[Lieu] Sur les pavés de l'esplanade

[Ravestha]

L'esplanade, haut lieu du commerce Luménien, ressemble à un gigantesque bazard à ciel ouvert. Des produits de toutes sortes et de toutes origines s'y vendent, à toute heure de la journée, et même jusqu'à fort tard dans la soirée. Le tout dans une ambiance joyeuse d'âpre marchandage.
La foule compacte qui s'y presse attire également de nombreux métiers moins recommandables, allant du coupe-bourse aux traficants en tout genre.

***

[Quête : l'Invasion des Ombres]

Les deux Manostiens avaient parcouru les quelques rues qui séparaient les quais militaires de l'esplanade de Waukyne. Cette dernière commençait seulement à s'agiter, le soleil s'était levé depuis peu. Mais les premiers marchands avaient ouvert leurs échoppes et déjà plusieurs vendeurs ambulants tentaient d'écouler leurs marchandises de toute sorte aux passants matinaux.
On aurait presque pu croire que la vie continuait comme avant. Presque. Parce que si l'on faisait suffisamment attention, on pouvait perecevoir cette tension sourde que trahissait plusieurs attitudes inhabituelles : les marchands ne hélaient pas les gens présents comme il est coutume de le faire pour attirer le client, les Luméniens s'écartaient devant les gardes comme s'ils étaient la peste, craignant que le fait de les toucher soit un prétexte suffisant pour un passage dans les sombres cachots de la ville, ces gardes en patrouilles étaient accompagnés d'un silence méfiant et inquiet, les vendeurs regardaient souvent par dessus leur épaule, comme s'ils redoutaient de se voir embarquer d'un instant à l'autre sans raison aucune.

Non, tout n'était pas exactement comme cela devait être. Ravestha et Kasumi continuèrent à évoluer sur l'esplanade, le long de l'eau qui venait se heurter à la pierre, tout en observant leur environnement.

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Les deux hommes n’échangeaient que peu de paroles, peut être parce qu’ils sentaient le danger de parler ainsi en pleine rue. Peut être aussi parce que le dégoût et le dépit qu’ils ressentaient devant ces signes larvés de l’oppression ne nécessitaient aucun mot pour être partagés.

Ne prêtant guère attention aux étals des marchands, ils détaillaient discrètement les patrouilles. Elles étaient fréquentes dans ce quartier ce qui compliquerait la réunion. Il en passait une toutes les deux ou trois minutes. Elles étaient généralement composées de six à huit soldats parfois accompagnés d’un mage. Kasumi fit remarquer à mi voix à son interlocuteur l’absence de prêtres : les hommes en armes portaient des épées et pas de symboles distinctifs d’un dieu. Peut être se dissimulaient-ils ou peut être qu’aucun prêtre Luménien n’avait été enrôlé pour dans les patrouilles.

Une opportunité si l’approvisionnement en potions de soins venait à manquer chez les sbires de Morféa… Peut être que le poison ferait des ravages si seulement les patrouilles pouvaient être prises isolément.

[Ravestha]

[Quête : l’invasion des ombres]

Ils continuaient d'avancer tranquillement sans attirer l'attention. L'esplanade était assez longue et s'il y avait du monde le soir, Ravestha espérait qu'ils parviendraient malgré tout à retrouver sans difficultés Althéa et Agrippa.
Ravestha se mit à réfléchir à l'avenir : ils devraient se décider rapidement des premières cibles ou des premières façon d'agir contre Morféa Nwalk.

En attendant, ils avaient parcouru l'esplanade...

"Nous pouvons nous diriger vers le quartier Nord, c'est là que se trouve les principaux bâtiments de l'administration luménienne. Histoire de faire une reconnaissance. Par contre il doit être ultra sécurisé, j'espère que personne là-bas ne connaît le capitaine Terens..."

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Poursuivant leur reconnaissance le plus naturellement possible, les deux hommes erraient apparemment sans but. Bien qu’il restât beaucoup de temps avant la rencontre du soir et que l’un comme l’autre avaient pris peu de repos au cours de la nuit passée, ils tenaient néanmoins à en voir le plus possible tant qu’ils en avaient le temps.

Qui sait si ces renseignements ne s’avèreraient pas extrêmement précieux au moment décisif où les opérations commenceraient vraiment. S’assurant que personne ne les écoutait, Kasumi glissa à son compagnon :

- Vous avez raison : tâchons de repérer les bâtiments les plus jalousement gardés et éventuellement les organes vitaux de notre ennemi. Si seulement nous pouvions porter atteinte aux intérêts de ses suivants à défaut de l’atteindre directement.

Conscient que l’endroit était trop dangereux pour poursuivre cette conversation, les deux individus empruntèrent un enchaînement de rues étroites. L’agitation nerveuse de la zone marchande céda progressivement la place à des rues presque vides. Les rares passants se hâtaient de rejoindre leur destination quelle qu’elle fut plutôt que de s’exposer plus de temps que nécessaire à la vue des importants contingents de soldats montant la garde devant les imposantes bâtisses de pierre du Quartier nord.

[Ravestha]

[Quête : l’invasion des ombres]

Revenant de la taverne de la Bienveillance, Ravestha avait gardé ses traits normaux dans le but d'attirer moins l'attention sur lui que s'il ne se faisait passer pour l'officier luménien à qui il avait désormais usurpé l'identité.

Le crépuscule approchait, et le soleil allait bientôt commencer à glisser sous l'horizon. Le Manostien se mit à longer l'esplanade, sans se presser, au rythme des passants. Il guettait une tête connue, et surveillait attentivement les gardes qui curculaient. Personne ne faisait attention à lui et c'était tant mieux.

[Althéa]

[Quête : l'invasion des ombres]

Une main lui tapota l'épaule, le faisant se retourner. Althéa lui faisait face, un petit sourire aux lèvres. Elle avait un peu de mal à masquer son inquiétude, aussi bien de savoir Agrippa à la tête d'un réseau de résistance que de le voir changer. En repassant dans les rues où ils avaient marché ensemble, elle avait senti la nostalgie l'envahir. Leur temps à tous deux était il déjà révolu ?

"Contente que vous ayez réussi à donner le change mon capitaine. Alors, quelles sont les nouvelles ?"

[Ravestha]

[Quête : l'invasion des ombres]

Il s'était retourné, un petit sourire sur le visage en voyant Althéa. Visiblement elle se portait bien, et elle s'était montré très ponctuelle puisqu'il n'avait pas eu à marcher beaucoup avant qu'elle ne le trouve.

"Bonsoir Althéa. Soulagé et heureux de vous voir. Eh bien, on peut désormais dire que le capitaine Terens est l'obligé de l'officier du port. Il sera à l'avenir engagé pour faire la sale besogne. S'il ne se présente pas aux convocations, cela attirera l'attention sur moi et le navire. Je nous dois d'épargner cela pour l'instant donc je jouerai le jeu en m'efforçant de lui donner le change. Car ces actions ne manqueront certainement pas de viser la résistance..."

[Althéa]

[Quête : l'invasion des ombres]

Elle n'avait pu s'empêcher de ressentir un soupçon d'inquiétude. Ravestha était sur le fil du rasoir et avec lui tous les manostiens. D'un coté, elle le savait capable de donner le change puisqu'il l'avait déjà fait. Mais jusqu'où allait il pouvoir pousser son illusion. N'allait il pas se trahir ou se perdre, lui et ses convictions ? N'allait il pas arriver un moment où il n'en pourrait plus, où il sortirait de ses gonds ?

Et malgré tout cela, il paraissait à peine nerveux. Peut être savait il que Helm l'accompagnerait quoi qu'il fasse. L'espace d'un instant, elle envia cette sérénité, cette foi. Peut être était-ce ce qu'il lui manquait. Prendre son temps. Elle avait brûlé la chandelle par les deux bouts et aspirait au calme. Quelquefois ...

"Si vous en avez besoin de renfort, je peux toujours me faire passer pour votre mousse"

[Ravestha]

[Quête : l'invasion des ombres]

Ravestha secoua la tête négativement.

"Je vous remercie de votre proposition mais je pense que vous serez bien plus utile à la résistance aux côtés d'Agrippa. Je m'aventuerais même à dire que c'est mieux pour lui et pour vous d'être l'un près de l'autre."

Agrippa serait sans doute plus tranquille ainsi, et Althéa pourrait les aider activement. La jeune femme était douée et elle trouverait bien des manières de se rendre utile. Il ne voulait pas qu'elle se retrouve piégée avec lui sous la contrainte de l'officier. Il valait mieux qu'elle soit libre de ses mouvements et décisions. De plus elle aussi serait plus sereine au côté de son compagnon.

"Si jamais l'officier devient un problème pour nous, je prendrai le risque de m'en occuper. Pour l'instant j'attends de voir ce qu'il demande."

Quittant son air un peu trop grave, il sourit de nouveau :

"Comment vont les choses de votre côté ?"

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Prenant bien soin de ne pas s’approcher trop près du couple de manostiens, une silhouette se dissimula sous une arche à la limite de la portée auditive de l’étrange duo. Une fois son heure venue, elle avait accompli le chemin depuis le Parc de Luménis pour venir écouter les intrus.

Profitant du fait que les individus s’apprêtaient à passer à proximité de sa cachette, le personnage les interpella :

- Venez donc jeter un œil à mes marchandises, je suis sûr que vous les trouverez à votre goût ! Vous ne trouverez pas de meilleur prix dans tout Hellona, vous pouvez me croire !

Ayant attiré leur attention, il se dirigea d’un pas alerte dans leur direction et leur souffla discrètement tout en poursuivant son chemin vers une ruelle déserte adjaçente :

- Ne restons pas ici ! Les patrouilles grouillent comme une colonie de bousiers dans un champ de pâture.

[Althéa]

[Quête : l'invasion des ombres]

Althéa avait marqué un petit temps de surprise face à l'intervention du rôdeur. Elle aurait voulu discuter avec Ravestha un peu plus longtemps avant de se remettre en route. Où allaient ils aller à présent ? Tout en marchant sur les pas de Kasumi, elle reprit à l'intention du conseiller manostien.

"Ils ont une cachette quelque part en ville. Ils sont un petit nombre déjà. Agrippa les coordonne. Une partie se trouve dans le parc verdoyant, d'autres à la bienveillance ... Nous pourrons les rencontrer sous peu. Mais il a insisté sur le fait qu'il ne faut pas laisser notre contingent trop rapidement. On mise beaucoup sur l'effet de surprise ..."

[Ravestha]

[Quête : l’invasion des ombres]
Ils avançaient d'un pas rapide, regardant discrètement si personne n'avait remarqué leur changement de direction. Ils s'engouffrèrent donc dans une ruelle calme, à l'écart du passage.

"Telle n'a jamais été mon intention. D'autant plus que nous avons traversé le quartier nord, il fourmille de soldats. A coup sûr une attaque serait suicidaire. Non, nous attendrons le bon moment, celui où nous porterons le coup ultime à Morféa. En attendant, nous nous tenons entièrement à la disposition d'Agrippa."

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Arrivant dans la ruelle, Kasumi se tint à trois pas devant les deux manostiens. Il gardait un œil sur la place à quelques mètres derrière lui, guettant tout mouvement suspect indiquant qu’on les espionnait. Conscient qu’il s’était immiscé dans la conversation que tenaient Althéa et le conseiller, il s’excusa poliment avant de saluer la jeune femme rapidement. Un nom avait néanmoins retenu son attention et il voulait en avoir le cœur net :

- Excusez-moi mais vous avez parlé d’un certain Agrippa. S’agit-il d’Agrippa d’Orgeval par hasard ? Le diplomate ? Cela m’étonne, bien que je le connaisse peu à vrai dire.

[Ravestha]

[Quête : l’invasion des ombres]

Ravestha plissa les yeux, surpris que Kasumi connaisse ce nom.

"Effectivement c'est lui. Du moins je ne crois pas qu'il en existe deux à porter ce nom sur Helonna. Je ne le connaissais que de nom et c'est vrai que l'improvisation d'un diplomate en chef de résistance peut surprendre. Pourtant lors de notre rencontre, j'avais le sentiment d'avoir à faire à quelqu'un qui sait ce qu'il fait."

[Althéa]

Quête : l'invasion des ombres

"Oui, il sait ce qu'il fait. Peut être même trop", avait laissé échapper Althéa en un soupir. Elle ne s'était pas remise d'avoir revu le petit prêtre maladroit et empoté changer à ce point pour devenir le chef sans peur et sans reproches d'une guérilla contre l'autorité de Morféa Nwalk.

Avant de partir, elle avait entendu des bribes de conversation avec le gnome entrevu à la taverne de la bienveillance. Certains de ses propos lui avaient même fait froid dans le dos. Comment allait il réagir face à ce qu'elle avait à lui annoncer ? Allait il lui ordonner de rentrer illico à Manost sans autre force de procès ? Elle avait besoin de lui parler, de l'entendre. Mais pour cela, il lui fallait un peu de temps avec lui. Un temps nécessaire. Et ce n'était pas au révolutionnaire qu'elle avait besoin de parler mais à l'homme qui se cachait derrière. Et il fallait qu'il sache ...

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

- Cela fait toujours bien de retrouver des têtes connues même en de graves circonstances qui nous en modifient la vision. Mais nous aurons le temps d’évoquer le bon vieux temps plus tard, n’est-ce pas ?

Je ne veux pas vous retenir plus longtemps que de nécessaire d’autant que trois personnes discutant trop longuement pourraient attirer l’attention. J’aurais simplement quelques questions pour vous Da…erm Althéa : en l’absence de notre connaissance commune, je suppose que les décisions vous reviennent. Aussi avez-vous des instructions pour moi, puis-je vous aider en quoi que ce soit ? Préférez-vous que je vous accompagne ou que je prenne mes quartiers dans le Parc ?

[Althéa]

Quête : l'invasion des ombres

Voila maintenant qu'on lui demandait des instructions. Pour quelques instants, elle se sentit devenir ce qu'elle n'avait jamais voulu être : un dirigeant. Certes, durant quelques mois, au bord du bateau de son père, elle avait occupé la fonction de lieutenant. Donner quelques ordres mais surtout rester avec le reste de l'équipage. L'expérience s'était arrêtée là.

Les responsabilités vous changeaient tant un homme. On devenait vite un absurde pantin tenant lui même des fils. On se croyait libre de dispenser des ordres mais votre devoir de commandement sans cesse vous appelait. Elle ne voulait en rien devenir l'un de ces chefs là.

"Hé bien ... disons que vous pourriez continuer de suivre Ravestha. Vous ne serez jamais trop de deux. Nous pourrions nous réunir de nouveau demain, même endroit même heure. Qu'en dites vous ?"

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Manifestement peu satisfait par la proposition d’Althéa, Kasumi lui répondit presqu’à contrecœur :

- Excusez-moi mais je ne pense pas être utile au Conseiller sur le port. Il sera plus crédible et moins soupçonné s’il agit sans s’encombrer de quelqu’un d’aussi visible que moi et que personne n’aura pourtant vu auparavant.

En attendant mieux, je vais tâcher de prospecter aux alentours du Parc. Qu’en pensez-vous Conseiller ? Nous nous retrouverons ici demain comme vous le souhaitez mais il serait préférable que nous coordonnions nos actions futures.

[Ravestha]

Edit : dsl du retard, j'avais oublié que c'était de moi qu'on attendait une réponse

Ravestha semblait hésitant. L'absence d'Agrippa, cerveau de la résistance, était pénalisante. Pour coordonner leurs actions, ils allaient devoir communiquer plus facilement que ça. D'autant plus qu'ils ne savaient même pas quelles actions suivre.

"De toute manière, vous ne pouvez rester avec moi c'est évident. Ethelkin ne manquera pas de faire appel au capitaine Terens et inutile d'attirer l'attention sur nous. J'aurais cependant bien aimé qu'Agrippa nous transmette quelques directives ou informations. Comment pouvons-nous nous rendre le plus utile ? Car à présent il s'agit de ne plus perdre de temps."

Il continua sur un ton pressé, craignant que l'on commence à s'intéresser à eux.

"Nous ne pouvons pas continuer à nous voir pour seulement se demander si nous allons bien. Nous avons besoin d'agir, et pour cela nous devons savoir quoi faire. Kasumi vous pouvez tenter de faire du renseignement autour du parc, je vais essayer de voir jusqu'où le nom du capitaine Terens est connu. Peut-être sera-t-il possible pour moi d'obtenir des informations en donnant le change auprès des autorités."

[Kasumi]

[Quête : l’invasion des ombres]

Chacun savait désormais ce qu’il avait à faire. Plus rapidement ils auraient appris à connaître leur ennemi, à évaluer ses forces, à détecter ses faiblesses, plus rapidement ils pourraient le frapper et le détruire. Avant de s’en aller, il avait ajouté :

- A vos ordres ! Si vous avez un besoin urgent de me faire parvenir un message, vous trouverez une ancienne statue de Mielikki au bout de la quatrième allée du Parc. A sa base, il y a une crevasse, laissez y une note à mon intention.

Je me rendrai dans cette ruelle dès que j’aurai une information à vous communiquer. Ici même, à la même heure. Nous voir inutilement ne ferait qu’augmenter les risques d’attirer l’attention.

Adieu et bonne chance.

Kasumi s’était alors fondu dans les ombres grandissantes de la ruelle et se dirigea vers le Parcen évitant les rues trop fréquentées.

[Kasumi]

Le chemin depuis le fortse déroula sans incident notable et les conversations cessèrent progressivement à l’approche du terrain de l’exercice. Malgré l’heure matinale, il y avait déjà foule entre les étals des marchands qui hélaient les chineurs en les exhortant à examiner leurs marchandises.

Les affaires allaient bon train pour rattraper le manque à gagner du au mauvais temps de la veille. Des tentures multicolores avaient été montées au dessus des échoppes et des tables d’exposition. Le marché des quais était un lieu d’échange privilégié pour les marchandises importées et le fruit de la pêche Luménienne. Pourtant, les produits des artisans locaux n’étaient pas en reste.

Kasumi rappela les consignes et conseilla aux gardes d’ouvrir l’œil. Il suivit de loin leur progression parmi la foule. L’un des demi-elfes repéra rapidement la première cordelette suspendue au milieu de vêtements et s’en saisit sous l’œil bienveillant du boutiquier. Le groupe passa ensuite devant plusieurs étals en ne voyant pas la cordelette nouée autour de la cheville d’un marchand de fruits. La matinée se déroula lentement et la vigilance du groupe rencontra quelques succès. Au bout de trois heures, et après plusieurs aller-retour, les gardes avaient trouvé une quinzaine de cordelettes. Il ne leur restait plus que quelques allées excentrées à inspecter. Ils y trouvèrent deux nouvelles cordelettes, la première servant à nouer les cheveux d’une marchande et la seconde à moitié dissimulée sous une pile de melons.

Kasumi en profita pour intervenir, un sourire aux lèvres :

- Bravo messieurs, c’est presque un sans fautes pour ce premier passage. Il vous reste encore un peu de temps avant la fin de l’exercice. Êtes-vous prêt à redoubler de vigilance ?

Les six hommes manifestèrent leur enthousiasme et se mirent à discuter sur la tactique à employer. Ils décidèrent de se séparer avant que le nain fasse remarquer que le sourire que l’un des marchands lui avait souri quand il était parti.

Personne ne sourit jamais à un nain, ce n’est pas naturel, annonça-t-il, catégorique, ce qui déclencha l’hilarité générale. Le nain ne s’y trompait pas et la cordelette nouée à la cheville du commerçant fut vite trouvée et Grukys jubila. Il ne restait plus qu’une cordelette à dénicher mais le temps était presque écoulé. Le rôdeur intervint une nouvelle fois :

- Messieurs, le temps touche à sa fin, il semblerait que vous n’ayez pas cherché partout sur cette place. Mais c’est un début prometteur !

Les gardes protestèrent qu’il leur restait suffisamment de temps pour fouiller encore une échoppe ou deux. Mais ce fut Kurt qui étonna son monde :
- Dîtes donc, vous ne nous avez jamais tourné le dos depuis le début de l’exercice, tournez-vous donc messire !

Le demi-elfe lui adressa un sourire triomphant et se tourna de façon à ce que toute la patrouille puisse voir la cordelette nouant sa tresse guerrière dans son dos.

- Bon réflexe soldat ! L’exercice est fini ! Rappelez-vous que personne n’est au-dessus de votre suspicion et qu’il faut parfois faire preuve de courtoisie pour en avoir le cœur net. J’espère que vous aurez appris quelque chose ce matin, nous nous reverrons à la fin de la semaine pour un autre exercice. Mais il est grand temps de rentrer au fort pour le déjeuner. Vous l’avez amplement mérité.

[Kasumi]

Kasumi était loin de se douter des inquiétudes que nourrissait sa compagne. Sa décision de laisser en lieu sûr la majeure partie de son or était sensée et il l’imita en ne retirant qu’une cinquantaine de pièces lui aussi. Cette somme était amplement suffisante pour se divertir quelques jours en ville et effectuer quelques achats. Il accompagna Astrée de bonne grâce au salon des naturalisations. L’instant avait quelque chose de solennel et il se réjouissait d’y assister. Pour fêter la remise de leur récompense et la nationalité de son amie, Kasumi mena celle-ci dans un restaurant dont il avait entendu parler comme étant le rendez-vous des riches négociants de passage en ville. L’établissement n’avait rien des tavernes de marins qui pullulaient près des docks. C’était un joli bâtiment en pierre idéalement placé le long de l’esplanade et un balcon permettait à ses clients de prendre leur repas en dominant le marché à la belle saison.

Le froid hivernal incitait plutôt à trouver place du côté de l’âtre crépitant joyeusement dans la salle commune. La nourriture était plus chère qu’à la Bienveillance mais elle présentait une qualité raffinée qui justifiait son prix. L’agencement de la salle permettait de s’isoler les uns des autres pour les négociations commerciales ou les rendez-vous galants. Le serveur qui vint à leur rencontre les jaugea un instant et exclut qu’ils appartiennent à la classe marchande. Le restaurant était assez animé et la plupart des tables étaient occupées à l’heure où ils arrivèrent mais l’employé les mena vers une petite estrade et jusqu’à une table pour deux où il les invita à s’asseoir. Quelques minutes plus tard, il revenait avec un verre de vin pétillant pour chacun ainsi que quelques amuse-gueule destiné à les faire patienter.

[Voyageuse]

Le vin pétillant qu'on leur avait apporté était doux et fruité, et les amuse-gueule délicieux. Astrée se carra confortablement dans sa chaise et sourit à Kasumi.
- Et bien, je ne savais pas que tu fréquentais des restaurants aussi huppés. Mais tu as raison, il faut fêter dignement ma nouvelle nationalité.
Levant son verre, elle trinqua avec lui, le coeur apparemment léger. Mais au fond, elle n'était pas sûre de réaliser vraiment ce qui venait de se passer. Luménienne...
Elle s'en ouvrit à son compagnon.

- Tu sais, ça me semble tellement... étrange de me retrouver citoyenne luménienne. J'ai l'impression que ça me tombe dessus presque malgré moi, je n'ai rien fait pour, je n'ai jamais eu le projet de me lier ainsi à une ville. C'est un peu comme si je perdais une partie de ma liberté, même si je sais que c'est purement symbolique... Pourtant, s'il avait fallu que je choisisse une ville pour m'y installer, ça aurait certainement été Luménis. J'en ai tellement entendu parler... Et puis, c'est ici que j'ai des amis, maintenant. Ca me donnera l'occasion de venir te voir de temps en temps, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.
Elle but une gorgée de vin pétillant, puis poursuivit :
- Mais au départ... je n'ai jamais eu envie de vivre en ville. En fait... Elle secoua la tête. J'ai la désagréable impression que mon destin m'entraîne un peu malgré moi vers des horizons que je n'avais pas envisagés, comme si je n'étais qu'une marionnette. Je n'aime pas trop ça, j'ai l'impression de ne plus être maître de ma destinée, que ma liberté n'est qu'une illusion. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire...

Elle s'interrompit à l'approche du serveur.
- Nous avons deux plats à vous proposer aujourd'hui. Un filet de rouget, sauce au beurre blanc, accompagné de riz, de cèpes et d'épinards en branche, ou bien un pavé de boeuf en croûte accompagné de cèpes, d'un gratin de courgettes et de pommes noisettes. Les deux sont précédés d'une assiette de salade composée, et bien sûr suivis d'un plateau de fromages variés. Nous avons ensuite plusieurs desserts, cuisinés spécialement par notre chef, que je vous recommande vivement de goûter... Mais commençons par le plat principal. Je vous laisse un peu de temps pour décider ?
- Je ne sais pas... Tout cela a l'air délicieux... Je pense que je vais prendre la même chose que mon compagnon. Je te laisse choisir, Kasumi...

[Kasumi]

Kasumi regarda tranquillement la rôdeuse dans les yeux tout en réfléchissant à sa réponse. Lui aussi avait connu une impression proche de celle qu’elle décrivait alors qu’il avait réalisé qu’on lui avait offert la citoyenneté. Les circonstances avaient voulu qu’il ne l’apprenne qu’à son réveil après sa longue convalescence. Il avait pourtant choisi d’aider la cité de son plein gré au plus fort de son besoin alors qu’elle était occupée sous le joug d’un tyran. Les choses étaient-elles différentes pour la rôdeuse qui s’était retrouvée entraînée dans une mission périlleuse à la recherche de l’un des conseillers de la cité lors et se voyait maintenant promue citoyenne ? Le serveur qui se représenta pour prendre leurs commandes lui fournit quelques secondes de plus pour réfléchir à sa réponse et il opta pour la viande presque distraitement.

- Oh, je comprends cette impression pour avoir ressentie la même. Moi non plus je ne me destine pas à m’installer dans une cité aussi imposante que Luménis. Et pourtant je suis attaché à cette cité à ma façon. Etre citoyen ne signifie pas que tu doives renoncer à ta nature. Ton statut signifie simplement que Luménis t’accueille telle que tu es. Un esprit libre et un peu sauvage, tout comme moi.

Il adressa un clin d’œil moqueur à la jeune femme avant de piocher une friandise dans le plat en faisant mine de la chaparder.

[Voyageuse]

Astrée sourit, amusée. Et à son tour, piocha directement dans l'assiette de son compagnon les amuse-gueule dont il avait fait provision, riant de son air déconfit.
Le serveur apporta bientôt deux assiettes artistiquement présentées, accompagnée de deux petits bols de salade mixte. L'odeur était appétissante, et ils purent constater que le restaurant méritait largement sa réputation gastronomique. C'était délicieux...

Au fond d'elle, Astrée était un peu troublée par la dernière phrase du rôdeur, même si elle avait été lancée sur le ton de la plaisanterie. Oui, ils se ressemblaient... Sur certains points. Et lui aussi le pensait. Elle avait de plus en plus conscience de leurs points communs, de leur complicité, tout comme de l'émoi que sa présence suscitait parfois en elle, bien malgré elle....

L'arrivée du serveur fournit heureusement un dérivatif appréciable à ses pensées, et elle dégusta le boeuf en croûte quelques instants en silence, repensant aux événements de la matinée.
- Tu connaissais les conseillers qui nous ont reçus ? Le général Maelwedd, c'est celui qui remplace le conseiller Megrall, c'est ça ? Il n'a pas l'air très... accueillant. Mais c'est drôle comme la vie réserve parfois des surprises. Il se trouve que je connais son fils : c'est le jeune paladin qui m'a escortée jusqu'à Luménis. Il appartenait à la compagnie d'Erwann de Sallis. Le hasard a voulu qu'il échappe à leur destin tragique... Il ressemble à son père, physiquement. Mais pas en caractère : il est plutôt doux, timide et serviable. Je crois qu'il est assez complexé de ne pas être le grand combattant dont son père rêve. Et pourtant il fait de son mieux pour être à la hauteur.

[Kasumi]

Le repas était savoureux et le demi-elfe en profitait avec appétit. Pourtant, la question de sa compagne le détourna un moment de son repas. Sa remarque lui donnait beaucoup à penser. C’était une coïncidence étonnante qu’Astrée ait rencontré le fils du général mais celui-ci n’en avait rien laissé paraître. L’analyse de la rôdeuse touchait souvent juste et il était hautement probable qu’un tel homme exige de son fils d’embrasser la même carrière que lui. Cette évocation réveilla des souvenirs qu’il croyait enfoui et son regard se perdit dans le vague :

- Je crois pouvoir comprendre ce jeune homme. Je sais ce que signifie décevoir son père quant à ses choix de carrières. Il est heureux qu’il ait échappé au destin de ses compagnons. J’espère qu’il ne s’imagine pas qu’il aurait du partager leur sort ou une idiotie de ce genre.

Après un moment, il reprit d’un ton redevenu amusé :

- Et non, je ne connaissais pas personnellement ces conseillers. Tu sembles penser que je suis une sorte de célébrité que tout le monde connaît ici en ville tout ça parce que je t’emmène dans des endroits chics.

Le rôdeur avait tenté une fois de plus de dissimuler son trouble derrière une plaisanterie. Repenser à ses parents lui était toujours douloureux et il n’aimait guère s’épancher sur le sujet malgré la confiance qu’il portait à sa compagne.

[Voyageuse]

Astrée sourit de la plaisanterie du rôdeur, mais la diversion qu'il tentait fut sans effet. Elle avait été frappée par son expression lorsqu'il avait expliqué qu'il comprenait Arthur. Lui aussi semblait avoir eu des relations difficiles avec son père. Elle se souvint l'avoir involontairement entendu aborder le sujet avec Arya lorsqu'ils cheminaient dans la forêt maudite.
La curiosité l'emporta.
- On dirait que toi aussi tu n'as pas eu un père facile... Je t'ai entendu y faire allusion lorsqu'on avançait à travers la forêt maudite, tu en as parlé à Arya. Oh, je n'ai pas fait exprès de vous entendre, ne vas pas croire que je vous espionnais, c'est simplement que vous m'avez doublée à ce moment-là... Et je n'ai pas entendu grand-chose, j'ai juste compris que tu parlais de ton père et que ça te mettais de mauvaise humeur.
Elle s'enfonçait, à vouloir ainsi à tout prix se justifier.
Elle continua, avec douceur :
- Que s'est-il donc passé avec ton père ? Excuse-moi, je sais que c'est une question très indiscrète, et je comprendrais très bien que tu n'aies pas envie de m'en parler, je devine que c'est un sujet douloureux pour toi. Tu n'es pas obligé de me répondre...

Pourvu qu'il ne se vexe pas...Ma curiosité me perdra.

[Kasumi]

Kasumi s’étonna une nouvelle fois de la curiosité qui semblait caractériser son amie. Il en aurait ri s’il s’était s’agit d’un autre sujet. Et pourtant le sujet n’était pas si grave qu’il ne puisse le partager avec Astrée. La rôdeuse semblait toujours parvenir à ses fins et Kasumi s’en rendit compte alors même qu’il commençait à répondre :

- Mon père et ma mère s’aimait mais ils n’appartenaient pas au même monde. J’ignore si tous les demi-elfes ressentent la même chose mais j’ai toujours eu l’impression de devoir choisir entre l’un ou l’autre de mes parents. Je n’ai jamais été aussi proche de mon père qu’un fils ne l’est normalement. Il était souvent en voyage pour son travail et moi, j’ai rapidement renoncé à l’accompagner car je préférais la vie dans les bois. Je me fais l’effet d’avoir été égoïste et ne lui avoir jamais laissé sa chance, même quand ma mère est morte.

Toute trace d’amusement avait désormais quitté son visage et le demi-elfe piochait dans son assiette d’un air penaud et absent.

[Voyageuse]

Spontanément, Astrée prit la main de son compagnon et la serra doucement, en un geste de réconfort. Elle s'en voulait d'avoir cédé à la curiosité. Elle allait gâcher le repas en réveillant ainsi des souvenirs douloureux. Mais ce qui était fait était fait...
- Vous étiez différents... Parfois il est difficile de se comprendre et de créer des liens quand on a peu en commun, même avec son propre père. Et je sais de quoi je parle, ajouta-t-elle avec une grimace.

Elle croisa le regard de Kasumi. Il semblait presque s'en vouloir de n'avoir pas vraiment pris le temps de connaître son père...
- Le passé est le passé, on ne peut pas le changer. Mais ton père est toujours en vie ? Si vraiment tu regrettes de ne pas avoir eu de vraie relation avec lui, peut-être voudrais-tu le revoir, d'adulte à adulte ? Il est impossible de recréer une relation qui n'a jamais vraiment existé, mais peut-être pourriez-vous apprendre à vous connaitre. Malgré vos différences. Je ne sais pas...
Elle se rendit compte qu'elle n'y croyait pas vraiment. Mais après tout, l'histoire de Kasumi était différente de la sienne.

Elle reprit, presque pour elle-même.
- Moi, personnellement, je n'aurais pas pu recoller les morceaux avec mon père. J'étais trop différente de ce qu'il attendait de moi, et il était trop éloigné de mes valeurs. Je ne le supportais plus.
Elle réalisa qu'elle n'avait jamais abordé ce sujet avec Kasumi : il devait se demander à quoi elle faisait allusion. Elle précisa simplement :
- Mais c'est complètement différent de ta situation. Moi, j'ai quitté la maison quand j'avais 15 ans, je n'y ai jamais remis les pieds et je ne l'ai jamais regretté. Ce n'est pas la même chose. Toi, tes parents s'aimaient et t'aimaient, et sans doute les aimais-tu aussi... Et pourquoi donc aurais-tu dû choisir entre eux ? Parce qu'ils étaient très différents l'un de l'autre ? La différence n'empêche pas l'amour...
Elle secoua la tête, réfléchit un moment.
- Excuse-moi, je parle de choses que je ne connais pas. Ce n'est sans doute pas facile d'être pris ainsi entre deux cultures. C'est peut-être entre ces deux cultures, entre ces deux modes de vie, que tu te sentais obligé de choisir, je pense. Et tu avais l'impression, pour cela, de devoir choisir entre tes parents. Ca ne devait pas être confortable...

[Kasumi]

Kasumi était resté silencieux mais attentif pendant toute la tirade de la rôdeuse. Le contact de sa main sur la sienne lui fit du bien et il retrouva un semblant de sourire. Grâce à son regard extérieur, Astrée parvenait à lui faire voir la situation sous un jour nouveau. Il avait passé son enfance à choisir entre sa mère ou son père car rester près de l’un signifiait s’éloigner de l’autre tant ils passaient de temps éloignés. Le jeune demi-elfe qu’il avait été s’était ainsi protégé de la douleur que provoquait l’éloignement d’un être cher. Avec le recul, il regrettait de n’avoir pas se lier à son père mais tenter de rattraper le passé était vain. Il avait laissé un mot à son intention au campement des rôdeurs pour l’avertir qu’il quittait le continent. Peut être lui adresserait-il une lettre pour lui dire où il séjournait à présent… Astrée elle aussi avait choisi de se séparer de son unique parent vivant mais la rôdeuse avait certainement une bien meilleure raison que la sienne de l’avoir fait. Il hésitait à lui demander des précisions tant le passé de la jeune femme semblait douloureux. Par-dessus tout, il voulait éviter de lui faire de la peine car il se sentait désarmé pour y faire face alors qu’elle semblait pouvoir effacer toutes ses sombres pensées d’un simple contact.

- Merci. Tu sembles toujours trouver les mots qui me font du bien. Tu m'as donné à réfléchir en tous cas. Tu ne m’as jamais parlé de ton père avant… Je ne te force pas à le faire si tu n’en as pas envie. Si tu te sentais opposée à ses valeurs, je crois que je ne l’aurais guère apprécié.