[Temple] Le Sanctuaire de Lathandre

[Galathée]

« Quand on parle du loup, il montre le bout de sa queue. » fit Belenn comme le rôdeur entrait. « Et chargé lui aussi. Dites-moi, qu’allons-nous faire avec deux Sharites ? »
Il sourit à Kasumi.
« Tout le monde est entier, je pense que nous avons plutôt bien réussi notre nuit. » ajouta-t-il à l’intention des deux autres. « Ils n’ont pas pu se livrer à la petite mascarade qu’ils avaient prévue, et nous avons récupéré le corps. »
Il fit un geste vers le paquet.
« Je vous en épargne la vue, vous n’apprendrez pas grand chose et ce n’est pas joli-joli. Il manque le cœur et la tête. Je pense que nous trouverons le cœur quelque part. La tête, ça m’étonnerait. Sans la tête, nous ne pouvons rien pour elle, et ils le savent. Elle est morte aujourd’hui, sans doute même cette nuit. Le sacrifice pour leur nuit sanglante, le voici. »
Il secoua la tête.
« J’interrogerai son fantôme plus tard. Puis Tybert ira porter son corps à Eredhun et nous la laisserons reposer. Si cela vous convient, bien sûr. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi fut soulagé des bonnes nouvelles qui se succédaient : la dépouille de la prêtresse était entre leurs mains de même qu’un second prisonnier à en croire les paroles de Belenn. Mieux, personne ne semblait blessé dans leurs rangs. Mais il ne fallait pas crier victoire trop vite, la situation était trop délicate pour se laisser aller à la jubilation. Lorsqu’il prit la parole, son ton grave dénotait fortement avec celui plus enjoué du clerc :

- J’ai attrapé celui-ci dans le parc mais deux autres m’ont échappé. L’un au moins se dirigeait vers le port. Nous devons donc partir du principe que les chefs de ces hommes sont maintenant informés de l’échec de leur opération et de la capture d’au moins l’un d’eux. Je pense que leur priorité sera maintenant de les récupérer ou de les faire taire. De même, nous ne pouvons plus nous cacher derrière notre anonymat ou notre inefficacité pour nous protéger désormais. Les prêtres ne seront pas d’accord mais il est urgent de remettre ces hommes entre les mains des services secrets. Ce temple n’est pas une prison et les Lathandrites ne sont pas des inquisiteurs.

[Taliesin]

-Je suis désolé, Kasumi. En d'autres circonstances, je souscrirais à vos sages paroles. Mais pas dans notre situation actuelle, dit brusquement Taliesin.
Les autres se tournèrent vers lui, étonnés par son ton catégorique, et il s'empressa de poursuivre.
-Nous ne savons pas si les services secrets sont sûrs. Si les Sharites ont pu infiltrer le temple, le Fort, l'Université, ou au moins y obtenir des contacts, qui nous dit qu'ils n'en ont pas aux services secrets ? Et puis, il faudrait que des agents viennent transporter ces hommes jusqu'e là-bas, ce qui prendrait du temps. Et laisser à d'autre le soin de les interroger, ce qui nous ralentirait encore. Or, comme une partie de nos ennemis se sont enfuis, il nous faut agir très vite. Avant qu'ils n'aient pu faire disparaître des preuves compromettantes, ou vider les lieux. Je propose donc que nous les interrogions ici, sur l'heure. Dans deux pièces séparées, pour qu'ils ne puissent pas communiquer. Et divisons nous en deux groupes, pour pouvoir les interroger en même temps... Dans chaque groupe, l'un pourrait jouer le "gentil", l'autre le "méchant". Un truc classique mais qui marche parfois. Essayons de leur tirer les vers du nez le plus rapidement possible. Par tous les moyens. Et remettons nous en chasse sitôt que nous saurons ce que nos prisonniers savent.

[Arya Du Varden]

Pour Arya, il était certain que le barde avait raison, non seulement rien ne prouvait que les Services secrets étaient sûrs, bien qu’elle était quasi certaine qu’ils le furent au vu de la jeune fille qu’elle y avait interrogée, mais elle pensait surtout qu’ils étaient inutiles de se mettre à découvert. Les Sharites savaient que des précautions avaient été prises, mais ils ignoraient comment et cela étaient en leur faveur. Il y avait déjà suffisamment de personnes au courant de leur identité pour ne pas en ajouter.<o>

</o> Pour les interrogatoires, la question ne se posait même pas pour elle, elle serait celle qui est conciliante et qui chercherait par tous les moyens de protéger le prisonnier de la violence incontournable de l’équipier avec lequel elle serait.<o>

</o> Je suis de l’avis de Taliesin, même si mes raisons ne sont pas toutes les mêmes que lui. Pour l’interrogatoire, je pense que le meilleur rôle pour moi est celui du gentil ... encore faut-il qu'ils soient en état d'être interrogés.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

- Soit , lâcha sèchement le rôdeur pour toute réponse. Il comprenait les arguments des elfes sur la nécessité d’obtenir très vite des informations. Cependant, il ne se sentait nullement les compétences nécessaires pour faire parler un homme contre son gré. D’autre part, maintenir les deux prisonniers au même endroit et dans une bâtisse aussi peu défendable que ne l’était le temple ce soir constituait un risque important. Il le fit savoir à ses collègues :

- Je suis obligé de me ranger à votre avis. Mais nous ne pouvons garder les prisonniers indéfiniment ici et ils le savent. Je n’ai aucune habileté à mener les interrogatoires, je ne pense donc pas être utile en cela. Si nous les interrogeons maintenant cela dit, il nous faut décider où les emmener par la suite à moins que vous ne vous sentiez de commettre un meurtre… Notre position ici est intenable. Nous ne pouvons nous permettre de garder les deux prisonniers dans un même lieu aussi peu sûr. Nous avons repoussé une attaque mal préparée mais ils enverront d’autres hommes plus nombreux ou plus habiles la prochaine fois. Mais soit, tentons de tirer les vers du nez de ces scélérats.

[Galathée]

« Calmons-nous. » dit alors le clerc. « Tout le monde est tendu, je le conçois, la nuit a été riche en événements, mais nous ne devons pas nous laisser gagner par l’ombre. Le temple ne sera plus vulnérable très longtemps. Les clercs qui étaient au port vont remonter incessamment, et les Sharites ne s’attaqueront pas au sanctuaire s’il est peuplé. Par contre, nous ne pourrons pas garder ces hommes ici bien longtemps. Je crains que certains de mes collègues aient des comptes à régler avec eux… et je ne peux pas promettre qu’ils se comporteront raisonnablement. »
Il jeta un œil aux deux hommes étendus sur la table.
« Nous pouvons les interroger séparément, l’un après l’autre. Si Kasumi ne se sent pas l’âme de prendre part à ces sessions, il peut rester observateur. Mais ils sont dans un sale état, l’un et l’autre. »
Il écarta les paupières du prisonnier qu’avait ramené le rôdeur.
« Celui-ci a pris un bon coup sur la tête, j’espère qu’il lui reste quelque chose dans le crâne. On peut commencer avec l’autre. Il a l’échine brisée mais je vais lui réimpulser un peu de vie. Il y a un petit bureau attenant à cette salle, nous nous en servirons. »
Puis sans attendre, il attrapa le Sharite et le balança sur son épaule sans autre forme de procès.

Quelques minutes plus tard, l’intrus était attaché à une chaise, dans la pièce voisine. Belenn posa les mains à plat sur sa poitrine et murmura quelques mots. Ses paumes se chargèrent d’une lumière bleue et blanche, qui pétilla autour de ses doigts avant de se perdre dans la carcasse du prisonnier. Une seconde plus tard, ce dernier papillonnait des yeux.

[Taliesin]

Taliesin jeta un regard à ses compagnons puis décidé de débuter sans tarder l'interrogatoire, avant que le Shairte n'ait pu retrouver ses esprits. Peut-être serait-il causant s'ils ne lui laissaient pas le temps de retrouver ses esprits, de réaliser ce qui s'était produit. Optimisme sans fondements, probablement. Mais ils n'avaient rien à perdre.
L'elfe fit un pas en avant et se pencha vers l'homme pour le regarder droit dans les eux.
-Salut ! souffla-t-il avec un sourire des moins engageants. Tu vois, je t'avais dit que je te rattraperai... Je tiens toujours mes promesses...
Son sourire s'élargit. Il détestait ce qu'il faisait, ce qu'il allait faire, mais ce n'était pas le moment de s'encombrer d'états d'âme.
-Maintenant, tu vas me dire ton nom. Et puis après, tu me diras tout ce que tu sais. Le nom de tes amis, la localisation de votre repaire, tout. Et si tu lambines, si tu fais la mauvaise tête, tu auras de gros ennuis. Je t'en fais le serment. Et si je tiens mes promesses, tu peux imaginer ce qu'il en est de mes serments... Mais trèves de palabres. Parle. J'attends.

[Galathée]

Le Sharite jeta un regard mauvais à Taliesin, puis grimaça. Il était éveillé mais la souffrance dans son dos ne s’était pas tue. Il resta cependant silencieux quelques secondes. Puis sa bouche s’étira en un sourire contrit.
« Je ne vais rien te dire, l’elfe. Et je pense que tu devrais réfléchir un peu. Je suis pas certain que ce soit une très bonne idée de me menacer… Tu ne voudrais pas qu’un certain conseiller en pâtisse, si ? »
Il avait un accent rugueux que les enquêteurs ne reconnurent pas : il n’était certainement pas de Luménis. Et d’après ce qu’en savait Taliesin, ni les Manostiens, ni les Melandiens n’avaient ce type de diction non plus.

[Arya Du Varden]

Tout aussi déterminée que Taliesin, la magicienne se tenait à l’écart de manière à ce que le Sharite ne puisse la voir, tout en étant prête à intervenir juste avant que le Barde n’utilise la force physique à défaut qu’avec ses menaces verbales, il n’arrive pas faire parler le prisonnier.

Mais au fond d’elle-même, elle n’avait que peu d’espoir que ce fut la violence ou la douceur, il était fort probable que le prisonnier ne parlerait pas. Etre méchant et cruel était son lot et face à la gentillesse, il se gausserait. Mais ils devaient essayer, c’était leur seul espoir d'avoir enfin une piste, et Arya, face à ces évidences, pensait que si l’un des hommes avaient le courage d’aller jusqu’à la torture, elle n’interviendrait pas, voire, si cela s'avérait nécessaire, s’en irait chercher un des clercs bien remonter qui n’aurait aucun état d’âme à le faire souffrir quitte à ce qu'il trépasse.

C'était la vie de cet homme pour celle d'Albérich et également la leur, la magicienne avait fait son choix.

[Taliesin]

Le sourire de l'elfe se figea... puis alla s'élargissant de nouveau.
-T'es mal tombé, mon vieux... Ton conseiller, moi, j'en ai rien à foutre. Qu'il crève, peu m'importe : ça compte peut-être pour les autres, mais pas pour moi. Je suis juste payé pour découvrir qui l'a enlevé et où on le planque. Le reste, c'est pas mes oignons. Et même si ça m'importait ! Je me permets de te faire un petit topo sur ta situation, puisque outre t'avoir brisé l'échine, ta chute semble t'avoir démoli le cerveau : tu es au temple de Lathandre. Hors de cette pièce, il y a toute une meute de clercs déchaînés qui rêve de te faire subir le même traîtement que toi et tes amis avez infligé à Euryale. Ça te tente, une petite vivisection ? Être dépecé et démembré vivant, ça doit quand même faire rudement mal, non ? Surtout quand ça dure... Bref, l'équation est simple : soit tu parles et alors ces niquedouilles de Lathandrites, dans leur immense bonté, t'accorderont des circonstances atténuantes, soit tu fais ta tête de mule et on s'amusera avec toi. Pigé ?

[Galathée]

Le Sharite opina du chef, jeta un œil par dessus l’épaule de Taliesin, sur Belenn, puis revint au barde.
« Il a l’air pas trop d’accord, ton copain. » commença-t-il. « Mais si tu t’en fous de l’état dans lequel tu récupères ton conseiller, pourquoi tu m’enquiquines ? Attends encore quelques jours et tu l’auras, ne t’inquiète pas. Si tu me tortures, la seule chose que tu vas obtenir, c’est qu’il va le sentir passer. Mais je vais te dire une chose… Nous autres, servants de Shar, sommes les alliés de Loviatar. Nous ne craignons ni la mort, ni la souffrance. Je ne crains pas d’être un martyr de la cause de ma déesse, car je sais qu’elle me récompensera pour avoir semé son message sur cette terre. Torture-moi et tu lui appartiendras toi aussi. Si tu trouves ton plaisir dans la violence, c’est qu’elle est déjà victorieuse. »

[Taliesin]

Taliesin se garda bien de se retourner. Il pouvait imaginer l'expression sur le visage de ses compagnons. Oui, ils n'aimaient pas ce qu'il était en train de faire. Lui non plus n'aimait pas ça. Mais il devait jouer le rôle jusqu'au bout, sans flancher, sans tenir compte de l'opinion qu'ils pouvaient avoir de lui. Sinon, le Sharite verrait que ce n'était que du bluff. Non pas que cela changerait grand chose : il paraissait ne pas avoir peur, ne pas craindre la torture. Mais l'elfe se devait de continuer. Ne serait-ce que pour pouvoir se dire, plus tard, qu'il avait tout tenté.
Les yeux toujours rivés dans ceux du prisonnier, il tira doucement sa dague. La lame produisit un infime gémissement métallique.
-Tu es un cas désespéré toi, hein ? Ton cerveau battait déjà la campagne avant que tu tombes du toit, je me trompe ? Parce que sinon, j'ai du mal à imaginer que tu n'aies pas encore compris... Shar, Loviatar, je m'en fiche, ce ne sont pas mes ennemies. Qu'elle gagnent si ça peut leur faire plaisir : je ne suis pas Lathandrite, je ne suis pas Luménien. Je suis un mercenaire qui veut son argent, et qui l'aura. Mais pas n'importe quel mercenaire... Quand ils ont vu ce que vous aviez fait à la Salunite, ils ont compris que ce n'était pas l'un de leurs agneaux bêlants qui arriverait à résoudre cette affaire. Il leur fallait quelqu'un de votre acabit. Ou d'un acabit pire encore. Un loup. Ou pire qu'un loup. Et ils m'ont trouvé.
Il appuya la pointe de sa dague contre la paume de sa main gauche. Et, doucement, se mit à s'entailler la chair.
-Ils savent ce dont je suis capable, mon ami. Sa voix n'était plus qu'un murmure, qu'un souffle glacial, dément. Oh oui, ils le savent. Et j'ai carte blanche. Cela ne leur plait pas, oui, mais ils savent qu'ils ont besoin de moi... Si je commence à m'amuser, ils sortiront juste pour vomir dehors, et me laisseront terminer. Et tu finiras par parler, à un moment où à un autre. C'est joli, les grandes déclarations comme les tiennes. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Une heure, deux heures, une journée... Et puis il n'y a plus que la souffrance. On n'est plus que souffrance. On souffre même à des endroits auxquels on aurait jamais pensé. On a même l'impression de souffrir de l'âme... Mais le pire, sais-tu ce que c'est ? Le pire, c'est qu'on est conscient. Un bon bourreau ne laisse jamais s'évanouir sa proie. On est conscient et on sait qu'on ne mourra pas... Pas tant qu'on aura pas parlé...
Il se pencha davantage vers le prisonnier et lui montra sa main ensanglantée.
-Pour lutter contre le mal, mon ami, ils ont recruté le mal. La folie. La souffrance. S'ils ne m'avaient pas demandé de te questionner avant de commencer, nous nous amuserions déjà tous les deux, et Loviatar pencherait sur nous un regard attendri... Alors, je te le demande une dernière fois, avant que j'envoie dehors les âmes sensibles. Une dernière fois : pas deux, car je suis trop impatient. Une dernière fois, donc. Veux-tu parler ?

[Arya Du Varden]

Tout au long du dialogue entre Taliesin et le Sharite, la magicienne ne jugea pas mal le barde, il avait le ton juste et surtout elle était prête à accepter que le prisonnier soit torturé sous son regard. Malgré cela, elle cherchait un stratagème, mais elle ne trouvait rien, il était difficile de contrer un être qui n’avait comme seul vue sur sa vie, que sa mort.<o>

</o> Elle ne trouva qu’une issue bien aléatoire et pour arriver à donner le change, elle se plongea dans ces quelques souvenirs de son père qu’elle avait pour trouver la paix absolue en attendant le moment d'intervenir.

Lorsqu'elle vit le barde jouer avec sa dague, elle s’avança et le prit par le bras. Son visage était calme et doux, sa voix mélodieuse et caressante.<o></o>

Laisse, il n’en vaut pas la peine. Nous resterons quelques jours de plus à Lumenis, ce n’est pas important.<o>

</o> Puis, elle posa un regard d’une grande tendresse sur le Sharite et lui adressa un sourire compatissant, sa voix était affligée et teintée de sincérité.<o></o>

Vous êtes droit et fidèle, et pour cela vous avez mon admiration. Je crains seulement que vous ne receviez pas la récompense que vous attendez pour votre sacrifice. Car vous n’aurez semé aucun message, vous avez échoué en vous faisant prendre par mon congénère et les clercs ne vous feront rien, car vous allez être transférer sous ma garde. Croyez que je suis sincèrement désolée pour l’avenir de votre âme … vous ne serez pas un martyr, juste un Sharite qui n’a pas su servir sa déesse, qui a échoué dans sa mission, c’est à dire rien du tout ... car Shar n'aime pas être découverte et vous nous avez déjà fait des aveux ... vous êtes un de ses servants et êtes là pour la servir ... cela vous auriez dû éviter de le dire ... alors le mieux est peut-être de continuer en me disant où est le conseiller Albérich Megrall ... peut-être qu'un dieu acceptera de vous soustraire aux démons éternels ...<o></o>

[Galathée]

L’homme semblait moins assuré, le discours de Taliesin l’avait manifestement frappé, et l’intervention d’Arya le prit au dépourvu.
« Vous ne savez rien… » murmura-t-il alors. « Vous ne savez rien, et je ne vous en dirai pas davantage. Vous pensez avoir percé Shar à jour, mais vous ne comprenez toujours pas… Shar a dit : « Vous qui me servez, abandonnez tout espoir. » Je n’ai jamais pensé que j’étais important ou digne. Je disparaîtrai dans l’oubli, mais rien n’est perdu, le dessein des ténèbres est en marche, et vous n’avez rien pour le contrecarrer. Votre haine ou votre angoisse. Elles appartiennent à Shar. »
Il se tourna vers Taliesin.
« Que Lumenis ait décidé d’employer un être tel que vous est le signe de cette victoire. L’essence de la cité est déjà pervertie, elle le sera demain davantage. »
Il regarda Arya, à nouveau.
« Mais vous avez raison. J’ai échoué. Mais mon échec et ma frustration nourrissent ma déesse. Elle l’a voulu. Ainsi soit-il. »

[Arya Du Varden]

Le calme ne quitta pas Arya, elle cherchait dans les mots du Sharite de quoi alimenter sa réponse, mais cela lui semblait bien inutile, pourtant elle continua sans se laisser prendre par la provocation qu'il lançait. C'était sa dernière tentative, ensuite, elle laisserait les hommes s'occuper à leur guise du prisonnier.Nous ne cherchons pas à percer Shar, cela nous laisse indifférents et l'âme de mon congénère, je suis tranquille, elle n’est point propriété des ténèbres. Son sourire se fit franc. Quant à nourrir votre déesse, nous n’avons ni haine, ni angoisse, même les Sélunites sont repartis sans laisser prise aux ténèbres. Alors il n’y a plus que vous pour nourrir par votre échec votre déesse, mais dans sa grande bonté, saura-t-elle s'en contenter. Je vous le souhaite ....

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur s’était tenu dans l’ombre pendant le début de l’interrogatoire. Il choisit cet instant pour intervenir à sa façon, espérant déstabiliser le Sharite. Il s’approcha lentement du Sharite, le fixa droit dans les yeux et renifla. Un sourire sans joie se dessina sur ses lèvres quand il se détourna de lui comme s’il ne le tenait que pour quantité négligeable :

- C’est bien ce que je pensais. Les Sharites sont des idiots. Ils affrontent la lumière par l’ombre mais ils s’aveuglent eux-mêmes. L’ombre ne cache pas tout. La piste est fraîche et sera facile à suivre. A l’odeur, je pourrais trouver d’où il vient comme j’ai traqué les trois autres. Obtenir les informations de sa bouche nous ferait gagner au plus quelques heures de recherche. Des chiens nous mèneront vers son dernier repaire. Cet imbécile s’est trahi lui-même et nous verrons si Shar est clémente avec les imbéciles.

Le rôdeur espérait que son ton froid et sauvage était convaincant.

- Le second survivant a transpiré, il sera encore plus facile à pister.

[Galathée]

La succession d’interventions pour le moins contrastées semblait avoir complètement perdu le Sharite. Il dévisagea Kasumi avec des yeux vides, puis les baissa sur ses genoux et se tut. Son silence s’éternisa, n’augurant rien de bon. Il y eut soudain du bruit dans les couloirs autour d’eux, et ils devinèrent que les clercs étaient rentrés. Belenn leur jeta un coup d’œil, haussa les épaules et secoua la tête, puis sortit.
Leur prisonnier n’en bougea pas davantage. La seule expression qui traversait de temps en temps son visage était celle d'une intense souffrance, qu'il parvenait néanmoins à intérioriser.

[Taliesin]

Taliesin jeta un dernier regard au prisonnier puis, ne pouvant en supporter davantage, quitta à son tour la pièce. Sitôt la porte refermée derrière lui, il s'appuya contre le mur et prit une profonde inspiration. Du fond de sa gorge montait un insupportable goût de bile, et l'image des traits déformés par la douleur du Sharite lui emplissait l'esprit.
Fébrilement, il chercha puis alluma sa pipe. Pour mener à bien son petit jeu de tortionnaire dément, il avait dû puiser dans ses ressources, raviver la colère qui couvait toujours en lui, museler l'horreur et le dégoût que lui inspirait un tel comportement. Un instant, par les mots, par l'attitude, il avait frôlé ce qu'il avait été, autrefois. Le Monstre avait dû menacer ainsi. Se gausser. Et puis en venir aux actes, joyeux, décidé, plaisantant alors même que se déroulaient des atrocités sans nom. Il avait à nouveau endossé ces sinistres oripeaux sans arrière pensée, sans malignité, juste pour tenter d'accélérer les choses, d'obtenir les informations qui leur permettraient, enfin, d'avancer. Mais ça n'avait servi à rien. Pire : cela l'avait ébranlé plus qu'il ne l'aurait cru. A présent, fébrile, démonté, il sentait bien qu'il était allé trop loin, qu'il avait présumé de ses forces. Et qu'il serait incapable de recommencer avec le deuxième prisonnier.
Restait à espérer que les autres parviendraient à le convaincre de parler. Lui, il avait fait ce qu'il pouvait. Et si l'autre s'avérait aussi têtu, aussi décidé que son comparse... Ils s'en retrouveraient au même point qu'au crépuscule. Avec, pour tout indice, la certitude qu'ils avaient affaire à des Sharites. Et un accent. Bien maigre moisson pour une nuit qu'ils avaient espéré décisive.

[Arya Du Varden]

Bien qu'elle voulait rester loin de sa sensibilité habituelle, cherchant au fond de son âme le force de résister, Arya se rendait compte que le Sharit tentait de ne pas montrer la souffrance insupportable que ses blessures engendraient. Mais lorsque les clercs rentrèrent et Belenn et Taliesin sortirent, un frisson à la perspective que le prisonnier se retrouve entre les mains des clercs parcourut tout son corps tant elle s'imaginait qu'ils n'hésiteraient pas à le torturer de la manière la plus atroce qui puisse être. Elle s'approcha du prisonnier et posa sa main sur son épaule tout en lui parlant avec compassion.

Je ne peux rien pour soulager vos souffrances, ni abréger votre vie. Je vous ai tendu la main, vous l'avez refusée, l'agonie sera longue, la mort tardera à venir, car elle ne pourra contrer les brides de vie que l'on vous insufflera, vous subirez les affres de Shar pour n'avoir pas su la servir et les foudres des autres dieux pour ne pas les avoir rejoints. Les ténèbres vous attendent, mais ce ne sont pas celles que vous espériez, elles seront là à chaque seconde qui passera pour accompagner la souffrance de votre corps et le désespoir de votre esprit. Croyez que je regrette de ne rien pouvoir faire pour vous si vous vous obstiner à vous taire, mais c'est votre choix et je ne veux pas vous forcer à dire ce que vous savez. Je vous laisse à votre destin ...

La Magicienne retira sa main de l'épaule de l'homme, puis recula à la hauteur de Kasumi et lui parla à voix basse.

Que fait-on ? On le laisse seul avec les clercs ?

[Galathée]

Mais le rôdeur n’eut pas le loisir de répondre. Alors que Taliesin peinait à retrouver son calme, la porte s’ouvrit à la volée sur Marcus, Belenn dans la foulée.
« Marcus, vraiment, je ne pense pas que… » disait ce dernier, mais sans oser arrêter son supérieur.
L’intendant balaya la pièce du regard, furieux, repéra la porte du petit bureau et s’y engouffra sans attendre. Une fois à l’intérieur, il ne prêta attention ni à Kasumi, ni à Arya, se rua sur le prisonnier et le souleva par le col, emportant la chaise au passage.
« Tu vas me dire où il se trouve ! » rugit-il. « Maintenant ! »
Le Sharite poussa un cri de souffrance tandis que le Lathandrite le secouait sans ménagement.
« Marcus… » fit Belenn en essayant de lui prendre le bras.
« Sinon, je te garantis que tu vas regretter le jour où ta chienne de mère t’a mis au monde, crapule ! »
Le prisonnier poussa encore un hurlement et perdit connaissance. De dépit, l’intendant l’envoya valdinguer sur le sol, toujours attaché à son siège, et sortit. Il traversa la salle de réunion et en claqua la porte avec violence. Belenn grimaça, jeta un regard sur ses compagnons et haussa les épaules.
« Je reviens dans un instant. » murmura-t-il, embarrassé.
Puis il rejoignit le couloir à son tour.

[Arya Du Varden]

Le visage d’Arya devint transparent à la violence qu’avait déployé Marcus. D’une part, la scène l’avait jetée dans la réalité qu’elle avait tenté de fuir, cette barbarie qui habitait les âmes touchées d’un côté comme de l’autre par ce complot et d’autre part, l'inertie de Belenn, alors qu’il savait le dessein de Marcus, la décevait et la confiance qu’elle faisait à celui-ci était largement égratignée, il avait déjà abandonné Kasumi qui aurait pu avoir des ennuis et maintenant laissait son supérieur réduire à néant leurs maigres chances.
<!--[if !supportEmptyParas]--> <!--[endif]--><o></o>
Alors qu’elle allait se diriger vers la porte, elle se sentit d’un coup très lasse, les mots du Sharite lui revenaient à l’esprit. C’était un de leur but que de semer le trouble dans ce lieu de culte, comme partout où ils le pourraient. Faire de ces serviteurs de Lathandre des êtres au service de Shar.<o></o> <!--[if !supportEmptyParas]--> <!--[endif]--><o></o>Son visage était fermé, mais sa voix restait calme et posée.

La violence gratuite engendrée par la haine n’a jamais apporté de solution. Ceux qui ourdissent ce plan machiavélique savaient que certains de leurs adeptes tomberaient entre nos mains et que le ressentiment des Lathandrites porteraient à ce qu'ils se vengent de leurs actes et qu'ainsi des dissidences risqueraient de naître ce qui laisserait un ressentit amer au sein de leur communauté. Elle porta son regard sur le Sharite. Laissons son âme partir sans notre haine, il ne trouvera ainsi jamais la paix. N’offrons pas à nos ennemis ce qu’ils attendent de nous.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur entraîna doucement la magicienne à l’écart du prisonnier, témoignant de la compassion et une certaine compréhension des sentiments qu’elle éprouvait face à la situation présente.

- C’est bien ce que je craignais. La principale raison pour emmener les prisonniers ailleurs était d’éviter cette situation. Les Lathandrites ne réussiront pas à le faire parler et se corrompront à leur contact. Excusez-moi un moment.

Kasumi quitta la pièce pour interpeler un des nombreux clercs rentrés de la cérémonie tenu sur le port.

- Serait-il possible de dépêcher un coursier pour réquisitionner un chien ou un loup au Fort ? Je voudrais suivre la piste des assaillants tant qu’elle est fraîche.

[Galathée]

« Au Fort ? Pour quoi faire ? » s’enquit l’un d’eux, revêche.
« Si vous avez besoin d’aller dire bonjour à vos amis, vous pouvez le faire comme un grand. » répartit un autre.
« Si vous voulez, je me charge de le faire parler, votre Sharite. » fit un troisième.
Belenn reparut à ce moment-là, jeta un regard circulaire sur ses collègues et eut une grimace.
« Messieurs, je pense qu’il est temps pour vous d’aller vous coucher. » dit-il d’une voix sévère. « L’aube n’est pas lointaine. »
Sans protester, les clercs se dispersèrent, mais aucun n’avait promis d’envoyer chercher un chien.
Belenn prit Kasumi par le bras et le ramena vers la salle où se trouvaient les prisonniers.
« Nous devons aviser rapidement. » dit-il en rentrant dans la pièce.

[Arya Du Varden]

Arya avait entendu la demande qu’avait faite Kasumi et les réponses des clercs, elle aurait voulu les comprendre, mais face à ces servants si peu enclin à respecter ceux qui tentaient de retrouver Albérich, elle ne pouvait que réprouver leur comportement. Le retour de Belenn ne fit rien pour arranger les choses et elle posa sur lui un regard affligé et le ton de sa voix montrait l’incompréhension qu’elle avait du peu de respect qu’on portait à leur travail.<o>

</o> Pardonnez-moi Belenn, si je vous paraît peu aimable, mais j’ai par moment le sentiment que vous ne souhaitez pas que nous retrouvions le conseiller. Car c’est lorsque Markus est arrivé que vous auriez dû aviser, vous saviez ce qu’il allait faire, le Sharite aurait été entrain de nous dire où se trouvait Albérich, cela aurait été pareil. Ces quelques mots suffirent à éluder le sujet et elle continua en souriant. Maintenant que j’ai dis le fond de ma pensée, revenons au sujet qui nous occupe, Kasumi a demandé un chien ou un loup, n’est-il pas possible que l’un des vôtres se rende au fort, en même temps, il demanderait que des gardes viennent chercher les prisonniers ? C’est trop risqué de nous balader avec eux et surtout cela nous ferait perdre du temps. Mais si nous ne pouvons compter sur les Lathandrites, j'irai moi-même car nous ne savons toujours rien.<o></o>

[Galathée]

« Pardonnez-moi, Arya, mais je pense que vous vous méprenez sur mes actes. Ne sentez vous pas la souffrance qui irradie dans ces murs, toutes ces émotions négatives, la douleur des hommes qui vivent ici ? Moi elle m’épuise, je la ressens au plus profond de moi-même, comme un son grave, ténu, mais omniprésent, j’en ai le cœur emballé, j’en ai mal aux tempes. Peut-être pensez-vous que les humains devraient se maîtriser, ranger leurs sentiments au placard pour se concentrer sur les choses urgentes, mais vous ne mesurez pas ce qui se passe ici… Vous pouvez retrouver Albérich, mais si en son absence, le Temple a croulé, parce que personne ne s’est soucié de l’angoisse de ses clercs, tout ça n’aura servi à rien. Nous cherchons un homme, mais nous cherchons aussi à préserver son esprit. La plupart des clercs ici ne savent pas exactement ce qu’il se passe. Ils savent que pour la première fois de l’histoire luménienne, le clergé lathandrite avait la possibilité d’influer sur le destin de la ville. Mais on leur a ravi leur guide, leur ami, et on l’a remplacé, sans les consulter, par un homme du fort, qui n’a aucun atome crochu avec eux, qui vénère Helm ou Tyr. Vous pouvez leur demander de fermer les yeux, de se taire… Mais ce volcan, qu’en ferez-vous ? Peut-être avez-vous l’impression que je ne m’implique pas. J’en suis navré. Je ne cherche pas à entraver nos efforts. Mais j’essaie… maladroitement, peut-être, de préserver le sens de ce qu’Albérich voulait pour son temple. J’essaie de préserver les âmes qui le hantent. Mais le chagrin humain, Arya… Peut-être est-ce votre sang elfique qui vous en préserve… Le chagrin humain est quelque chose de dangereux, de brutal. De merveilleux, aussi, quelque part. Vous ne pouvez pas le négliger. Marcus est un homme bon. C’est un Lathandrite. Et souvenez-vous que les Lathandrites pardonnent. Ils croient aux lendemains, à la rédemption, à l’espoir. Simplement… Marcus vit sous tension, depuis plusieurs jours, et il a perdu ses repères. Il a besoin de soutien et d’aide. Comme Tybert. Comme des dizaines d’autres. Et j’essaie d’être sensible à tout ça. Et ça m’épuise, croyez-moi. »
Il secoua la tête et posa un flacon sur la table.
« Le Sharite n’est pas mort, Marcus ne reviendra pas. Je vais nous trouver quelqu’un pour aller quérir la garde et embarquer les prisonniers. Si vous avez le courage, donnez ceci au second, et questionnez-le. Je m’occuperai d’Euryale ensuite. »
Il se leva.
« La nuit ne me convient décidément pas. » murmura-t-il.
Puis il sortit.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur hocha gravement la tête et eut un mot pour Belenn avant qu’il ne quitte la pièce :

- Je pense que c’est la meilleure solution. La tension est trop forte. Les clercs n’ont pas besoin qu’on héberge les traîtres en leur temple. Ils pourraient être poussés à des actes qu’ils regretteraient par la suite. Nous irons voir le second prisonnier.

Après que Belenn l’ait eu quitté, le rôdeur reporta son attention sur les deux elfes.

- L’autre prisonnier aura peut être les idées chamboulées mais je devais le neutraliser sans risque. Allons le trouver avant que les hommes du Fort n’arrivent. D’une certaine manière, il faut aussi se défier de leur réaction. Souvenez-vous que nous ne pouvons faire confiance à personne ou presque dans cette sinistre affaire.

Le demi-elfe s’empara de la fiole et s’approcha de la porte, guettant la réaction de ses coéquipiers.

[Taliesin]

Taliesin emboîta le pas au rôdeur. Il avait repris un semblant de contrôle sur lui-même et s'était à nouveau composé une mine impassible. Faussement impassible. Il ne ressentait que trop la tension des clercs, ne comprenait que trop leur angoisse, leur détresse. Si c'était Galathée, ou Victor, qu'on avait enlevé, il aurait été dans le même état. Ou pire, encore. Il n'aurait pas hésité à frapper les Sharites. Mais la souffrance des Lathandrites, étrangement, lui avait redonné un peu d'allant. Il fallait agir, vite. Ne pas se laisser aller. Sauver ce qui pouvait encore l'être. La potion que leur avait remise Belenn délierait peut-être la langue de leur deuxième prisonnier. Et, si ce n'était pas le cas... Il ferait ce qu'il faurait faire. Si on lui en laissait l'opportunité.

[Galathée]

Avant de pouvoir interroger le second prisonnier, il leur fallut s’occuper du premier, qui gisait toujours sur le sol, sous une chaise. Ils défirent ses liens et retournèrent l’allonger sur la table, près du cadavre dissimulé. Il était toujours vivant, mais sa respiration était saccadée. La chute n’avait pas dû améliorer l’état de son épine dorsale. En même temps, rien de tout ça ne résisterait à un bon sort de soins. Il était vivant et s’en sortirait, si quelqu’un le décidait. Ils attachèrent ensuite le second sur la chaise et lui firent couler un peu de potion entre les lèvres. Son visage couleur cendre reprit des couleurs, il poussa un profond soupir et ouvrit les yeux. Outre le coup qu’il avait pris sur la tête, son ventre était poisseux de sang, même si la flèche qui l’avait touché était tombée quelque part dans le parc.
Ses yeux s’agrandirent de surprise en découvrant le visage de ses interlocuteurs. Dans un réflexe un peu nerveux, il testa la solidité de ses liens, puis glapit de frayeur.
« Je ne sais rien ! » s’exclama-t-il. « Ce n’était pas de ma faute ! J’ai juste fait… Je voulais juste… Je ne sais rien ! »
Agé d’une vingtaine d’années, il avait clairement l’accent des taudis luméniens.

[Taliesin]

Taliesin se détendit imperceptiblement. Ce prisonnier-ci n'avait pas l'air d'être fait du même bois que son comparse. A le voir, à l'entendre, on pouvait imaginer que c'était un jeune gars paumé, issus des Taudis où la vie était rien moins que facile et qui, rongé par sa rancune, son désespoir, son envie, avait écouté les mauvaises personnes. C'était peut-être une illusion, des déductions dictées par un brin d'ampathie, mais l'elfe préféra s'y raccrocher et agir en conséquence, adoptant un rôle dans lequel il se sentait bien plus à l'aise que dans celui du tortionnaire psychopathe addopté précédemment.
-Allons, du calme... fit-il d'un ton rassurant. Nous ne te ferons aucun mal, mais ne nous mens pas : c'est ridicule de dire que tu ne sais rien. Bien sûr que tu sais des choses, et j'ai bon espoir que tu nous les révèles de ton plein gré.
Il tira une chaise et s'assit en face du Sharite.
-En fait, je crois que tu as beaucoup de chance. Et j'aimerais que tu le croies aussi. Tu te trouves au cœur du sanctuaire de Lanthandre. Dans la demeure d'un dieu bienveillant qui croit au pardon, à la rédemption, aux nouveaux départs...Tu as fait des bêtises, des choses pas très belles, mais tu n'es pas perdu pour autant. Oh, bien sûr, tu me diras que Lathandre ne t'a jamais aidé, que son culte n'a pas fait beaucoup pour la cité... C'est peut-être ce manque d'aide, de soutien, qui t'a poussé à écouter des gens qui, sous le couvert de bonnes intentions, t'ont mêlé à leurs noirs desseins. En me disant cela, tu n'aurais pas tout à fait tort : peut-être les Lathandrites n'ont-ils pas toujours été à la hauteur de leur dogme... Mais ils ont essayé. Et ils demeurent de bonne volonté. Si tu nous aides, si tu te repens et fais en sorte de rattraper tes fautes... Je pense que tu n'auras pas à le regretter.
Il sourit tristement.
-Je parie qu'en ce moment, tu te dis : il raconte ça pour que je crache le morceau, et après, ils vont me faire plein de trucs affreux. Je te comprends, mais je me permets de te détromper. Les Lathandrites pardonnent vraiment : j'en suis la preuve vivante. Je suis Taliesin. L'elfe à cause de qui Morféa a pris le pouvoir. Celui qui est à l'origine de tous les drames qui ont ensanglanté Luménis l'an dernier. A mon retour en ville, certains ont voulu me jeter en prison. Ou me faire pire, qui sait. Mais les Lathandrites, et en premier lieu leur grand prêtre, ne l'ont pas permis. Le conseiller Albérich a choisi de me faire confiance, de croire en ma bonne foi, de me donner une chance d'œuvrer pour le bien de la cité, en réparation de mes torts. C'est grâce à lui que je suis ici, aujourd'hui. Libre et vivant. Ce qu'il a fait pour moi, dont les fautes sont immenses, il le fera pour toi. Si tu nous aides à le sauver, si tu nous dis tout ce que tu sais... Il ne pourra en ressortir que du bon.
Beaucoup de mos en peu de temps. Mais il n'y avait pas le choix : le temps pressait Taliesin pouvait simplement espérer s'être montré convaincant.

[Galathée]

Il dévisagea les personnes présentes avec une angoisse perceptible.
« Ils me tueront si je trahis... Shar, elle… elle se venge… Ils… »
Le jeune homme se tut une seconde, les traits ravagés par l’hésitation. Taliesin restait bienveillant, personne ne pipait mot.
« Je ne sais presque rien. On s’est séparés tout de suite. Nous on devait s’occuper de la fille. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait du conseiller, ils sont partis immédiatement. On n’a plus eu de contacts avec eux depuis cette nuit-là… Enfin, je crois que… Vilma et Gregor, ils avaient leurs instructions… Mais nous, on savait rien, on faisait juste ce qu’on devait… Après ce soir, on allait les rejoindre, mais… mais je ne sais pas où. En tout cas, on a vidé la planque… Vilma et Gregor devaient nous attendre après qu’on ait… Enfin… J’imagine qu’ils sont partis, maintenant. »
Il secoua la tête.
« Mais je vous jure que je ne sais pas où est le conseiller. »