[Quête] Par monts et par vaux

[Taliesin]

Taliesin s'était immobilisé à quelques pas de Galathée, sans oser s'approcher davantage. Il observa Victor un moment, puis son regard revint à la rôdeuse. Il ne put cependant la dévisager longtemps et, rapidement, il baissa les yeux, gêné, contrit, penaud. Son soulagement de voir l'enfant en vie n'avait d'égale que son malaise et, un long moment, il ne put prononcer aucun mot.
-Je... je suis désolé... finit-il par lâcher, dans un souffle.J'ai été irresponsable... Je savais bien que je n'aurais pas dû lui permettre de jouer avec le fantôme mais... Elle avait l'air inoffensive, et... Je ne suis rien pour Victor. Lui aurais-je interdit de la voir qu'il n'en aurait pas tenu compte. Mais... J'ai été lâche. Je ne voulais pas de drame, pas de conflit... Sans cette prêtresse, c'est au cimetière que tu l'aurais retrouvé... Je suis désol,é Galathée. J'ai failli...
A cet instant, il avait l'expression exacte qu'aurait pu avoir le petit garçon si on l'avait surpris en train de faire une bêtise. A la différence près que sa bêtise à lui aurait pu causer la mort de Victor, ce dont il avait parfaitement conscience.

[Galathée]

La jeune femme parut surprise de cette soudaine confession et elle attrapa Taliesin par la manche pour l’obliger à s’asseoir.
« Ne te charge pas de choses dont tu n’es pas responsable. » fit-elle. « Je n’aurais pas dû vous laisser seuls tous les deux si rapidement. Pas parce que tu es incapable de t’occuper de lui ou parce que tu es lâche, ou je ne sais quelle baliverne… Mais tu as raison, il n’est peut-être pas encore possible pour toi d’exercer une autorité forte… »
Elle sourit.
« Et pour moi non plus, cela dit. Mais sans doute un peu plus. »
Elle posa une main sur la sienne, la serra doucement.
« Mais ne te charge pas. Je ne sais pas si j’aurais réagi autrement, probablement pas, d’ailleurs. Si un fantôme est amical, je ne l’aurais pas condamné parce qu’il est fantôme. Certainement pas. »
Elle le dévisagea, jusqu’à ce qu’il relève les yeux.
« La forêt, le monde, regorgent de dangers. C’est quelque chose que nous devons accepter, toi et moi. Nous le savons pour nous-mêmes, l’avons toujours vécu, mais nous devons l’accepter pour Victor, et accepter qu’il sera encore mille fois en danger. En même temps, le garder enfermé n’est pas possible. Il va bien, c'est tout ce qui compte, et tu as fait la chose à faire en venant ici, et tu reviens vivant, moi ça me suffit. »
Victor courut jusqu’à eux, poursuivit par son ami invisible qui s’avéra être un renard roux facétieux.
« On peut l’emmener ? » demanda-t-il à Galathée, tout en s’appuyant contre les genoux de l’elfe, comme s’il était un allié par défaut.
« C’est l’ami de Gérold, Victor. Ce ne serait pas très gentil de les priver l’un de l’autre. »
« Bah ! » répondit le gamin.
Puis il reprit sa sarabande dans les blés sauvages.

[Taliesin]

L'elfe serra doucement la main de la rôdeuse. Ses paroles l'avaient profondément soulagé, et il lui adressa un sourire. Un petit sourire, certes, mais un sourire tout de même. Et son expression était indéniablement plus légère que quelques instants auparavant.
-Tout est bien qui finit bien... dit-il. Même si j'aurais dû te prévenir. Je ne l'ai pas fait, pour t'épargner ces soucis, te laisser souffler un peu. Mais ça a été peine perdu, car tu as l'air d'avoir passé une bien mauvaise nuit...
Il se pencha, effleura du bout des doigts la joue de la jeune femme.
-A ce propos... Comment se sont passées tes journées ? Pas trop de cas difficiles ? De ventres de vaches à explorer de tes mains ?

[Galathée]

Les trois compagnons ne s’éternisèrent pas longtemps à Hautépine. Galathée avait terminé ce pourquoi elle s’y était rendue, Victor était en pleine forme, et Taliesin profitait toujours de l’énergie magique que lui avait insufflée Valaellyn. Ils remercièrent les clercs pour leur aide, puis reprirent la route des bois, l’enfant en croupe de la rôdeuse, tandis que l’elfe cheminait en tête. Lorsque la jeune femme proposa de leur raconter ses occupations des derniers jours, le gamin protesta avec tant de véhémence qu’elle décida de garder son récit pour des heures plus noires, lorsqu’il dormirait. Elle se contenta donc de parler des gens qu’elle avait rencontrés, sans entrer dans les détails de ses interventions.
Ces quelques jours dans les fermes l’avaient vraiment replongée au cœur de sa vie passée, une vie qu’elle avait abandonnée pour une raison grotesque, et elle avait retrouvé des sensations oubliées, l’impression de maîtriser quelque chose, d’être à sa place, de faire ce qu’elle savait faire, et de le faire bien. C’était quelque chose d’indescriptible et de privé, mais elle sentait bien que cette étrange plénitude rejaillirait sur son comportement quotidien.
Elle était heureuse de revoir Taliesin et Victor en bonne santé. Le récit de Gérold l’avait paralysée d’effroi, mais lorsqu’elle avait atteint le sanctuaire, l’enfant était déjà tiré d’affaire, preuve que l’exorcisme avait réussi. C’était une chance qu’elle n’ait appris la présence de Taliesin et Victor à Hautépine qu’au petit matin, en devisant avec un garçon de ferme qui venait de remonter du hameau. Elle n’avait pas pu s’inquiéter. Bien sûr, Taliesin aurait pu souffrir de sa rencontre avec le spectre. Mais il n’en était rien. Il paraissait troublé, peut-être plus ébranlé qu’avant son départ, mais les choses décanteraient. Il avait sauvé le gamin, quoi qu’il en dise, même si Victor n’avait pas de souvenirs réels de ces derniers jours, juste l’impression diffuse d’avoir joué avec quelqu’un dont il avait oublié les traits.
Ils arrivèrent à la chaumière en fin de journée, et Galathée offrit de s’occuper de leurs montures tandis que Victor retrouvait son chat avec enthousiasme et lui parlait de son ami renard rencontré dans les prés de Chauntéa.

[Taliesin]

Les jours passèrent, paisibles, dans la petite clairière qui semblait avoir retrouvé sa quiétude, et même davantage. Que ce soit la paix qui émanait à présent de l'endroit, ou simplement le plaisir d'être à nouveau réunis, les trois compagnons passèrent d'agréables moments, et rien ne vint assombrir leur quotidien.
Taliesin appréciait plus que jamais la présence de la rôdeuse, et il essayait de lui manifester ce sentiment sans pour autant se montrer oppressant. Il ne voulait pas qu'elle hésite à repartir, si elle en éprouvait le besoin. Pourtant, il redoutait cette perspective. Ses nuits étaient agités : mais, lorsqu'il se réveillait, la jeune femme était à côté de lui, et il puisait du réconfort dans son simple contact, dans sa chaleur. Elle était là, bien vivante, et cela suffisait à éloigner les ténèbres.
Quant à Victor, il semblait aller mieux. Il avait retrouvé son indépendance coutumière et passait le plus clair de son temps à jouer en compagnie de son chat ou à explorer les environs, même s'il ne s'éloignait guère de la maison. Et il ne fuyait pas non plus la présence des deux adultes, acceptant avec enthousiasme lorsqu'ils lui proposaient de participer à quelque activité que ce fut. Ses nuits aussi étaient plus calmes, même si elles ne furent pas toutes exemptes d'accidents. Cependant, cela se régla sans heurts, tout naturellement, tout simplement, le gamin rejoignant dans leur chambre l'ancien barde et la rôdeuse.
Petit à petit, une routine bienvenue s'installa, chaleureuse, tranquille.
En ce qui concernait Taliesin, les choses auraient pu durer ainsi éternellement. C'était tout ce dont il avait besoin pour se reconstruire, semblait-il.

[Galathée]

Au cours de ces quelques journées, Galathée perçut un léger changement dans le rapport qu’entretenaient Taliesin et Victor, comme si, en dépit du drame et de l’amnésie de l’enfant, il y avait souvenir d’un partage plus sincère, plus confiant. Cette fois, leur cohabitation n’avait pas tourné à l’affrontement, comme lorsqu’ils avaient eu à affronter les tromperies de Fumeterre. C’était un bon signe, mais en réalité, la rôdeuse n’avait jamais douté que les choses se mettraient en place peu à peu. Victor était blessé, abandonné, inquiet, mais il cherchait des adultes pour se stabiliser dans sa nouvelle existence, retrouver des repères, une protection, un refuge. Dans son trouble, l’ancien barde était d’une extrême bonne volonté, parfois tempérée par ses affres, mais jamais volontairement. Comme il l’avait promis, il faisait des efforts. Elle ne pouvait que s’en réjouir.
Les semaines succédèrent aux jours dans leur microcosme estival, et peu à peu leur espace de vie se mua en un véritable lieu de résidence. Victor arrangea sa chambrette avec soin et commença à y entreposer des trésors qu’il ramenait de ses escapades.
Pendant les premiers jours qui avaient suivi son retour, il était resté dans la clairière, circonspect, avant de s’émanciper à nouveau. Galathée avait dû rasséréner Taliesin, et avait mis le chat dans l’ombre de l’enfant, comme garant de sa sécurité. Victor était un petit garçon ordinaire, turbulent et curieux, mais il avait plus de plomb dans la tête que bien des hommes de trois fois son âge. La rôdeuse, malgré l’épisode du spectre, lui faisait confiance. Il avait oublié mais il avait appris. Il ne s’éloignait de toute façon jamais bien loin.
Il avait redécouvert la clairière de l’arbre renversé au cours d’une de ses promenades sylvestres, et curieusement, presque instinctivement, il avait confié sa trouvaille à Taliesin plutôt qu’à Galathée. Au cœur de la trouée, dans l’herbe verdoyante, un mûrier sauvage avait poussé, envahissant la souche crochue. Les fruits n’étaient pas encore arrivés à maturité, mais promettaient de belles indigestions. Victor l’avait regardé cérémonieusement, presque effrayé, avant de s’en réjouir.
De leur côté, les deux adultes continuaient à vaquer aux occupations tranquilles de la maisonnée. Galathée s’occupait de l’intendance, Taliesin des installations, et ils trouvaient du temps pour paresser au soleil, nager ou bavarder.
L’été les figeait dans une félicité inédite, à la fois quotidienne et inespérée.

[Taliesin]

Doucement, comme à regret, les démons de Taliesin s'éloignaient. Ils ne disparaissaient pas. Sans doute ne le feraient-ils jamais. Mais ils avaient déserré leur éteau et ne venaient plus guère le hanter que dans ses rêves, laissant les jours à la lumière du soleil, aux activités quotidiennes auxquelles l'elfe s'adonnait, à la joie toute simple de partager des instants avec ses deux compagnons de retraite.
Il avait remis en état le petit potager, derrière la maison, et l'avait même agrandi, aidant la rôdeuse à semer des plantes de saison qui ne tarderaient pas à donner leurs premiers fruits. Il s'était également occupé de dégager un espace suffisant pour que les chevaux, la chèvre et les poules ne se sentent pas à l'étroit, le fermant de barrières rudimentaires mais solides. Il était loin d'être un excellent menuisier, mais au moins ses réalisations bancales remplissaient-elles leur office. Comme leurs lits qui, faute d'être d'un esthétisme flamboyant, ne s'écroulaient pas sous leur poids...
Cela, ajouté aux promenades, aux baignades, lui procurait un épuisement bienvenu, et il dormait souvent profondément, pas même réveillé par les rêves sombres qui venaient encore le troubler. Mais, au fond de lui, il savait que cela ne durerait qu'un temps : déjà, il ne restait plus grand chose à faire dans la maison ou à ses abords. Et quand viendrait l'hiver, les distractions elles-mêmes se raréfieraient Sans parler de l'argent : lorsque la forêt endormie cesserait de leur prodiguer leur subsistance, Galathée devrait souvent retourner travailler au village. Et si l'ouvrage manquait...
Si l'ouvrage manquait, il devrait travailler. Et la seule chose qu'il savait faire de manière à peu près convenable, c'était chanter et jouer de la harpe.
L'idée lui trottait dans la tête depuis un moment. La musique lui manquait, mais il avait trop peur de s'y consacrer à nouveau, trop peur de ce que cela pourrait réveiller. Plusieurs fois, il avait déballé sa harpe, pour l'enfouir presque aussitôt dans sa gangue de toile, incapable d'en soutenir la vue, d'imaginer poser ses mains souillées de sang sur ses cordes, son cadre...
La pensée se précisait, cependant. Et, un après-midi, alors que Galathée était partie chasser et que Victor s'amusait dans les parages, il la déballa une fois de plus. Refoulant ses réticences, il se força à la prendre dans ses mains. Assis près de la cheminée éteinte, il demeura longtemps immobile, sans rien oser faire. Il faillit la reposer mais, se morigénant, il égrena quelques notes maladroites.
Qu'elles sonnaient misérablement ! Que l'enchaînement paraissait malhabile ! Le dépit l'envahit, en même temps que la colère et les remords., et il se hâta de la ranger puis de sortir au dehors, l'esprit troublé.
Il n'y retoucha pas pendant près d'une semaine. L'idée, toutefois, ne le quittait pas, et il finit par renouveler l'expérience. Sans guère plus de succès, mais avec un peu moins d'appréhension.
Alors, il se décida à reprendre de l'exercice. Peu de temps chaque jour, quelques minutes, lorsque ni la rôdeuse ni l'enfant n'étaient dans les environs. Mais il s'y maintint, espérant retrouver des sensations, espérant que le trouble s'amenuiserait si jouer de sa vieille harpe s'inscrivait lentement dans son quotidien.
Espoir longtemps déçu. Mais il persévéra.

[Galathée]

Vint la veille d’un nouveau départ de Galathée pour Hautépine. Elle avait promis de repasser voir une vache boiteuse et un bélier au comportement incontrôlable. Bien sûr, elle en profiterait pour refaire leurs réserves de certaines denrées qu’ils n’avaient pas encore réussi à produire, comme les bougies ou le papier. Victor avait pris la nouvelle avec flegme, mais la rôdeuse avait senti l’elfe plus tendu. Aussi, à la nuit, alors qu’ils reposaient à nouveau l’un près de l’autre, elle lui toucha l’épaule.
« Je sens que mon départ te met mal à l’aise. Je te promets d’être rentrée à la nuit… Rien ne me retiendra, cette fois. » souffla-t-elle.

[Taliesin]

Dans l'obscurité, l'elfe lui prit doucement la main.
-Je suis désolé, murmura-t-il. Je ne veux pas t'inquiéter, ni t'empêcher de partir. Je sais qu'il le faut, que ça te fait du bien... Ne te fais pas de souci, tout se passera pour le mieux.
Il était honteux d'avoir été ainsi percé à jour, de n'avoir pas su, pas pu dissimuler son trouble. Mais les choses étaient ce qu'elles étaient. Autant, dès lors, dire ce qu'il avait sur le cœur.
-Simplement... Je sais que c'est idiot, mais... Quand tu t'éloignes, j'ai toujours peur que quelque chose se passe, que tu ne reviennes pas. Je... Je n'arrive pas encore à croire à la chance que j'ai eu de te retrouver, de retrouver des liens qui me rattachent à l'existence. Je crains de tout perdre, du jour au lendemain...
Il poussa un profond soupir.
-Mais c'est stupide. Je ne peux pas te demander de rester sans cesse sous mes yeux. J'imagine que ça fait partie de mon réapprentissage de la vie. Accepter de te voir t'éloigner et me convaincre que tu reviendras. Qu'il n'y aura pas de drame, de malheur. J'y arriverai. Il ne faut pas t'inquiéter.

[Galathée]

« Je ne m’inquiète pas vraiment. Je sais que tu as plus de ressources que tu ne le crois. » murmura-t-elle. « Et il ne m’arrivera rien. Je ne vais pas m’enfuir. Je serai là demain soir pour dormir près de toi. »
Elle aurait voulu dire qu’il fallait aussi qu’il réapprenne à vivre pour lui-même, mais c’était prématuré. Quelques semaines les séparaient, seulement, de l’instant où il avait fait volte-face, repoussant le trépas qu’il s’était destiné. Et même si c’était un peu puéril, elle était plutôt contente de l’entendre verbaliser son attachement. Elle avait toujours peur d’y lire plus que ce qu’il s’y trouvait, plus qu’une reconnaissance pour ce qu’elle avait tenté, mais en même temps, à force de rester pelotonnée contre lui, nuit après nuit, elle était bien obligée de penser, d’espérer, qu’il y avait là plus qu’un simple besoin de contact humain pour chasser les ténèbres. Ou peut-être pas.
Elle réalisa qu’elle ne s’était plus sentie seule depuis longtemps. Bien sûr, elle avait parfois la désagréable impression de devoir soutenir deux troubles sur ses uniques épaules, mais le sentiment de solitude avec lequel elle avait vécu si longtemps, couplé à l’impression tenace de ne servir à rien et de ne compter pour personne, s’était évanoui.
Quand ?, songea-t-elle.
Comme chaque soir, elle se glissa contre l’elfe, peut-être un peu plus émerveillée que d’ordinaire.

[Taliesin]

Dans l'air lourd et moite de la nuit, l'ancien barde referma les bras autour du corps de Galathée et la serra contre lui. A travers la fine étoffe de sa chemise de nuit, il sentait la chaleur de sa peau et il y attarda les mains, ne pouvant résister à l'envie de s'en gorger. Peut-être était-ce la perspective de se voir privé de la présence de la jeune femme durant une journée. Peut-être était-ce là un moyen de puiser en elle un peu de courage... Peut-être. Toujours est-il qu'il étreignit la rôdeuse plus étroitement que d'ordinaire.
Par la fenêtre ouverte - il était impossible de dormir sans cela, même si l'air nocturne était presque aussi étouffant que le diurne - l'on entendait le crissement paisible et hypnotique des grillons. Mais Taliesin ne se laissa pas bercer par cette mélopée : il n'avait pas du tout envie de dormir.
Doucement, il se pencha et, cherchant les lèvres de Galathée, y déposa un baiser furtif.

[Galathée]

Appuyée contre le torse nu de l’elfe, Galathée se sentait fébrile. Il avait les lèvres sèches et tièdes, comme toujours, peut-être plus insistantes qu’à l’accoutumée, et alors que la nuit les englobait, elle le sentait éveillé, bien éveillé, comme en attente. Et elle en percevait déjà le sens. Et elle en ressentait déjà l’angoisse.
Elle l’entoura pourtant de ses bras, posa les paumes contre ses omoplates, dans le plat de son dos, la courbe légère de ses reins, caressant avec envie et désarroi sa peau douce, parfois marquée d’une cicatrice, vestige de combats, de souffrance et de ruine.
« Taliesin… » finit-elle par murmurer, consciente de briser l’élan qu’ils avaient amorcé. « Penses-tu que… »
Mais l’affliction serait chez elle, vieillissant alors qu’il resterait jeune, prêt à partir vers d’autres cieux, d’autres expériences. Il ne pouvait pas comprendre. Et ils ne s’étaient rien promis, il ne fallait pas chercher de grandes déclarations dans son désir, somme toute flatteur.
« Laisse. » ajouta-t-elle finalement.
Puis, reculant un instant, elle retira sa chemise de nuit d’un geste souple, et revint contre lui, peau contre peau, pour se perdre dans sa chaleur.

[Taliesin]

Taliesin retint son souffle. C'était la première fois, depuis cette fameuse nuit, qu'il la sentait nue contre lui. La première fois qu'ils s'apprêtaient à refaire ce qu'ils avaient fait cette nuit là, emporté dans une danse qui s'était emparée d'eux sans qu'ils y réfléchissent, sans qu'ils y résistent. Depuis, l'envie avait été présente, de son côté du moins. Mais la conscience de ce qu'impliquait la chose aussi, et sans doute était-ce pourquoi ils ne s'étaient pas à nouveau abandonnés.
Et a présent qu'ils semblaient tous deux prêts à laisser faire les choses, voilà que la rôdeuse avait voulu parlé, puis s'était tue. Elle semblait aussi désireuse que lui de partager ce moment. Pourtant, ce non-dit fit passer un voile d'inquiétude qui, un instant, tempéra ses ardeurs.
-Galathée... murmura-t-il. Si... Si tu veux parler... Ne te retiens pas... Nous avons tout le temps...
Le désir plus que naissant sous l'étoffe de ses chausses démentait ses propos. Mais il était pourtant encore maître de lui et, alors que ses mains ne désiraient rien d'autre que parcourir son corps, que ses lèvres brûlaient de goûter à nouveau la saveur de sa peau, il demeura immobile, les bras serrés autour du corps souple de la jeune femme, attendant la suite avec une certaine anxiété.

[Galathée]

« C’est sans importance. » murmura-t-elle.
Il suffisait de n’y voir rien d’autre. Le torrent grondait dans son ventre, elle le sentait bouillonner, bondir, insidieux, impérieux, elle l’avait libéré bien des fois, ailleurs, dans un autre temps, si lointain désormais. A l’époque, elle n’avait pas chargé ces échanges de tendresse d’un tel poids, d’un tel sens. Mais les choses avaient changé, car il y avait tant en jeu. Tant à risquer, à perdre, à gagner. Autrefois, rien n’avait vraiment compté.
« Sans importance. » répéta-t-elle, lovant son corps contre le sien, découvrant sans surprise son excitation déjà ferme.
Elle glissa une jambe entre les siennes, s’accrocha à lui et soupira, pour soulager un peu de la tension qui l’avait envahie. D’une main, elle lui saisit la nuque, approcha son visage du sien et l’embrassa doucement sur la bouche, sur la joue puis la gorge. Un frisson l’ébranla malgré la chaleur et elle ferma les yeux.

[Taliesin]

L'elfe fut sur le point d'ajouter quelque chose, mais les gestes de la jeune femme l'interrompirent, et il se laissa emporter par l'élan qui s'initiait, refoulant ses doutes, ses questions. Ils auraient tout le temps d'en parler plus tard. Seul comptait l'instant présent. Se laisser aller, faire ce qui semblait juste, bon, s'abandonner à la vérité du moment. Le reste n'était que des mots, des pensées parasites...
Il fit courir ses mains sur le dos de sa jeune femme, frôlant du bout des doigts sa peau chaude, suivant le contour de son échine, de ses hanches, de ses reins, Puis le frôlement se fit caresse, la caresse douce pression, et ses gestes se firent plus audacieux, s'aventurant à chaque instant un peu plus loin. Son souffle s'accéléra doucement et il rendit à la jeune femme ses baisers, savourant le léger goût de sel de son épiderme.
Dans son esprit, les pensées se déchirèrent, s'effilochèrent, se dispersèrent comme les nuages sous le vent qui s'était emparé de lui.

[Galathée]

Le désir lancinant l’envahissait peu à peu, exigeant, et ses maigres réticences capitulaient, fondant à la chaleur de ce qui les embrasait. Elle n’avait craint l’acte, jamais craint cet instant, au contraire. Simplement… simplement, quelque part, au fond d’elle, elle avait peur de ce que cela déclencherait. Quel pacte. Ils n’en avaient pas parlé, et même si elle se laissait emporter par l’envie brute, presque primitive, de le sentir en elle, elle redoutait l’instant où leurs corps se disjoindraient, le moment où les sentiments devraient prendre le relais des corps, supporter ce qui avait eu lieu, affronter le futur, les promesses imaginées mais absurdes, le sens de leur échange, s’il en avait un.
Un instant, elle repoussa ses ardeurs pour reprendre son souffle. Elle glissa une main dans ses chausses, le frôla, puis se fit plus câline, secrètement ravie de son effet.

[Taliesin]

La caresse prit un instant Taliesin au dépourvu, comme s'il avait pensé, au final, que quelque chose viendrait les interrompre. Mais son trouble se volatilisa comme un frisson de plaisir le parcourait et, avec une ardeur renouvelée, ses mains reprirent leurs explorations. L'une d'entre elle se porta sur la poitrine de la jeune femme, joua avec un mamelon durci avait de s'abandonner, languissante, sur l'ovale d'un sein. L'autre, vagabonde, s'attarda sur les reins bombés de la rôdeuse, avant de revenir sur son ventre et de s'abaisser, lentement, comme si son propriétaire jouissait à dessin des lents instants de progression qui le rapprochaient du terme du voyage...

[Galathée]

Galathée lâcha un soupir qui se mua en gémissement et un instant, elle perdit le fil de ce qu’elle était en train de faire. Lorsque Taliesin posa les doigts sur son intimité, elle le retint malgré elle, d’un geste réflexe, et frémit à nouveau. Elle sentait déjà bien trop impatiente, au bord d’une sorte de rupture physique et émotionnelle, qui la balaierait. En même temps, le choc viendrait et la laisserait creuse, elle le savait. Or, elle voulait en profiter, le plus possible, le plus longtemps possible. Plus que la première fois, qui avait été vive, organique, nécessaire mais désespérée. Comme si c’était une unique chance.
Privé de sa chaleur humide, l’elfe lui saisit à nouveau un mamelon, à la fois doux et incisif, et elle étouffa un cri. Une seconde, minime, elle songea à Victor qui dormait juste de l’autre côté du mur, qui veillait peut-être, guettant leur souffle, qui s’éveillerait peut-être en sursaut surpris par un cauchemar ou sa propre vessie.
Mais le barde était sans pitié et elle ne put qu’étouffer son trouble contre son épaule.
La fébrilité qui avait envahi son organisme régnait à présent dans chacune de ses fibres nerveuses, exacerbant le moindre baiser, la moindre caresse, chaque geste, chaque contact. Peu à peu, toute notion de contrôle s’évanouissait dans la finalité absolue de leur étreinte, l’inexorabilité de l’acte, son imminence.

[Taliesin]

Leur étreinte se fit plus frénétique, plus étroite et, bientôt, ils basculèrent, Taliesin tentant de se faire aussi léger que possible sur le corps tendu de désir de la jeune femme. A un moment, il se sentit près de défaillir et, doucement, il se retira de la caresse dont le gratifiait toujours la rôdeuse. Il prit plusieurs profonde inspiration, tenta de reprendre le contrôle de lui-même puis l'embrassa fougueusement, mêlant son souffle au sien.
Alors, doucement, ses lèvres descendirent, frôlant la gorge de Galathée, puis sa poitrine, sn ventre, avant d'enfin se perdre dans un baiser chaud, intime.
Cela faisait des lustres qu'il ne s'était pas adonné à pareils jeux et les retrouver soudain lui procura une étrange sensation.. Les démons avaient disparu, balayés par l'émotion brute qui l'emplissait tout entier et, à cet instant, il se sentit plus vivant qu'il ne l'avait jamais été depuis son réveil.

[Galathée]

La rôdeuse se sentait désormais proche de la chute, et ses yeux se mouillèrent malgré elle. Elle tenta de repousser Taliesin dans un geste qui n’avait aucune volonté, comme si elle craignait ce qui allait bientôt se déverser en elle, des émotions qu’elle ne pourrait ni comprendre, ni combattre.
La respiration saccadée, elle saisit l’elfe par l’épaule, le tira d’autorité vers le haut, jusqu’à ce que leurs visages se touchent.
« Maintenant… » souffla-t-elle, à mi-voix.

[Taliesin]

Taliesin ne protesta pas. S'écartant un instant de la jeune femme, il se débarrassa de ses chausses puis revint l'étreindre, plus étroitement que jamais. Le visage appuyé contre son cou, noyé dans la masse de ses cheveux, il l'enserra de ses bras et, se laissant guider, sentit leurs deux corps se joindre, se fondre, s'unir.
Dans un silence relatif, peuplé du crissement des grillons, de leurs halètements fébriles, ils évoluèrent dans le même rythme, de plus en plus rapide comme s'approchait le paroxysme. Tout entier à la chaleur qui émanait de la rôdeuse, à sa présence si douce, si réelle, l'elfe se sentit emporté, arraché au lit par un tournis dévastateur qui balaya ses dernières pensées. Et, alors que tout son être se raidissait, il mordit la jeune femme à l'épaule, dans un dernier effort pour résister. Ce fut en fin et, l'instant d'après, il s'abandonnait enfin à l'extase, vaincu, heureux.

[Galathée]

Galathée s’arracha à son étreinte, pantelante, le corps encore traversé de légers spasmes et se replia sur le flanc. Elle garda cependant une main sur son ventre, douce, pour lui signifier qu’elle ne s’enfuyait pas, qu’elle avait juste besoin d’un instant de répit, de solitude relative pour reprendre pied dans son corps éprouvé. Elle espéra qu’il ne prendrait pas cela pour un rejet, ce n’était pas le cas, et sitôt sa vision moins troublée, sa respiration plus calme, elle retourna se nicher contre lui, dans leur sueur, frémit à nouveau en reprenant contact avec cette peau synonyme de tant, de trop, et elle exhala deux longues fois pour tenter de recouvrer un semblant de maîtrise. Elle était encore emplie de son désir, de son plaisir, et elle savait que la vague retomberait doucement, à son rythme, la laissant éperdue, inquiète, reconnaissante aussi.
Ne pense pas comme ça, songea-t-elle.
Elle ne pensait pas droit, encore plongée dans des sensations purement physiques, qu’elle aurait voulu imprimer dans sa chair, imprimer en elle-même, malgré l’épuisement manifeste de sa carcasse. Elle avait du mal à croire qu’une telle intensité soit à sa portée, et se sentit un instant ridicule, appuyée contre un être dont elle ne pouvait pas prendre la mesure, aussi beau qu’elle était invisible, aussi subtil qu’elle était fruste. Il ne resterait pas. Qu’elle soit humaine, et lui elfe n’était finalement qu’un détail.
Elle se blottit contre lui, repliant une jambe au dessus de lui, et caressa son épaule du bout des doigts, en cercles désordonnés, comme pour chasser son trouble et l’amour débordant qu’elle ressentait, plus présent à chaque seconde, révélé, traître, presque triste. Sans qu’elle puisse rien y faire, ses yeux débordèrent.

[Taliesin]

Taliesin lui avait entouré les épaules du bras, tandis qu'il reprenait ses esprits, que ses idées retrouvaient lentement leur place, comme engourdies, déjà brouillées par l'épuisement qui s'abattait sur lui. Il était sur le point de s'abandonner au sommeil, tout à la félicité du moment, lorsqu'il sentit la jeune femme frémir. Levant une main, il lui toucha la joue et, sous ses doigts, perçut une humidité qui n'avait rien à voir avec la sueur.
Soudain inquiet, il se pencha et embrassa la jeune femme sur le front.
-Quelque chose ne va pas ? lui souffla-t-il à l'oreille. Parle-moi, Gal, s'il y a quelque chose... Je suis désolé, j'espère que je n'ai pas...
Il frissonna de la tête au pied et les mots moururent dans sa gorge. IL avait senti le trouble de la rôdeuse, avant. Il le sentait, maintenant, et tout ce qu'il souhaitait, c'était qu'elle ne demeure pas muette, quelle que soit la raison de ses larmes. L'instant qu'ils avaient partagé était sincère, il le savait. Mais ce non dit qu'il percevait l'avait tiré aussi sûrement de la béatitude que l'aurait fait l'irruption soudaine de quelqu'un dans la chambre. Ou celle des ténèbres dans son esprit.

[Galathée]

Galathée fut gênée d’avoir attiré l’attention de l’ancien barde sur son trouble imprévu. Elle était consciente de gâcher un instant de félicité auquel ils auraient pu goûter sans arrière pensée.
« Je suis désolée, ce n’est pas grand chose. » commença-t-elle.
Mais elle sentait que l’elfe en attendait plus, qu’il ne se contenterait pas de quelques mots creux.
« J’ai simplement… du mal à croire… que… que tu sois là. »
Et j’ai peur de l’instant où tu n’y seras plus.
« Je dois… faire face à des émotions… plus fortes… que ce que j’imaginais. Parfois, elles me terrifient. Parfois elles me ravissent. De toute façon… elles me bouleversent. »

[Taliesin]

Dans les ténèbres moites, l'elfe grimaça. La jeune femme était bien plus douée que lui pour masquer ses émotions. Ou bien son propre trouble le rendait-il aveugle à celui des autres. Car il n'avait qu'en de rares occasions pris conscience des tourments qui pouvaient animer Galathée. Et lorsque c'était le cas, il les attribuait à d'autres causes : ç'avait été un temps la peur d'aller au village. Puis l'inquiétude concernant les affres de Victor. Qu'il puisse en être responsable ne lui avait que rarement frôlé l'esprit. Il s'était douté que la rôdeuse pouvait craindre qu'il ne revienne sur sa décision, mais c'était tout.
Quant à ce qu'elle venait de dire... Il ne savait qu'en penser.
-Je... Je me dis la même chose pour toi, souffla-t-il finalement. Je n'arrive pas encore à croire que tu sois là, malgré ce que j'ai été... Et si moi, je suis là... Ce n'est que grâce à toi.
Il lui prit doucement la main.
-Si quelque chose te fait mal, te terrifie... Et que tu veux que nous en parlions... N'hésite pas, surtout. Je... Je ne suis pas bien vaillant, je le crains, mais.. Si je peux... N'hésite pas. Ce n'est pas parce que tu me soutiens, parce que tu soutiens Victor, que tu dois garder le silence.

[Galathée]

Elle remonta à sa hauteur pour poser un baiser sur ses lèvres, puis retourna se blottir dans son étreinte.
« Je crois… certaines choses sont fondamentales… des combats difficiles que nous avons à mener… Je ne veux pas alourdir notre quotidien avec des futilités… des questions… qui n’en sont pas encore. »
Elle effleura son ventre, soupira et referma les yeux.
« Je suis heureuse d’être près de toi, simplement, de partager ces instants… J’ai peur… J’ai peur d’être trop heureuse, en fait. »

[Taliesin]

L'ancien barde l'étreignit doucement.
-Je ne pense pas qu'on puisse être trop heureux. Le bonheur est une chose rare, et le peut qu'il nous est donné, il faut en profiter. Même si je ressens quelque chose qui peut se rapprocher de cela. Je me dis que je ne mérite pas ce que j'ai trouvé, que les ténèbres sont mon lot et que, tôt ou tard, j'y serai replongé. C'est idiot, sans doute...
Il se pencha et lui effleura la tempe d'un baiser léger.
-Cependant... Si quelque chose te chagrine, aussi futile cela puisse te paraître, il ne faut pas hésiter à en parler. Ce ne sera pas futile, pour moi, si cela te ronge. Je ne peux pas te forcer à me dire ce qui ne va pas... je peux juste espérer que tu m'en toucheras un mot, si cela devient trop lourd. Ce qu'on ne dit pas est peut-être ce qui fait le plus mal.
Il soupira. Il aurait aimé savoir ce qui pesait sur le cœur de la jeune femme. Il voulait se dire que c'était futile, sans vraiment y croire. Cependant, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour l'engager à parler. Ils avaient le temps pour le faire, toutefois, et voulait croire que, le moment venu, elle le ferait.

[Galathée]

« Je sais… Je n’hésiterai pas au moment opportun. » murmura-t-elle.
Elle le sentait toujours tendu et elle se mordit la lèvre, furieuse d’avoir jeté un voile sur ce qui n’avait été que réjouissances jusque là.
« C’est le vague à l’âme qui suit les moments trop parfaits… » souffla-t-elle encore. « Vouloir les retenir à jamais, sans y parvenir… Craindre les lendemains… »
Elle posa les doigts sur ses lèvres.
« Je vais jouir de l’instant présent, je te le promets. »

[Taliesin]

Un moment, il demeura silencieux. Les ténèbres et le silence de la maison se refermèrent sur eux, et l'on entendit plus que les grillons menant leur sarabande, au dehors. Il ne savait pas quoi ajouter, ne voulait pas se taire, ne savait trop que faire. Alors, il laissa les gestes parler, espérant que la jeune femme sentirait, à travers eux, toute la tendresse qu'il éprouvait pour elle, toute l'inquiétude dans laquelle l'avait plongé ses émois.
-Savoir que tu n'hésiteras pas... cela me rassure, lui souffla-t-il à l'oreille. Tu peux me faire confiance, tu sais. Et demain... Demain sera plus beau encore qu'aujourd'hui, si les Dieux le veulent bien.
Il l'embrassa une dernière fois puis se tint immobile et, lentement, se laissa gagner par le sommeil. Son épuisement était grand, et il ne mit guère de temps à sombrer dans les limbes, sans que, pour autant, l'inquiétude n'ait totalement déserté son cœur.
Et si les dieux ne le veulent pas ? songea-t-il, dans un dernier sursaut de conscience.
Puis ce furent l'oubli et les rêves.

[Galathée]

La nuit se déroula, tranquille et obscure, jusqu’à ce qu’un grincement arrache Taliesin à son sommeil. Se redressant, il aperçut Victor dans l’encadrement de la porte, les traits congestionnés.
« J’ai fait pipi… » sanglota le gamin, en se tortillant. « Y’a plus d’feu, j’vois rien… »
A côté de l’elfe, Galathée se retourna et poussa un soupir, mais sans quitter le pays des songes.