[Bâtiment] Le Grand Fort

[Galathée]

Aucun des gardes en faction ne sembla vraiment surpris de voir Kasumi descendre jusqu’à la morgue. Il se retrouva bientôt seul dans une petite salle qui dégageait une odeur de cadavre pestilentielle. On avait mis de l’encens à brûler un peu partout mais le mélange des effluves était épouvantable et le corps qui reposait sur la table, protégé par un drap, était manifestement en voie de putréfaction, en dépit de la froidure qui régnait dans les sous-sols. Il comprenait mieux pourquoi le dernier soldat à lui avoir ouvert une porte avait marmonné quelque chose au sujet « d’en finir avec le macchabée au plus vite, merci ».

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

L’odeur était vraiment désagréable. C’était le moins que l’on puisse dire. Cependant, Kasumi avait le cœur bien accroché. La vie de rôdeur forestier amenait parfois à de bien pénibles trouvailles.

Kasumi n’avait pas pour autant l’intention de prolonger l’examen plus longtemps que nécessaire. Il s’affaira donc à un examen général après avoir ôté le drap. Le cadavre montrait des signes avancés de rigidité. Le rôdeur commença naturellement par examiner la blessure mortelle au cou. Ses observations confirmèrent bien vite celles de Marcus. Mais ce n’est pas ce qui l’intéressait en premier lieu. Il regarda la peau du cadavre pour tenter de détecter malgré l’état de putréfaction avancée, des signes de brûlure par le feu, le froid ou un choc électrique. Si la cause de la mort était évidente, savoir s’il avait été attaqué avant et par quoi était essentiel.

[Galathée]

Hector avait été un jeune homme à la forte carrure, aux cheveux sombres et à la mâchoire carrée, dont le visage sembla vaguement familier à Kasumi. Sans doute l’avait-il croisé lorsqu’il rendait visite au conseiller. Son expression était relâchée, ses traits avaient payé leur tribut à la mort. Sous son menton béait la blessure qui lui avait coûté la vie. Pour le reste, son corps nu était indemne. Il avait des écorchures sur les genoux et un coude, sans doute dus à sa chute, et quelques bleus sur les côtes. Au delà de ça, rien de particulièrement étrange.
La porte s’ouvrit derrière lui, sur une femme brune en tunique claire.
« Si vous avez des questions ou besoin de quoi que ce soit… » fit-elle en prenant une paire de gants sur le dossier d’une chaise.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi ne fut pas autrement surpris par l’arrivée de la femme brune. Il n’avait pas fait montre de discrétion en s’introduisant dans la morgue et s’attendait à ce qu’on lui envoie quelqu’un pour l’assister ou le surveiller. Le rôdeur en était même satisfait car cela lui simplifierait la tâche et pourrait peut être lui permettre de trouver des réponses qu’il n’aurait pas su tirer seul d’un cadavre de plusieurs dizaines d’heures. Sans se démonter, il recula d’un pas pour laisser s’approcher l’experte du corps.

- Quelque chose m’intrigue et peut être pourrez-vous en effet répondre à mes questions. Comment un homme entraîné se sera-t-il laissé égorger sans même avoir eu le temps de réagir ? Bien sûr, il est possible que l’assassin fut extrêmement discret pour ainsi s’approcher si près de lui. Mais je voudrais écarter d’autres hypothèses : se pourrait-il qu’Hector ait été drogué ou paralysé ? Seriez-vous capable d’en discerner les signes ?

[Galathée]

« Vous devez savoir qu’il est mort pendant cette nuit où la tempête faisait rage. Il pleuvait dru, il y avait du vent, de l’orage, Hector est un être humain, il n’avait pas la faculté de voir dans la nuit. Tous ces facteurs ont pu favoriser une approche discrète de son agresseur. Qui n’était peut-être pas seul. Il est possible qu’il ait eu l’attention attirée par autre chose. Il est possible qu’il ait été attaqué par un assassin entraîné, habitué à user de l’ombre pour surgir sans prévenir. Ou que son adversaire ait été invisible, aussi. Vous savez, le plus compétent des hommes reste vulnérable quand une lame aiguisée se pose sur sa gorge. Les choses ont probablement été très vite. Et… Hector est encore un tout jeune homme. Ce n’était pas un vétéran. Il était sans doute qualifié, mais… dans la mesure de son âge et de son expérience. »
Elle effleura son visage aux yeux clos, au teint jaunâtre.
« Quand on nous l’a amené, son visage portait encore la marque de l’instant où il a été tué. Son expression reflétait l’horreur et la surprise de la plus cruelle des façons. S’il avait été inconscient, paralysé ou drogué, il n’aurait sans doute pas pu arborer un tel masque. Mais d’un point de vue technique, maintenant… La rigidité cadavérique était normale, et je n’ai pas vu de traces m’indiquant qu’il ait absorbé une substance particulière. Même pas de l’alcool. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur écouta les explications attentivement avant de hocher la tête :

- Vous avez probablement raison et les signes abondent dans votre sens mais on m’a enseigné à ne jamais négliger une piste sous prétexte qu’une plus évidente sautait aux yeux. Si Hector ne portait nul signe de paralysie ni de drogues, y avait-il des éléments qui auront attirés votre attention. La pluie a du tout dissimulé mais ses vêtements portaient-ils des marques récentes ? Des taches, une usure inhabituelle, de la terre sous ses bottes, une odeur particulière ? Je sais que mes questions peuvent vous paraître ridicules mais le moindre indice sur ce qui est arrivé autour d’Hector ce soir là est à prendre en compte. Quant à ces hématomes au côté, qu’est-ce qui a pu les provoquer selon vous ?

[Galathée]

La jeune femme sourit et croisa les bras.
« Au risque de vous décevoir, je pense qu’Hector est tombé là où on l’a trouvé. Il avait marché dans les rues, ses vêtements étaient mouillés à cause de la pluie, et il dégageait une vague odeur de viande rôtie et de bière, ainsi que de fumée, toutes renvoyant à la Taverne de la Bienveillance, qu’il venait de quitter. Il portait son uniforme habituel, peu voyant mais fonctionnel, en bon état. Il s’est vidé de son sang sur les pavés. Rien de plus. Quant aux hématomes… »
Elle s’approcha du corps, pointa vers une première tache.
« Celle-ci est ancienne, date probablement de la veille du meurtre. Vu l’emplacement, je dirais qu’il a heurté un coin de table ou le dossier d’une chaise, quelque chose comme ça. »
Elle pointa une autre.
« Cet hématome-là, par contre date de sa chute, du moment où il s’est pris le pommeau de son épée dans les côtes. »
Elle se redressa.
« Rien de suspect, je suis désolée. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur ne manifesta aucun signe de déception comme en attestèrent, du reste, ses paroles :

- Vous n’avez pas à être désolée, je ne m’attendais pas vraiment à découvrir de nouveaux éléments décisifs. Ce que vous me dites confirme mes craintes : nous avons affaire à au moins un assassin très doué. Le pauvre Hector n’aura pas même réussi à sortir son arme de son fourreau. Quand je pense qu’un tel tueur se promène librement dans nos rues… Mais se lamenter ne mènera nulle part. Je me suis laissé dire que les membres découverts dans plusieurs endroits de la cité avaient été eux aussi confiés à votre garde. Pourrais-je les voir ?

[Galathée]

La jeune femme sourit, puis pinça les lèvres.
« Ils sont bien plus intéressants, je vous l’accorde. » fit-elle en se dirigeant vers une petite armoire, qu’elle ouvrit. Elle en sortit trois bocaux, dans lesquels flottaient deux pieds et une main.
« Nous avons récupéré le morceau trouvé à l’université. Un beau puzzle. »
Elle posa les récipients sur le bord du lit d’Hector, devant Kasumi. Deux choses sautèrent rapidement aux yeux du rôdeur : les deux pieds provenaient à coup sûr à la même personne. Et comme la main, ils appartenaient certainement, autrefois, à une femme.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi n’avait pas manifesté de répulsion devant le cadavre d’Hector mais voir les membres contenus dans des bocaux de vinaigre pour les conserver le mit très mal à l’aise. Il s’efforça de réprimer un haut le cœur lorsque la femme médecin sortit un pied de son bocal pour lui montrer le grain de peau. Kasumi détourna le regard du membre tranché après un examen rapide.

- Ils ont manifestement appartenu à une femme ce qui réduit les possibilités. Vous dîtes qu’ils sont intéressants, que vous ont-ils appris ? L’état des ongles et des doigts vous en ont-ils appris sur la profession ou le milieu de la personne ? Comment ont été tranchés les membres et était-elle toujours vivante alors ?

Le demi-elfe redoutait autant les réponses qu’ils espéraient qu’elles pourraient faire avancer l’enquête. Se pouvait-il qu’il s’agisse des membres de la compagne du conseiller ? l’idée donnait froid dans le dos sur le sort d’Albérich si c’était le cas.

[Galathée]

« Tous viennent de la même personne. Une femme entre trente et quarante ans. L’état de la peau et des ongles montre qu’il ne s’agissait pas d’une manuelle et qu’elle mangeait à sa faim. »
La jeune femme sortit la main de son bocal et la présenta à Kasumi pour lui indiquer l’espace entre le pouce et l’index, sur lequel avait été tatoué un petit symbole, des yeux entourés d’étoiles.
« C’est le seul signe distinctif. » fit-elle avec une grimace.
Puis elle reposa le membre et fixa Kasumi dans les yeux, une seconde.
« Vous vous sentez bien ? Vous êtes tout pâle... »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur déglutit avec peine avant de tourner bravement son regard vers son interlocutrice et de parler précipitamment :

- Non, vraiment rien, quelque chose que je n’aurais pas digéré c’est tout…

Puis, comme si de parler l’aider à surmonter son dégoût, il ajouta avec un intérêt réel :

- Je ne reconnais pas ce symbole. Signifie-t-il quelque chose pour vous ?

[Galathée]

« Je ne suis pas experte en symboles. » fit la jeune femme avec une grimace. « Mais je dirais que c’est le signe d’une appartenance à un groupe religieux… C’est fréquent chez les clercs, ce genre de petits tatouages, chez les gens qui offrent une part d’eux mêmes à un principe… Maintenant, quel dieu… On dirait des yeux féminins… Les étoiles. Sans doute une déesse céleste. Ou bien est-ce Sharess qui est symbolisée par des yeux ? Je dois pouvoir dégoter un bouquin quelque part, mais je pense qu’un clerc serait plus à même de vous répondre. Ou n’importe qui avec un semblant de connaissances divines. »
Elle sourit.
« Mais j’en oubliais presque votre dernière question… »
Elle reposa la main dans son bocal.
« Tous ces membres n’ont pas été coupés au même moment. Mais leur propriétaire était vivante, assurément. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi écarquilla les yeux, horrifié par les paroles qu’il entendait. Bien que connaissant déjà la réponse, il ne put retenir sa question :

- Vous êtes sûre qu’elle était vivante ?

Mais, pour masquer sa gêne, il enchaîna aussitôt :

- Je pense que, c’est tout ce que j’ai besoin de savoir pour le moment, à moins que vous n’ayez quelque autre détail en tête. Si j’ai d’autres questions, qui dois-je demander, j’ai été impoli en ne vous le demandant pas plus tôt.

Le rôdeur cherchait manifestement à abréger sa présence dans cette cave sinistre. Il ne pouvait s’ôter de la tête, l’image d’une jeune femme se faisant découper morceau par morceau. Et il lui fallait découvrir au plus vite, à quel culte le symbole était rattaché bien qu’il se doutât déjà de l’affreuse vérité qu’il découvrirait.

[Galathée]

La jeune femme grimaça et farfouilla rapidement dans sa poche, en sortant un petit flacon qu'elle tendit au rôdeur.
« Ce sont des sels. Si vous avez la tête qui tourne, cela vous remettra d’aplomb. » murmura-t-elle, embarrassée. « Si vous avez d’autres questions, vous pouvez toujours venir me trouver. Je me nomme Laura Gardesylve. Mais nous allons faire sortir Hector dans les heures qui viennent, ses proches le réclament. Le reste est protégé par sortilège, pour l’instant. »
Elle l’accompagna ensuite jusqu’à la porte qu’elle lui ouvrit.
« Et je suis sûre qu’elle était vivante, oui. Jusque là. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi refusa poliment les sels d’un geste de la main et se leva en la tendant à Laura.

- Je vous remercie pour vos informations et mes vœux accompagnent la famille d’Hector. Je ne pense pas que nous avons encore des raisons de lui refuser le repos.

Laura l’accompagna jusqu’à la porte et le rôdeur put enfin respirer à son aise une fois dans le couloir. Après avoir salué le garde, il se pressa vers l’extérieur du Fort. Il lui fallait découvrir la signification du symbole et il ne pouvait pas, pour cela, se rendre au sanctuaire de Lathandre au risque d’être vu en compagnie de Taliesin. Il récupéra donc son cheval aux écuries et se dirigea à vive allure vers la Bibliothèque de Luménis. Cet antre du savoir avait de bonne chance de contenir la réponse qu’il craignait.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Une fois dans le réfectoire, Kasumi s’empressa d’aller saluer certains des gardes qu’il reconnut pour les avoirs entraînés lors des jours précédents. Il choisit une tablée animée pour y prendre son repas. Il s’intéressa à la teneur des discussions, s’efforçant d’écouter ce qui pourrait concerner les étranges évènements concernant la « mauvaise plaisanterie » de la soupe ou les soupçons autour de la mort du garde du corps du conseiller.

[Galathée]

Mais les gardes discutèrent de choses et d’autres. D’abord intimidés par la présence du rôdeur parmi eux, ils finirent par se détendre et leurs conversations tournèrent autour des mésaventures d’une patrouille qui avait dû intervenir dans un triangle amoureux et alcoolisé, au cœur des quartiers huppés. Une histoire d’armoire, d’amant, de mari scandalisé et de hache à deux mains qui les faisait beaucoup rire. Aucun ne mentionna le pied dans la soupe, ni la mort d’Hector. La vie continuait.
En fin de repas, alors que Kasumi dégustait un gâteau aux fruits secs particulièrement goûteux, une main fine vint se poser sur son épaule, et une voix féminine lui parla à l’oreille.
« Le dernier morceau est arrivé, si vous êtes intéressé. » souffla-t-elle simplement, avant de s’éloigner.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi finit soigneusement son gâteau autant par gourmandise que pour donner le change devant les gardes. Un trop grand empressement à suivre la chirurgienne du Fort pourrait paraître suspect.

Il se leva finalement en s’excusant et se dirigea vers le couloir où avait disparue l’intéressée. Le rôdeur était horrifié à l’idée de la découverte d’une nouvelle mutilation mais espérait aussi que cela amènerait de nouveaux indices. Il était plus que jamais décidé à faire payer les ravisseurs et il avait grand mal à réprimer sa colère impuissante.

[Galathée]

Laura l’attendait un peu plus loin et lorsqu’elle l’aperçut, elle se remit en marche vers l’extérieur, puis bientôt vers la morgue. Il s’était mis à pleuvoir, un petit crachin glacé à la limite de la neige, qui meurtrissait immanquablement les joues. La nuit était tombée.
Elle le laissa remonter à sa hauteur lorsqu’ils furent dans la pénombre de son repaire.
« Elle est arrivée à la Capitainerie il n’y a même pas une heure. » dit-elle.
De la paume, elle poussa la porte et l’invita à pénétrer dans la petite salle où il avait examiné le corps quelques heures plus tôt.
Darren Flèche-Sombre s’y trouvait, songeur, et il se redressa à leur entrée.
« Messire Kasumi. » fit-il simplement, tandis que la jeune femme leur exhibait la seconde main, semblable à la première, mais dépourvue du moindre signe particulier.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le temps était à l’avenant de l’humeur de Kasumi alors qu’il suivait Laura vers le bâtiment sinistre abritant la morgue du Grand Fort. Le rôdeur nota mentalement l’heure et le lieu de la découverte même s’il ne voyait pour l’heure aucun lien entre les quatre endroits où l’on avait découvert les signes macabres.

Il fut surpris par la présence de Darren dans le local de la morgue et le salua rapidement pour dissimuler son trouble passager. N’ayant rien à se reprocher, il s’admonesta avant de se reprendre :

- Qui a fait la découverte cette fois-ci ? L’affaire s’est-elle ébruitée ?

[Galathée]

Flèche-Sombre jeta un regard vers la chirurgienne, celle-ci hocha la tête et sortit.
« C’est Longuehune lui-même qui m’a appelé. La main était dans le hall d’entrée de la capitainerie. Posée sur le sol. Personne ne sait au juste comment elle est arrivée là. Il y a des témoins, cette fois. Les gardes à l’entrée qui fouillent les visiteurs, pour être certains qu’ils ne sont pas armés. Mais ils ont une mémoire de méduse. Pardonnez-moi l’expression. Ils ne sont pas d’accord sur le nombre de personnes qui sont entrées, sorties, et le hall est trop loin du bureau de Longuehune pour que son escorte se soit rendue compte de quoi que ce soit. Bref. Une main. »
Il soupira.
« Y voyez-vous plus clair que ce midi ? "

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi jeta un long regard au commandant de la garde. Le fait qu’il avait congédié Laura pouvait signifier deux choses : soit il n’avait pas assez confiance en elle, soit il s’imaginait que le rôdeur ne parlerait pas aussi ouvertement en sa présence. Tu te fais des idées ! se morigéna le rôdeur. Il s’attendait à la question du demi-elfe mais il en pesa néanmoins sa réponse avant de s’exprimer à son tour :

- A dire vrai, nous n’avons pour l’heure que davantage de questions dont les réponses nous feront ou non avancer. Nos premières actions n’ont guère donné d’éléments probants mais Dame Arya retournera interroger le témoin demain. La pauvre était encore trop incohérente pour livrer une version intelligible des événements.

Regardant en direction de la main, il ravala sa salive avant de poursuivre :

- Peut être les gardes n’ont rien vu de suspect car il n’y avait rien à voir. La faculté de nos ennemis à semer leur terreur partout dans Lumanis et dans les lieux les plus fréquentés et les mieux gardés est inquiétante. A dire vrai, je ne comprends pas leur schéma s’il y en a un. Peut être les membres ont-ils été semés au hasard ? C’est là un nouveau mystère qui me dépasse pour le moment. Avez-vous votre propre idée sur la question ? Qui a interrogé les gardes ?

[Galathée]

Flèche-Sombre opina du chef, les lèvres serrées.
« C’est Nora Felden qui a interrogé les gardes, sous couvert d’un déguisement. Nous ne voulons pas que trop de personnes réalisent que les autorités s’intéressent à ce qui n’est somme toute qu’un incident macabre. » dit-il. « Gardesylve me dit que nous disposons désormais de deux pieds et deux mains, provenant tous d’une personne dont le signalement correspond malheureusement à Dame Euryale. J’imagine que vous devez avoir écarté les hypothèses les plus romanesques, désormais. »
Il n’attendit pas que Kasumi acquiesce et marcha vers la table, qu’il regarda quelques instants, les bras croisés.
« Je n’ai pas votre recul sur les événements. Mais je ne crois pas que ces lieux aient été choisis au hasard. L’Université, la Capitainerie, la Taverne de la Bienveillance, le Fort. Ces endroits sont des symboles de Luménis, des institutions fréquentées, respectées. A mon avis, même s’ils sont restés discrets, ils nous provoquent, et je pense que… »
Il fit une pause, concentré, soupira.
« Je pense que vu ce qu’il... demeure de Dame Euryale, leur prochain abandon sera plus spectaculaire. Et qu’il aura lieu dans un endroit symbolique qu’ils n’ont pas encore frappé… Il ne reste plus beaucoup de possibilités. »
Il leva les yeux sur Kasumi.
« La bonne nouvelle, d’un point de vue strictement luménien, c’est que pour l’instant, ils ont l’air d’avoir épargné le conseiller. »
Il eut un maigre sourire.
« On trouve ce qu’on peut, où on peut. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur était resté silencieux durant toute la tirade du commandant, signifiant son accord avec l’analyse de la situation par de simples hochements de tête. Lorsque Darren lui laissa le loisir de répondre, il le fit d’une voix posée et sereine, s’efforçant d’étouffer l’impression d’urgence de plus en plus pressante :

- Je me rallie à votre avis bien que nous ne disposions guère encore d’éléments probants pour cerner les motivations des ravisseurs. D’un point de vue strictement stratégique, et si toutefois ils agissent avec une certaine logique, ils doivent se savoir en position de force. Lorsqu’un membre est apparu, nous pouvions nous attendre à ce que soient découverts les trois autres même si c’est facile à affirmer après coup. A cet instant, nous n’avons pas la moindre idée de ce que sera leur prochain mouvement : soit, comme vous le dîtes, ils envisagent d’exhiber une autre partie du corps d’Euryale, soit, ils peuvent s’en prendre au conseiller lui-même. En tous cas, c’est maintenant qu’ils devraient manifester leurs premières exigences. A moins qu’ils ne continuent la même stratégie.

Le rôdeur se tordit nerveusement les mains :

- Je n’aime pas devoir attendre que l’ennemi me plante un poignard dans le dos avant de réagir. Il ne reste que peu de possibilités, c’est vrai. A part les temples majeurs de la cité, l’Assemblée du Peuple et la Grande Bibliothèque, je ne vois que les Thermes ré-ouvertes récemment avec l’appui du Conseiller Albérich lui-même. Cette dernière hypothèse n’est pas à négliger d’autant que le quartier est a été épargné jusqu’ici. Un quartier qui a vu s’embraser les évènements que l’on connaît. Le plus fragile par bien des aspects. Si nous pouvions pour une fois les prendre sur le fait, ce serait un grand pas vers la libération de maître Megral.

[Galathée]

« Je comprends votre énervement. » fit Flèche-Sombre. « J’ai pour ma part cette désagréable impression de revenir en arrière, d’assister à des événements qui menacent de déstabiliser la ville, sans savoir comment les arrêter. Hier, je n’étais personne, je n’avais pas le poids pour enrayer la machine qui a mené Nwalk au pouvoir. Aujourd’hui… aujourd’hui, je ne voudrais pas que nous replongions dans l’anarchie et le vice alors que j’étais de garde. Mais à part vous soutenir, vous faire confiance, je ne peux rien faire. »
Il secoua la tête.
« Si vous estimez qu’une présence armée forte dans les lieux incriminés pourrait prévenir des incidents fâcheux, c’est quelque chose que nous pourrions mettre en place. Le général Maelwedd est prêt à prendre certaines choses en main si vous avez l’impression que la voie choisie par les autorités est trop fragile. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur réfléchit un instant à la proposition de Darren avant de secouer la tête en signe de dénégation :

- Non, je pense que nous afficher davantage n’aurait, pour l’instant, que pour conséquence de nous exposer encore plus. Nos ennemis ont su frapper dans les endroits les mieux gardés sans que nous ayons été en mesure de les repérer. Je pense qu’une garde plus discrète aboutirait à de meilleurs résultats tant que nous n’avons pas découvert à qui nous avons affaire. Il reste l’hypothèse que les membres n’aient pas été amenés par des moyens naturels. Peut être l’ennemi use-t-il de portails pour ce que nous en savons. Cela expliquerait la facilité avec laquelle ils ont fait disparaître Maître Megrall et Dame Euryale.

[Galathée]

« S’ils avaient utilisé de telles extrémités, nous aurions détecté leurs activités. » fit Flèche-Sombre. « L’université de la magie est attentive à ces pratiques, et l’utilisation de portails n’est pas exactement de la prestidigitation de bas niveau. Je peux me tromper, bien sûr, mais je pense que nos ennemis utilisent la voie la plus discrète : celle de la rue. Luménis grouille. Nos portes sont ouvertes. Ils avaient mille opportunités d’entrer. Et mille de sortir. »
Il secoua la tête.
« Mais je n’en sais rien. Je n’ai pas vos éléments, comme je le répète. Je me mets donc à votre disposition. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi se doutait que les mages de guerre avaient mis la ville sous « surveillance » mais il souhaitait se l’entendre confirmer. Il était rassurant de voir qu’ils pouvaient, au besoin, compter sur de puissants alliés mais décida aussitôt de n’en rien dire à Taliesin. Sa nature méfiante risquait de lui faire mal interpréter cette mesure de protection.

- Comme je vous le disais, nous ne disposons guère d’autres éléments pour le moment et j’en suis réduit à émettre des hypothèses. Si c’est la rue qui amène la ruine sur nous, nous ne pouvons qu’observer, tenter de découvrir et attendre l’erreur qui ne manquera pas d’être commise. Nous ne pouvons pas nous permettre de semer la panique en fouillant tout le monde ostensiblement. Si nous ennemis tentent de recruter, nous devrions le savoir s’il reste des espions bien infiltrés dans les services secrets. Si nous devons en arriver à des méthodes plus pressantes, nous pourrons toujours tenter de créer un mécontent de toutes pièces. Un demi-elfe, peut être, qui s’attaquera à un symbole de l’autorité. Nous verrons mais je vous consulterai évidemment si nous devons en arriver là.

[Galathée]

Flèche-Sombre acquiesça, songeur.
« Très bien, j’attendrai de vos nouvelles dans ce cas. » fit-il finalement. « Je vais vous laisser à vos investigations. Que Lathandre vous éclaire. »
Il serra la main du rôdeur, puis quitta la morgue, aussi fermé qu’à l’accoutumée. La jeune chirurgienne profita de son départ pour rentrer à nouveau.
« Avez-vous encore besoin de moi ? » demanda-t-elle.