[Lieu] L'étrange bosquet des docks

[Taliesin]

Garance accepta le cadeau, l'examina un instant puis le rangea soigneusement dans sa besace.
-Merci. Je vois exactement ou je pourrais le planter... Le jardin du sanctuaire manque de quelques arbres pour en ombrager les allées... Celui-ci fera particulièrement bienl'affaire.
Elle observa un instant le bosquet, autour d'elle, puis hocha la tête.
-Il va bientôt être temps pour moi de rentrer, si je ne veux pas manquer la cérémonie de l'aube en dormant jusqu'à midi... Je tâcherai de revenir vous voir en plein jour, dès que j'en aurai l'occasion.

[Kasumi]

Kasumi se leva et tenta de remettre de l’ordre dans sa tenue encore plus qu’à moitié gorgée d’eau de mer. Il se réjouissait que la Chauntéenne accepte son cadeau. D’ici quelques années et pour les siècles à venir, le châtaignier témoignerait de l’amitié de trois dieux : celle qui avait donné vie à la graine, celle qui la ferait éclore et fructifier et celui qui abriterait l’arbre au sein de son sanctuaire. C’était aussi un lien ténu qui se créait entre deux inconnus, à moitié étrangers dans une ville d’adoption.

- Il se fait tard en effet. Je ne doute pas que vous sachiez vous défendre au besoin mais je m’en veux de vous avoir retenu jusqu’à la nuit. Je dois me rendre au Fort et être prêt pour l'entraînement de demain. Pourquoi ne ferions-nous pas le chemin ensemble ? Je pense qu’Ombrage s’est suffisamment exprimé ce soir pour que ce soit sans risque.

[Taliesin]

Garance acquiesça, sans apparemment hésiter un seul instant.
-J'accepte bien volontiers. Cela me fera gagner du temps et donc du sommeil... J'espère cependant qu'il ne prendra pas fantaisie à votre monture de nous jeter dans l'eau : les bains de minuit ne sont plus de mon âge, et l'automne n'est pas exactement la saison pour ce genre de rafraichissement !!
Elle sourit, montrant qu'en réalité, elle ne redoutait ni le cheval, ni le cavalier.

[Kasumi]

Le rôdeur fut rassuré que la jeune femme ne fasse pas le trajet seule en pleine nuit. Certes, l’époque de la tyrannie était révolue et l’essentiel des menaces écartée dans les environs mais Kasumi était bine placé pour savoir que les patrouilles de la garde étaient encore trop rares pour assurer une quiétude totale dans les rues de la ville. Mieux valait encore se déplacer en groupe et des armes n’étaient pas de trop. Le rôdeur récupéra les siennes avant d’appeler Ombrage. Il aida ensuite Garance à se hisser sur l’animal avant de monter lestement devant elle.

Le cheval adressa un regard de reproche à ses cavaliers avant de filer dans la nuit, guidé par le demi-elfe qui lui fit prendre la direction du Sanctuaire de Lathandre.

[Bat]

Vers 11 heures du matin, un bruit de sabots se fit entendre. C'était Dorian Cheveux-de-Jais qui marchait au petit trop de sa monture et se dirigeait vers le bosquet. Arrivé devant la masse de verdure, il mit pied à terre et prenant SabotsLégers par la bride, s'engagea dans les allées couvertes de feuilles. dorian espérait trouver soit l'abri cité par sire Kasumi, soit le rôdeur lui-même. Dans les fontes de SabotsLégers se trouvaient, pelles, piques, hache et tenailles munies d'un cran, bref toute la commande du rôdeur.

[Kasumi]

Malheureusement, Kasumi n’était pas présent. Comme tous les matins depuis bientôt deux semaines, il supervisait l’entraînement d’une partie des gardes du Fort en vue de la Fête de la Lune. Cependant, comme promis, le rôdeur avait aménagé un abri au milieu du Bosquet. Là un débris d’escalier, vestige de l’ancien entrepôt, avait été recouvert d’une toile recouverte de feuillages. Ainsi, sous la structure de pierre haute de deux mètres, un espace était ménagé à l’abri des intempéries. Durant sa progression, Dorian fut épié par un vieil hibou à moitié endormi et perçu le mouvement de plusieurs faucons se déplaçant entre les branches hautes du bosquet.

[Bat]

Dorian n'appercut pas son nouvel ami : il repéra immédiatement par contre l'abri dont Kasumi lui avait parlé. En gagnant le centre de la pièce, Dorian remarqua des animaux qui l'épiaient, un hibou qui ouvrait à demi un oeil passablement endormi et des faucons qui tournoyaient au dessus de lui. Dorian jeta un regard amical à toute la faune ailée et déposa le sac contenant les outils commandés par messire Kasumi ; ensuite il sortit de l'abri, puis du bosquet. Finalement il remonta sur le dos de sa jument et s'en alla. Sur le chemin du retour qui le menait à la forge, Dorian se dit que messire Kasumi était incroyablement confiant en l'honnêteté de ses concitoyens luméniens pour laisser ainsi exposé sans surveillance un sac d'outils. Même si Luménis était une cité du bien, elle avait ses bas-quartiers où les chaparedeurs ne devaient sûrement pas faire défaut....Dorian espéra que le rôdeur trouverait le sac tel qu'e lui le forgeron le lui avait laissé.

[Galathée]

Quête : Un désir de crépuscule.

Venant du Fort, les gardes et le rôdeur se coulèrent entre les arbres. Les jeunes gens étaient enthousiastes, prêts à affronter l’épreuve avec énergie et application. Alors que Kasumi s’apprêtait à leur exposer les directives, il y eut un froufroutement dans la canopée du chêne qui le surplombait, et une tourterelle tomba du ciel, pile sur son épaule, en roucoulant avec plaisir. Le tableau fit rire ses élèves, mais l’oiseau semblait déterminé à ne pas se laisser déloger. Il se piquetait la patte avec intention, et le rôdeur nota bientôt qu’il avait un petit parchemin noué à cette dernière.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur fut pris au dépourvu par l’arrivée de l’oiseau qui vint se nicher directement sur son épaule. Il se reprit bien vite et s’apprêta à plaisanter à propos d’épouvantails avant de songer à Félix. La présence d’un oiseau à l’attitude si étrange pouvait bien impliquer le gnome. Et comme pour confirmer sa conviction, le demi-elfe remarqua un minuscule parchemin arrimé à la patte droite de l’animal. Présentant sa main gauche pour que l’oiseau y bondisse, il défit le ruban pour récupérer le message de l’autre main. Il le déroula prestement curieux d’apprendre ce qu’on voulait lui annoncer.

[Galathée]

Dès que le rôdeur eut retiré le parchemin de sa patte, la tourterelle s’envola et regagna les branches de son arbre. Le message était court, laconique.
« Je ne peux pas venir à votre rencontre, mais je dois vous voir. Venez me trouver dès que possible, prétextez n’importe quoi pour me parler. Signé : La femme aux fleurs. »

[Kasumi]

Quête : un Désir de crépuscule

Kasumi relut deux fois le message tellement il était incrédule. Il ne se serait jamais attendu à recevoir un message de Garance et encore moins de cette curieuse façon. Rien n’indiquait qu’il y avait vraiment urgence mais la jardinière n’avait pas signe le billet de son nom. Le rôdeur se demandait pourquoi la jeune femme souhaitait garder un anonymat de façade. A moins que le message ne lui soit pas destiné, que l’oiseau se soit égaré. Ou alors, était-ce une façon subtile de lui indiquer où se tiendrait le rendez-vous. La réponse à toutes ces questions nécessitait que le demi-elfe se rende rapidement au jardin du sanctuaire de Lathandre. Mais il ne voulait pas trahir la confiance que Darren, et d’une certaine façon les soldats aussi, avaient placé en lui. Il donna donc la leçon comme prévu à ces derniers mais avec une certaine fébrilité. Une heure et demie plus tard, il les renvoya au Fort et monta Ombrage pour se rendre au lieu de rendez-vous.

[Voyageuse]

Depuis le front de mer, Astrée contemplait avec étonnement l'imposant bouquet d'arbres.

Elle suivit Kasumi, quittant le bord de l'eau pour pénétrer dans l'étranger bosquet. Elle avait une impression bizarre. Elle observa attentivement la végétation, chercha à se concentrer pour capter les vies alentours. Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir le sentiment que quelque chose clochait sans trop savoir quoi. Ce bosquet semblait... un peu artificiel. On aurait dit que tous les arbres avaient poussé à la même époque. Elle fit part de ses réflexions à Kasumi.
- C'est étrange, ce bosquet au beau milieu des docks. D'où vient-il ? L'a-t-on planté intentionnellement ? On dirait que tous les arbres ont le même âge. Ca fait un drôle d'effet... Et pourquoi as-tu parlé de jardiner ?

Elle se souvint des mots qu'il avait prononcé dans son délire. Qu'il devait s'occuper des arbres. Et que Garance disait que c'était inutile. Elle sourit en se rappelant la suite : il lui avait promis une statuette... Qui désormais ne quittait plus sa poche, contre son coeur.
- C'est ça, les arbres dont tu parlais l'autre jour, lorsque tu étais blessé ? Tu disais que tu devais t'en occuper ?
Elle n'ajouta pas la question qui lui brûlait soudain les lèvres : qui était Garance ? Et elle fit de son mieux pour se persuader que seule la curiosité lui inspirait cette question. Rien d'autre...

[Kasumi]

Le rôdeur mena Astrée jusqu’au centre de la formation végétale. Ici, à l’ombre, un petit espace était dégagé devant un autel. Il s’installa sur le rebord de pierre et invita la jeune femme à faire de même. Une petite lueur dans le regard trahissait son triomphe devant la curiosité que le bosquet avait suscité chez la rôdeuse.

- Tout ceci à débuter un peu comme un accident en réalité…

Alors qu’il racontait dans quelles circonstances le gnome Dubnium avait concocté un élixir capable de rendre la vie aux arbres et les faire pousser à une vitesse surnaturelle, l’un des pensionnaires du bosquet vint se jucher sur une branche basse pour observer les intrus. Il s’agissait du vieil hibou que le rôdeur avait récupéré auprès du maître fauconnier de la garde municipale. Qu’il soit réveillé annonçait assurément que l’après-midi était bien avancé et que commencerait bientôt la longue nuit hivernale. Le demi-elfe conclut son récit par son séjour alors qu’il était inanimé.

- Je suis étonné sue tu te souviennes de mes paroles d’alors. Je ne me souviens pas avoir été vraiment cohérent alors.

En réalité, il était flatté que la rôdeuse attache assez d’importance à ses paroles pour s’en souvenir…

- Je me suis efforcé d’aménager un peu les lieux avec les conseils de la jardinière du Sanctuaire de Lathandre. A vrai dire, elle m’a conseillé de tout laisser en friche ou presque et que cela s’accorderait plus avec la nature sauvage de Mielikki à qui est dédié ce sanctuaire. Qu’en penses-tu ?

[Voyageuse]

Astrée sentit un mouvement dans sa capuche. Prince des Frelons, qui avait regagné l'abri si chaud de la fourrure, semblait vouloir explorer un peu ce nouveau territoire qui s'offrait à lui. Elle le vit bondir au sol et gagner l'arbre le plus proche, un chêne. Sans doute à la recherche d'un ou deux glands rescapés.

Elle sourit à Kasumi.
- Oui, je pense qu'elle a raison. Il vaut mieux laisser la nature faire son travail, elle n'a pas besoin de nous pour agir au mieux.
Puis elle ajouta, avec dans les yeux une lueur d'intérêt qu'elle eut du mal à cacher.
- Il me semble que tu as parlé de cette jardinière dans ton délire. En tout cas, tu as mentionné une certaine Garance, je suppose que c'est elle... Et j'imagine que c'est toi qui a dédié ce sanctuaire à Mielikki ? demanda-t-elle aussitôt pour détourner la conversation sur un autre terrain. Mieux valait que le rôdeur ne devine pas l'intérêt qu'elle portait soudain à cette Garance. Tu passes beaucoup de temps ici ?

[Kasumi]

Le rôdeur adressa un regard pénétrant à Astrée car il avait perçu une certaine tension derrière ses questions.

- Oui son nom est bien Garance, je vois que je ne peux rien te cacher. Elle est clerc de Chauntéa et m’a un peu aidé. Et comme tu finiras manifestement par l’apprendre, il vaut mieux que je l’avoue tout de suite, c’est bien moi qui ai consacré le bosquet. Mais « consacrer » est un grand mot, je ne suis pas un prêtre ! En fait, c’était surtout un moyen pour souder les gens du quartier alors que la guerre faisait rage. Je n’ai guère eu l’occasion d’y passer de temps en réalité. Mais c’est un endroit agréable, tu vas voir.

Le rôdeur se leva, manifestement gagné par une grande agitation. Il prit la main d’Astrée et l’entraîna vers un arbre doté de branches solides. Sans prévenir, il commença l’ascension et s’installa sur une branche haute.

- Viens me rejoindre, ce serait vraiment dommage que tu sois venue jusqu’ici et que tu ne voies pas un coucher de soleil depuis le meilleur endroit de Luménis.

Du haut de ce perchoir naturel, la vue était dégagée sur tout le front de mer et, à l’horizon, l’astre diurne irisait le ciel d’une teinte rouge orangée.

[Voyageuse]

Astrée lança un sourire amusé à Kasumi. Elle adorait grimper aux arbres. S'il voulait la défier ainsi... Il allait voir de quoi elle était capable ! En quelques minutes, elle avait grimpé lestement jusqu'à la plus haute branche de l'arbre, surplombant largement Kasumi. S'asseyant confortablement, elle laissa ses jambes pendre dans le vide, s'amusant négligemment à effleurer la tête de son compagnon avec son pied. Juste pour l'agacer... Objectif rapidement atteint si on en juge par la vitesse avec laquelle il grimpa quelques mètres supplémentaires pour s'installer auprès d'elle.

La branche ploya un peu sous leurs deux poids réunis, mais Astrée l'avait choisie suffisamment solide. A condition toutefois de rester proches du tronc, ce qui les obligeait à se serrer l'un contre l'autre un peu plus que ce que la décence autorise habituellement... Astrée se sentit rougir à ce contact, et s'efforça de garder les yeux fixés sur le coucher de soleil pour dissimuler son trouble.

Kasumi n'avait pas menti : la vue était magnifique. Le ciel s'était paré de ses plus belles couleurs, le soleil couchant illuminant les nuages de magnifiques dégradés orangés. Ils restèrent un moment silencieux, admirant le spectacle que leur offrait la nature et s'imprégnant de la paix de l'instant. Là-haut, au sommet de l'arbre, au coeur du bosquet, régnait un calme absolu, une tranquillité que rien ne semblait devoir perturber. Comme s'ils étaient en-dehors du monde...

Au bout d'un temps qui leur parut à la fois infini et trop court, le soleil plongea dans la mer. Lentement. Comme s'il voulait s'y baigner. Les flots se nimbèrent à leur tour de reflets orangés. Puis, petit à petit, la lumière faiblit. Mais avant de disparaître complètement, noyé dans les profondeurs de la mer, l'astre étincela une dernière fois. D'un étrange rayon vert. Comme un clin d'oeil.

La magie de l'instant avait fait oublier à Astrée sa gêne. Ils étaient si bien, ici... Elle sentit soudain quelque chose, à la limite de sa conscience. Un appel. Baissant les yeux, elle vit un magnifique cheval couleur miel, à la crinière blanche, la tête levée vers elle, qui semblait les attendre. Son cheval. Elle le désigna d'un signe de tête à Kasumi, les yeux pétillants d'un amusement enfantin. Fière. Et un peu troublée, à nouveau, par la proximité de son compagnon.

[Kasumi]

Kasumi ne se souvenait pas avoir jamais assisté à aussi beau spectacle que ce coucher de soleil. La présence d’Astrée et l’incongruité de leur position perchée n’y étaient sans doute pas étrangers. Alors que le dernier rayon ait disparu dans l’onde glacée, le rôdeur répugnait à descendre de leur branche. Astrée le rappela pourtant à la réalité en lui désignant le sol. Les yeux pétillants de malice de la rôdeuse étaient un spectacle qui valait bien celui du coucher de soleil. Il se fit la réflexion que, ces derniers temps, il se surprenait souvent à rêvasser. La vue de Prince des frelons l’arracha à sa contemplation et un sourire ourla ses lèvres.

- On dirait que ton nouveau compagnon a plus d’un tour dans son sac. Où est passé ton écureuil ?

Puis, sans prévenir, il sauta de sa branche et se rattrapa souplement plus bas et lança avec gaieté :

- Le dernier en bas perd la course !

[Voyageuse]

Astrée fut prise de court par le défi du rôdeur, et celui-ci avait déjà quelques mètres d'avance lorsqu'à son tour elle amorça la descente. Se laissant tomber de branche en branche, elle dévala l'arbre aussi vite qu'elle le put. Pas assez vite cependant : son homologue toucha terre au moment où elle atteignait la dernière branche.
Elle se vengea de son échec en se laissant tomber souplement... sur les épaules de Kasumi. Elle n'y resta pas plus de quelques instants, savourant la surprise de son compagnon - qui avait heureusement suffisamment de résistance et de sang-froid pour ne pas s'écrouler sous le choc, puis sauta à terre avec un sourire taquin.

- Bon, c'est d'accord, tu as gagné... Et que veux-tu en récompense de ta victoire ? Un dîner à la Bienveillance ? Un abonnement à vie aux dégustations de gaufres au chocolat ? Un petit galop sur le dos de mon Prince - s'il est d'accord bien sûr ? Autre chose ?

Sans attendre la réponse, elle s'approcha de Prince des Frelons, et dit d'un ton solennel en désignant son compagnon :
- Mon Prince, je te présente Kasumi, rôdeur de son état, pourfendeur de morts vivants et de sharites, preux chevalier prêt à voler au secours de toute demoiselle enfermée en haut d'une tour. Et aussi à l'aise dans les arbres que toi !
Puis, se tournant vers le rôdeur :
- Kasumi, je te présente Prince des Frelons, jeune étalon farceur et plein de talents, tour à tour vaillant destrier, écureuil agile et abeille bourdonnante. Et aussi joueur que toi, je le crains.

Elle acheva la cérémonie de présentation en prenant la main de Kasumi pour la déposer sur le chanfrein du cheval, lequel souffla par les naseaux en guise de salut.

[Kasumi]

Kasumi fut pris au dépourvu par Astrée qui lui tomba sur les épaules. Il ne dut plus à la légèreté et à l’habileté de la rôdeuse qu’à ses réflexes de ne pas s’effondrer sous le choc inattendu. Et il n’avait pas été au bout de ses surprises et la présentation improvisée orchestrée par la rôdeuse. Sa main sur l’encolure de l’animal, il fut frappé par la compréhension des derniers évènements, la disparition du cheval, l’apparition de l’écureuil, le sourire énigmatique d’Astrée. Il ne s’était pas attendu à ce que tout cela cache une révélation de cette ampleur. Sa main caressant l’encolure, le demi-elfe tendit son esprit pour parachever les présentations avec l’étrange animal changeant que Belenn avait confié à son amie.

Alors que la rôdeuse n’attendait plus de réponse à sa question de pure forme, Kasumi se dit que c’était bien son tour de tenter de l’étonner :

- Eh bien très chère, ma récompense m’a déjà été accordée ce soir car j’ai découvert que les chevaux grimpaient aux arbres et que parfois il en tombait même de très jolis fruits.

[Voyageuse]

Prince des Frelons tourna la tête vers Kasumi et émit un doux henissement en guise de salutation. Il ne chercha pas à se dérober au contact mental, laissant transparaître son caractère curieux et indépendant.
Astrée les observait, heureuse que sa monture ait accepté de partager son secret avec Kasumi.

Les paroles de celui-ci, et son compliment imprévu, firent monter le rouge à ses joues. Elle ouvrit la bouche pour répondre quelque chose, cherchant désespérément une répartie de préférence pleine d'esprit. Mais rien ne vint. Comme d'habitude... Pourquoi fallait-il qu'il réussisse toujours à la désarçonner ?
Réalisant qu'il l'observait du coin de l'oeil, sans doute amusé de la voir ainsi prise de court, elle se détourna un instant, les yeux fixés sur les pointes de ses pieds. Son coeur battait beaucoup trop vite, son teint avait viré au rouge cramoisi, et sa gorge soudain sèche l'empêchait de prononcer le moindre mot, eut-elle trouvé quelque chose à dire.

Elle respira profondément, cherchant à reprendre son calme avant qu'il ne s'aperçoive de son trouble. Comment diable s'y prenait-il pour la mettre dans un état pareil ? Depuis le temps, elle aurait dû être habituée, mais non, c'était de pire en pire... Elle décida aussitôt que ce n'était pas le moment de chercher à analyser tout ça, et qu'elle y réfléchirait... plus tard ! Fuite bien commode...
Bon, elle n'allait tout de même pas rester plantée ainsi sans rien dire, sans rien faire ? Puisqu'elle ne trouvait pas de plaisanterie adaptée, autant choisir la franchise.... Elle s'entendit donc répondre avec un soupir théâtral :
- Kasumi, tu es vraiment un séducteur.

Puis, évitant de croiser son regard de crainte d'y lire... elle ne savait trop quoi d'ailleurs, elle s'approcha à son tour de son cheval, et tendit son esprit vers l'animal pour le prévenir de ses intentions. D'un bond, elle fut sur son dos. Elle avait toujours aimé monter ainsi à cru, se sentant sans doute plus proche de sa monture. Elle tendit la main à Kasumi, l'invitant d'un geste à la rejoindre.
- Je t'offre une petite chevauchée pour rentrer à la Bienveillance ?
Et elle repoussa immédiatement la pensée qui la traversa : Non, ce n'était pas dans le but de retrouver à nouveau le contact et la chaleur de son corps contre le sien. Absolument pas.

[Kasumi]

Kasumi adressa un sourire triomphant à la rôdeuse et s’approcha du cheval qui le regardait d’un air de martyr. La monture était loin d’être aussi robuste que son propre cheval mais elle pourrait sans peine supporter leurs poids réunis pendant le court trajet qui les séparaient de l’auberge. Le demi-elfe ne se priva donc pas de ce plaisir et monta derrière Astrée. Il posa ses mains sur la taille de la jeune femme pour ne pas glisser lorsque l’animal se mis au petit trop.

Comme il l’avait prévu, le trajet fut vite parcouru et bientôt la lumière filtrant des fenêtres accueillantes de la Bienveillance. Le rôdeur sauta à bas de la monture et offrit son aide à Astrée bien qu’elle n’en eut guère besoin.

- Crois-tu que ton prince acceptera de partager sa stalle avec Moïse ? Il y a fort à parier qu’il fera le mur dès qu’il aura fini son fourrage de toute manière. En tous cas, c'est une bonne nouvelle que l'auberge ne soit pas aussi remplie que celle de Rohan.

Le rôdeur s'amusa de l'évocation de ce souvenir. Cela paraissait déjà bien loin...

[Kasumi]

Le Bosquet des docks parut un rien terne et artificiel sous les premiers rayons de soleil alors que la veille au soir il avait parut chaleureux en la compagnie d’Astrée. Si la végétation foisonnait, la vie animale le colonisait que très superficiellement alors que le hibou s’était caché dans un recoin pour sombrer dans son sommeil diurne et qu’il n’y avait nulle trace des faucons. Kasumi espérait qu’ils étaient simplement partis en chasse et n’avait pas déserté durablement le petit sanctuaire qu’il leur avait offert comme nouveau foyer.

Mais par-dessous tout, c’était d’une présence humaine que le demi-elfe manquait le plus. Etrange comme il s’y était habitué au bout de quelques jours alors qu’il s’en était passé pendant des années… Après quelques jours, il portait un regard différent et voyait en chaque absence, une part du vide dont il venait seulement de prendre conscience. Pour se sortir de ces sombres pensées, le rôdeur récupéra les outils forgés par Dorrian et commença à rafraîchir certaines parties du sous-bois qui donnaient vraiment une impression d’abandon chaotique. Bien que le fond de l’ait fut frais, il fut rapidement en sueur et renonça à sa tunique. Après tout il travaillait à l'abri des regards et les dockers en faisaient souvent autant.

[Galathée]

Il eut soudain un bruissement dans les branchages sur sa gauche, le passage manifeste de quelqu'un ou quelque chose de bonne taille, et les fourrés s'ouvrirent sur une silhouette en grande conversation avec un oiseau posé sur son avant-bras. Kasumi n'eut besoin que d'une seconde pour la reconnaître : c'était Garance, la prêtresse de Chauntéa qui résidait au Temple de Lathandre. En l'apercevant, elle sourit et renvoya le faucon vers la cime des arbres.
" Je me doutais que vous finiriez par réapparaître." fit-elle, mutine, en s'approchant.
Elle était toujours aussi rousse, toujours aussi menue, mais la dernière fois que le rôdeur l'avait vue, elle était en proie à un tourment qui avait bienheureusement disparu.
" Je vais pouvoir cesser de venir surveiller que les gamins du quartier n'esquintent pas trop vos arbres. Vous m'en voyez ravie !"

[Kasumi]

Absorbé dans son travail et ses pensées, le rôdeur n’avait perçu qu’au dernier moment Garance qui approchait. Il se retourna donc brusquement pour croiser le regard mutin de la prêtresse. Les doutes et l’inquiétude qui la rongeaient lors de leur dernière rencontre semblaient envolés pour révéler une femme à l’air rayonnant. Alors qu’elle portait un regard scrutateur sur lui, il se rendit compte qu’il n’avait pas remis sa tunique et un courant d’air glacial lui donna un frisson. Il se sentait étrangement gêné de se donner ainsi en spectacle et dut faire un effort pour ne pas se couvrir de ridicule :

- Garance, bonjour. C’est une bonne surprise de vous trouver ici. Je vous remercie d’avoir veillé sur le bosquet en mon absence. Vous avez l’air en bonne forme.

Aussitôt les mots prononcés, il se sentit parfaitement ridicule de ces platitudes et le rire guilleret de la jeune femme le conforta un peu plus dans son idée.

[Voyageuse]

Astrée déboucha juste à ce moment, à quelques mètres d’eux. Ses yeux s’arrondirent de stupéfaction en voyant le rôdeur, torse nu, en grande conversation avec une jeune femme rousse, toute souriante. Et vraiment très mignonne...
Elle s’immobilisa, incapable soudain de faire un pas de plus. Qui était-ce ? Certainement une amie très proche, à en juger par le sourire qui s’affichait sur le visage du rôdeur, ses yeux qui brillaient, fixés sur ceux de la jeune femme, son teint un peu plus rose qu’à l’ordinaire, le rire cristallin de celle-ci…
Elle avait l’impression désagréable d’espionner, d’assister à une scène qu’elle n’aurait pas dû voir, de déranger quelque chose…

Non, elle n’aurait pas dû être là. Elle fit un pas en arrière. Puis un autre. Sans parvenir à détacher son regard du couple. Elle se sentait inexplicablement terne et insignifiante à côté de la jeune femme. Avec un étrange pincement au cœur, elle se dit qu’elle ferait mieux de filer avant qu’ils ne s’aperçoivent de sa présence…
Mais à ce moment-là, la jeune femme tourna la tête et l’aperçut. Astrée se figea, et rougit, terriblement gênée.

[Galathée]

Garance ne se laissa pourtant pas décontenancer par l’apparition d’Astrée, et lui décocha un calme sourire.
« Mais voici votre consoeur des grands espaces. » fit la prêtresse en quittant Kasumi pour se porter à la rencontre de la rôdeuse. « C’est un plaisir de vous rencontrer. Je vous avais entrevue lorsque vous êtes venue au Temple, autrefois… Je suis Garance, je sers Chauntéa. »
Elle lui tendit une main amicale.
« Nous ne vous remercierons jamais assez pour ce que vous avez fait. Sans votre intervention, nous n’aurions peut-être jamais retrouvé l’Aubemestre. »
Elle se retourna vers Kasumi.
« Nous vous devons beaucoup. A tous. J’espère que vous le savez. »

[Voyageuse]

Ainsi, c’était Garance. C’est drôle, elle ne l’imaginait pas ainsi. Aussi menue, aussi vive, aussi… lumineuse. Machinalement, elle serra la main tendue.
Pas étonnant que Kasumi soit devenu proche d’elle. Ils allaient bien ensemble….
Tu es jalouse.
Mais non, le sentiment qui lui nouait la gorge et lui serrait le cœur ne pouvait pas être de la jalousie, il n'y avait aucune raison, il avait parfaitement le droit d’avoir des amies.
Des amies…. proches à quel point ?
Et alors ? Qu’est-ce que ça pouvait faire ? Pourquoi en serait-elle jalouse ?

Non, ce n’était pas le moment de réfléchir à tout ça, Garance semblait attendre quelque chose… Une réponse sans doute. Elle repassa dans sa tête les paroles qu’elle avait entendues sans les écouter. Ah oui, la mission…
Elle eut un sourire timide.
- Oh, vous savez, moi je n’y suis pas pour grand-chose, c’est simplement le hasard qui m’a conduite là-bas au bon moment. Mes compagnons ont fait beaucoup plus que moi…
Elle réalisa soudain qu’elle oubliait la plus élémentaire des règles de politesse, et secoua la tête en un geste d’excuse.
- J’oubliais, je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Astrée.

[Galathée]

" Ne minimisez pas ce que vous avez fait. Bien des individus auraient haussé les épaules en découvrant ce vallon ténébreux, mais vous avez eu le coeur d'entreprendre un long voyage pour nous en avertir, et le coeur ensuite de vous impliquer dans une expédition risquée pour un homme que vous n'aviez même jamais rencontré... Vous n'imaginez pas comme ces qualités sont rares et précieuses."
Elle recula d'un pas.
" C'est une bonne chose pour Luménis d'avoir des amis si valeureux."
La jeune femme se tourna ensuite vers Kasumi.
" Je vais vous laisser à votre bosquet féérique... Il s'est langui de vous. Si vous décidiez de repartir... Faites-le moi savoir. Je m'arrangerai pour qu'il soit toujours là à votre retour. Et si vous avez besoin de moi... Vous savez où me trouver."
Elle sourit à nouveau, un sourire mutin, de celle qui en a deviné plus qu'on ne lui en a dit, salua les deux rôdeurs d'une légère révérence, puis battit en retraite dans les fourrés. Une seconde plus tard, Kasumi et Astrée étaient à nouveau seuls.

[Voyageuse]

Le départ de Garance laissa Astrée songeuse, aux prises avec des sentiments contradictoires. Cette jeune femme semblait très sympathique, elle était jolie, épanouie, pleine de gentillesse. Radieuse. Mais… Elle se sentait tellement terne tout à coup, à côté. Et surtout… Elle devinait la complicité existant entre Kasumi et la prêtresse, ils semblaient bien se connaître, s’apprécier. Elle n’avait pas sa place là-dedans. Et puis… Peut-être y avait-il plus qu’une simple camaraderie entre eux ?

Elle croisa le regard de Kasumi et rougit. Avant qu’il n’ait pu dire un mot, elle murmura :
- Je ne voulais pas vous déranger, excuse-moi….
Elle ne savait comment lui dire sa gêne de l’avoir surpris ainsi. Elle baissa la tête.
- Je ne savais pas que tu avais de la compagnie, sinon j’aurais attendu.

Elle n’aurait pas dû venir. Il voulait sans doute rester un peu seul avec elle. Ou peut-être qu'elle se trompait...
Tu es jalouse.
Elle pâlit légèrement en entrevoyant cette vérité qu’elle ne pouvait nier plus longtemps. Oui, elle était jalouse. Elle eut le tournis en songeant à ce que cela impliquait, et s’interdit d’y penser davantage. Pas tout de suite. Il faudrait qu’elle y réfléchisse, mais plus tard. Pour l’instant… Cela lui faisait peur.

[Kasumi]

Le rôdeur se sentit exclu de l’échange entre les deux jeunes femmes. S’il n’avait pas vraiment su quoi répondre à Garance tant il avait été surpris de la voir, l’arrivée d’Astrée l’avait laissé totalement muet. La prêtresse partie, il se rendit compte que son mutisme confinait avec l’impolitesse : il l’avait à peine saluée et espérait qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur.

Mais curieusement, c’est la réaction d’Astrée qui lui importait davantage. A sa réponse gênée, il se demandait s’il avait jeté un froid entre eux et se sentait inexplicablement pris en faute sous son regard triste. Il renfila prestement sa tunique maintenant qu’il ressentait le froid piquant sur sa peau après l’effort. Il prit un ton sincère pour tenter de lever le malaise :

- Voyons, tu n’as pas à t’excuser. Tu ne me déranges jamais et en plus je t’attendais. Je remettais un juste peu d’ordre dans le bosquet. Garance est simplement venu m’avertir qu’elle s’occupait du bosquet en mon absence. Cela fait plaisir qu’ils ne risquent pas d’être délaissés ou débités quand je m’absente. Cela apaise mes remords de les quitter si souvent.