[Lieu-dit] Les égouts de Melandis

[Morlak]

Lorsque vous marchez dans l’une des sombres ruelles de la cité de Mélandis, vous ne vous doutez certainement pas de ce qui se passe en dessous de vos pieds. Sous les bâtisses, les ruelles et les trottoirs, se trouvent les égouts de Mélandis.

Ces lieux sont bien peu connus, la seul carte de ces lieux est la carte dont la ville dispose pour y faire d'éventuelles réparations rarissimes. Mais depuis leur construction, beaucoup de souterrains ont été rajoutés. Un grand nombre d'entre eux ne servent pas à évacuer les déchets de la ville mais mènent vers des repères de mystérieux personnages dont ont ne connaît même pas l’existence.

Un torrent de détritus et d’excréments circulent à une vitesse incroyable à travers les différents canaux. Ce liquide presque noir parcours les égouts dans un bourdonnement ahurissant. Si quelqu’un y tombait, il n’en ressortirait probablement jamais, entraîné par ce torrent de matière fécale et autres matières en décomposition, tel un serpent noir mordant à l'approche d'une nouvelle proie. Si, par une chance innimable, vous en ressortiez, vous pouvez vous considéré comme empoisoné et presque perdu, tant le flux noséabond vous aura transmit de maladie et autres horreur.
Vous l'aurez compris, la mort rôde en ces bafond. Mais n'ayez crainte, votre corps disparaîtra aussi rapidement que votre mort sera atroce.

Une odeur putride règne en ces lieux obscurs, même en déambulant dans la rue, lorsque vous passez à coté d’une bouche d’égouts, vous êtes forcés de vous boucher le nez. Une odeur immonde y règne, elle pénètre vos narines et n’en ressort jamais. Vous avez l’impression que cette odeur vous érode le nez, comme de l’acide. Les morceaux de chair des créatures des égouts en décomposition dans l’eau en sont la cause, mais on y trouve parfois aussi des humains. Les égouts sont probablement l’un des meilleurs lieux pour se débarrasser d’un cadavre devenu trop encombrant. Les eaux l’emportant dans la mer à moins qu’il soit rongé par des helminthes ou d’autres vers charognards. Lorsque vous remontez à la surface, même un moine au nez bouché pourrait vous suivre dû au fait de l’odeur persistante que vous dégagez. Ainsi, la majorité de la population s’écarte lors de votre passage et il ne vous reste qu’a jeter vos habits et vous frotter avec du savon durant de longues heures.

L’humidité y est telle que un brouillard permanent règne en ces lieux. Si vous y séjournez plus d’une heure vos habits commencent à vous collent à la peau. Les habits collants et désagréables vous empèchent de vous mouvoir comme vous le voudriez.


Les habitants des égouts sont principalement des rats et autres bêtes dont l’existence est menacée à la surface. L’absence d’humain en ces lieux leurs permet de vivre tranquillement tout en ayant de la nourriture. Certaines créatures vivant dans ces tréfonds n'ont même pas de nom, leur existence n'ayant été découverte que par ceux qui devinrent leurs proies.

Il y a plusieurs sortes de galeries. Le canal principal, qui lui est un énorme conduit de 10 mètres de diamètre. Il est rond mais un petit rebord permet de marcher le long de ce canal lorsque les précipitations ne sont pas trop importantes.
Les autres canaux sont de tailles multiples, allant de la conduite secondaire au tout petit affluent où il faut y ramper pour accéder.

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Un jour, alors qu’une lourde canicule s’abattait depuis des mois sur Mélandis, un jeune voleur friand d’aventure décida de parcourir les égouts désireux de savoir ce qu’il s’y passait réellement. Profitant de la sécheresse pour pouvoir accéder même dans les plus petits couloirs dans lesquels il fallait ramper. Les astres prédisaient que la sécheresse allait encore durer selon la volonté des dieux. Il se s’élança dans ces égouts avec une amie voleuse elle aussi. Mais après plusieurs mois d’expédition, de fortes précipitations revinrent et les deux aventuriers n’ont jamais été revus, ni dans les égouts, ni à la surface. On pensait qu’ils avaient succombé par noyade, connaissant le danger que représentait le filait d’eau peu impressionnant à cette période de l’année mais qui pouvait vite devenir un monstre impitoyable broyant tout sur sont passage.
On a récemment trouvé leur journal, plusieurs bibliothèques travaillent en ce moment afin de le déchiffrer et de le restaurer car le manuscrit à été fortement endommagé par l’humidité.

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Si les égouts des zones prospères de Mélandis étaient constamment entretenus par une armée de malheureux esclaves, ce n’était pas le cas dans les bas quartiers où ils étaient laissés à l’abandon depuis de longues années. Certaines galeries étaient devenues impraticables ; d’autres s’étaient tout simplement effondrées. Il en allait de même pour les bouche d’accès : la plupart étaient inutilisables, obstruées par des éboulis où des masses de détritus en voie avancée de sédimentation.

Cependant, grâce à leur petit guide, Taliesin et son état-major parvinrent à dénicher une entrée relativement praticable, à quelques centaines de mètres des premières rues commerçantes sous domination adverses. Dès lors, des expéditions furent quotidiennement envoyé dans le dédale souterrain : leur première tâche fut de le cartographier le plus précisément possible, avant d’établir, grâce aux quelques plans qu’ils parvinrent à dénicher, des correspondances avec les bâtiments en surface. L’opération fut longue et difficile : mais elle aboutit bientôt.

Les insurgés étaient enfin prêts à frapper. Et ils ne s’en privèrent pas ;

[Tar Ael Velluthra]

Tar’Aël gagna les profondeurs des égouts mélandiens avec une relative nonchalance. L’intervention du vortex l’avait empli d’un enthousiasme léger, et il ne redoutait pas vraiment les mauvaises rencontres qu’il était susceptible de faire sous la surface de la ville. Après tout, Mélandis était une sorte de grand égout à ciel ouvert : ça ne pouvait pas vraiment être pire là-dessous. Au contraire, même.
Avant de descendre, le fey’ri avait emprunté le manteau d’un cadavre à la gorge souriante qui gisait dans une petite impasse. Il y avait une vilaine tache écarlate sur le col et le devant, mais il faisait trop froid pour s’en formaliser. A présent, il déambulait le long d’un conduit obscur, les sens aux aguets, sifflotant une berceuse fey’ri remontant à sa prime enfance, espérant que la (mal)chance (ou le vortex) voudrait bien mettre ces chasseuses de primes sur sa route assez rapidement.
La technique était sans doute peu grossière, mais Tar’Ael comptait sur son charme irrésistible pour attirer les demoiselles. Après tout, il avait l’apparence d’un jeune elfe du soleil plutôt bien de sa personne (hormis les frusques, bien sûr), le genre qui devait rapporter son pesant de deniers sur un marché aux esclaves.
« Oh ! Je crois que je me suis perdu dans ses vilains égouts ! » s’exclama-t-il à voix haute, en papillonnant des yeux.
[color=#C6600]Petit, petit, petit[/color], songea-t-il avec détachement en prenant un embranchement à droite, au hasard.

[Mornagest]

Pour toute réponse, l'écho de sa voix et de ses pas dans la boue fangeuse se répercutaient sur les parois en pierres taillées. L'eau, souvent mélangée à des débris de toutes sortes ainsi qu'à une mixture davantage solide que liquide, empestait la pourriture et le beurre rance. Bon nombre des conduits des égouts arrivaient dans le collecteur situé dans ce quartier, et visiblement, beaucoup de gens y jetaient également toutes sortes de choses. Durant son trajet, le fey'ri distingua sans peine une baignoire, des planches en bois, des œufs d'araignées géantes...

Mais sa rencontre la plus étonnante fut ce méphite qui débarqua d'un coude en voletant furieusement. Il paraissait chercher quelque chose :

"Mais où est donc ce satané miroir ? Je l'ai chipé pour rien !"

Puis il disparut. Tar Ael haussa les épaules puis poursuivit son chemin, le temps de marcher dans ce qui semblait être un grand trou rempli d'eau, et de produire par la même occasion un "plouf" sonore et aux tonalités visqueuses et écœurantes. Il ressortit de l'orifice crasseux pour se retrouver nez-à-nez avec une tête couverte de tentacules gluantes, prolongée par un corps blanchâtre et annelé. La chose piailla quelque peu, puis lança ses excroissances vers le visage de Tar Ael. Un ver charognard.

[Tar Ael Velluthra]

Le fey'ri poussa un cri épouvanté (et épouvantable) avant de replonger, par réflexe, sous l'eau croupie. Après tout, il n'en était plus à un bain près et les égouts semblaient même un rien plus sains que la Houleuse (c'est dire). Il resta en apnée sous la surface, tâtonnant tout autour de lui pour essayer de trouver une issue, mais il semblait bien qu'il était coincé dans un puits circulaire. Il remonta vers l'air vicié, jeta un oeil inquiet à l'extérieur, et croisa le regard humide et protubérant du ver (une créature particulièrement patiente pour son espèce) (ou simplement affamée). Il prit une profonde inspiration et sombra à nouveau sans demander son reste. L'entropie sous-marine était une nouveauté pour lui, mais Tar'Ael était jeune et plein d'enthousiasme pour les expériences inédites. Il se stabilisa donc à une profondeur moyenne, se bloquant dans le conduit à l'aide de ses jambes et de son postérieur, avant d'esquisser les gestes bien connus d'un sortilège d'invisibilité. Puis, sans attendre, il émergea face à son adversaire.

[Mornagest]

L'entropie aurait pu fonctionner. Tar'Ael aurait pour cela dû vouer un culte sans bornes à Tymora, car elle seule aurait pu le sauver de son bien mauvais pas, du moins s'il persistait à utiliser de la magie sans prendre de précautions préalables. Le fey'ri effronté avait une nouvelle fois échoué son sortilège qui, au lieu de le rendre invisible, lui avait coloré la peau et les cheveux en un vert pâle luisant dans l'obscurité, tandis que ses yeux rougeâtres brillaient plus que de coutume dans les ténèbres du tunnel puant.

La créature vermiforme se dirigeait essentiellement à l'odeur de chair fraîche que dégageait le demi-elfe fou... aussi tourna-t-il son corps vers Tar'Ael en couinant de satisfaction : le repas allait bientôt pouvoir commencer.

[Tar Ael Velluthra]

Tar'Ael fut alors saisi d'un élan ancestral bien compréhensible vu sa situation, et son jeune âge, tandis que les protubérances tentaculaires répugnantes de la larve visqueuse tâtonnaient dans sa direction, projetant leur célèbre poison paralysant, responsable de plus d'une aventure avortée.
Le fey'ri, donc, ouvrit une large bouche phosphorescente et se mit à hurler.
]" Mamaaaaaaaaaaaaan ! Maman au secours ! Maman viens me chercher ! Je suis perdu ! J'ai peur ! Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan! Je m'excuse ! Je ne voulais pas tuer Merkhal ! Je ne voulais pas faire exploser le laboratoire ! Je ne voulais pas détruire l'équilibre du monde ! Mamaaaan !"

[Mornagest]

La créature hésita un court instant en entendant les horribles cris suraigus du demi-elfe parvenir à ses ouïes monstrueuses, mais ne fut pas pour autant décontenancé, et avança ses tentacules vers le visage du fey'ri, qui ressentit avec horreur le contact gluant des chairs molles du ver. Sa peau fut immédiatement plus chaude, et l'irritait désagréablement. Allait-il terminer ici sa pathétique existence de mendiant à moitié fou, dans la gueule d'une créature plus ignoble que lui encore ?

[Tar Ael Velluthra]

N'écoutant que son courage (ou mû par la panique, c'est selon), le fey'ri agrippa alors la bête à pleines mains, enfonçant ses doigts dans la chair visqueuse de ce qui devait être sa gorge (si cela a le moindre sens pour ce type de créature). Surpris, le ver recula, entraînant au passage Tar'Ael hors de son trou.
Dès qu'il eut les genoux sur le sol spongieux du conduit, notre héros (hum) lâcha l'animal et fit volte-face. Dans son empressement, il faillit choir à nouveau dans le puits, mais un bienheureux réflexe lui permit de l'éviter, et il détala à toute vitesse, sans se soucier de la direction qu'il empruntait, espérant simplement mettre le plus de distance possible entre la larve gourmande et sa propre peau dégoulinante de vase.

[Mornagest]

Le ver, bien qu'affamé et ayant l'eau à la bouche après avoir tâté de la viande, n'avait certes pas la possibilité de se mouvoir aussi rapidement qu'un petit elfe propulsé par une peur viscérale de mourir englouti et digéré par d'innommables sucs digestifs aux relents des plus infâmes ; aussi Tar Ael sema-t-il rapidement le monstre qui le poursuivait vainement, mais dans le même temps, se perdit définitivement dans le dédale composé de boyaux en pierres humides et glissantes qu'étaient les égouts de Melandis la Sombre.

Il arriva bientôt à bout de souffle, à un genre d'intersection entre plusieurs tunnels. Apparemment, le collecteur principal partait de là, vu la dimension de l'un des boyaux, dans lequel un ogre eut pu se tenir debout sans peine, et vu les odeurs, encore plus répugnantes, provenant des détritus charriés depuis les tréfonds des quartiers les plus puants de la cité. Le fey'ri mettrait des semaines à se débarrasser de la crasse fangeuse qui lui ornait les cheveux, dégoulinait sur sa peau, et dégouttait de ses vêtements presque inutiles. Ses yeux lui piquaient, il maudissait son nez de pouvoir renifler de pareilles volutes fétides, et se demandait maintenant quelle raison absurde l'avait poussé à voyager dans un environnement aussi croquignolet.

Brusquement, Tar Ael tendit l'oreille. Il entendait des voix, répercutées sur les parois d'un tunnel partant sur sa gauche.

[Tar Ael Velluthra]

Le jeune fey’ri était bien conscient qu’il y avait peu de chances qu’un groupe d’individus traînant dans les égouts mélandiens soit bien recommandable. Mais il ne se considérait pas à proprement parler comme très recommandable lui-même.
Il était aussi parfaitement conscient qu’il y avait peu de chances pour que ces personnes disposent d’une serviette, de vêtements de rechange, voire d’un pain de savon. Qu’il y avait peu de chances pour qu’elles l’accueillent à bras ouverts avec un bon grog et un souci sincère pour sa santé. Qu’il y avait peu de chances pour qu’il s’agisse d’une caravane de touristes luméniens égarés. Ou des représentants en elfes du soleil pas trop chers.
Mais Tar’Ael avait appris à vivre avec le « peu de chance », comme tout bon entropiste qui se respecte. Il savait que tenir compte des probabilités ne servait à rien, que le destin mettait toujours le pire en travers de sa route, quoi qu’il décide de tenter ou, justement, de ne pas tenter.
Crotté, de mauvaise humeur, indisposé par 100% des caractéristiques de son environnement, il décida donc d’aller saluer les comploteurs de la fange, sans s'en prémunir d’aucune manière.

[Mornagest]

Pour autant qu'il pouvait en juger avec la très mauvaise acoustique des égouts - le concepteur aurait dû faire davantage attention à ce paramètre, étant donné le très élevé taux de fréquentation de cet endroit prisé par les brigands et les vauriens - Tar Ael estimait que les voix ne provenaient pas de bien loin ; guère plus de deux cents pas. Il marchait rapidement, désireux de terminer son odyssée malpropre au plus tôt et retourner voir la face du soleil, tout en essayant vaguement de comprendre ce que les voix racontaient, mais l'écho était par trop important. Du reste, elles se turent bientôt. A cause de l'approche du fey'ri ?

Apparemment, non, car lorsqu'il arriva sur un nouveau coude, il aperçut, plus loin, le groupe d'où provenaient les murmures. Un groupe de femmes, une sizaine visible du point où il se trouvait. Elles paraissaient perdues dans d'immenses réflexions métaphysiques sur le devenir de leur organisation secrète, à en juger par la mine déconfite qu'elles affichaient pour la plupart sur leur joli minois. Nulle d'entre elle ne regardait vers le boyau où se tenait Tar Ael.

[Tar Ael Velluthra]

Téméraire mais pas trop, Tar’Ael réalisa qu’il s’agissait là probablement de sa seule opportunité de prendre les donzelles par surprise. Il n’était bien sûr pas du tout certain qu’elles soient les viles tueuses responsables de la mort du Luménien noyé, mais les gentes dames de bonne famille n’erraient probablement pas souvent dans les conduits visqueux de la cité.
En temps normal, il se serait dirigé sans frémir vers ces demoiselles, certain de pouvoir les conquérir à l’aide de son charme ravageur. Un trait d’humour, un sourire, une œillade, et hop, l’embarras du choix pour terminer la nuit. Mais vu l’odeur délicate qu’il dégageait alors et la délicieuse vision de son anatomie phosphorescente et humide, il avait comme un doute sur l’efficacité de la technique.
Il devait donc trancher entre ses deux dernières actions possibles : soit il lançait un énième sort (mais il n’avait pas l’impression qu’il lui restait grand chose dans la caboche : sans doute des projectiles magiques, un peu de grâce féline, un bouclier de mage inutile (mais c’était pour faire plaisir à sa maman) et une dissipation de la magie (toujours utile pour un entropiste)) en espérant que le destin fasse en sorte qu’une boule de feu rôtisse toutes ces dindes, soit il utilisait sa baguette anonyme, priant là aussi pour qu’une sphère meurtrière en jaillisse, plutôt que le genre de lamentable petit sort de sommeil qui ne fonctionne jamais sur personne.
Il hésita une seconde, une deuxième, puis ferma les yeux et brandit sa baguette toute tordue avec conviction.
Le sort en est jeté, songea-t-il, ce qui était étrangement approprié dans le contexte.

[Mornagest]

Le sort est parfois chose bien étrange. En général, il aide vaguement à réaliser quelque exploit certes agréable pour son égo, comme parvenir à viser un arbre à l'aide d'un petit caillou, situé à plusieurs mètres de là, sans vraiment viser, ou simplement à croiser le doux sourire d'une gente damoiselle... voilà qui représentait à peu près les possibilités positives du sort.

En revanche, lorsqu'on avait réellement besoin de son soutien, il se carapatait dans ses retranchements, préférant laisser l'infortune prendre le dessus... en particulier lors d'un combat, qui faisant glisser le guerrier face à un demi-orc enragé, qui faisant échouer un sortilège décisif lors d'un duel entre archimages détestés.

Pour une fois, les règles semblaient avoir changé. La malchance, qui avait collé à la peau de Tar Ael tel un vieux pansement usagé, semblait enfin vouloir lui lâcher un peu les semelles. Alors qu'il tendit la main, baguette pointée vers le groupe d'amazones, l'une d'entre elles le vit, du coin de l'oeil. Elle cria quelque chose de désagréable - probablement un abominable juron que nous ne retranscrirons pas ici dans le but de conserver la bonne réputation des dames - ce qui fit sursauter le fey'ri d'indignation. Du coup, au lieu de viser directement les femmes, sa baguette pointait vers le plafond les surplombant. Bien lui en prit, car ce qui fut projeté du bout informe de métal, ou de bois, ou de quelque matière étrange dont elle était composée (on s'en fiche après tout) fut un sortilège de déjointoiement des pierres. Celles-ci, privées de leur cohésion cimentée, s'écroulèrent d'un seul bloc sur le groupe de brigandes, qui furent écrasées dans un vacarme assourdissant, sous les yeux mi-émerveillés, mi-effrayés de Tar Ael.

[Tar Ael Velluthra]

Tar’Ael resta immobile une seconde, le temps de vérifier que le plafond ne lui tombait pas sur la tête, puis s’avança à pas de loups vers l’amas de pierres et de chairs. Une baguette de déjointoiement des pierres, bon sang, d’où sortait-elle ? A quoi pouvait-elle bien servir ? A affronter les golems de sa tante Moline ? A pénétrer aisément dans les châteaux, tours de mage et autres villas cossues du Havre Bourgeois ? C’était une baguette de cambrioleur, pas de maître entropiste !

Du bout du pied, le fey’ri renversa une première pierre, révélant le corps désarticulé de ce qui avait dû autrefois être une jeune femme et n’était plus qu’une bouillie infâme. Un bloc particulièrement volumineux lui avait emporté la tête, réduisant son visage peut-être avenant à une sorte de pizza esquilles d’os – cervelle, sur laquelle surnageait un globe oculaire presque intact. Le reste de son corps était en meilleur état (sauf la jambe gauche) et Tar’Ael lui dénuda la poitrine d’un geste sec.
Aucune trace d’un dragon rouge.
« Plus que cinq… » maugréa-t-il avec mauvaise humeur.

[Mornagest]

Le tas de pierres était immense, et il lui faudrait beaucoup de temps pour parvenir à dégager les corps des femmes retenues prisonnières en dessous. Tar Ael pesta vaguement, puis réfléchit à d'autres choses tandis qu'il dégageait patiemment pierre après pierre les obstacles qui le séparaient de son éventuelle proie. Il aperçut bientôt une main droite, qui dépassait d'un tas de poussière et de gravillons couverts d'une substance baveuse et d'un vert douteux.

Il s'affairait à la dégager de là pour atteindre le reste du corps, quand soudain, les doigts de la main se refermèrent sur le poignet de Tar Ael, en le lui serrant avec une force inouïe.

[Tar Ael Velluthra]

Lorsque la main de ce qu’il avait cru être un cadavre se referma sur son poignet, le fey’ri poussa un hurlement de terreur. Certes, l’épisode en lui-même était peu réjouissant, mais cela lui rappelait aussi cet horrible histoire que sa mère lui racontait quand il était petit, où un barde d’outre-plan hantait les égouts d’Eauprofonde, grimé et déguisé, à la recherche d'enfants innocents, qu’il tirait, désarticulés, dans les souterrains putrescents sous la ville, pour les dévorer dans son repaire.
Où en étais-je ?
Ah oui, Tar’Ael.
Il s’époumona donc et se servit de sa baguette de voleur-indigne-d’un-magicien pour frapper les doigts qui l’enserraient avec violence et vivacité (mais sans force).
« Laaaaaaaaaaaaaaaaache-moi, maudit ! » finit-il par cracher, au cas où l’agrippant personnage n'aurait pas compris sa démarche.

[Mornagest]

Loin de suivre l'imprécation de Tar Ael, l'emprise de la main se fit plus forte, tandis que, tout autour d'elle, les gravats se dégageaient petit à petit, laissant progressivement apparaître la silhouette d'une forme humaine. La femme qu'il avait cru morte se relevait maintenant, et ce, sans aucune peine, apparemment.

Elle se débarrassa des morceaux de pierres restés sur ses vêtements en lambeaux. Sa peau était dénudée sur les bras et une partie de son épaule gauche, et du sang coulait de nombreuses écorchures ; rien de bien vilain. Cependant, le pire était sans conteste sa tête, qui, bien qu'à moitié écrasée par quelque chose de lourd et de coupant, restait encore en un seul morceau posé sur les épaules de la "femme", qui semblait n'avoir guère apprécié ce traitement. Les os du crâne étaient brisés et saillaient par endroit sous la peau déchirée. Un magma visqueux et rosâtre palpitait sous les diverses couches de tissus autrefois humains, qui projetait à intervalle parfaitement régulier un petit jet de sang à l'extérieur de la tête.

Quelle que fut cette chose, elle ne ressemblait plus guère à une femme, excepté de vagues souvenirs de formes autrefois pulpeuses, au niveau de la poitrine et des hanches.

[Tar Ael Velluthra]

Tar’Ael s’arc-bouta pour se dégager, mais la chose était nettement plus musculeuse que lui (ce qui n’était pas bien difficile, je vous le concède) et sa prise était ferme. Lorsqu’une troisième éclaboussure sanglante l’atteignit au visage, le fey’ri réalisa qu’il allait tourner de l’œil.
« Mademoiselle, s’il vous plait… je peux partir ? Je me suis trompé heu… d’adresse… » gémit-il sans espoir.
La créature n’avait pour ainsi dire plus d’oreilles, et même si elle en avait été pourvue, il était peu probable qu’elle accède à la requête de celui qui leur avait balancé le plafond sur le crâne. Combattant son dégoût, le jeune entropiste décida de s’attaquer à ce que son adversaire avait de plus sensible : la tête. Détournant les yeux, il brandit sa main libre, bien décidé à décocher un uppercut mémorable à la face morcelée qui le fixait avec haine.
Tar'Ael se promit de ne jamais décrire ni le son, ni la sensation qui suivirent à personne, pas même à un petit-fils curieux et amateur de sensations fortes, quel que soit le chantage appliqué.

[Mornagest]

L'espèce de bouillie qui tenait lieu de tête s'écroula de son support au faible coup de poing que lui porta Tar Ael. Le corps, toujours debout, s'arrêta de marcher et de serrer le fey'i au poignet, puis s'écroula à plat sur le sol, répandant de nouvelles éclaboussures de sang venant se mêler à l'épaisse couche de poussière qui couvrait désormais le sol, formant dessus un sinistre mortier rosâtre.

La créature reprit sa forme originelle, à la peau grise et terne, aux griffes effilées et aux bras mous sans réelle articulation ; un doppleganger.

[Tar Ael Velluthra]

Le fey’ri resta un instant paralysé de stupeur. S’il avait vu beaucoup de choses étranges au cours de sa courte vie, c’était sa première rencontre avec l’un de ces êtres métamorphes. Mais en réalité, il était plutôt soulagé d’avoir affaire à ce type de monstres sanguinaires plutôt qu’à une femme. Au moins, leur psychologie était assez facile à comprendre : tuer, manger, grogner. Se reproduire, sans doute, mais ça il préférait n’en rien savoir.
Une fois sa seconde de paralysie terminée, Tar’Ael prit conscience d’un détail autrement plus significatif : le monstre l’avait lâché.
N’écoutant que son courage proverbial, il prit alors une décision qui devait changer le cours de son existence : il déguerpit au plus vite, peu soucieux du caractère répétitif de cette réaction.
Après tout, plus on répète un comportement, plus on devient expert dans celui-ci, pour autant qu'il soit couronné de succès. L'entropiste était bien parti pour obtenir ses galons dans le domaine ô combien opportun de la fuite souterraine.

[Mornagest]

Sa fuite, mue par l'instinct de survie quelque peu détourné de ses origines - le danger était écarté, la bête étant morte - était désordonnée et maladroite. Tar Ael glissa plusieurs fois, dans les couloirs coudés et couverts de fange malpropre et odorante. Les derniers pans de ses vêtements déchirés étaient couverts d'une mousse verte et noire, et qui paraissait se mouvoir d'elle-même. Un vrai régal pour les yeux.

Alors qu'il se perdait entièrement dans le dédale de la cité souterraine, le fey'ri téléscopa littéralement quelqu'un qui venait dans l'autre sens, apparemment à la même vitesse ; le temps de se secouer la tête, et il constata qu'il s'agissait là d'une très belle jeune fille, blonde aux yeux verts intenses (Tar Ael étant doué d'infravision, il pouvait voir bien des détails malgré les intenses ténèbres), habillée d'un genre de toge rouge foncé. Une épée à la taille, maintenue dans un fourreau, le tout accroché à une ceinture en cuir marron. La femme se frotta le front, cherchant de l'autre main un appui pour se relever.

[Tar Ael Velluthra]

« Damoiselle, permettez… » fit-il en lui offrant une main secourable. « Vous me voyez confus… très confus… la confusion engendre le délire, du délire vient l’hilarité, le rire, le bonheur, le plaisir, le désir… Vous êtes ravissante, le saviez-vous ? Sans doute oui, les gens ravissants le savent toujours, de leur naissance à leur mort, les flatteurs gravitent… mais il suffit, il suffit d’un peu de morve, d’un peu de boue, d’un peu de sang, et même l’allure la plus divine redevient digne de la soue du porc, de n’importe quel verrat putride et répugnant, et me voilà qui me présente à votre beauté en tel état, princesse, vos yeux ! Emeraudes, je dirais, cette lueur d’intelligence qui brille, m’éblouit, transcendé je recule, pourriez-vous seulement jeter un regard sur la créature informe qui vous fait face et qui, scandale, a projeté votre superbe dans la fange de ses lieux… Je serai puni, soyez sans crainte, le destin, serein, glacial, me trahit sans cesse, comptable infernal de mes péchés. »
Subitement, il retira la main qu’il lui tendait, la frotta sur son manteau trempé, puis lui jeta un regard dégoûté.
« Je ne puis poser cette paume infecte sur votre peau délicate, elle en serait souillée… Il va falloir que vous vous releviez seule, je le crains. »

[Mornagest]

La jeune femme le regarda, éberluée par le discours sans queue ni tête de celui qui lui faisait face. Puis, de la stupeur, elle passa à la méfiance ; que venait faire un ahuri pareil dans les égouts, alors qu'elles étaient censées veiller au grain ? Avec circonspection, elle se leva, tout en continuant à toiser l'espèce d'elfe qui lui faisait face - en la reluquant assez peu, malgré son air bizarre.

"Qui êtes-vous, messire ?" demanda-t-elle, suave.

[Tar Ael Velluthra]

« Mon nom ? » demanda le fey’ri.
La lèvre inférieure de Tar’Ael se mit à trembler.
« Vous voulez vraiment connaître mon nom ? Vous n’êtes pas mélandienne, n’est-ce pas ? Vous savez qui était la dernière personne à m’avoir demandé mon nom ? Avec un réel intérêt ? Un souci sincère ? Non ? Moi non plus. Mais ça date, c’est sûr. A Mélandis, on s’en fiche pas mal, pas vrai. C’est chacun sa crotte. Enfin… Vous… vous me l’avez demandé. Mon nom. »
Il s’interrompit, en proie à un doute affreux.
Son nom.
« Attendez, faut que je me souvienne. Je pense que ça commence avec un M. Ou bien un T. Si je l’écris, ça ira mieux. »
Il se tourna vers le mur, et se mit à tracer des signes dans le vide, concentré, avant de se retourner vers la jeune femme.
« Il faut m’excuser, j’ai subi pas mal… de traumatismes ces dernières heures. Je suis un peu… confus. »
Il sourit, de cet incroyable sourire ravageur qui faisait toujours tomber les demoiselles en pâmoison, du moins quand il était propre.
« Je pense que je m’appelle Mornasin. Quelque chose comme ça. Mornasin, ça semble possible ? Je ne suis pas certain à 100%, désolé. Et vous ? »

[Mornagest]

Il se fichait d'elle, cet hurluberlu ! A moins qu'il ne soit ivre ; mais son haleine - l'elfe n'était pas très loin d'elle - n'empestait pas l'alcool, seulement la poussière et la fange. Avait-il avalé de l'eau d'égout sans le vouloir ? Cela expliquerait son état étrange.

"Ma foi, je n'escomptais pas connaître votre nom. On fait de drôles de rencontres, par ici, vous savez. J'aurais voulu savoir ce que vous faisiez là, plutôt. Les gens bien se promènent rarement ici... par hasard."

Le ton était dénué d'agressivité, mais ses propos dénotaient une grande suspicion.

[Tar Ael Velluthra]

Le fey’ri fut un peu décontenancé. Il aurait vraiment aimé connaître le prénom de la demoiselle aux yeux si verts. Mais il avait l’impression qu’insister aurait été déplacé, impoli peut-être, et il avait à cœur de ne pas décevoir la belle.
« Ah. Ça. C’est sûr que ce n’est pas pour les bains de boue. » fit-il. « En fait, je cherche… heu… une chasseuse de primes. Pour l’engager. Très forte. Douée. Avec une belle poi… poigne. Et… aussi un goût pour les lézards. Ceux qui crachent du feu. Ça vous dit quelque chose ? »
Sans vraiment le vouloir, il lorgna vers la poitrine de la jeune femme, qu’elle avait dissimulée et opulente. Avec un peu de chance, un dragon dansait sur sa peau, maléfique, prêt à noyer les Luméniens imprudents.
C’était un peu paradoxal, non ?
En même temps, Tar’Ael n’avait pas de chance. La demoiselle était sans doute en train de se rendre à un rendez-vous galant et avait choisi un raccourci somme toute mieux fréquenté que le Havre Bourgeois.

[Mornagest]

La jeune demoiselle parut ne pas savoir de quoi il retournait.

"Des chasseuses de primes ? Ici ? Êtes-vous bien sûr de ce dont vous me parlez ? Des goules, des gelées infâmes, des noyeurs, j'aurais bien compris que vous les eussiez cherché par ces lieux étranges, mais des femmes..."

Elle darda un regard interrogateur à l'elfe, et remarqua par là qu'il lorgnait sur sa tunique quelque peu affriolante. Un pervers ? Un détrousseur de cadavres ? Toujours était-il qu'il était pour le moins agréable à regarder, ce petit être étrange.

"Quant à moi, j'ai trouvé ce que je cherchais ; je m'apprêtais à remonter en surface. Faisons-nous route commune, ou préférez-vous rester ici à traquer de fantômatiques amazones ?" Elle le gratifia d'un sourire des plus sympathiques.

[Tar Ael Velluthra]

« Oh, ha… Mais… Je devrais vraiment… mais puisque vous le proposez… Je pourrais… oui ! C’est une excellente idée. Vous avez raison… Je suis désolé de vous imposer mes… mes loques, et cette odeur, j’ai eu le pied peu sûr, ces derniers temps, et semble avoir développé une attirance imprévue pour l’eau croupie. A moins que ce ne soit l’eau croupie qui me trouve à son goût, c’est possible, vous savez. On parle bien de mémoire de l’eau, peut-être l’eau est-elle aussi capable de sentiments… D’aimer, de haïr… Dans mon cas, je crois qu’elle me hait, en fait. Vous cherchiez quelque chose, donc ? Vous l’avez trouvé ? Dans les égouts ? »

[Mornagest]

La jeune fille sourit.

"Aussi surprenant que cela puisse être... oui. Vous savez, le hasard fait parfois bien les choses." Elle s'était mise en marche, repartant vers le conduit qu'elle venait d'emprunter quelques instants plus tôt, avant d'entrer en collision avec Tar 'Ael.

"Il y a une sortie non loin d'ici. Elle mène vers les commerces de la Cité. Hâtons-nous, car le soleil va bientôt se lever, et vu votre état, il vaut mieux que les gens ne vous voient pas. Enfin, sauf si tel est votre désir, après tout...", ajouta-t-elle malicieusement. Elle exhalait la candeur, et, en la suivant de quelques pas, le fey'ri avait tout le loisir de contempler sa longue et généreuse chevelure blonde.

Ils ne parcoururent qu'environ trois cents pas, puis elle s'arrêta au-dessous d'une espèce de conduit partant tout droit vers la surface. Examinant le mur suintant d'eau glacée, elle décela des échelons en fer rouillée scellés dans la pierre.

"Êtes-vous prêt ?" Elle se demandait avec amusement si l'elfe allait se proposer pour passer devant. Après tout, elle portait une tunique assez ample...