, faute de refermer la main sur la garde de son épée, espérant que leur odyssée allait bientôt prendre fin.

Curieusement, toutes ces angoisses liées à la forêt lui procuraient une certaine sensation de bien-être. Il avait enfin quelque motif pour détourner son esprit de ses innombrables périples dans ses songes tous plus sinistres les uns que les autres. Cette fois, ses craintes étaient palpables, réelles, et il pourrait - du moins l'espérait-il - s'en débarrasser bientôt.

[Onsima Al'Sinda]

Quête: Rapports diplomatiques

Le loup les guida durant plusieurs heures, jusqu'à ce qu'ils parviennent soudain dans une clairière beaucoup plus vaste que la précédente, où la lumière prenait une dimension surnaturelle en jouant, en contrebas, dans les reflets d'un lagon couleur émeraude et des multiples cascades qui s'y déversaient.

Lothringen aurait juré que cette magie-là était sans rapport avec celle qui était à l'oeuvre dans le reste du Bosquet. Comme pour le confirmer, leur guide ne franchit pas la lisière, pas plus que les autres animaux qui les avaient apparemment suivis. Quand il se retourna pour le vérifier, le semi-drow constata que la forêt s'était refermée derrière eux, impénétrable. Satisfaites, sans doute, de s'être ainsi débarrassée du problème...

Une voix chevrotante chantonnait quelque part, invisible:

Deux pas d'étrangers sur mes terres
Précédés par leur crime
Guidés par leur victime
Perdus dans leur esprit,
Le noir, le fort.
Au bout de leurs efforts,
Deux prétendues puissances.
Faisons donc connaissance!

Alors une vieille femme apparut de derrière un tronc d'arbre. Se déplaçait avec elle, penchée sur un bâton, le cliquetis roulant de mille colifichets, amulettes, vaudoux. Elle s'arrêta un instant devant Lothringen.

Hé, hé. Incongrues retrouvailles
quoique toujours entre deux batailles.
Tant de chemins mènent à la terre.
Mais j'y songe! Mystère, enfer...
Conseiller, où as-tu mis ton mercenaire?
Tu te souviens, l'helmite, le gardien.
Tu en aurais bien besoin...

Le semi-drow croisa les bras et se mordit les lèvres, avec l'air de comprendre le sens bien caché de ce charabia. La vieille les guida en direction de sa cabane, placée sur une butte qui dominait le merveilleux paysage. Quand ils y parvinrent, ce fut au tour de Mornagest:

Et toi, bienvenue, bienvenue, colère.
Tant de chemins mènent en Enfer.
Quand tu ne cherches pas, tu trouves.
A supposer que la porte s'entrouvre,
que vas-tu faire?

En la suivant, ils étaient parvenus devant sa cabane, où elle s'assit avec un soulagement visible sur une vieille souche. Ses lèvres se fendirent d'un sourire béat.

Deux folies qui s'en viennent,
Deux visiteurs pour mes vieux os!
Reposez-vous, fin de la route.
Pour une fois, j'écoute.

Manifestement, elle ne recevait pas souvent de petits-enfants, et elle avait envie de faire durer le plaisir.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Fatigué par cette longue marche, Mornagest eut voulu se reposer quelque peu avant de participer à ces jeux de mots et autres comptines, malgré leur sens caché plutôt évident. Il avait une furieuse envie d'extérioriser son impatience en flots injurieux sur la vieille femme qui se tenait devant lui, à présent, mais fit un effort sur lui-même pour éviter de finir en bouillie, sans doute par Lothringen, dont l'impatience avait certainement crû parallèlement à la sienne.

Il se concentra sur le contenu des paroles de l'étrange druidesse, puis y répondit avec un calme qui l'étonna lui-même. Parvenait-il à se maîtriser ? Il avait du mal à y croire...

"Nous sommes venus quémander votre aide... mon compagnon de voyage souhaiterait obtenir un renseignement qui lui est vital."

Droit au but, comme à son habitude. Cela lui jouerait des tours, un jour. Peut-être la vieille femme n'appréciait-elle pas ce comportement ? Le risque était pris, de toute manière.

[Lothringen]

Quête : rapports diplomatiques

Mornagest avait entamé la conversation, mais, curieusement, il n'était pas allé jusqu'au bout de sa requête. Lothringen pensait pour sa part que la vieille femme - l'Oracle, comme on la surnommait à Manost - savait probablement très bien de quoi il s'agissait, mais elle n'en attendrait pas moins qu'ils en parlent d'eux-mêmes.

Elle paraissait savoir sur eux deux ou trois choses. Simple rumeur? Divination? Elle ne faisait pas vraiment partie de l'esprit du Bosquet, il l'aurait juré... Peut-être une sorcière Rashémi, perdue très loin de son foyer. L'esprit rationnel du semi-drow cherchait des réponses à des questions qu'il n'avait pas besoin de se poser, et le silence durait. Il entreprit alors de finir la phrase de Mornagest - en se montrant aussi direct que lui.

"Je cherche un disparu, le plus grand de nos mages, un nommé Eloern. Manost est sans nouvelles depuis plus d'un an, et... j'ai besoin de lui."

Il détourna le regard. Il avait d'autant plus besoin de son aide qu'il venait de constater face au Gardien avec quelle facilité on pouvait s'insinuer dans son esprit. Fallait-il que n'importe qui puisse encore jouer avec lui comme une marionnette? Et il s'était retourné contre son propre allié; il pourrait le refaire. Il songea encore à la folie qui s'était emparée de lui, dans un mausolée de Melandis. A ce que le cauchemar faisait de lui. Oh oui, il devenait urgent de remettre de l'ordre dans tout cela... Sans pour autant redevenir helmite, songea-t-il sur un demi-sourire, pensant à la remarque de la vieille.

[Onsima Al'Sinda]

Quête: Rapports diplomatiques

La vieille sorcière ne sembla guère surprise de leurs paroles, et elle les écouta avec une relative impassibilité jusqu’à ce que Lothringen mentionne le nom du doyen de la guilde. Alors ses sourcils se froncèrent, comme si le souvenir de cet homme ne lui était pas agréable, mais l’instant d’après elle hochait la tête, amusée, comme si elle avait déjà oublié cette contrariété. Et elle se remit à marmonner, chantonner, grommeler, d’une voix vaguement éraillée, tout en grattant la terre avec un bout de bois.

Et voici le vieux mage,
autre célébrité.
Le bosquet connaît le faux sage.
Ces lieux jadis il a hanté
Cherchant pouvoir et salut
Pour Manost perdue.

Le Gardien guérit
Maaaaiiiiis n’oublia pas l’insolence.
Le sage, le fou revint
Pour un autre dessein :
Le bois eut sa vengeance!

Elle se mit à rire, un rire dément, en se renversant en arrière. Son regard si humain jusque là se figea. C’était comme si ses paroles, désormais, ne lui appartenaient plus. Comme une possession.

En exil éternel
Ni sur terre, ni au ciel
Le corps mais non l’esprit
D’une ombre pervertie
Sans fin, bat la mesure !

Le rire se tarit, mais, loin de se calmer, elle se mit à regarder le sol autour d’elle, d’un air égarée. Elle fredonnait cette fois une comptine.

Fillette, au pied du chêne
Foule les fleurs dorées.
Le gui nouveau sera coupé.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest fronça les sourcils. L'énigme orale de la vieille femme ne semblait rien augurer de bon... les bois avaient eu leur vengeance, en exil éternel...

"Vous voulez dire qu'il est mort ?", demanda-t-il, une pointe de déception mêlée d'agacement dans la voix. Ils n'avaient pas bravé plusieurs fois la mort pour s'entendre dire qu'ils avaient tous deux fait cela pour rien...

Il regarda fugacement Lothringen, dont l'expression impassible ne laissait rien transparaître. Mais si la druidesse venait à confirmer sa supputation, nul doute qu'il en serait tout autre alors.

"Ou... qu'il se cache ?". Il n'y croyait pas, à vrai dire, mais il ne voulait pas laisser Onsima les embarquer sur une mauvaise voie...

[Onsima Al'Sinda]

Quête: Rapports diplomatiques

La sorcière semblait avoir peine à reprendre ses esprits. Encore fébrile, elle balbutiait, tout en frappant son siège avec son bout de branche.

Cherchez, cherchez, mais ici bas.
La Fugue ne le connaît pas.

Elle ferma les paupières quelques instants, puis s’affaissa sur sa souche et soupira, visiblement épuisée. Lothringen aurait juré que quelque chose s'était altéré dans son aura: et désormais, ce n'était plus qu'une vieille femme usée qui aimait faire des rimes et qui vivait à moitié nue, au fond de la forêt, près d'un lagon superbe.

A vous maintenant les intrigues.
Allez donc, pardonnez : fatigue.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

L'inquiétante prose débitée par la druidesse ne cessait d'intriguer Mornagest, qui devenait de plus en plus persuadé que le mage était bel et bien mort... et enterré, à en juger par les propos décousus d'Onsima. Tout était-il donc perdu pour Lothringen ? N'avait-il aucune autre issue, si Eloern était vraiment décédé ?

Il songeait aux cauchemars dont le semi-drow était régulièrement la victime, et souhaitait réellement qu'ils puissent enfin cesser d'opérer sur lui leur lent travail de dégénérescence de l'esprit, par la fatigue nerveuse accumulée, et la terreur sans cesse croissante... Puis il secoua lentement la tête, comme pour chasser ces pensées. Peut-être interprétait-il mal les paroles d'Onsima ? Il voulut encore tenter d'éclairer sa lanterne.

"Est-il loin d'ici ? Dans quelle direction ?"

[Lothringen]

Quête: Rapports diplomatiques

La vieille femme hocha la tête, épuisée, tout en dessinant dans le sable des traits qui pouvaient aussi bien désigner le sud que l'ouest, ou le sud ouest, ou le bout de ses pieds. Ils laissèrent filer un silence. Lothringen se leva d'un bond, impatienté. Il connaissait la réputation de l'oracle. C'était elle qui décidait quand elle vous parlait, ou pas, et il était vain de chercher à lui soutirer davantage d'informations que ses paroles sybillines n'en voulaient bien laisser filtrer. Ils avaient déjà eu bien de la chance qu'elle accepte leur visite; inutile de traîner là plus longtemps. Après tout, s'il avait bien compris, ils se trouvaient à peu près dans la même situation qu'Eloern autrefois...

Lothringen prit le bras de Mornagest pour l'entraîner avec lui.

"Viens, nous n'en tirerons rien de plus."

Il regarda une dernière fois la sorcière.

"Merci pour vos énigmes, l'Ancienne... Pouvons-nous camper dans le lagon?"

Elle acquiesça, visiblement soulagée de leur départ à présent: la divination n'estpas sans affecter ceux qui la servent. Les deux guerriers marchèrent quelques temps pour s'éloigner de la butte, puis Lothringen demanda de but en blanc:

"Qu'est-ce que tu y comprends, toi? J'aurais bien quelques idées, mais autant confronter..."

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Mornagest soupira. Enfin s'éloigner d'Onsima ne pourraient que faire du bien à leur santé mentale ; ses énigmes avaient de quoi s'arracher les cheveux et pousser une crise de nerfs peut-être incontrôlable... Tandis qu'ils marchaient en silence, le guerrier songeait aux propos décousus de la druidesse, les tournant et les retournant dans son esprit, jusqu'à en avoir le vertige.

Brusquement arraché de ces vaines tentatives, Mornagest mit quelques secondes avant de réaliser que Lothringen lui parlait.

"Qu'est-ce que tu y comprends, toi ? J'aurais bien quelques idées, mais autant confronter..."

A vrai dire, des idées, il en avait beaucoup, mais aucune d'elles ne le réjouissaient, ni lui paraissaient plausibles. Il réfléchit quelques instants encore, essayant de mettre de l'ordre dans ce fouillis que la vieille avait elle-même provoqué, puis soupira à nouveau :

"Plusieurs possibilités. Soit il est mort en ces bois, ce dont je doute, mais ses propos sur une ombre pervertie, ni au ciel, ni sur terre ne me rassurent pas vraiment... Je penche plutôt vers une autre option, qu'il soit parti en ermite dans cette maudite forêt, et qu'il est devenu un peu... cinglé."

L'un comme l'autre, cela ne faisait nullement leur affaire ; il espérait grandement se tromper. Pour une fois...

[Lothringen]

Quête : Rapports diplomatiques

Lothringen acquiesça d'un hochement de tête. Il n'était pas certain d'avoir tout compris non plus, mais au moins s'accordaient-ils sur l'essentiel...

"Il y a quelques temps, une des expéditions lancées lors de la crise de famine qui frappait Manost est passée par le Bosquet... C'était le Grand Emissaire qui la dirigeait, il me semble, mais il n'est pas impossible qu'Eloern en ait fait partie. En tout cas, je vois mal comment ils auraient pu passer sans affronter de Gardien, et c'est peut-être ce à quoi il était fait allusion..."*

Du moins, les premières strophes. Si le mage avait été victime d'une vengeance de ces étranges créatures, les dieux seuls savaient dans quel état il se trouvait maintenant. Lothringen soupira.

"L'un dans l'autre, il doit se trouver quelque part dans ces bois, et il ne faudra pas compter sur son aide pour le dénicher."

Le semi-drow pensait à autre chose. En venant dans le bosquet, il n'avait pas la moindre idée de l'endroit de Dorrandin, ni même de Toril où Eloern pouvait se trouver. Et c'était une surprise supplémentaire que de savoir qu'Eloern était venu ici, qu'il devait y être encore, et que, d'une manière ou d'une autre, ils se trouvaient tout proches de l'issue de leur quête.

En était-il heureux? Avec le temps, il s'était moins soucié de ce qu'il cherchait que de profiter de la compagnie de Mornagest. Il comprenait soudain que leur recherche allait aboutir d'ici quelques jours tout au plus et que le mélandien allait devoir le quitter. L'évènement serait non seulement inévitable, mais beaucoup plus proche qu'il ne l'avait pensé. Il le redoutait. Il ne l'avait pas vu venir. Et il croyait ressentir déjà le manque, l'affreuse solitude se refermer sur lui...

"Nous en reparlerons demain, murmura-t-il. Parfois la nuit porte conseil. Pour aujourd'hui, je suis fourbu... Entre toi et la masse de terre, je crois avoir perdu trois bons pouces en hauteur et en épaisseur... Ce vallon te convient-il? Près du lagon... Le sol n'a pas l'air trop humide..."

* Cf. Le Grand ralliement, groupe 3.

[Mornagest]

[Quête : rapports diplomatiques]

Il avait écouté pensivement Lothringen, hochant la tête lorsqu'il évoquait le passage possible d'Eloern en ces lieux. Avait-il survécu aux dangers de cette forêt ? Nul doute qu'il était puissant, mais la magie suffisait-elle à se sortir de tous les mauvais pas ? Mornagest s'interrogea sur la question. Combinée à une force guerrière, la magie profane devenait un puissant allié, comme en attestait l'efficacité du semi-drow au combat. Aurait-il lui aussi l'occasion d'un jour s'adonner à de telles pratiques ? Pourquoi pas, au fond ?

Il sentait cependant qu'il s'écartait de la conversation, et fit un effort pour se reconcentrer sur ce que Lothringen lui soufflait. Dormir ici ? Bonne idée, après tout ; assez d'émotions pour aujourd'hui. Ce combat contre le manostien charmé lui avait laissé une boule angoissante dans l'estomac, et il redoutait que pareille situation se présentât à nouveau. Il voulait chasser tout cela de son esprit... et se reposer.

Acquiesçant donc d'un hochement de tête, le guerrier proposa de partir en quête de nourriture. Son ventre hurlait depuis quelque temps déjà des imprécations douloureuses, et seul un bon repas lui ferait cesser cette désagréable torture.

Il s'en fut donc chasser le gibier, tandis que Lothringen poserait ses affaires et préparerait de quoi faire rôtir la viande. Ce lapin cru de la veille lui avait laissé un goût frustrant de trop peu en bouche...

Le mélandien revint une petite heure plus tard, tenant en main deux nouveaux lapins dodus à souhait. A croire qu'il n'y avait que ce type de gibier dans cette forêt. Peu importait, ils avaient bien besoin de manger, et n'allaient certes pas faire la fie bouche.

Tandis que la viande cuisait, dégageant une agréable odeur qui s'ajouta à leur faim tenaillante, Mornagest se détendit un peu, et alla s'asseoir aux côtés de Lothringen. Après toutes ces épreuves, il ressentait un curieux mais chaleureux besoin d'être proche du semi-drow, comme s'il craignait le perdre au détour d'un combat tel que celui de cet après-midi. La mort tombait souvent au moment où on l'attendait le moins, il l'avait appris à ses dépens...

"Loin de tout... quelquefois, c'est grisant, de pouvoir agir comme bon nous semble, sans craintes..."

Il contemplait le ciel indigo, zébré d'orange flamboyant, dernier vestige des éclats du soleil couchant, se reflétant sur les nuages à l'horizon. Un spectacle qu'il n'avait pas souvent l'occasion de contempler ; surtout pas l'esprit aussi léger.