[Lieu] Un tripot mal famé

[Mornagest]

RP : l'inattendu

En provenance de l'

Les patrouilles s'étaient apparemment raréfiées, dans le Havre, car les deux "fugitifs" n'eurent trop de peine à éviter les quelques groupes de gardes en faction comme d'accoutumée. La disparition du chancelier s'était probablement muée en décès certain, ce qui jouait en leur avantage : ils auraient peut-être moins à s'inquiéter des agissements des ennemis de Mornagest tandis qu'ils les traqueraient et les forceraient à cracher le morceau.

Le trajet fut donc relativement rapide, jusqu'aux bas-fonds de Melandis. Le quartier était globalement crasseux et envahi par les brigands de tous genres, de jour comme de nuit, mais les quelques rues qu'ils venaient de traverser surpassaient le reste en tous points. Lothringen s'était vu proposé à plusieurs reprises les charmes de catins dont le corps paraissait ravagé par diverses espèces de parasites, tandis que Mornagest regardait d'un œil suspicieux le contenu d'une marmite suspendue par-dessus un petit feu. Il lui semblait avoir aperçu un reste de membre humain qui y mijotait tranquillement.

"Hâtons-nous. Même si les gardes ne viennent jamais ici, il y a bien d'autres personnes à craindre. Ces malades te tueraient juste pour le plaisir de t'entendre hurler de douleur."

Ils débouchèrent dans un cul-de-sac aux relents de moisi et de tout-à-l'égout surchargé, et s'arrêtèrent devant une lourde porte en chêne mais vermoulue, dont les renforcements en acier rouillés laissaient à penser qu'elle ne tiendrait pas un assaut volontaire. Le guerrier frappa vigoureusement, et bientôt, le judas s'ouvrit sur un œil à demi-fermé, son voisin étant masqué par un bandeau.

"Qu'es-tu veux ? Te connais pas.
- Dis à Monsieur T que Mornagest désire lui parler. Lui me connaît.
- S'tu m'fais perdre mon temps, te casse la gueule."

Il referma le judas aussi brutalement que son ton le laissait présager, et ils durent patienter quelques minutes.

"Tu vas pouvoir faire connaissance avec le fleuron de la cité, je le crains... des "amis" que j'ai pu côtoyer par le passé. Reste sur tes gardes, mais respecte-les. Ce sont... eux aussi, des fous furieux."

Le borgne ouvrit la porte alors qu'il terminait sa phrase.

"'Pouvez entrer. Du grabuge, et j'vous arrache les boyaux avec les dents." Il exhiba un sourire métallique.

Le duo entra. L'odeur était insoutenable, à l'intérieur. Sueur, alcool, fumée de drogues diverses... de quoi suffoquer en quelques instants. La vue n'était pas en reste. Tant de débauche laissait pantois... pratiquement une orgie, dont les participants étaient parfois même inconscients.

Mornagest tira Lothringen par la main. "Nous ne resterons que le temps nécessaire... promis." souffla-t-il avec un sourire. Ils allèrent vers le fond de la salle, muni de nombreux canapés miteux, et le guerrier fila droit vers un gaillard au moins aussi athlétique que lui. Ce dernier se leva et flanqua une grande bourrade sur l'épaule du chancelier, manquant le faire valser au sol.

"Si ce n'est pas cet incapable de Mornagest ! Je ne pensais pas te revoir vivant... dommage que je ne puisse pas corriger cela ! Qu'est-ce qui t'amène ici, triple buse ? Tu viens me vendre un joli minet ?" lâcha-t-il en toisant Lothringen. Avant que ce dernier ne réponde quelque chose d'imprudent, Mornagest répliqua :
"Je cherche quelques informations, rien de plus. Tu me dois bien ça, ordure...
- Mouais. Ça, peut-être, et bien d'autres choses. Tu oublies le passé quand ça t'arrange. Mais, dis-moi, qui est-ce donc, ton copain, là ?" Il posait la question directement au demi-drow.

[Lothringen]

En fait, si l'on avait voulu recréer les Abysses à l'image de ce que Lothringen avait le plus en dégoût, il aurait certainement fallu réserver une salle dans un tripot de ce genre. Le semi-drow avait longuement voyagé, pourtant; il avait connu la familiarité factice des corps de garde, la misère des bas-fonds, les plus sordides beuveries de taverne. Il avait discuté avec les putains du Calimshan et goûté par lui-même la cruauté des drows. Rien de tout ceci n'aurait dû le surprendre, n'était la concentration extrême de vulgarité, de misère, de violence, en un espace par ailleurs si restreint. Et ces odeurs qui vous prenaient la gorge - chaleur, fumée, insultes qui volaient: tout ceci était proprement irrespirable.

Mornagest avait été bien inspiré de lui couper la parole, tantôt, car nul doute qu'il n'aurait pas répondu très pacifiquement à l'inconnu qui l'invectivait sur ce ton. A vrai dire, il lui venait des envies violentes, à son tour: briser une vitre, pour faire entrer un peu d'air; briser le silence, pour décharger sa bile; briser un bras, pour pouvoir enfin faire un peu de ménage dans la pièce. Mais ce n'étaient que des fantasmes, bien sûr: et bientôt, il se rappela ce qu'ils venaient faire, et il remisa ses états d'âme au placard.

Il observait avec attention Mornagest et son interlocuteur. Et il songea alors que la seule chose qui le déstabilisait vraiment, ici, c'était l'aisance avec laquelle son compagnon évoluait dans un tel univers... Comme un poisson d'égout dans l'eau croupie d'une mangrove.

[LEFT]Mais, dis-moi, qui est-ce donc, ton copain, là ?" [/LEFT]
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[LEFT]Il se ressaisit. Il avait l'intention de rester en retrait durant toute la visite, de ne pas souffler mot ou à peu près et de demeurer sur la défensive: autant s'en donner les moyens.[/LEFT]
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"Le porte-lame qui veille sur ses arrières, répondit-il calmement. J'ai comme un surcroît de travail, par les temps qui courent."

Et peu importait que l'autre enchaîne d'une pique bien sentie sur sa constitution de crevette anorexique, il ne répliquerait pas. Il conserva cependant prudemment ses distances.
Ne souhaitant guère que l'on s'intéressât à lui de trop près, il espérait seulement avoir réussi à ramener la conversation sur le véritable enjeu de cette entrevue...

[Mornagest]

Monsieur T partit d'un grand éclat de rire.

"M'étonne pas, que cet incapable ait besoin d'autres pour se défendre. A ce qu'on prétend, tu étais mort, terrassé par un poison... heureux de savoir que ces imbéciles se sont trompés, même si ton sort m'importe finalement assez peu, Mornagest. Que viens-tu faire ici ? Précipiter ton destin ?
- Je veux savoir qui.
- Hé hé. Jamais été un grand bavard, hein ? J'aurais pas mal de choses à te raconter sur ce qui s'est passé au Conseil. Mais beaucoup ne t'intéressent sans doute pas, sauf si tu désires savoir avec quelle catin couche Dargor ?
- Et pourquoi pas ? Si ça peut m'aider à savoir qui a voulu me tuer...
- Soit. Mais, les informations ne sont pas gratuites, comme tu le sais...
- Combien veux-tu ? Nous n'avons pas de temps à perdre.
- Voyez-vous ça ! Pressé d'affronter tes meurtriers ? Je n'ai pas besoin d'or. Regarde autour de toi." Il désigna la salle d'un geste du bras. "Tout ce qui circule ici m'appartient. D'ignobles et repoussants pervers et des repris de justice qui viennent consommer mon alcool, ma drogue, mes femmes. Et tu le sais, ce n'est qu'une petite partie... non, ce que je veux, c'est m'amuser. Ça fait très longtemps que je ne t'ai pas vu combattre..." il lui départit un sourire des plus mauvais "... et j'aimerais savoir si tu en es encore capable. Ton homme de garde est-il plus doué que toi ? Je me demande lequel de vous deux survivrait."

Mornagest ne sut que répondre. Ce dément souhaitait les voir tous deux se battre entre eux ? Le prix à payer pour recevoir des informations ? Bien trop cher à ses yeux. Inabordable. Pris de court, il jeta un coup d'oeil nerveux à son compagnon.

[Lothringen]

Gagner du temps.

"A supposer que ce soit moi, j'aurai quand même perdu mon gagne-pain, sans compter mes références, grinça-t-il d'une voix un peu traînante: alors désolé, mais je ne joue pas. De toute façon je suis sûr que cette salle fourmille "d'ignobles et repoussants pervers et repris de justice" très dispensables et très disposés à jouer le rôle de contradicteurs... et cela avec beaucoup plus de conviction que moi, pourvu qu'on leur demande *gentiment*."

Il avisa un gaillard d'une carrure au moins égale à celle de Mornagest qui les dévisageait d'un œil torve depuis le comptoir. Un bagarreur, prêt à chercher querelle au premier mot de trop. L'avait l'air de savoir se battre.

"Celui-là a au moins le mérite d'avoir le bon gabarit. Ça vous tente?"

Lothringen était loin d'être certain de voir sa manœuvre réussir, mais pour le peu qu'il avait vu de Monsieur T, ce dernier avait une nette tendance à sauter capricieusement d'une idée à une autre. S'il voulait juste voir Mornagest combattre, cela devrait lui convenir. S'il insistait encore pour que ce soit contre Lothringen... ce serait probablement la preuve qu'il en savait trop.

[Mornagest]

Monsieur T darda au semi-drow un regard torve, puis se frotta pensivement le menton, avant de déclarer :

"Tu es malin. Je pense savoir pourquoi Mornagest a besoin de toi... plus pour la cervelle que pour le muscle ! Mouarf, soit ! Combats donc cette pauvre loque..." il appela l'homme désigné par Lothringen. "Karl ! Ramène-toi !"

L'énorme type s'approcha d'un pas lourd. Ses membres étaient immenses, son visage couturé de cicatrices lui défigurant affreusement l'ensemble du faciès qu'il avait déjà grossier, et ses mains énormes semblaient faites pour étranger un boeuf. Lothringen avait bien choisi : il semblait être le plus musclé des hommes présents dans la salle.

"Corrige-moi ce freluquet d'importance", dit-il en désignant Mornagest. "Battez-vous à mains nues."

Mornagest confia son épée à son compagnon, tandis qu'autour des deux lutteurs se formait un cercle de soiffards beuglant des invectives. Un peu d'animation était bienvenue, visiblement.

Il fit face au mastodonte, tandis que ce dernier faisait craquer ses articulations tout en reniflant. Il souriait, découvrant ses dents dont l'état était plus que douteux. Un seul de ses coups de poings, et il se retrouverait au sol... il fallait miser sur la rapidité.

[Lothringen]

Hum, hum. A mains nues? Petite sournoiserie de dernière minute qui n'allait pas faciliter la tâche de son compagnon. Et Lothringen se surprit à douter: n'avait-il pas surestimé les compétences martiales de Mornagest, ce dernier était-il bien remis de son empoisonnement? La tentation était bien forte de tricher un peu pour corriger la nature - mais on ne le laisserait probablement pas lancer de sort de soutien, il y avait trop de témoins, et vu comme cela risquait de dégénérer le semi-drow espérait ardemment ne pas devoir intervenir...

Pour l'instant, il allait falloir que Mornagest montre de quoi il était capable, et cela dépendait surtout de ce dernier.

Lothringen se plaça en seconde rangée des spectateurs, pour se faire oublier tout en restant dans le champ de vision de Mornagest si celui-ci le cherchait. Et il se concentra sur ce qui allait suivre, souhaitant que toute la hargne qui les habitait puisse jouer à leur profit dans cette lutte inégale.

[Mornagest]

Il se préparait au combat. La brute le dépassait d'une demi-tête, et Mornagest se demandait comment il parvenait à ne pas se cogner le crâne sur les poutres du plafond, bien basses... Mais il n'avait guère le temps de s'attarder sur de tels détails. Alors qu'il serrait les poings, son adversaire fonça sur lui, tel un taureau en pleine charge, et abattit son immense poing vers le visage du guerrier, qui se détourna d'extrème justesse. Il avait compté sur sa rapidité pour venir à bout de son ennemi, mais ce dernier révélait maintenant qu'il était aussi véloce que massif, ce qui ne lui faciliterait guère la tâche...

Partant sur le côté pour éviter d'être trop près du mastodonte, Mornagest se préparait à éviter le prochain assaut. Celui-ci ne tarda guère ; la main du type frappa le chancelier à l'épaule, et il vacilla, parut trébucher, mais se rattrapa de justesse, en reprenant appui du poing sur le plancher.

"Pas meilleur qu'autrefois, je vois, Mornagest... ah, ah !" s'exclama Monsieur T.

Le guerrier n'y prêta aucune attention ; il serait toujours temps de s'en souvenir plus tard... oh oui. Il fulminait, et sa rage lui permit de trouver l'audace de s'élancer sur son adversaire. Poings serrés, il lui décocha une suite de trois coups puissants au niveau de la mâchoire. Ne cherchant nullement à parer les coups, Karl les encaissa presque sans broncher, tandis que Mornagest crispa le visage sous la douleur. Ce monstre était insensible ?! Il recula à nouveau, évitant de nouveau un assaut d'une puissance démesurée.

Le combat était mal parti...

[Lothringen]

Si les choses continuaient comme cela, Mornagest allait perdre ce combat, de toute évidence: il était moins lourd que ce mastodonte, moins fort, moins endurant, même pas plus agile. Peut-être avait-il un grain de sagesse supplémentaire, en revanche... Et Lothringen songea que le seul moyen qui lui restait de l'emporter était peut-être de tenter de combattre à la façon des moines: esquiver pour ne frapper qu'en des points précis où le coup peut provoquer une douleur fulgurante ou même une perte de conscience; chercher la tempe, la nuque, la jugulaire, la percée sur le poumon qui coupera le souffle. Ou même le coup à l'entrejambe, cela pouvait s'avérer efficace, quelquefois...

Mornagest n'avait sans doute jamais appris à combattre de cette manière, mais comme tout guerrier, il s'y connaissait quelque peu en anatomie humaine... c'était le moment ou jamais d'essayer.

"Pense à utiliser les éléments du décor. Et surtout cherche ses points faibles", recommanda Lothringen à voix basse, en un moment où les deux combattants s'étaient provisoirement éloignés l'un de l'autre pour souffler un peu. "Comme les moines. Essaie de lui couper le souffle ou la circulation..."

[Mornagest]

Le guerrier avait entendu son compagnon lui parler, mais agir était plus difficile que cela... Karl semblait infatigable, à en juger par le nombre de fois qu'il avait déjà tenté d'assommer Mornagest sans pour autant souffler ou s'arrêter un instant de marcher. À présent, le mélandien réfléchissait à toute vitesse afin de lui trouver un endroit où frapper... la tête paraîssait invincible, le torse, n'en parlons pas... le faire chuter en l'attrapant aux jambes, peut-être ?

Karl lui asséna un fulgurant coup en plein visage, cette fois, et il ne put l'éviter. Reculant d'un bon mètre, Mornagest titubait et ne voyait guère plus qu'une tache blanche devant les yeux, incapable de se remettre du coup. Narquois, Monsieur T lâcha : "Encore une pichenette et il est à terre !" Mornagest recula encore, jusqu'à la limite du cercle, se massant la joue avec énergie, et cherchant vainement à voir où son adversaire se trouvait. Ce dernier avançait vers lui, poing levé, prêt à frapper à nouveau sur la tête, pour l'assommer définitivement.

Sentant qu'il allait se faire frapper, le guerrier longea le cercle, marchant sur le côté, tandis que Karl suivait. Petit à petit, Mornagest recouvrait la vue, mais ses mouvements étaient quelque peu ralentis par le choc... Il vit cependant l'énorme poing fuser vers lui, et seul un réflexe inconscient lui permit d'esquiver le coup à la dernière fraction de seconde. Il continua de tourner, et rassembla ses dernières forces afin de renverser Karl... utilisant la puissance de l'assaut que celui-ci lui portait à nouveau, il saisit son bras, s'arc-bouta sur lui-même, et, avec un râle douloureux, fit passer le géant par-dessus lui, l'abattant au sol avec un bruit mat et fracassant. Karl ne bougeait plus, et Mornagest restait debout plus par miracle qu'autre chose, mais le combat était terminé. Le silence règna sur la salle pendant quelques secondes, avant que Monsieur T ne le rompe :

"Bon... il semblerait que je me soie trompé. Tant pis... allez, vous autres ! Le spectacle est terminé ! Vous deux, venez vous asseoir", dit-il, de mauvaise grâce, à l'adresse de Lothringen et Mornagest, dont la joue enflait déjà, lui empêchant d'ouvrir entièrement l'œil droit. "Comme votre maître semble un rien fatigué, je pense que c'est à vous que revient l'honneur de me poser vos questions, mon cher elfe noir."

Hrp : oui, mon personnage vient d'inventer le judo

[Lothringen]

Lothringen retenait des coups d'oeil inquiets en direction de son compagnon. "Fatigué" était un terme bien faible, ce dernier paraissait au bord de l'évanouissement. Et le soulagement orgueilleux du semi-drow devant l'heureuse issue du combat cédait déjà la place à l'angoisse de savoir la journée loin d'être finie. Ils avaient dépensé du temps, de l'énergie et de l'amour-propre: les informations de monsieur T avaient intérêt à en valoir la peine.

Prenant place sur le canapé miteux, Lothringen prit le temps de rendre son épée à un Mornagest essouflé et blêmissant qui paraissait effectivement hors d'état pour quelques temps de soutenir une discussion. Quand tous se furent assis, le guerrier-mage se tourna alors vers leur interlocuteur, prenant le temps de le dévisager. A quoi jouait-il, celui-là... Le plaisir d'humilier le chancelier valait-il vraiment à ses yeux ce qu'il risquait de lui coûter? Ou bien s'espérait-il suffisamment indispensable pour croire que Mornagest oublierait jamais ce petit tour?


"Les questions ont déjà été posées. Nous voulons savoir qui a commandité cet attentat. Et, au Conseil, qui joue quel jeu, et avec quelles cartes..."

[Mornagest]

L'autre soupira. "Bien, il semblerait que vous ayez tous les deux remplis votre part du "contrat"... à mon tour. Je connais les identités de tous les conseillers, évidemment, mais pour certains, j'ai des informations lacunaires. Prenons... Walar. Une créature des plus dangereuses, impossible à filer sans se faire repérer par ses sens aiguisés. Tout ce que je sais, c'est qu'en ce moment, et depuis des mois, il se terre dans les cryptes, quelque part en sous-sol. Et croyez-moi, vous faites aussi bien de ne pas lui chercher des misères ; allié ou ennemi, sa fureur peut toucher n'importe qui. Pareil pour l'autre drow. À ce que je sais, c'est lui qui t'a investi, Mornagest..." ce dernier opina du chef lentement. Il reprenait petit à petit ses esprits, et écoutait autant qu'il le pouvait les "secrets" de Monsieur T.

"Mouais. M'étonne un peu qu'il t'ait choisi, toi... à moins qu'il n'ait cherché à se débarrasser de toi, ce qui est peu probable ; il l'aurait fait bien plus facilement. Je pense qu'il voyait vraiment en toi quelqu'un de capable... encore faudrait-il que tu aies suffisamment de jugeote pour te défier de tous. Tous, même Devir. Lui aussi peut te désavouer en un instant, si tu l'as assez mis en danger, ou irrité... et cela arrive souvent, d'après le nombre de conseillers qui se sont succédés ces derniers temps..."

Il se frotta les yeux, lampa un peu de bière, puis, après avoir éructé bruyamment, reprit :

"Enetos, maintenant. Un gars bizarre.. presque droit dans ses bottes. Il semble adorer Talos, mais n'est pas vraiment l'allié du drow pour autant. De ce que j'en sais, il n'a aucun vice caché... ni alcoolisme, ni gourmandise pour les putains, ce genre de choses. On chuchote qu'il joue un double jeu... un faux méchant, en quelque sorte."

"Il aurait pu tenter de m'assassiner en croyant que j'en étais un vrai, moi", pensa Mornagest, sans rien en dire à Monsieur T. Il serait toujours temps par la suite de discuter tranquillement avec Lothringen des révélations faites par ce prétentieux.

"Dargor, donc. Exactement l'inverse. Une vraie saleté, ce type... aussi vicieux que laid. Adorateur de Loviatar, et il le montre... certains de ses fantasmes dépassent l'entendement. Cupide, envieux, ambitieux... il a très bien pu vouloir te tuer pour le plaisir, ou pour se débarrasser de toi, obstacle à son ascension." Monsieur T sourit. Le Conseil était presque exclusivement composé de ce genre de personnages, en général, mais ses informateurs étaient partout, en nombre, et loyaux à leur maître.

"Enfin, Terenas, le blond. Il est un peu étranger aux intrigues du Conseil... mais je sais qu'il aime l'or, lui aussi. Cependant, il est échu à sa position actuelle plus par nécessité politique que par envie personnelle... un peu comme toi. D'après ce que j'ai reçu comme informations, son désir était de devenir ambassadeur à ta place, afin de pouvoir rester à l'écart de Melandis, et d'y faire prospérer ses petites affaires... trafics de substances illicites, ai-je crû comprendre."

Il cessa de parler. Pour une entrée en matière, ces informations étaient relativement intéressantes, mais rien n'indiquait qu'elles étaient vraies, ni pertinentes... pourquoi Enetos n'aurait-il pas tenté de faire assassiner Mornagest ? Rien ne pouvait l'innocenter, sous prétexte qu'il menait un éventuel double jeu...

[Lothringen]

Il hochait la tête sans mot dire. Le tableau de famille avait son intérêt, surtout pour lui qui n'avait jamais pris la peine de suivre l'ensemble des mises à jour, beaucoup trop fréquentes à son goût, du gouvernement mélandien: mais il devinait que pour Mornagest, tout cela devait paraître assez décevant. Certaines de ces informations ne faisaient que confirmer ce qu'ils soupçonnaient déjà, d'autres répétaient ce que lui avaient appris ses propres services de renseignement, ou ce que Mornagest devait déjà savoir par lui-même... Le reste était pour l'heure invérifiable.

Il n'y avait là rien de bien décisif. Monsieur T avait l'air de faire porter plus naturellement les soupçons vers le dénommé Dargor, mais ils cherchaient précisément à passer outre les apparences.

"Tout ceci a son importance, mais vous comprendrez que mon employeur en attend davantage, comment dire? Quelque chose de plus directement exploitable. J'espérais que vous seriez en mesure de nous en apprendre un peu plus sur les événements d'hier..."

[Mornagest]

"Il est gourmand, ton garde du corps... j'y viens." Il avala une rasade de bière, tandis que Mornagest frotta encore son visage tuméfié par le coup porté pendant le combat.

"J'ai eu vent de certaines conversations entre conseillers. Ta nomination n'était pas encore ébruitée en dehors de l'Antichambre que l'on fomentait déjà des complots contre ta personne... tu as déjà échappé à un poison mortel, sache-le... simplement parce qu'un autre conseiller a jugé bon de te garder en vie. Qui ? Eh... Dargor te trouve intéressant. Pour tout dire, il te soutient, par esprit de contradiction envers les autres membres. En revanche, Enetos et Terenas sont ceux qui ont tenté de t'assassiner. Enetos, parce qu'il craint que tu ne découvres ses intrigues... que même moi j'ignore. Mais il cache des choses qui pourraient lui mettre Devir à dos, chose qui est en général mortellement dangereux. Terenas, parce qu'avec ces foutus accords commerciaux établis avec Manost la Chaste, tu mets en l'air ses projets de trafic à grande échelle ; la sécurité entre les deux villes sera renforcée... mais tu le sais mieux que moi, je pense. Bon, ça me donne soif, tout ça." Il reprit une gorgée du liquide ambré. "Ça vous satisfait ? Je n'ai pas grand-chose de plus, ce qui ne veut pas dire que c'est tout ce qu'il y aurait à savoir sur le sujet..."

[Lothringen]

Les sourcils froncés sous la concentration, Lothringen s'efforçait de tout mémoriser: l'inflexion de la voix, la formulation des phrases, les mouvements autour d'eux, jusqu'aux odeurs insoutenables d'alcool et de fumée de ce bouge exécrable. Mornagest avait-il l'intention de rendre ensuite visite à l'un des confrères de son informateur, afin de compléter ou infirmer ces renseignements? Ce serait plus prudent, sans doute, comme il serait probablement tout aussi raisonnable de ne pas laisser à Monsieur T. trop d'indices sur la nature de leurs projets.

Car, à supposer que ce dernier leur eût dit l'exacte vérité, il leur fallait encore savoir où trouver les conseillers, afin de pouvoir s'"expliquer" avec eux. Lothringen n'osait poser la question lui-même: ce n'est pas à un garde du corps de prendre ce genre d'initiative, et il craignait d'être déjà sorti beaucoup trop souvent de son rôle. Aussi tourna-t-il simplement son regard vers son compagnon, qui avait enfin repris quelques couleurs.

[Mornagest]

Le chancelier faisait grise mine. Deux de ses conseillers à éliminer, cela risquait d'être complexe... mais il fallait s'attendre à ce qu'ils n'aient en face d'eux que des ennemis d'envergure ; un complot de cette ambition n'avait pas été monté par du menu fretin. Il leur faudrait seulement savoir où les débusquer, et les passer au fil de l'épée sans craindre d'être dérangés.

"Où peut-on les trouver ? J'ai quelques explications à leur demander, si tu vois ce que je veux dire... en privé.
- Mouais... soit tu es inconscient, soit encore plus idiot que ce que je ne pensais. Mais je ne vais pas t'empêcher d'aller rencontrer ton destin, Mornagest. Terenas possède plusieurs domaines, mais s'y rend rarement, sinon pour donner quelques ordres quant à leur gestion. Ils sont bien gardés... j'y ai déjà perdu des hommes, du reste, je ne te conseille pas d'aller là-bas, sauf si tu es suicidaire. Mais il prise d'autres endroits. Dans les bas-quartiers, on peut trouver de tout ce dont un homme pervers peut avoir envie... récemment, j'ai appris qu'il fréquentait un bouge, non loin d'ici. Il s'y rend avec une escorte, bien sûr, mais pas des gardes impériaux... qui risqueraient de vendre la mèche. Ses mercenaires sont rompus au combat, mais un barbare dans ton genre devrait y arriver, non ? Surtout avec ton... "garde du corps"" Monsieur T prit soin de souligner les doutes qu'il concevait vis-à-vis du statut de Lothringen, mais ni lui, ni Mornagest ne releva la chose.

"Deux rues plus loin, deux fois à gauche, voilà l'adresse. De nuit, évidemment... quant à Enetos, hé hé... tu aimes le cimetière ? Lui, oui. Il s'y rend, pour consacrer une partie de son temps à l'adoration d'un culte plutôt... inquiétant. Des fanatiques, dont le nombre ne cesse d'ailleurs d'augmenter. Avoue que je suis bon ! Tu pourras te débarrasser de lui ainsi que de ces fauteurs de trouble, en même temps...
- Quelle gratitude... mais, qu'est-ce qui me prouve que tu nous as dit la vérité ? Des attentats, des complots, j'en ai ma claque. Si tu me tends une embuscade, mmh ?
- Vraiment... croire cela de moi, c'est indécent, après tout ce que j'ai fait pour toi... pourquoi devrais-je t'envoyer là-bas pour te tuer, alors que je pourrais le faire ici, sans rien craindre ? Réfléchis avant de parler, Mornagest."

Ce dernier réprima une réplique acide, se contentant de jeter un rapide coup d'oeil vers son compagnon. Peut-être Lothringen avait-il d'autres questions à poser... tant que Monsieur T en avait la patience.

[Lothringen]

Pourquoi les envoyer là-bas pour les faire tuer, plutôt que de le faire sur place tant qu'il les avait à merci? L'esprit de Lothringen vit fuser sans effort une bonne demi-douzaine d'hypothèses terriblement plausibles pour mettre à bas l'objection de Monsieur T.: il était probable que s'il tuait un visiteur sous son toit, sa réputation en prendrait un coup; de plus, il ne gagnerait pas grand chose, à peine l'éphémère reconnaissance des deux conseillers, à faire tuer un homme qui passait déjà pour mort ; en les laissant l'affronter, en revanche, il donnait à ces mêmes conseillers l'occasion de mesurer la réalité de la menace, et il s'offrait le plaisir du spectacle...

Il était désormais certain qu'on ne pouvait pas faire confiance à l'informateur; son caprice pouvait jeter les membres du conseil les uns contre les autres, comme il avait été de les voir s'affronter tout à l'heure, mais pour combien de temps? Leur interlocuteur pouvait très bien décider de les vendre dès qu'ils auraient tourné les talons, si cela pouvait mettre un peu de piment dans l'affaire.

Ceci étant, il paraissait compétent pour ce qui était de collecter des informations, et Lothringen ne voyait pas de raison de douter a priori de ces dernières; elles seraient trop aisément vérifiables. A vrai dire, Mornagest n'aurait besoin que d'apparaître pour savoir à quel point ses collègues désiraient sa mort...

Deux conseillers. Des mercenaires, des fanatiques. Ils n'auraient pas la tâche aisée. Peut-être feraient-ils bien de chercher le renfort de quelques hommes de confiance, histoire de rendre l'affrontement moins inégal? Il faudrait qu'il en touche un mot à Mornagest, dès qu'il en aurait l'occasion. Il savait bien que son compagnon en faisait une affaire personnelle, mais à ses yeux une bonne affaire personnelle est une affaire qui se conclut par votre survie... Et tant pis pour l'amour propre. Il n'était pas seul, il n'avait pas le droit de jouer cela aux dés.

Deux conseillers. Un autre tripot, et à nouveau cet abominable cimetière.... Ils n'auraient pas la tâche aisée. Lothringen était loin d'être surpris, mais il n'était pas certain de désirer plus de détails avant de pouvoir constater par lui-même. Peut-être devenait-il aussi irréfléchi que Mornagest? C''était que lui aussi en faisait une affaire personnelle - mais il ne foncerait pas tête baissée sur la foule. Il souhaitait mettre toutes les chances de leur côté... Et pour s'organiser, il leur faudrait pouvoir se parler ouvertement. Une raison de plus de trouver l'atmosphère étouffante.


Le silence s'installa. En face d'eux, Monsieur T. s'impatientait. Lui aussi. Les perpétuelles piques humiliantes de leur hôte envers Mornagest le blessaient dans son propre ego, et il devait quelquefois se retenir de répliquer pour ce dernier. Bien qu'il l'ait vu survivre contre toute attente à l'attentat, et même se remettre du poison à une vitesse étonnante, bien qu'il l'ait vu triompher, là encore contre toute attente, de la montagne de muscles qu'il avait jetée contre lui, Monsieur T. persistait à sous-estimer le guerrier. Comme ils le sous-estimaient tous. Ce serait probablement leur chance pour cette fois...

En un éclair, Lothringen perçut l'absolue nécessité de ce "coup de folie" qu'ils avaient entrepris: seul un tel coup d'éclat pourrait faire gagner à Mornagest le respect de ses pairs.

Faisant comme s'il n'avait pas remarqué le regard interrogateur de son compagnon, le semi-drow se leva et se tint calmement debout, les bras croisés, comme s'il lui semblait évident que la conversation était finie et qu'il n'attendait plus que le bon plaisir de son patron pour partir.

[Mornagest]

"Bien", conclut le guerrier, "je crois qu'il est temps pour nous de prendre congé... dois-je te remercier ?
- Quand tu auras passé ton épée à travers leur corps... déguerpissez, j'ai d'autres affaires à régler."

Sans demander leurs restes, Lothringen et Mornagest s'en furent et se retrouvèrent, non sans soulagement, dans la ruelle, qui, malgré ses effluves chargées, n'en paraissait pas moins fraîche et dégagée, après cet espace confiné et embué de fumée et autres vapeurs d'alcool. Après avoir marché quelque temps sans mot dire, de crainte d'être écoutés, ils regagnèrent une rue plus animée, où les oreilles indiscrètes étaient moins à redouter.

"Je m'occuperai de ce rustre, une fois cette affaire terminée. Il est bien trop dangereux, et versatile... mais ce sera pour plus tard. Que penses-tu de tout ça ? J'ai l'impression que c'est presque trop facile... ils tentent de se débarrasser de moi, et on pourrait aller les étriper, alors qu'ils sont sans méfiance ? Même moi, je ne me laisse plus prendre à ce jeu-là..."

[Lothringen]

"Attends de voir les dimensions de leurs escortes avant d'affirmer que c'est trop facile..., murmura-t-il. S'ils sont effectivement sans défiance, s'ils te croient mort, pourquoi se terreraient-ils au fond de leur domaine, au risque de ne plus pouvoir gérer leurs petites affaires comme ils l'entendent? N'est-ce pas justement pour cela qu'ils ont entendu se débarrasser de toi?

Ce que je redoute le plus, c'est que la nouvelle de ta survie ne les rejoigne d'ici ce soir... Il y avait beaucoup de monde dans ce tripot, il y en a tout autant dans cette rue, et ton signalement n'est pas vraiment du genre discret. S'ils sont prévenus, coupables ou pas, ils tenteront probablement de nous piéger."

Il marqua un temps, puis, préférant ne pas trop attarder sa pensée sur ce qu'il risquait de se passer en cas d'échec total, il reprit à voix aussi basse que précédemment:

"Nous devrions repérer les lieux, pour commencer. Voir quel parti nous pourrions en tirer... Par lequel voudras-tu commencer? Oh, et je me demandais si nous ne serions pas bien inspirés de nous adjoindre quelques hommes d'armes? Ou assassins... Je pourrai en trouver qui ne poseront pas de questions."

Il soupira. Dans un monde bien fait, tout cela se serait réglé en duel entre les intéressés, et ils n'auraient pas eu à y mêler des tiers. Mais on ne triomphe pas des méchants en leur tendant des fleurs...

Lothringen ne songeait évidemment pas aux helmites qui gardaient l'ambassade, mais aux hommes des services de renseignement, dont les idées et méthodes avaient les vues beaucoup plus larges que les précédents. Mornagest était l'homme des Acccords d'Ysté; l'intérêt de Manost à le voir triompher de ses adversaires n'était donc pas douteux: ils ne poseraient pas de questions.

[Mornagest]

Son compagnon avait très probablement raison ; se montrer pour chercher une piste s'était avéré nécessaire, mais tout aussi dangereux. Il y avait fort à parier qu'ils seraient rapidement la cible de nouvelles tentatives d'assassinat, si déjà elles n'étaient pas ourdies, quelque part en ville... Les nouvelles se propageaient vite, dans le milieu.

"Mettons... le cimetière ? De l'aide sera bienvenue, oui. D'autant que je ne peux moi-même en chercher nulle part, pour l'instant... n'importe qui est susceptible de me trahir. Sauf toi", ajouta-t-il après un court arrêt. "Je gage que nous trouverons bien des prêtres ou ce genre de choses, dans le cimetière... un culte fanatique est souvent lié à des pratiques occultes, j'ai l'impression. Toutefois, les gardes du corps personnels de nos ennemis risquent d'être de bons bretteurs... de combien de personnes penses-tu pouvoir disposer ?"

Il songeait déjà à ce qu'ils pourraient faire dans ces cryptes. Il ne connaissait pas bien l'endroit, mais savait qu'on pourrait y trouver de quoi tendre une embuscade... voire emmurer vivants ces crapules, pourquoi pas ? La puissance de la magie n'était pas à négliger, et elle serait très utile, si pas indispensable, dans les batailles qui allaient survenir.

[Lothringen]

Tout en devisant, ils avaient déjà tourné leurs pas vers le cimetière.

"Des bretteurs et des prêtres... Alors il nous faut un ou deux mages, de bons guerriers, un assassin peut-être. Cela tombe plutôt bien, je n'aurais pu gagner le clergé helmite à cette expédition. Hum... Je ne connais pas le détail des effectifs de nos services, mais en si peu de temps... j'imagine pouvoir compter sur quatre ou cinq hommes."

Il faudrait que ça suffise; un plus grand nombre se ferait immanquablement repérer, de toute manière. Lothringen se tut quelques temps, pendant lesquels il s'efforça de vérifier qu'ils n'étaient pas suivis, avant de poursuivre ses ratiocinations.

"Le cimetière fourmille d'endroits propices à ce genre de cultes, mausolées en surface et cryptes en sous-sol... Comment savoir où ils se réunissent? Je connais un fossoyeur assez vénal, cela dit... mais aussi fiable qu'une poignée de main moite; il m'a déjà dénoncé à mes ennemis autrefois. Peut-être a-t-il des collègues moins bavards?"

Retourner au cimetière, c'était revenir en un lieu qu'il avait "visité" un an plus tôt, en compagnie de Seina. Le semi-drow n'avait rien oublié, et il n'était pas certain d'apprécier de passer ainsi en revue ses souvenirs.* Son expérience pourrait peut-être leur être utile, néanmoins...

* Manost Revenge.

[Mornagest]

Le guerrier hocha la tête. Quelques hommes en plus, cela pourrait faire plus que la différence, et leur loyauté serait tout aussi déterminante... tandis qu'avec un peu de chance, certains des hommes de leurs adversaires fuiraient peut-être. On pouvait toujours rêver.

"Je ne fréquente que très peu le cimetière, mais je pense qu'on peut y dénicher l'un ou l'autre employé qui soit suffisamment fiable... moyennant finances. Ou menaces, selon l'individu."

Ils en étaient certains qui ne se laissaient pas impressionner par une poignée d'or ; si on les avait payé suffisamment grassement, ils pouvaient même débiter n'importe quel mensonge et entraîner Lothringen et Mornagest dans un guet-apens. Classique... mais quelques coups de poings pouvaient faire réfléchir un homme trop peu sage.

"Mettons-nous à la recherche de tes hommes, dans ce cas. Plus tôt nous agirons, moins nous aurons de chances d'être repérés. Ils se trouvent près de l'ambassade ?"

Le mélandien avait quelque peu regagné de son assurance, même s'il savait que la partie était très serrée. Ils ne disposaient que d'une petite avance sur leurs ennemis, mais ceux-ci avaient clairement l'avantage du nombre et de la puissance. Néanmoins, Mornagest estimait qu'ils avaient leurs chances.

"Cela doit réussir", pensa-t-il à part lui. "S'ils sont trop confiants, ou aveugles, nous pourrons frapper au moment où ils s'y attendront le moins."

[Lothringen]

Lothringen s'arrêta de marcher. S'ils commençaient par un crochet à l'ambassade, ils étaient en train de s'éloigner de leur objectif.

"Eux, non. Je serais bien incapable de les trouver par moi-même. Mais je contacterai le chef des renseignements, qui lui s'y trouve... Il se chargera du recrutement, ça nous fera gagner un peu de temps. Il faudra juste donner un lieu et une heure de rendez-vous pour que ces hommes nous rejoignent..."

Il se remit en marche, en direction de l'ambassade cette fois.

"Tu as raison, réglons déjà cela."

Toute cette logistique! Il s'agissait de ne rien oublier.

Suite à l'

[canar78]

Au beau milieu de la soirée, une silhouette encapuchonnée entra dans la taverne et commanda un repas. Lilthean n'espérait pas faire davantage de chose aujourd'hui et il s'assit dans un coin de la salle, jaugeant du regard les divers occupants. Finalement, peut-être n'allait-il pas rester longtemps ici... Il évalua rapidemment la distance à sortie la plus proche.

[Mornagest]

La soirée était bien entamée, et la salle commune remplie en conséquence. Les travailleurs du coin venaient dépenser leur paie en bière et autres remontants moins légaux, tripoter l'une ou l'autre serveuse qui passait trop près d'eux, et échanger les dernières nouvelles sur la vie dans les bas-quartiers de Melandis.

La guerre était en préparation, cela se sentait, et s'entendait dans pratiquement toutes les bouches. Heureusement, l'empereur semblait bien maîtriser la situation, et Manost aurait des ennuis, d'après des sources sûres. Que demander de plus, finalement ? Tourner la page de la tyrannie de Talos, assurer du pain et de l'alcool, c'étaient là les premières préoccupations des habitants de la cité impériale.

Un homme étrange s'intéressait quelque peu à Lilthean. Il paraissait bien pâle, et personne n'était assis autour de lui. Il jetait de temps en temps un coup d'œil plus ou moins discret vers l'elfe, l'air inexpressif. Lilthean préféra n'en rien laisser paraître, mais lorsque l'homme termina sa bière, il se leva et s'approcha de lui.

"Je peux m'asseoir ?"

[Mornagest]

En provenance du

Tandis qu'ils arrivaient dans les bas-quartiers, Silmandel se rendit soudainement compte que sa soif démesurée avait disparu, aussi brusquement qu'elle était apparue. Une bonne chose de réglée ; devoir boire pratiquement en permanence n'était pas très commode, malgré les nombreuses fontaines disposées un peu partout en ville.

Peter les avait menés face à une enseigne sale et dont l'aspect repoussant se fondait bien dans l'ensemble de la ruelle. La faune du coin était pour le moins inquiétante, et l'homme ne paraissait pas tout à fait à son aise, bien qu'il cherchait à le dissimuler. Il n'y avait plus de gardes impériaux, ici. Les voyous et les criminels faisaient leur propre loi.

"Dans ce genre de machins, on peut jouer sans risquer d'être désintégré à tout moment. Par contre, une dague dans le dos, ça arrive aussi, si on n'est pas capable de payer. Mais vous pouvez parier de tout... j'ai même entendu parler d'esclaves ou de femmes, mais je n'ai jamais pu le constater moi-même."

Tous deux fixaient la porte du tripot sans mot dire. Celle-ci semblait prête à craquer au moindre coup d'épaule un peu violent qui lui serait asséné.

[Manfred]

Ha, enfin ! Cette maudite soif magique s’en était allée. Voilà Silmandel déjà plus à son aise. Ne restait plus qu’à régler le problème de sa taille. Le rapetissement semblait persister. La durée du sortilège était peut-être plus importante. L’elfe prenait son mal en patience mais l’interrogation restait à présent bien présente en son esprit. Dans une ou deux heures, il faudrait aviser.

Songevent avait remis sa gourde dans son sac et son regard curieux ne cessait pas un instant d’observer cette ville qui se dévoilait peu à peu à lui. Mené par son guide, le voilà dans les bas-fonds. L’endroit était sinistre mais pour l’aventurier qu’il était, il avait l’habitude de pareils lieux. Ses deux anciens compères affectionnaient les infâmes tripots.

-Ha, les jeux de cartes… on peut se faire une véritable petite fortune avec ça ! commenta l’ensorceleur.

Il n’évoquait pas sa propre expérience sur cette réplique. Il s’approcha de la porte.

-Je jette juste un coup d’œil, on prend éventuellement une petite chope pour la forme, puis on continu. Cela vous vas-il ?

Il demandait mais en même temps, il passa la porte sans attendre la réponse. Avec sa petite taille d’enfant et ses habits trop grands il n’allait certainement pas passé inaperçu. Mais bon, il n’y avait pas vraiment réfléchi.

[Mornagest]

L'ambiance à l'intérieur reflétait parfaitement ce qu'on pouvait penser de l'établissement vu de l'extérieur : un amas d'humanoïdes perdus dans un bain d'odeurs, de bruits et de moiteur qui auraient fait s'enfuir en hurlant une troupe de gnolls barbares. Silmandel se demanda brièvement comment les gens pouvaient bien supporter pareil endroit sans être pris de nausée ou d'agoraphobie brutale et irrémédiable... Face à lui, il vit une quinzaine de personnes attablées, en train de boire, discuter, fumer ou même dormir. Le reste de la salle était noyée dans une brume légère mais tenace de fumée de tabac et autres substances à la légalité douteuse, à en juger par l'odeur. D'après ce qu'il entendait, il supposa qu'il devait y avoir une soixantaine de personnes, du moins s'il n'y avait qu'une seule salle. Des voix de femmes lui parvenaient de temps en temps aux oreilles. Il y avait de tout, ici : humains, nains, elfes, gnomes... sa crainte d'être le centre de toutes les attentions se dissipa très rapidement.

Cependant, il ne vit pas de tables de jeux. Sans doute en fouillant un peu parmi la fumée... au moins aperçut-il le comptoir, sur sa droite, à quelques pas.

[Manfred]

Pour un bar sinistre, il était sinistre, pour sûr. Silmandel en avait fréquenté un nombre incalculable et celui-ci devait bien mériter la palme d’or du malfamé… ou la palme d’argent, à voir. En tout cas, l’elfe se sentit quelque peu incommodé par les odeurs. Cela ne fit que renforcer son envie de rester ici un petit moment. Non mais ho, il en avait fait du chemin sur l’autre continent ! Elle n’était pas née l’odeur qui lui ferait faire marche arrière ! En avant donc !

Songevent prit la direction du comptoir. Afin de se mettre à niveau, il alla se percher sur un tabouret. Ceci fait, il appela le barman.

-Une bière, mon brave !

En attendant d’être servi, il se remit à observer l’endroit. Son regard fouillait la brume à la recherche de tables de jeu, de cartes, ou bien d’accès vers une autre pièce.

[Mornagest]

De son point de vue un peu plus élevé, Silmandel entrevoyait de temps en temps des éclaircies dans la fumée de la salle, au travers desquelles il put arriver à discerner des tables avec plusieurs convives occupés à boire en parlant bruyamment. Plus loin, vers ce qui semblait être le fond de la salle, il vit des gens à l'air concentré, penchés en avant. Des joueurs de cartes, très probablement. Le tripot ne paraissait guère plus grand que cela, mais avec la brume permanente qui y régnait, l'impression d'immensité était présente.

L'homme au comptoir revint rapidement avec une chope en terre cuite remplie d'une bière à l'aspect douteux, et à la mousse plus qu'abondante. Une odeur amère s'en dégageait. L'elfe s'attendait presque à ce qu'une créature malfaisante et minuscule en sortît pour lui jeter un mauvais sort...

"Deux pièces de cuivre", grogna l'homme.

[Manfred]

Concentré sur la vision de ces supposés joueurs de cartes vers le fond de la salle, Silmandel fut presque surpris du retour du barman. Il se tourna vers ce dernier et répondit, avec un léger retard.

-Deux pièces vous dites ?

Il attrapa son sac, l’entrouvrit, y enfouit sa main, trouva sa bourse et, au touché, isola deux pièces de cuivres au milieu de ce millier de pièces d’or. Le brouhaha ambiant couvrit le son de cette fortune en train de s’agiter sous les doigts de l’elfe. Cependant, la manœuvre prit bien une bonne minute. Au terme de ce délai, l’ensorceleur déposa enfin les deux pièces de cuivre sur le comptoir.

-Voici et merci.

Il attrapa cette bière, à l’aspect plus que douteux et, sans se poser de question, commença à la siroter. Cette bière allait-elle être la pire qu’il ait jamais goûté ? La barre était déjà élevée vu les choses infâmes qu’il avait ingurgité mais, en cette ville, tout semblait possible. Cependant, cette question ne vint jamais à l’esprit de l’aventurier. Il était déjà retourné à ses fameux joueurs de cartes. Il devait en avoir le cœur net. Aussi décida-t-il de quitter son tabouret afin de visiter le tripot. Brume ou pas, il voulait tout voir. Il cherchait évidement les tables de jeu mais également d’éventuelles portées dérobées.