[Bâtiment] Domaine des DouceChute

[Galathée]

Petit manoir tout en pignons perché sur une butte herbeuse, la demeure des DouceChute témoigne d’une belle architecture mêlant bois et pierre. C’est cependant les mille et une statues qui parsèment ses pelouses qui attirent le regard du visiteur. Esthète et collectionneur, Morvan de DouceChute, dont la fortune repose sur de nombreuses terres à l’ouest de Melandis, aime en effet les sculptures à un point qui frise l’obsession et l’a vu qualifié d’original par la plupart de ses connaissances. Peu belliqueux et peu intéressé par les affaires internes de la cité, tant qu’on le laisse cultiver sa passion, il entretient son jardin de pierre avec un grand soin.
L’intérieur du manoir est tout aussi encombré et ressemble à une galerie d’art en perpétuel déménagement. Une aile entière est réservée aux ateliers, où travaillent en permanence des artistes libres ou esclaves. L’étage comprend les appartements du seigneur et de ses trois fils.
La devise des DouceChute est « Sans cahots ni déshonneur », et représente une plume surplombée d’un chat, l’un et l’autre gris sur fond pourpre.

Mornagest et Led Shark, ainsi que leur escorte, débouchèrent donc dans les jardins du domaine DouceChute, où ils trouvèrent, se promenant, le seigneur des lieux. Le cheveu gris un peu fou, l’œil bleu pétillant et le costume coloré, DouceChute était un original, et n’avait aucune intention de le cacher. Lorsqu’il vit s’approcher les hommes en armes, il sourit avec malice.
« Oh, vous empestez, chancelier, si vous me permettez ! » s’exclama-t-il.
Puis il brandit un petit flacon et en pulvérisa tout autour de lui, ainsi que sur ces visiteurs, répandant de la sorte une odeur de rose et de lilas des plus prégnantes.

[Mornagest]

Toussant allègrement, Mornagest fixa le noble d'un regard à lui transpercer le crâne. Cet abruti méritait bien davantage que sa réputation d'original... quelle infection ! Et il osait dire qu'à côté, ça sentait le brûlé...

"Bon... trêve de plaisanteries. J'ai cru comprendre que vous étiez en froid avec les Lentemort. J'aimerais en connaître la raison."

Autant ne pas tourner trop longtemps autour du pot.

[Galathée]

Mais DouceChute sembla peu touché par le regard noir du Chancelier. Il avait apparemment l’habitude que ses petites marottes ne plaisent pas à ses interlocuteurs, et s’en souciait comme d’une guigne.
« Je crois que vous allez m’apprendre pourquoi je suis en froid avec Lentemort. J’ai vu trois de vos guignols en uniforme surgir dans mon domaine sous prétexte d’emmener mes fils sur les terres pestilentielles et empoisonnées, m’a-t-on dit des Lentemort, et qui maintenant dégagent ces effluves répugnantes de brûlé dont vous êtes imprégnés jusqu’à la moelle. Donc je devrais vous demander des explications, Chancelier. Je sais qu’il est dans les mœurs mélandiennes de distribuer des coups de masse à tort et à travers et d’arrêter les gens sous des prétextes divers et ridicules, mais foncièrement, réfléchissez-y, avez-vous vraiment envie de vous mettre tous les nobles du quartier sur le dos le même jour ? »
Il prit une profonde inspiration et pulvérisa une nouvelle dose de parfum.
« Non, je ne crois pas. »

[Mornagest]

Il venait de se rappeler brusquement pourquoi il abhorrait les nobles à Melandis. Ils transpiraient la suffisance, l'arrogance, et ce perpétuel sentiment d'impunité, probablement dû à leur statut et leur richesse, l'exaspérait au plus haut point. Pour sa part, il se serait débarrassé d'eux depuis longtemps, en les envoyant sur une galère marchande ou dans une arène combattre des trolls enragés...

Changeant de tactique, Mornagest répliqua :

"J'ai des raisons de penser que l'un ou plusieurs de vos fils pourrait être impliqué, de près ou de loin, dans cette affaire de vapeurs pestilentielles. J'aimerais m'entretenir avec eux, avec messire Led Shark que voici."

Le ton était péremptoire, mais DouceChute pousserait peut-être l'insolence jusqu'à opposer son refus. L'un dans l'autre, ce pourrait être amusant, songea brièvement Mornagest. Juste pour voir jusqu'où il pourrait pousser les limites de sa patience.

[Galathée]

DouceChute se mit à rire.
« Mes fils ? Liés à cette puanteur ? Ce serait pour le moins original. Mais avec les jeunes, savez-vous, on ne sait jamais ! »
Il se retourna et fit signe à une femme qui se tenait en retrait.
« Amaryllis, ma chère, pourriez-vous aller voir où se trouvent ces garnements ? Je gage qu’ils seront ravis de rencontrer notre Chancelier en chair et en os, ils ont toujours toutes ces questions sur la manière dont la ville se gouverne, je trouve ça d’un fastidieux, ha… »
Il se retourna vers ses interlocuteurs et sourit à l’homme-lézard.
« Et je gage qu’ils ne perdront pas leur temps non plus en faisant la connaissance de ce monsieur. Chancelier, ne vous a-t-on pas dit qu’il fallait dire Led Shark, et non Messire Led Shark ? Le mot « led » est déjà un titre en soi. Mais j’imagine que vous ne le saviez pas. Vous êtes une forte poigne, mais les bancs de l’école n’étaient pas votre tasse de thé, hein ? »
Il gloussa à nouveau.
« Mais dites-moi, messire aux écailles, qu’est-ce qui a pu amener un être tel que vous à s’imposer les effluves déplorables de Melandis ? »

[Led Shark]

L'herboriste fut surpris de voir que Morvan saisissait les implications de son nom d'exil. Il lui fallu plusieurs instants pour réagir, ce qui permis au maître des lieux de continuer sa diatribe. Il était extrêmement rare qu'un mammifère comprenne le draconien classique, alors le haut draconien, une langue à demi oubliée des dragons eux mêmes, c'était exceptionnel ! Il lui faudrait découvrir d'où exactement le venait un savoir aussi dangereux...
Shss, il est rare de rencontrer parmi vos sssemblables de tels-zérudits ! Vous me sssemblez maîtriszzer les-zarcanes du haut draconien, j'ignorai qu'un tel ssssavoir était encore inculqué aux-zhumains de cssse continent... Pour revenir à vos-zautres remarques, j'interviens icsssi en tant qu'herborisssste pour le compte du Chancssselier Mornagesssst, le domaine de vos très-zesssstimés voiszzins a été victime coup sssur coup d'un empoiszzzonnement par l'eau et l'air puis d'un incsssendie... Csssertains-zéléments ssssemblent dészzigner une implicatsssion des jeunes gens votre lignée, une calomnie csssertainement, mais nous nous devons d'être abssssolument sssûrs. L'enssssemble des faits tombe sssous le coup de la loi, les-zautorités doivent impérativement remonter à la ssssource de cssse dangereux poiszzzon, il en va de la ssssécurité de la cssssité... Comprenez que dans cssses cssssirconstances nous nous devons d'être d'une rigueur irréprochable.
Quand à la raizzson de mon insssstallation dans csssette bonne cssssité, ma foi, csss'est isssci que ma route m'a mené lorsssssque j'ai achevé mes cueillettes, la csssité semblai regorger littéralement de riches clients, prêts à ouvrir largement leur boursssses pour mes préparations ssssspéciales. Bon nombre de vos voiszzzzins ont régulièrement recours à mes préparatsssions pour leur ssssanté ou leur bien être... D'ailleurs, cssse parfum dont vous faites allégrement uszzzage, est probablement isssssu de mes rezzzerves d'huiles esssssentielles, je crois me ssssouvenir que votre intendant m'en a commandé de belles quantités il y a quelques mois...

Voilà, il en avait peut être dit un peu trop, mais au moins ce simplet de DouceChute devait saisir leur problème...

[Galathée]

« Vous avez raison ! L’herboristerie du marais maudit, si ma mémoire est bonne. Mon intendant m’en a parlé ! Il était temps qu’un être de votre talent offre ses services à Melandis, si vous voulez mon opinion, grand temps ! Malheureusement, les êtres de talent ne restent jamais bien longtemps en nos murs… L’anarchie, la violence, tout ça, ce n’est pas propice au génie. Seuls restent les médiocres, en mon genre… »
« Père ? » fit une voix claire derrière eux, et DouceChute se retourna.
Deux jeunes hommes venaient d’apparaître, probablement la vingtaine, larges d’épaules et séduisants. Même Led Shark, qui n’était pas féru de peaux roses, put deviner pourquoi les filles Lentemort avaient jeté leur dévolu sur ces jouvenceaux. Le seigneur DouceChute haussa les sourcils puis les épaules et se tourna vers le Chancelier.
« Si vous devez leur parler, parlez-leur. Je dois avouer que je suis sceptique. Ce que mes fils iraient faire avec ces Lentemort me dépasse… Nous avons toujours… été bien heureux de la hauteur de nos haies… » fit-il en désignant une rangée d’arbres serrés qui masquaient la rue et le domaine voisin, à l’exception d’une colonne de fumée sombre qui zébrait le ciel.
Puis, d’un geste désinvolte de la main, il salua ses interlocuteurs avant de rejoindre la femme qui avait guidé les garçons jusqu’à eux. Il lui prit le bras et ensemble, ils partirent vers le porche du manoir.

[Mornagest]

Mornagest considéra un instant les deux jeunes hommes vigoureux qui lui faisaient face. Des garçons plein d'avenir dans l'aristocratie, probablement destiné à épouser quelque riche fille de leur milieu, sans toutefois être en reste d'aventures extraconjugales de ci, de là, comme la plupart de ces gens le faisaient, il ne l'ignorait certes pas, ayant eu l'occasion de s'en rendre compte de visu. Bah, c'était leur vie, après tout...

"Messieurs, bonjour. Je pense que vous avez eu vent des évènements qui ont eu lieu chez vos voisins... du reste, difficile de les ignorer", dit-il en désignant la fumée qui s'échappait encore des ruines à peine éteintes. "J'aimerais savoir si vous aviez un quelconque rapport avec la famille Lentemort. Le père, la mère, ou les filles."

[Galathée]

Les deux garçons se dévisagèrent un instant, puis reposèrent le regard sur leurs interlocuteurs.
« Chancelier, avec tout le respect que je vous dois… » commença le premier, en passant une main distraite dans ses cheveux courts. « Nous… Enfin… Je pense pouvoir parler pour mon frère… Nous n’avons aucune sorte de rapport avec les Lentemort. Ce sont nos voisins, rien de plus. Nous les rencontrons fatalement lors des occasions mondaines auxquelles nous sommes tenus d’assister mais… »
« Je ne crois pas avoir jamais adressé la parole à l’un d’entre eux. »
« Le père t’a rudoyé, une fois, au bal de la Fureur. »
« Ah oui, c’est vrai. Et j’ai dansé avec une des filles, il me semble, l’année passée. Je m’en suis sorti avec une demi-douzaine de bleus sur les pieds, et une belle écorchure au tibia. »
Ils rirent.
« Non, mais honnêtement et sans vouloir médire… Qu’est-ce que nous irions faire avec ces rustres ? » demanda le premier.

[Mornagest]

Le guerrier hocha pensivement la tête, avant de répondre :

"Je vous le demande... il semblerait que l'un de vous deux ait eu des contacts avec une des filles. Une danse à un bal ? Ou une amitié plus poussée ?"

Question délicate. Les jeunes hommes ne voulaient peut-être simplement pas admettre qu'ils convoitaient la progéniture Lentemort ; après tout, ce n'était pas forcément aisé de parler de cela avec n'importe qui. Sauf qu'en l'occurrence, c'était... important.

[Galathée]

Une fois de plus, les deux fils DouceChute se dévisagèrent, les traits déformés par une incrédulité non feinte.
« C’est franchement… C’est elles qui vous ont dit ça ? Vous ne pensez pas… Qu’elles auraient pu vouloir, comment dit-on… crâner ? Parce qu’allons… Les Lentemort sont bien gentils, mais tout le monde sait que ce sont… des… Comment dire… »
« Des parvenus. » fit l’autre avec une grimace. « Enfin, ils sont… c’est pas ça… »
Apparemment, ils étaient conscients des origines plus que modestes du Chancelier qui leur faisait face et prenaient mille précautions pour ne pas le froisser.
« C’est pas seulement ça. Les Graine D’ombre aussi sont des nouveaux… nobles, mais ils sont… un peu… moins mal dégrossis, quoi. »
Ils rougirent à l’unisson.
« Je veux dire, il y a une tare dans cette famille. Dans le sang. Chez les Lentemort. Ça se voit quand même, non ? »
« C’est elles qui vous ont dit ça ? Oh, j’espère qu’elles ne racontent pas ça à tout le monde, la honte… »
« Et elles disent qu’elles connaissent qui ? Moi ? Grégor ? »

[Mornagest]

Une tare ? Voilà quelque chose de nouveau. Du bluff ? Un mensonge de pure jalousie ? Peu observateur sur ce point, Mornagest n'avait rien remarqué d'anormal chez les Lentemort, excepté sa forte propension à vouloir faire payer à ses esclaves les erreurs commises par sa famille... rien de plus normal pour un noble mélandien, finalement.

"J'avoue ne pas avoir remarqué d'anormalité chez les Lentemort. A quoi pensiez-vous ?"

Pour l'instant, inutile de leur apprendre que les accusations ne venaient pas des filles Lentemort mais bien d'un des esclaves du domaine. Cela perdrait encore de vraisemblance face à ces deux jeunes prétentieux.

[Galathée]

Les fils DouceChute se dévisagèrent, le premier toussa, le second lorgna ses pieds.
« C’était une façon de parler. » dit finalement le plus âgé.
Puis il se redressa et carra les épaules.
« Mais ce sont des barbares. Ils sont brutaux, violents, sanguins. »
« Les filles sont hystériques. »
« S’afficher avec eux serait… »
« Une faute de goût. »
« Un suicide social. »
« Nous n’avons aucun contact avec les Lentemort et n’en désirons aucun. Jamais. L’idée que l’un d’entre nous serait… intéressé… tenté… par une des filles est juste… »
« Absolument ridicule. »
« Je veux dire… Il y a beaucoup de jolies femmes parmi les… enfin… »
« Dans le quartier. »
« Alors les petites sorcières Lentemort… »
« Brrrr…. »
Ils frémirent de concert, l’air passablement dégoûtés.

[Mornagest]

Malicieux, Mornagest glissa alors :

"Et si je vous disais que c'est l'une d'entre elles qui a des vues sur vous ?"

La réaction risquait d'être savoureuse ; peut-être feraient-ils une éruption cutanée rien qu'à cette pensée ?

[Galathée]

Mais les fils DouceChute réagirent avec la tranquillité de jeunes gens qui savent qu’ils présentent bien, dont les lettres de noblesse sont évidentes et qui ont l’habitude d’attirer les regards.
« Je dois avouer que ça ne me surprend pas, malheureusement. Nous aurions pu espérer que cette petite… hum… pose son regard ailleurs, mais nous sommes voisins, j’imagine que c’est le genre de choses qui arrivent. »
« C’est sûr que pour une Lentemort, un mariage avec les DouceChute serait une chose inespérée. »
Ils se dévisagèrent et gloussèrent un instant.
« Tellement inespérée qu’elle n’a aucune chance de se produire. »

[Mornagest]

Un coup dans l'eau, mais il décida de pousser plus loin.

"Vous n'avez pas d'idée concernant les raisons qui auraient pu les pousser à vouloir attirer votre attention ? Hormis votre parti, s'entend."

Jouer leur jeu d'autosuffisance, pourquoi pas, tiens ?

[Galathée]

Les fils DouceChute parurent réfléchir quelques instants, mais ils semblaient avant tout sceptiques.
« J’ai peur de ne pas comprendre où vous voulez en venir, Chancelier. » dit poliment l’aîné. « Comme nous vous l’avons dit, nous n’avons pas de contact avec les Lentemort et nous ne savons pas ce qui se trame dans la cervelle d’oiseau des filles… Si elles s’intéressent à nous… Et bien tant pis pour elles. Pour le reste, que voulez-vous que nous y fassions ? Si elles avaient trois grammes de jugeote, elles auraient compris qu’il n’y a aucune chance que jamais l’un d’entre nous ne s’intéresse à elles. »
« Mais ce sont des adolescentes. Qu’attendez-vous d’adolescentes, franchement ? »

[Led Shark]

L'herboriste s'efforçait de rester calme, il laissait Mornagest flatter les deux jeunes gens... Mais là ils tournaient littéralement en rond autour de deux gamins post-pubères que leur mentalité de petit minets nobles, et l'homme lézard n'avait jamais été un grand amateur de ces amabilités vaguement accusatrices venimeuses qu'employait le Chancelier. Aussi lorsque les deux DouceChutte miniature laissèrent passer une ouverture il ne pu rester quoi...
Il prit les deux garçons à part et leur susurra certains mots à l'oreille, tout s'assurant que le chancelier ne manquait pas une miette de son discours...

Des adolesssscentes vulnérables, vous-zavez raiszzon. Il sssserait aiszzzé pour deux jeunes gens tels que vous de les manœuvrer, par jeu, mais manifesssstement le jeu a mal tourné. Pour moi aucune de vos déclaratsssions n'écarte csssette hypothèszzze... Vous êtes ssssusssspects !
Dites-moi, sssavez vous que le poizzzson impliqué dans l'affaire est exssstrêmement volatile ? Cssssela a bien failli contaminer votre domaine, cssse n'est pas exzzzactement un jouet pour courtiszzzans dont nous parlons mais d'un mal inssssidieux qui pourrait bien coûter de très nombreuszzzes vies à travers toute la csssité... Par consssséquent nous nous moquons bien de vos jeux et de vos amourettes, les deux filles Lentemort penssssaient sssans doute sssse rapprocher de vous par cssse plan dément. Fort heureuzzzsement le Chancssselier et moi ne voulons pas vraiment ssssavoir pourquoi, mais ssssurtout d'où vient le poiszzzon....

Le bon et le mauvais, on avait fait mieux comme technique pour faire parler des témoins mais dans la situation présente le vieux monstre faisait un mauvais plus que convainquant...

[Galathée]

Les deux fils DouceChute semblèrent paralysés par l’impressionnante présence de l’homme-lézard, n’osant pas s’en écarter de peur de prendre un coup. Ils étaient pourtant très mal à l’aise, ce qui se lisait dans la sueur qui baigna bientôt leurs traits tendus.
« Mais… honnêtement… » commença l’aîné. « Je ne veux pas vous manquer de respect, monsieur… messire… enfin… Mais je ne vois pas ce dont vous voulez parler. »
« Elles ont mis du poison sur notre domaine ? » s’inquiéta alors le second. « C’est ça ? Pour se venger de quelque chose ? »
« Quel poison ? Où ? » reprit le premier.
Ils avaient l’air de ne plus rien comprendre à ce qu’on leur voulait.

[Led Shark]

Zut, manqué ! La panique des deux adolescents était vraisemblable, foutus humains... Ils allaient devoir chercher ailleurs. Mais avant ça une dernière couche pour être sûr.

Dites moi vous deux, vous pensssez vraiment que j'ai passssé une nuit entière à parfumer le domaine de vos-zexssécrables voiszzins pour la beauté du gesssste ? Vous penssssez vraiment que le Chancssselier se rissssquerait ssssur un terrain contaminé par un tel procsssédé ? Vous ne rissssquez rien, du moins pour cssse qui concerne le poiszzon...
Par contre je doute que les coupables n'aient agient sssseules, nous ssssoupçonnons les filles Lentemort, mais vos noms ssssont apparus très tôt dans la bouche d'autres témoins. Elles peuvent en effet avoir étés ssssubjugués par vos-zessstimables perssssonnes, et agir ssssans vous en parler, mais j'en doute fort, cssssse n'est pas le genre de plan qu'on met en exzzzécutsssion ssssans y être fortement incsssité, à mon avisss... Shssssss !
Elles ont csssité vos prénoms ! Nous volons ssssavoir pourquoi... Nous décrire la totalité, j'ai bien dit la totalité, de vos rapports avec cssses ssssusssspectes est votre meilleure porte de sssssssortie, sssscette affaire est grave comme en témoigne la prészzencssse du Chancssselier Mornagesssst. Un consssseil, un sssseul : dites nous tout !

Voilà c'était un gambit d'un classicisme éculé dans le domaine des interrogatoires mais la réaction des deux jeunes était très convaincante, si ils tenaient face à cet assaut là, l'herboriste n'en tirerait pas beaucoup plus... Si les secrets tombaient se ne seraient qu'un moyen de pression de plus contre les deux furies de la maison Lentemort. Pour l'herboriste les deux jeunes étaient soit étrangers au faits mais non aux motifs, soit de très bons acteurs et dans ce cas impénétrables à sa seule conversation...

[Galathée]

« Quoi, mais… Quels témoins ? Témoins de quoi ? »
« Vous croyez que quelqu’un aurait voulu ternir notre réputation ? Nous… Je ne sais rien de cette histoire, moi. »
Il se tourna vers son frère.
« Mais moi non plus ! »
« Ecoutez, messire, vraiment, sans vouloir vous vexer, ni le Chancelier, bien sûr, mais enfin… je pense qu’on vous a menti. Aucun de nous deux n’a de rapports particuliers avec les Lentemort. Ce n’est pas que nous les détestons, ou que nous voulons du tort à leur famille, c’est juste que… que ça ne nous intéresse pas. D’aucune manière. Ni en bien, ni en mal. Nous sommes désolés, enfin pas vraiment, nous sommes… bref… c’est dommage pour eux, ce qui leur arrive, mais nous n’avons rien à voir avec ça. Vraiment rien du tout. »
« Vous n’allez pas croire… vous n’allez pas croire ces témoins, n’est-ce pas ? » demanda l’autre, moins doté de sang-froid que son frère.

[Mornagest]

Il fallait croire que l'aspect et la stature imposante de Led Shark était nettement plus impressionantes que les siennes, car il avait produit son petit effet ; l'un des deux paraissait déjà moins à l'aise que tout à l'heure. Encore un peu, et il avouerait même avoir lancé les boules puantes dans le temple de Talos...

"Et pourquoi pas ? Nous n'avons pas de raisons particulières de ne pas les croire. Si vous êtes réellement étrangers aux Lentemort, vous ne devriez avoir aucune difficulté pour nous prouver votre innocence dans cette affaire pour le moins désolante, n'est-ce pas ?"

[Galathée]

« Mais ça fait une demi-heure que nous vous répétons que nous ne savons pas de quoi vous parlez ! » s’emporta finalement le plus âgé. « Nous sommes prêts à vous prouver tout ce que vous voulez, mais vous ne voulez rien entendre ! Qu’est-ce que vous voulez de plus ? »
Son cadet opina du chef avec vigueur.
« Nous n’avons pas de contact avec les filles Lentemort, en dehors des endroits où nous les croisons par inadvertance et nous ne leur parlons pas ! Je ne comprends même pas pourquoi nous sommes suspects ! Quel serait notre intérêt de ruiner leur famille ? Et vous nous insultez en pensant que si nous étions là derrière, nous l’aurions clamé sur tous les toits ! Nous ne savons pas de quoi il s'agit. Nous ne connaissons rien d'un poison volatil et mortel. Nous n'avons rien promis aux filles Lentemort, ni à personne d'autre. Nous n'en avons rien à f... à foutre ! »
A nouveau, le plus jeune hocha la tête aux paroles de son aîné.

[Mornagest]

Le chancelier choisit de calmer les ardeurs des jeunes hommes. Les brusquer trop ne ferait que les braquer... et empêcher toute tentative postérieure.

"Bien, bien... cependant, vous devez bien avoir quelque idée sur les motivations qui pourraient pousser quelqu'un à avoir agi de la sorte ? Les Lentemort ont-ils la réputation d'avoir des ennemis ?"

Il leur en connaissait quelques-uns, mais pas d'ennemis vraiment mortels, excepté lui-même, mais pour des raisons plus idéologiques qu'autre chose, à dire vrai.

[Galathée]

« Lentemort a mille ennemis. C’est une vieille rosse désagréable. Mais tout bon Melandien qui se respecte l’aurait occis plus cruellement. » intervint alors une voix tranquille.
Le patriarche DouceChute avait fait sa réapparition. Il débordait toujours d’affabilité, mais il était manifeste qu’il n’avait plus l’intention de laisser le chancelier et son comparse malmener ses deux fils. Ces derniers se réfugièrent d’ailleurs dans son ombre assez rapidement, même s’ils tentèrent de dissimuler son soulagement.
« Par contre, il va devoir déménager. Je me rends compte que ça me rend très suspect. »
Il rit joyeusement.
« Ce qui sera intéressant, c’est de voir s’il vend. Parce que la seule chose de valeur, chez les Lentemort, c’est le terrain. »
Voyant que ses interlocuteurs ne le suivaient pas vraiment, il embraya.
« Je ne parle pas de la jolie situation et des gazons verdoyants… Je ne parle pas non plus de mon voisinage érudit et passionnant… » dit-il non sans humour. « Mais on raconte des choses croustillantes sur le sous-sol et ce qu’il abrite. Un dragon rouge ? Une tombe hantée ? Un vortex ? Qu’en sais-je… »

[Led Shark]

Pour chaque porte qui se ferme d'autres s'ouvrent, a peine les fils Doucechute voient leur implication écartée, que leur père s'offre lui même sur un plateau d'argent ! C'est presque trop beau pour être vrai ! Vite il faut enfoncer cette porte ouverte, ne pas laisser à Doucechutte père plus de temps pour affiner son histoire, coupant presque la parole au nouveau suspect l'herboriste enchaîna, faisant passer son regard d'un humain à l'autre

Messires, veuillez excuser le procédé fort déplaisant, mais comprenez bien qu'étant donné la gravité de la situation, il nous faut être extrêmement prudents et suspicieux, entre des mains inexpertes les outils qui ont ravagé le domaine de vos voisins peuvent causer de lourds dégâts à la Cité. Il nous fallait être certains de vos dires, d'où le ton fort peu courtois de mes questions. Si cela peu vous rassurer j'ai maintenant la presque certitude de votre non implication dans l'affaire. Encore une fois toutes mes excuses...
Led shark ponctua le passage de pommade en règle par une élégante, bien que fort peu prononcée, courbette. Autant pour endormir la méfiance des Doucechute s'avoua-t-il . Puis sur le ton de ces conversassions étudies que seuls les initiés peuvent partager il entrepris de tirer les vers du paternel organe olfactif du sire DouceChute...
Quel dommage que ma boutique me prenne tant de temps, je n'ai pas encore eu le loisir de plonger dans les archives et les légendes de la Cité... À quelles rumeurs faites vous allusion mon cher Drassen ?

Drassen, en vieux draconien cela signifiait autant la sagesse que la noblesse d'un ami ou d'un invité de qualité. Maintenant il allait voir à quel point l'humain allait se rendre suspect par ces révélations ( si toutefois celles-ci étaient crédibles )...

[HRP] je passe en coup de vent ces temps-ci je vais essayer de maintenir le rhytme mais ça risque quand même de se relâcher...

[Galathée]

« Et bien… On raconte qu’il y aurait, sous le manoir Lentemort, une série de cavernes ou de cryptes, je ne sais pas, je ne les ai jamais vues, vous imaginez bien, condamnées depuis la fondation de la ville, c’est à dire il n’y a finalement pas si longtemps, et que ces vieux tunnels mènent à une salle qui renfermerait une sorte de portail. Vers où, je n’en sais rien, mais certainement pas vers une vallée riante pleine de licornes et de petits oiseaux roses, si vous voyez ce que je veux dire. Lentemort n’y croit pas, il dit qu’il a déjà fouillé ses caves cent fois et qu’il n’a décelé aucun passage. Mais c’est un vieux cartésien ronchon, et il n’organise pas souvent de journées portes ouvertes… Vous imaginez donc que ce ne sont pas ses dénégations qui font fuir les curieux. La bonne nouvelle, pour tous ceux qui aspirent à une Mélandis calme et stable, c’est qu’il n’est pas intéressé, donc il n’ira pas réveiller les démons lui-même… Mais régulièrement, des visiteurs viennent se renseigner, prêts à débourser des sommes considérables pour racheter le domaine à Lentemort. Sans succès, comme vous pouvez le constater. Je le sais parce que les éconduits viennent parfois sonner chez moi pour voir si je ne pourrais pas intercéder auprès de mon voisin en leur faveur... Malheureusement pour eux, nous ne sommes pas intimes. Et heureusement pour la ville, m'est avis. »

[Mornagest]

Voilà qui était nouveau, et intéressant. Lentemort ne passait pas particulièrement pour un être enclin à la culture, au contraire de son voisin. Peut-être ce vieux forban de DouceChute avait-il manigancé tout cela dans le seul but d'envoyer au loin les Lentemort et leur nez trop sensible, afin de pouvoir inspecter tranquillement les sous-sols de la propriété convoitée ? L'idée se tenait, mais le patriarche DouceChute nierait bien entendu la chose s'il lui posait la question directement.

"Et vous-même ? Pensez-vous qu'il puisse y avoir quelque chose ? Votre goût certain pour les pièces de collection laisse à penser que vous avez quelque expérience dans le décryptage de telles légendes."

[Galathée]

"Oh..."
Doucechute eut une petite grimace dubitative.
« Je vous le dis, Chancelier. Rien ne me surprendrait. Ce genre de choses existent, pourquoi pas à Mélandis, alors ? Heureusement, les démons n’arpentent pas les rues, ce qui pourrait indiquer qu’il s’agit là d’une légende. Ou que ce portail est fermé. L’un dans l’autre, en réalité, il vaut mieux ne pas savoir. »
Il se tourna vers les statues qui ornaient son domaine.
« Et je ne suis pas féru de vieilleries. Toutes mes œuvres d’art sont contemporaines. Je les échange à de pauvres hères contre leur liberté. Certains prétendent qu’ils n’entendent rien à la sculpture mais finalement, un burin en main, et hop ! Le talent se révèle. Nous y gagnons tous. »
Il revint à ses interlocuteurs.
« Cela dit, maintenant, vous devriez peut-être profiter de la destruction du manoir pour racheter les terres de Lentemort à bon prix et organiser une expédition officielle dans son sous-sol. A moins que vous ne préféreriez prendre le risque de voir un nécromant fou aller y fouiner le premier. »

[Mornagest]

Si cela permettait d'éclaircir ce mystère ! Mais il n'en avait aucunement l'assurance, et cela demanderait beaucoup de temps et d'énergie. Pendant ce temps, vers où se tourner afin de résoudre une énigme aussi abracadabrantesque ?

"On s'écarte du sujet... pourquoi aurait-on poussé les Lentemort à s'éloigner de leur domaine ? Une hypothétique légende parlant d'objets tout aussi incertains ? Ca me semble un peu léger... à moins que ce ne soit l'oeuvre d'un fanatique du poussiéreux, ou tellement fou qu'il n'a pas mesuré les conséquences de son acte. Un tel profil vous serait-il familier ? Quelqu'un à Melandis qui remplirait ces conditions ?"