[Lieu] Les allées du cimetière

[Garfield]

[Quête: le suaire d'éternité]

Pendant qu'Armand était parti en ville, Isolde décida d'aller inspecter les tombes dans le cimetière. Quelque chose l'inquiétait...

En marchant entre les pierres tombales, ses craintes jusque là esquissées prirent forment. Certains blocs de pierre étaient fissurés, des trous avaient été creusés... La nécromancie ne l'étonnait plus, depuis toutes les années qu'elle officiait à Mélandis. Mais une telle activitée n'était pas commune.

Elle les sentait la nuit, qui contournaient le temple pour se rendre auprès du nécromant qui les appellait. Le plus étrange était qu'aucun n'incident n'avait été reporté. Et c'est ce qui inquiétait Isolde... Les cryptes étaient pourtant fermées, donc en théorie personne n'y avait accès.

Il semblait peu probable que les morts vivants se réunissent ailleurs. Quelqu'un avait donc du ouvrir un passage vers les cryptes depuis un des mausolées du cimetière. presque tous les batiments funéraires du lieux menaient aux cryptes souterraines.

Mais pourquoi réveiller les morts si ce n'est pour mener une quelconque attaque. Depuis des semaines, la prêtresse sentait cette activité nécromantique, mais rien ne sortait du cimetière. Lorsqu'elle se réveillait la nuit, elle voyait tout au plus des ombres difformes, mais le temple les éloignait, et elle ne pouvait les observer avec précision.

Un bruit dans son dos la fit sursauter. Un corbeau venait de se poser sur la branche morte d'un arbre. Elle devait rentrer. Vu les étranges évènements en cours, quelques prières supplémentaires ne seraient pas de trop.

[Mornagest]

Une nuit froide et pluvieuse. L'hiver se retirait à peine de la cité du Chaos, en renâclant d'ailleurs. Le gel n'était pas loin, ce qui était plutôt surprenant à cette époque de l'année.

Le vent hurlait en se faufilant entre les pierres tombales, tel un spectre venu prendre les âmes des damnés tombés au combat, ou assassinés dans une ruelle sinistre de la ville. Son froid cruel mordait la peau des quelques téméraires qui étaient présents en cette soirée. Mais rien ne les arrêtait dans leur "travail". A vrai dire, seul la mort les empêcherait de continuer d'agir, probablement. L'appât du gain était plus fort que la peur, la douleur face à ces basses températures, voire les risques de mourir sous les coups de haches d'un garde venu patrouiller par hasard.

Ils étaient quatre, vêtus d'armures de cuir et de vêtements hivernaux, mais même les fourrures semblaient impuissantes devant les assauts répétés de ce souffle glacé et imperturbable. En ce moment, ils s'échinaient à désceller une grille barrant l'accès à un caveau souterrain. Leurs doigts engourdis par le froid ne les y aidaient guère, mais ils avaient l'habitude de ce genre de problèmes. Et la motivation de dépouiller la tombe de ses objets précieux était un bon stimulant.

A en juger par la taille et le luxe des pierres installées, le caveau devait abriter un défunt d'une famille riche, très riche... ils n'avaient pu assister aux funérailles, contrairement à leurs habitudes, mais certains signes ne trompaient pas. A commencer par les fines gravures mortuaires sur le marbre ornant le porche du caveau. Caveau toujours fermé par cette maudite grille...

Enfin, au bout d'une bonne demi-heure d'efforts, ils parvinrent à faire sauter le verrou soudé à la grille. Ils avaient dû le scier pour atteindre leur but. Ils s'engouffrèrent rapidement à l'intérieur, soucieux de se protéger du vent qui redoublait de violence. Il règnait un calme agréable sous les pierres, ainsi qu'une légère odeur de pourriture. Le cadavre devait être tout frais... et les objets qui l'accompagnaient aussi.

Ils ne durent pas chercher bien longtemps avant de trouver la tombe proprement dite. Une lourde dalle de marbre scellait la sépulture, mais cela ne les arrêterait pas. Quelques instants plus tard, ils la soulevaient et découvraient enfin le défunt dans son linceul immaculé.

Un grognement étouffé se fit entendre. L'un des quatre pilleurs jura alors. Rien ! Aucune pierre précieuse ! Pas une bague, pas un pendentif... Strictement rien ! Ils se chamaillèrent immédiatement, chacun rejetant la faute sur le suivant quant au responsable de cette "si bonne idée".

Ils se disputaient tant et si bien qu'ils ne virent pas tout de suite que le cadavre venait d'ouvrir les yeux, et relever lentement la tête. Lorsqu'enfin un craquement sinistre provenant d'une vertèbre rompue résonna dans le caveau, les quatre hommes cessèrent aussiôt leur violent débat. Huit yeux se fixèrent sur le mort, qui était maintenant assis sur son séant. Ils ne pouvaient détourner le regard de ce macabre spectacle, même lorsque la chose animée pointa un doigt accusateur vers l'un des brigands, qui mourut aussitôt en se tenant la gorge, les traits affreusement déformés par la douleur et l'asphyxie.

Les deux suivants furent réduits en bouillie suite à une rapide incantation magique de la créature, tandis que le dernier des hommes eut la douloureuse mais unique expérience de se faire arracher les yeux d'un simple coup de griffe décharnée. La chose déssechée lui aspira alors son énergie vitale, alors qu'il tombait à genoux, se vidant rapidement de ses forces, puis se réduisit à l'état de squelette poussiéreux en l'espace de quelques secondes...

[Garfield]

[Quête: miasmes et moisissures]

Le groupe de prêtre venait d'arriver au cimetière, et, comme à la tombée de la nuit ces derniers temps, les morts vivants se faisait entendre. Des grognements nés dans leur torses décharnés étianet portées par le vent. Le prêtre de Kelemvor avait l'habitude de tuer les non-morts, mais ce soir, il sentait quelque chose d'étrange.
Comme si les morts vivants les attendaient, cachés dans les tombeaux menant aux souterrains.

Nous y sommes... Et j'ai l'impression que l'activité anormalement elévée des morts vivants autour de nous va confirmer ma théorie. On dirait qu'ils cherchent à protéger quelque chose...

[Dreiyan]

[Quête: miasmes et moisissures]

Dreiyan observa les lieux... et ne vit pas grand chose. Et pour cause, la nuit était tombée subitement, le ciel s'étant couvert du même coup. Le talosien resta donc un moment silencieux, écoutant les gargouillis du ventre de Duorok... ah non, le bruit était plus lointain. Et puis, même pour un demi-orc, il aurait été un peu trop grave. L'origine de ces grognements lui vint à l'esprit lorsqu'une sensation désagréable se fit sentir en lui... celle de la présence non loin de là de créatures mort-vivantes, présence que, comme tout prêtre, il ressentait. Les paroles d'Armand vinrent confirmer ses idées.


Ce qui veut dire qu'il y a quelque chose à protéger... nous ne sommes donc pas sur une fausse piste - ni dans un faux traquenard, pensa-t-il. Le chancelier a sans doutes des talents de divination insoupçonnés, si tout ce qui grouille par là autour est tout aussi mort que vivant nous ne seront pas trop de quatre prêtres.

[Duo]

[Quête: miasmes et moisissures]

Duorok poussa un soupir.

"Et bien qu'ils protègent ce qu'ils veulent ! Nous les exterminerons jusqu'au dernier ! Maudits monstres contre nature !"

Crachant par terre comme pour conclure sa phrase, Duorok prit sa hache en main, prêt à trancher dans le lard du premier zombie venu.

[Lothringen]

Rp : l’inattendu

Venant de la guilde des arcanes de Manost


Il avait attendu la nuit pour incanter, tout en tenant compte du fait qu’elle tomberait plus vite à Melandis, cité un rien plus orientale. Et au terme de son incantation, il avait ressenti l’habituel haut le cœur insupportable qui accompagnait la dématérialisation, avant de se retrouver… ici, le cœur battant et les idées en désordre.

Il reprit peu à peu ses esprits et contempla le décor de pierres tombales et de mausolées sinistres qui l’entourait. Ici, où, l’année précédente, il était venu accompagné de Seina, affronter de conserve une partie de leur destin…

Les allées du cimetière paraissaient désertes. Pas un seul mort-vivant pour lui souhaiter le bonjour : c’en était presque décevant. Face à lui, le portail saisissant du mausolée où ils avaient massacré Eolder’n et ses sbires. La porte était mal refermée… Il songea fugitivement au corps pétrifié de Myalë, qu’il avait abandonné là… cela faisait si longtemps… peut-être… aurait-il dû faire quelque chose.

Résistant à l’envie de pénétrer dans le bâtiment pour voir si les traces de son passage y étaient encore intactes, ce qui était plus que probable, Lothringen s’enfonça dans les allées, vers les murs de clôture - en quête d’un moyen de sortir sans alerter son vieil ennemi le fossoyeur…

[Mornagest]

Un craquement. Les allées semblaient calmes, mais la nuit recelait bien des mystères... Pourquoi les sons paraissaient-ils plus effrayants, une fois la pénombre venue, alors qu'il pouvait fort bien ne s'agir que d'une branche ployant sous la brise légère, ou un rongeur détalant à l'approche du semi-drow ? Les oreilles tendues, ce dernier resta un moment à l'affût, prêt à bondir en cas de danger. Le fossoyeur l'avait-il guetté lors de son arrivée plutôt inhabituelle ? L'espèce de créature était vile, et une embuscade de sa part n'était rien moins que possible...

Mais rien ne revint troubler la quiétude des allées des morts. Le souffle du vent venait chatouiller les joues de Lothringen, se glissant sous sa tunique et instillant sa fraîcheur sur son corps peu habitué aux rigueurs climatiques de la Cité du Chaos. Située au beau milieu du désert, ses journées étaient torrides, au contraire de ses nuits à glacer le sang.

Il décida finalement de se remettre en route, désireux de quitter au plus tôt cet endroit sinistre qui lui rappelait bien trop de mauvais souvenirs que pour vouloir y rester plus de temps que nécessaire.

[Mornagest]

La nuit était décidément agitée, à Melandis. Même dans le cimetière, qui, d'ordinaire, était occupé par des gens venus pleurer leurs morts, ou d'autres les détrousser, on n'avait vu pareille agitation depuis qu'une liche avait jadis élu domicile, plus bas sous la surface.

Une stèle dédiée à Kelemvor fut le seul témoin du carnage qui eut lieu dans les allées pavées ; un groupe d'adeptes de Cyric tenait une séance extraordinaire, à l'abri, pensaient-ils, des oreilles indiscrètes. Leur temple, tout comme celui de Talos, avait été attaqué, à peine deux heures plus tôt, et la riposte devait être rapide et cruelle ; les Talosiens avaient attaqué sans l'ombre d'une preuve, et, pour autant que le clergé cyrinishade en savait, aucun adepte du seigneur du mensonge n'était présent lors de l'offensive contre Talos. Injustice il y avait eu, et réparation devait être. Celle-ci était en discussion, lorsqu'un groupe de personnages aux mines plutôt patibulaires débarqua sur les lieux de la réunion nocturne. Pour la plupart des druides et des shamans, ils étaient également accompagnés de guerriers, qui passaient même pour des berserkers... toujours était-il qu'ils n'avaient pas de blanches intentions : nulle sommation ne fut donnée, le combat commença aussitôt, à l'improviste. Les sortilèges fusèrent, les cyrinishades, qui emprisonné dans des toiles gluantes, qui réduit au silence, qui assommé par un coup de gourdin, ne purent répliquer que par une tentative vaine et désespérée de fuite. Les plus téméraires moururent rapidement, tandis que les fuyards furent pourchassés et violemment massacrés.

Vint ensuite le temps de la célébration de la victoire, pour les malarites qui venaient d'accomplir un acte de vengeance bien mérité ; le puissant Talos devait être protégé, en ce moment de déstabilisation.

Au petit matin, les cadavres jonchaient encore les allées du cimetière, fixant avec un regard effaré le ciel azur entrecoupé de colonnes de fumées émanant de plusieurs endroits de la cité du Chaos, qui portait on ne pouvait mieux son nom.

[Garfield]

La visite d’Armand en centre ville avait été des plus dérangeantes pour le prêtre. Ruine et cendres, chaos et agitation, voila ce qui caractérisait le mieux Mélandis à l’heure actuelle. De ce qu’il avait pu comprendre, le temple de Talos avait été incendié, et on blâmait les fidèles de Cyric. Une guerre ouverte était don en cours entre les deux églises, accompagnée d’une multitude d’autres conflits entre sectes mineures se battant pour récupérer l’influence déclinante du clergé des tempêtes.
Là où il avait pu, Armand avait aidé, bien que son aide fut souvent reçue avec appréhension voire hostilité. Chaque Mélandien qu’il avait croisé avait déjà choisit un camp, et ne comprenait qu’un prêtre puisse rester neutre dans une telle querelle. Ce n’est qu’au petit matin qu’il rentra au temple à travers les allées du cimetière.

Il se retrouva au cœur d’un charnier dont l’horreur n’était dépassée que par la puanteur. Les blessures encore ouvertes et suppurantes étaient encore garnies d’échardes de bois et de métal, signe d’armes grossières et donc douloureuses. Certain corps n’était plus entier, d’autre étaient de la couleur pourpre qui caractérise les battus à mort. Les mouches s’affairaient déjà sur la plupart des cadavres. Prodiguant les derniers sacrements aux corps, Armand avisa ensuite une pelle plantée près d’une tombe fraîche et se mit à creuser. Une fosse commune ferait l’affaire, pensa-t-il.

Le soleil était à son zénith lorsque le prêtre jeta la dernière pelleté de terre sur les corps mutilés. Ce n’est qu’alors qu’il vit au loin le temple de Kelemvor. Ce n’est qu’alors que l’idée lui vint que ses occupants pouvaient eux aussi avoir été massacrés…

[Mornagest]

Le voyage depuis l' fut bref, mais néanmoins mouvementé, malgré les promesses de Lothringen, pour le chancelier. Il n'arrivait décidément pas à se faire à l'idée de se déplacer à une vitesse pareille, fut-ce sur une brève distance. Son estomac lui paraissait retourné, et il affichait un teint bistre. Il bredouilla cependant :

"Splendide. Euh... bon, ça ira, je pense. Je vais respirer un peu, un instant, s'il te plaît". Il prit quelques bonnes bouffées de l'air frisquet qui se faufilait dans les allées du cimetière de Melandis, après avoir charrié des remugles de pourriture et de poussière accumulés depuis des années sous leurs pieds. Il toussa, puis déclara :

"Ça va mieux. Pour l'odeur, on devra faire avec." Il fit un rapide tour d'ensemble. Des allées dans tous les sens, menant vers des tombes de tous les styles, de toutes les confessions, de toutes les origines sociales. Des entrées vers des catacombes également... un vrai dédale. Comment allaient-ils retrouver le bon souterrain ?

"On pourrait facilement se perdre, ici. Par où commencer ? Tu penses qu'on pourra trouver des indices de leur présence régulière, même s'ils ne sont pas là ?" À vrai dire, ils ignoraient à quelle fréquence Enetos venait, et surtout, à quel endroit précisément. "À moins d'interroger ton... ami, le fossoyeur. C'est déjà un bon début, sans doute."

[Lothringen]

Lothringen haussa les épaules.

"La divination me permet éventuellement de repérer les présences ou bien l'activité magique. On n'a pas encore inventé le sort de détection d'absence. Quant aux indices matériels..."

Il jeta un regard découragé aux innombrables tombes, mausolées, catacombes, ainsi qu'à la poussière légère charriée par le vent sec, dans ces allées où toute trace de pas s'effaçait à mesure qu'ils marchaient.

"... Nous ne sommes pas pisteurs, et je doute qu'il y ait matière..."

Le fossoyeur. Cet individu déplaisant et sournois, qui les avait vendus, Seina et lui, avec autant de promptitude qu'il leur avait vendu leurs adversaires. S'ils s'adressaient à lui, ils pouvaient être à peu près certains que leurs ennemis seraient prévenus de leur visite. Or ils avaient besoin de l'effet de surprise... Pouvait-il massacrer un homme juste pour garder un secret? Comment le faire taire sinon?

"Interroger le personnel, oui, c'est la meilleure solution. Mais j'aimerais autant que nous trouvions plutôt un collègue de cet homme. Ou alors... il faudra s'assurer de son silence, d'une manière ou d'une autre."

Et il dirigea ses pas vers le mur de clôture est du cimetière, là où se trouvaient, de mémoire, les cabanons des employés.

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[Bran]

Venant d’ici


Faisant frémir les herbes jaunes, deux silhouettes se glissent entre des stèles à demi effacées. Un mage, se tractant sur les coudes, la gueule en sang, et un diablotin aux muscles crispés sur une sacoche de cuir, qu’il laisse finalement choir dans l’herbe parsemée de petites tâches de lumière. Le mage s’est laborieusement adossé à une statue de Kelemvor, couverte de moisissures.

"Amène la fiole brune !"

Farfouillant dans le sac, le diablotin finit par extraire une potion opaque. Regard dubitatif de la créature.

"Ça n’a pas l’air d’une potion de soins."
"C’en est pas."

Lui arrachant la fiole des mains, le mage recrache le bouchon attaqué avec les dents, et tête avidement au goulot. Sa trachée crie pitié au contact de l’eau de vie. Avec un soupir d’aise, il se laisse tomber sur le dos, sa main tenant la fiole retombant mollement à ses cotés. Déjà l'enfant apparaît, lui essuie le coin des lèvres avec un bout de sa jupe à l’ourlet souillé. Alors qu'elle s'éloigne, Bran se renverse sur un coude pour ne pas la perdre des yeux.

L’enfant joue entre les tombes. Elle a du gratter à l’une d’elle car elle est couverte de terre. Elle joue à cache-cache avec le soleil. Le soleil aussi s’amuse beaucoup. Une brise matinale s’engouffre sous ses jupes. Elle tourne, volte, virevolte, tombe dans les feuilles mortes, bras en croix. Il ne reste plus une goutte d’alcool dans la fiole. Le mage se rend compte qu’il a du perdre connaissance. A présent l’enfant est assise sur un muret envahi de ronces, les pieds ballants. Sa joue droite est maculée de sang séché.

"Dis-moi enfant tu m’aimes ?"

Petit froissement de feuilles, pliure des genoux, l’enfant a sauté du muret. A petites foulées souples elle court se couler entre ses bras. Perché sur une pierre tombale, enroulé dans ses ailes pour se protéger du froid, le diablotin regarde un mage fêlé serrer dans ses bras la créature née de sa vision alcoolisée.



Suite par là

[Mornagest]

En provenance de

La journée était chaude, et le soleil était une épreuve désagréable pour Lothringen. Fort heureusement, les allées du cimetière étaient passablement remplies d'arbres au feuillage épais, qui offraient une ombre bienvenue pour échapper à la lourdeur des assauts lumineux de l'astre solaire.

Les lieux étaient calmes, pour ne pas dire déserts. Ils avaient croisé un couple de personnes âgées venues se recueillir sur la tombe d'un de leurs petits-enfants mort de la peste, mais, ni l'heure, ni la saison n'étaient propice aux hommages posthumes... ils seraient tranquilles.

Le guerrier examina consciencieusement les alentours. Personne en vue...

"Ici, ça devrait aller... j'avoue que tu as piqué ma curiosité."

[Lothringen]

Lothringen balaya du regard les alentours. Le soleil écrasait les vieilles pierres, éblouissait en mille reflets sur les statues d'albâtre et les moulures de marbre... Pas un chat. Il aurait toute la place qu'il voulait.

"Parfait. Un peu de patience, il me faut le temps d'incanter..."

Il commença alors d'esquisser les gestes arcaniques requis, le visage crispé sous l'effort de concentration, et Mornagest comprit rapidement que le sort que le guerrier-mage s'apprêtait à lancer était d'une grande complexité, et qu'il devait l'employer assez rarement. Les mots de pouvoir se succédaient avec monotonie, quand le semi-drow s'interrompit soudain et croisa les bras.
Le guerrier fut un instant stupéfait : il ne voyait rien.

Mais c'était que les éléments du sortilège se mettaient en place peu à peu, l'un après l'autre. En regardant ses pieds, Mornagest vit d'abord que la surface du sol, sur un vaste cercle de cimetière, s'était transformée en pelouse. Des troncs d'arbre la bordaient, et il distingua bientôt le pépiement des oiseaux qui les hantaient. Plus étrange, cinq piliers de cristal étaient géométriquement disposés sur le pourtour de cette clairière, et chacun d'entre eux contenait le corps d'un inconnu, intact, en suspension...

Deux formes humaines prirent place dans ce décor ; l'une d'entre elles était familière à Mornagest : il s'agissait du barde Seina. L'autre portait un costume de prêtre, et un symbole sacré de Tymora autour du cou.

"C'est un souvenir, commenta Lothringen d'une voix tendue. Ça se passait il y a un peu moins de deux ans, près de Valombre. Tu vois où je veux en venir..."

Enfin advint ce à quoi Lothringen voulait arriver : le ciel se déchirait sur un escalier de lumière intangible qui semblait se perdre dans l'azur, et de l'escalier céleste descendait Son avatar. Lothringen avait reproduit cette image en suivant fidèlement sa mémoire, qui n'avait rien pu oublier de cette rencontre. Bien sûr, son illusion ne pouvait tout à fait reproduire l'aura de la déesse, mais malgré tout, sa beauté à couper le souffle, la majesté de son regard, la bienveillance de son sourire, l'éclat étrange de son apparence en perpétuelle métamorphose, l'intense lumière qui se dégageait d'elle... Tout cela, Lothringen avait pu le restituer, et même imparfaite, la copie donnait une idée assez juste de ce que dégageait l'original.

Le semi-drow se concentra un peu plus, et son front se plissa, comme il tentait de reproduire Sa voix et Son sourire...

" Le destin suit des routes sinueuses qui parfois mène à des évènements imprévus... Il n'était pas écrit que tu serais là en cet endroit à cet instant... Mais la roue de la destinée a tourné, la Chance s'est penchée sur toi et te voilà ainsi devant MOI. A toi de choisir désormais... Vivras tu cette rencontre en spectateur ou en acteur ?"

Avait-il bien réussi à rendre la chaleur de la voix, cette puissance inimaginable qu'Elle dégageait, la force de son amour ?

Il laissa la vision flotter encore quelques instants devant eux, puis, rattrapé par l'épuisement, la laissa se dissiper pour aller s'asseoir sur une tombe le temps de reprendre son souffle et ses esprits. Il jeta un regard curieux et chargé d'appréhension à Mornagest. Sans doute ne s'était-il pas attendu à cela, et peut-être allait-il mal le prendre...

[Mornagest]

Resté entièrement silencieux durant l'apparition de l'illusion, le guerrier regarda ensuite Lothringen s'asseoir ; il semblait avoir fourni beaucoup d'efforts pour reproduire cette scène. Il alla près de lui et s'accroupit à ses côtés.

La représentation de Tymora était spectaculaire. Mornagest avait été fasciné par sa beauté, et sa présence, tellement prenante... on ne pouvait voir qu'elle. Elle dégageait une telle aura de quiétude et de charme qu'elle ne pouvait laisser personne indifférent. C'est ce qu'il expliqua à Lothringen :

"Je commence à comprendre pourquoi tu as préféré donner ta confiance en Tymora plutôt qu'en Helm... elle est... très impressionnante."

Il n'avait jamais eu la chance - ou la malchance, dans son cas ? d'assister à l'apparition d'un dieu. Cette illusion représentée par le semi-drow lui donna donc une curieuse sensation de jalousie, comme s'il se sentait de moindre importance, comme si lui n'avait jamais eu de quoi attirer réellement un dieu. Mais il songea aussitôt que pour sa part, cela aurait sans doute été Baine, Cyric, Talos... quelque divinité sadique et prête à tout pour le prendre sous son joug maléfique. Et il estima finalement qu'il s'en tirait bien, comme ça.

"C'est à ce moment que tu as... fait ton choix ?" La question était curieuse, sur la forme, mais à un moment ou à un autre, Lothringen avait bien dû se décider définitivement.

[Lothringen]

[LEFT]Le visage de Lothringen se crispa un peu à ce souvenir. Les événements l'avaient vraiment pris par surprise, alors qu'à la base, en accompagnant le barde dans sa téléportation, il avait seulement cru surveiller l'une de ses manigances...[/LEFT]

"Oui, c'est à ce moment-là... Je lui avais spontanément offert de la servir, et Elle m'a répondu qu'il fallait que je choisisse entre Helm et Elle. Alors, j'ai... choisi."

Le ton du semi-drow devenait rêveur, comme il s'interrogeait sur la justesse du terme.

"Elle disait que le choix appartient aux mortels. Un jour, il a bien fallu que je parle de tout cela au Grand Emissaire, et lui m'a dit au contraire qu'Elle m'avait forcé la main - que les mortels n'ont pas vraiment le choix en présence d'une aura divine. Il était furieux qu'Elle m'ait ainsi "détourné" de Helm."

Il sourit, non pas en repensant à la colère de Ravestha, mais en repensant à ce lien étrange qu'il avait tissé avec sa déesse. Il avait été ému par sa propre illusion. C'était une chose de conserver de la rencontre un souvenir précis, une autre de réussir à l'incarner en dehors de soi...

"Je pense quand même que le choix vient de moi. J'ai beaucoup changé depuis cette époque, et jamais je n'ai eu ne serait-ce que l'envie de revenir en arrière... Je crois que je suis plus heureux."

Il reporta son regard sur son compagnon.

"Ce qui m'a fait penser à cela, c'est cette réflexion que tu m'as faite, à mon arrivée... Que ma déesse ne t'avait jamais favorisé, que les malheurs s'acharnaient sur toi... Ce n'est pas tout à fait vrai. En dépit de tous tes malheurs, tu as toujours survécu là où tant d'autres ont succombé. Et, quand je lui parle de toi dans mes prières, Elle ne m'interrompt pas, Elle ne se retire pas : Elle sourit comme tu viens de la voir sourire. A ton avis, qu'en diraient Helm, ou Tyr, ou Torm... ou tant d'autres de ce côté-là du Panthéon ?"

[Mornagest]

Le simple fait de voir son compagnon sourire, et l'entendre dire qu'il se sentait plus heureux, donna du baume au cœur de Mornagest. La mélancolie perçait dans les paroles du semi-drow, mais il ne semblait cependant pas regretter son "choix". Et Mornagest le comprenait. Helm, une divinité si rigoureuse, si droite... il n'imaginait pas un instant Lothringen se plier à son dogme. Bien trop atypique.

"L'important est que tu te sentes bien... mais effectivement, j'imagine que Tyr aurait suggéré de me laisser périr de par mes actes passés. J'ai... beaucoup de sang sur les mains."

Tandis qu'il parlait, il se rendit subitement compte qu'il n'avait, pour sa propre part, plus d'allégeance à aucune divinité. Baine s'était emparé de cette proie facile, et l'avait utilisé en tant que telle, mais Lothringen lui avait apporté la force de se défaire de son emprise inconsciente. Et il se retrouvait face à lui-même, maintenant. L'illumination lui viendrait-elle comme à lui ? Il serait toujours temps de se poser la question plus tard...

"Je crois que Tymora te convient réellement. Tu fais des choix... audacieux, et par cela tu forces le destin." Comme de se choisir pour compagnon, le chancelier de la cité rivale depuis toujours de sa propre cité... "Comment étais-tu, avant ? Un mercenaire, je le sais, mais... psychiquement parlant ?"

[Lothringen]

"Un drow qui venait à peine de remonter à la surface, de laisser derrière soi quinze années de sa vie, de renier le maître en qui il avait eu toute confiance et de laisser pourrir au fond des galeries le cadavre de son seul ami."

Il avait prononcé ces mots d'une traite, et il lui fallut bien prendre le temps de respirer.

"Ce que je veux dire, c'est que j'étais complètement perdu, et que je cherchais désespérément à restructurer mon existence. J'ai adopté le culte de Helm parce que c'était celui de mes collègues des milices citadines, et que je voulais me fondre dans la masse. Ce culte me donnait un rôle – de protecteur et de gardien – dans la société des hommes. Il offrait une somme de certitudes et de dogmes impressionnante, qui me disait quoi faire, qui me donnait une place en ce monde... Cela me rassurait."

Lothringen hocha la tête. Il se reconnaissait à peine dans ce portrait. Le temps n'était plus où il allait chercher conseil ailleurs que dans son instinct...

"En dépit de ces efforts, j'étais... désabusé, aigri, défiant. Je me raccrochais à ma prudence et à mon pragmatisme, à mon cynisme et à mes certitudes. Je ne m'aimais pas et je le rendais bien - je restais sur la défensive, plutôt que d'aller de l'avant - j'essayais de faire comme les autres, mais au fond, je n'en avais pas envie... "

Il étreignit doucement l'avant-bras de son compagnon, en ajoutant d'un ton plus hésitant.

"Mais, assez parlé de moi. Je sais que les circonstances ne s'y prêtent pas, Mornagest, mais je crois qu'il faudrait que tu réfléchisses à ta propre allégeance. Tu m'as dit que tu ne croyais pas vraiment en Baine : tu as tort de jouer avec cela. Dans ce monde qui est le nôtre, on a tout intérêt à se choisir un dieu. Et je n'aime pas m'imaginer ce qu'il adviendrait de ton âme si tu mourrais maintenant."

Un sujet délicat à aborder, mais qui l'avait déjà tourmenté quelquefois. Non seulement ils seraient séparés pour l'éternité, mais le sort des Infidèles était, à ce qu'il paraissait, le pire de tous...

HRP : (f).

[Mornagest]

Son expression se faisait triste alors que Lothringen décrivait ses années passées. La mélancolie ne perçait pas réellement dans sa voix ; il ne regrettait pas cette période de sa vie, et cela se comprenait. Il donnait plutôt l'impression d'avoir des remords, de penser qu'il aurait pu agir différemment. Du moins, c'est ce que Mornagest ressentit. Mais ce n'était pas le genre du semi-drow de se laisser abattre par de telles pensées, aussi se dit-il simplement qu'il se projetait trop à travers son compagnon.

Puis vint la question délicate, comme de juste. Et il n'avait aucune idée de la réponse à y apporter. Une divinité... cela ne se choisissait pas comme une boisson à la carte d'une taverne. La foi devait être dictée par l'instinct, la réflexion, le vécu et les perspectives d'avenir... le tout ensemble, ce qui donnait une situation inextricable pour le guerrier.

"Oui... ne pas avoir d'attaches religieuses est dangereux, tu as raison. Mais une appartenance trop rapide, trop superficielle, peut s'avérer aussi fatale... je me trompe ? Et... je n'ai aucune idée de la divinité vers qui je pourrais me tourner. Plutôt, je sais vers qui je ne me tournerais pas..."

Il énuméra les quelques divinités mauvaises principales qu'il avait en tête. Il écarta également Torm et Helm, ainsi que Mystra, Oghma et Dénéir. Évidemment, rien ne l'obligeait à embrasser la cause d'une divinité majeure, loin de là.

[Lothringen]

Lothringen hocha la tête. Tant qu'on y était, on pouvait aussi supprimer les divinités liées à une race ou à une contrée, ainsi que celles de l'art ou du commerce...

"Resteraient donc, pour l'essentiel, les divinités liées à la nature, à la lumière, à la mort et à l'art de la guerre. Mais je suis d'accord avec toi que ce genre de choix ne doit pas se faire à la légère, et c'est pourquoi je ne pense pas que procéder par élimination soit une bonne approche du problème. La seule question que tu devrais te poser serait plutôt : qu'est-ce qui, aujourd'hui, me donne envie d'avancer ? Ou encore : si je ne devais consacrer mon existence qu'à une et une seule activité, laquelle choisirais-je ? "

Il demeura rêveur quelques secondes, puis reprit :

"Si Tymora n'était pas venue à moi, j'aurais sans doute fini de moi-même par me détourner de Helm... Mais si ce n'avait pas été pour elle, peu d'autres choix auraient pu me correspondre. Lathandre, peut-être. Ou encore Shaundakul le Voyageur, si j'avais repris mon errance. Tous des dieux du chaos, du reste... On n'a pas vraiment tort de toujours vouloir classer les dieux en fonction de ce qu'ils enseignent de l'ordre et du chaos, du bien et du mal."

Son attention revint sur Mornagest. Si ce dernier n'envisageait plus les divinités maléfiques et le repli sur sa haine, quel progrès... Une chaleur soudaine lui atteignit le cœur à cette pensée.

"Tu es dans une période de grands bouleversements. La réponse a peu de chances de venir en un jour, mais la chercher sera loin d'être une perte de temps. Mettons, mon cadeau de départ..."

[Mornagest]

Le guerrier n'était guère accoutumé aux discussions philosophiques et religieuses, mais il savait qu'elle pouvait déboucher, à terme, sur une décision importante qui régirait sans doute sa façon de vivre à l'avenir. Cependant, Lothringen avait raison ; se tourner vers une divinité ne se faisait pas en quelques minutes, et il devrait probablement se connaître mieux avant de laisser mûrir son "choix".

"Je recherche beaucoup... et peu de choses, à la fois. Le calme, la paix... c'est énorme, et pourtant, si peu..."

Les divinités en rapport avec la nature l'avaient déjà tenté, naguère, même s'il avait envisagé de se tourner vers une déesse mauvaise. Ses origines reprenaient probablement le dessus, sur ce point de vue... de grandes contrées sauvages où les rares cités ne comptaient qu'un dixième de la population de Melandis. Il fit part de ses réflexions à son compagnon.

[Lothringen]

"Les contrées de tes origines vénèrent des dieux rudes qui leur sont propres, mais tu n'as pas vraiment l'intention de retourner là-bas, non ?"

Lothringen ferma un instant les yeux. La paix, la nature... Est-ce que cela correspondait à Mornagest ? A ce à quoi il aspirait aujourd'hui, du moins ; mais, quand il serait en cette situation, ne risquait-il pas d'être rattrapé par l'ennui ? Ou peut-être que, justement, se lier à un tel culte l'aiderait à mieux apprécier cette paix retrouvée.

Le semi-drow essayait de se remémorer les différentes divinités de la nature qu'il connaissait. Ses connaissances étaient purement livresques, car il n'avait jamais été vraiment attiré par de tels domaines – la forêt exceptée, par égard pour sa propre enfance. Et cela revenait un peu à passer en revue une liste de noms... Malar, Aurile ou Umberlie... n'apporteraient pas à Mornagest la paix qu'il souhaitait. Chauntea... Il voyait mal son compagnon se faire fermier ni jardinier. Mailikki... était liée à la forêt, et ce n'était pas exactement ce type de paysage qu'appréciait le guerrier. Sylvanus... L'équilibre et la morale des druides lui passeraient probablement loin au-dessus. Lurue ? Liée aux animaux magiques, ce n'était pas encore cela non plus.

Et puis il y avait Eldath... A sa connaissance, c'était la divinité qui associait le mieux les deux domaines de la paix et de la nature, tout en liant cette sérénité à la contemplation, aux sources et aux cours d'eau. Là s'arrêtaient néanmoins les connaissances du semi-drow, qui invita Mornagest à se renseigner sur elle.

"Enfin, plus tard, peut-être, conclut-il en souriant.Outre le fait que c'est une divinité mineure, je vois mal un de ses temples se nicher à Melandis."

[Mornagest]

Le guerrier secoua la tête.

"J'espère n'avoir jamais besoin d'y retourner. Trop de mauvais souvenirs... et ce serait inutile, probablement."

Il soupira. Les choses n'étaient jamais simples, et concernant la religion, il s'était laissé prendre au piège de la facilité en épousant la cause d'une divinité brutale et tyrannique, qui allait si bien avec son rôle... et vis-à-vis de sa personnalité ? Il devait se retrouver, découvrir qui il était réellement. toute sa vie, il avait été ballotté par les événements, emporté par le courant des drames et des péripéties qui lui étaient arrivées parfois à un rythme effréné. Aspirait-il sincèrement à une paix qui pourrait rapidement l'ennuyer ? Le temps répondrait à cette question, de même qu'à celle de sa foi.

"La bibliothèque impériale recèle des ouvrages de tous les domaines. Peut-être pourrai-je y trouver quelque traité sur les divinités et leurs dogmes... quand j'aurai le temps, entre deux préparatifs pour ce "voyage"." Il ponctua sa phrase par un léger sourire. Le temps lui semblerait long, dès le départ de Lothringen...

[Lothringen]

"Ma foi, n'hésite pas à le faire. Ça n'engage à rien, et... je pense que c'est vraiment important."

Il avait beaucoup lu sur l'Après Vie, sur la manière dont les âmes étaient triées et sur le sort peu enviable de celles qu'aucun dieu n'avait réclamé... Bien sûr, tous ces récits étaient sujets à caution et les choses évoluaient, mais ils concordaient sur de nombreux points et le temps n'était plus où Kelemvor avait fait de la mort un doux repos... C'était une chose que de quitter ce monde, mais combien plus affreuse quand c'était pour affronter une telle perspective. Lothringen craignait cependant d'importuner Mornagest avec ses songeries sinistres, et c'est pourquoi il préféra ne plus en parler.

Ce qui fit qu'il ne savait plus que dire. L'approche de la séparation lui nouait la gorge...

[Mornagest]

Le guerrier était très loin d'avoir la culture de Lothringen, aussi il acquiesça simplement à son affirmation. Les questions religieuses avaient une signification toute particulière dès le moment où on se sentait aimé de quelqu'un. Lorsqu'il était seul, que lui importait la damnation de son âme ?

"Entendu. Je m'occuperai de ça. Mais avant tout, je dois réunir le conseil et contacter Lumenis. Cela ira vite, je présume."

Un silence s'établit entre eux, mais il n'en ressentit plus la gêne d'autrefois, lorsqu'il connaissait à peine son compagnon. Il se contentait de le regarder tranquillement, observant ses traits fatigués par la nuit épouvantable qu'il avait passée, et par l'accumulation des soucis inhérents à sa fonction d'ambassadeur... sans compter ceux, personnels, qui les concernaient tous deux.

Il se décida cependant à briser le silence.

"Tu comptes repartir à Manost bientôt ?". Sa mission l'attendait probablement. La gestion d'une cité ne se faisait pas seule, et les temps étaient durs, là-bas comme ici. Sans révolution cultuelle, heureusement.

[Lothringen]

"Hé bien, je... Cela fait déjà dix jours que je demeure en ville, alors qu'à l'origine je ne comptais rester ici qu'un jour ou deux. Il y a eu ce petit détour par le temple de Talos... Puis toi... Je ne veux pas laisser Manost trop longtemps sans dirigeant, comme cela s'est un peu trop souvent produit ces derniers temps..."

Et pendant que nous parlons, le Grand Emissaire, que j'ai laissé rentrer seul, doit errer quelque part dans le désert, sur la route de Manost.

Il rendit son regard à son compagnon. Un regard tendre, un peu triste, et certainement inquiet... Il n'aimait pas l'idée de laisser Mornagest seul, surtout pas quand il avait un si net souvenir de l'état dans lequel il l'avait retrouvé, quelques jours plus tôt. La folie, le désespoir ne seraient jamais loin... Tant qu'il serait en ville, du moins.

"Je n'ai pas envie de partir, souffla-t-il, en désespoir de cause. Mais plus longtemps je reste, plus je nous fais prendre de risques... Et il faut bien que je fasse nos préparatifs, moi aussi."

Trouver un navire, un équipage, des parchemins, régler sa succession... Tant de choses à faire, et si peu d'envie.

"Je ne suis pas à quelques heures près, cela dit. As-tu... Souhaites-tu à ton tour faire quelque chose de particulier, avant ?"

[Mornagest]

Il comprenait bien. Les exigences politiques, il savait ce que c'était. C'étaient elles qui l'avaient empêtré dans ce bourbier, à Melandis. Qui avaient failli, à maintes reprises, le tuer, ou le faire devenir fou. Il ne s'en était fallu que d'un cheveu... ou plus exactement, d'un semi-drow.

"Être avec toi. Mais..." Il soupira. "Ce serait risqué de perdre du temps. Prenons notre mal en patience." Même si ce serait difficile, l'issue de cette affaire approchait, lentement mais sûrement. "Et puis... je n'ai rien à te montrer... je veux dire, rien d'aussi impressionnant que l'image de Tymora."

Naguère, il aurait pu lui faire visiter un moment quelques endroits intéressants à Melandis. Le temple de Talos... avant sa destruction. Mais Lothringen avait probablement eu l'occasion de juger de ses richesses... La bibliothèque impériale, également. L'école de magie, malgré sa tendance à enseigner des arcanes plutôt sombres. Sans parler du monastère, reconstruit l'année précédente, et qui, aux dires de ceux qui prenaient le temps de s'y retirer quelques jours, était réellement un havre de paix au sein même de la cité du Chaos.

Cependant, Mornagest venait de subir une métamorphose interne aussi brutale que rapide. Tout, autour de lui, lui paraissait sinistre, sans intérêt, corrompu et bon à être renié. Comme s'il avait enfin ouvert les yeux, il se demandait comment il avait pu, si longtemps, admirer cette agglomération d'espèces vivant l'une sur l'autre dans un capharnaüm crasseux, empli de haine et de convoitise.

Non... réellement, Mornagest n'avait rien à montrer à Lothringen. Rien d'autre que lui-même.

[Lothringen]

Lothringen se décala sur la tombe pour inviter son compagnon à prendre place auprès de lui.

"Tu crois vraiment que je t'ai montré cela pour t'impressionner ?"

Il n'attendait pas de réponse. Il saisit la main de Mornagest et la garda dans les siennes. Le silence s'installa de nouveau sous le soleil impitoyable. Le regard perdu dans le vague, le semi-drow essayait de s'habituer à l'idée de la séparation, d'une nouvelle absence, des doutes et des angoisses qui l'accompagneraient.

"J'aurais dû revenir plus tôt... Je regrette."

Il cligna des yeux, ébloui, reportant son regard sur les graviers des allées. Il ne savait pas vraiment ce qu'il essayait de dire. Peut-être souhaitait-il simplement retarder le moment.

"Tu es ce que la vie m'a donné de plus précieux. Ne l'oublie pas... Je ne suis pas certain de pouvoir le supporter une nouvelle fois."

Nouveau silence accablé de lumière.

"Ces quelques semaines vont me paraître atrocement longues, mais l'horizon semble enfin s'ouvrir pour nous deux. C'est à cela que je veux penser."

[Mornagest]

Il ne répondit pas tout de suite. Il repensait à tout ce qu'ils avaient vécu, depuis leur première rencontre. Les froides et diplomates politesses, les discussions plus générales sur leurs cités respectives, les aveux plus intimes, l'évasion vers le bosquet aux druides, et ce qui s'y produisit... puis tout le reste. Son accession douloureuse au conseil, les combats incessants, tant physiques que moraux, sa longue et lente déchéance vers la folie, brusquement et salvatricement interrompue par Lothringen. Cela faisait beaucoup, en quelques mois.

"Tu n'as aucun regret à avoir. Tu ne pouvais pas savoir que je m'étais empêtré dans une... là-dedans." Il n'avait pas de mots précis pour décrire son ancienne situation, et il préférait en rester là. Accepter ses erreurs, puis oublier... passer à l'avenir.

"Il me tarde d'être libres, tous les deux, tu sais. Je... j'ai bien conscience de ne montrer mes sentiments que de façon assez... particulière. Je ne sais même pas comment t'exprimer ma gratitude pour tout ce que tu as fait pour moi..." Il était redevenu le guerrier timide et sauvage qu'il était avant de connaître Lothringen, et manqua de peu rougir.

[Lothringen]

Lothringen sourit mystérieusement.

"Ne t'inquiète pas, le message est passé. Et si tu veux vraiment me remercier... Trouve ta place. Sois heureux. Et souviens-toi de moi... J'y trouverai mon compte."

Il pressa légèrement la main de son compagnon, sans pour autant oser le regarder. Ce qu'il avait fait pour Mornagest, il ne le concevait pas comme un exploit, ni même comme un effort de sa part ; il avait réagi à tout ce qui le menaçait, au physique comme au moral, comme il aurait lutté pour sa propre préservation. Il aurait été faux de dire qu'il n'en attendait pas de retour, néanmoins. Ses attentes étaient immenses. Mais pour l'heure, elles étaient comblées : ces derniers jours passés ensemble, ces mots tendres, ce projet fou de tout lâcher l'un pour l'autre... Il ne s'estimait pas à plaindre.