[Quête] Au sommet de la tour...

[Galathée]

Le clerc la dévisageait avec un sourire tranquille, tandis qu’elle approchait, lente et circonspecte.
« J’avais l’intention de vous attacher et de vous tuer, qu’espériez-vous ? » fit-il, calmement. « Mais je commence à hésiter. Vous êtes jeune et pleine de morgue, je sens votre haine à mon égard. Votre envie de me frapper, de me tuer sans doute. Shar m’en voudrait beaucoup de vous faire du mal alors que vous avez tant de potentiel. Une fois de plus, ma déesse règne, même en vous, alors que Lathandre n’est nulle part. Il est sage de s’en remettre à elle. Certains le comprennent plus vite que d’autres. »
Alors que la jeune femme avançait toujours, sans se presser, il recula d’un pas, se glissa sous le bras d’Albérich pour se retrouver de l’autre côté des piliers, face au clerc, sans quitter Astrée des yeux.

[Voyageuse]

A ces mots, Astrée sentit monter en elle une vague d’indignation et de colère, mais retrouva presque aussitôt la maîtrise d’elle-même. Elle était intriguée par le manège de l’homme.
A quoi joue-t-il ? Il n’espère quand même pas que je vais me tourner vers Shar ? Il cherche à me provoquer. A me jauger. Dans quel but ?

Bon, elle ne pouvait nier que l’envie de le poignarder lui avait traversé l’esprit. Mais elle n’était pas guidée par la haine. Plutôt par la colère. La frustration de se trouver ainsi impuissante, au terme de leur mission, de savoir qu’il allait les tuer, Albérich et elle, et qu’ils auraient échoué. Et ce n’était qu’une pulsion. L’aurait-elle seulement suivie ?
Méfie-toi. La colère est mauvaise conseillère et la frustration peut faire le lit de Shar. Il faut être consciente de ces sentiments, ne pas les nier, mais ne pas les laisser guider tes pas.

Il fallait continuer à parler. Gagner du temps. Rentrer dans son jeu si cela pouvait être utile. Ou bien l’exaspérer. Laisser transparaître de la colère ? N’importe quoi mais gagner du temps. Si seulement elle pouvait l'éloigner d'Albérich...

- Qu’est-ce qui vous fait croire que Shar pourrait régner en moi, comme vous dites ? lança-t-elle d’un ton froid. Ou même que j’éprouve de la haine pour vous ?

Elle s’était arrêtée à un mètre des deux hommes et observait le sharite .
Pourquoi recule-t-il ? Il n’a pas peur de moi. Veut-il me le faire croire ? Non, sans doute. Alors que fait-il ?

[Galathée]

Le Sharite ne recula pas davantage. Il ne semblait pas, malgré son attirance pour les ténèbres, souffrir du soleil resplendissant qui l’éclairait, l’entourant d’un halo lumineux. Son regard clair et perçant était toujours posé sur la jeune femme, par dessous le bras de son prisonnier. Astrée surprit l’éclat métallique d’une lame, entre les doigts de son adversaire. Il semblait n’y accorder aucune attention.
« Il n’est nul besoin d’accueillir Shar pour qu’elle se nourrisse de vos émotions. Tapie dans l’ombre, elle observe et se repaît de l’obscurité en vous. Chaque mort lui sourit, lorsqu’il a été fauché avec rage. Avec vengeance. Avec colère. Vos amis, sous nos pieds, jouent le jeu de la nuit. Vous jouez le jeu de la nuit. Si je vous tue, qu’ils arrivent, que je me rends… Me tueront-ils ? A votre avis ? »

[Voyageuse]

Le tueraient-ils ? Non, bien sûr ! Ils ne tueraient pas quelqu’un qui se rend !
En était-elle absolument certaine ? Après tout, elle les connaissait encore mal...
Elle tenta d’imaginer la scène. Ils seraient furieux, regretteraient de ne pas être arrivés à temps, de n’avoir pu l’empêcher. La colère les pousserait-elle à l’irréparable ? Sans doute pas. Après tout, ce n’est pas comme si elle avait vraiment représenté quelque chose pour eux : ils se côtoyaient seulement depuis quelques jours. Bien sûr, ils avaient créé des liens d’amitié, Kasumi lui avait même offert une statuette dont elle sentait la présence amicale dans sa poche. Mais elle n’était pour eux qu’une compagne d’aventure, rien de plus. Aucun d’eux ne céderait à la frustration de n’avoir pas pu agir. Ils ne tueraient pas le sharite. Enfin.... Sans doute pas...

Astrée regarda le sharite droit dans les yeux et répondit doucement.
- Non, Calme Péril. A mon avis, ils ne vous tueront pas. Ils vous arrêteront pour que vous soyez jugé.

Elle ne quittait pas des yeux son adversaire. Cherchait à comprendre pourquoi il perdait tant de temps.
Où donc veut-il en venir?

[Galathée]

Le Sharite sourit à nouveau. Pour un homme sensé personnifier la haine et le désespoir, il avait l’humeur légère, liberté, sans doute, de son rang.
« C’est beau, cette confiance en vos alliés. Puéril aussi. Vous ne mesurez pas la soif de sang qui se dissimule sous les atours vernis de la civilisation. La moindre fêlure renvoie l’homme à l’obscurité. A laquelle il appartient. »
Il jeta un coup d’œil distrait à sa dague, puis la glissa à sa ceinture.
« Vous me permettrez de ne pas me laisser aveugler par ce qui vous embrume l’esprit. »
Puis il esquissa un petit salut de la tête et se mit à incanter.

[Voyageuse]

Astrée pâlit en entendant le sharite se mettre à incanter.
Sans réfléchir, elle se courba et fonça tête la première, décidée à passer à son tour sous le bras d’Albérich et à bousculer de plein fouet son adversaire. Il fallait le déconcentrer coûte que coûte et l’empêcher d’incanter. Peu importe si son incantation était destinée à la tuer, à tuer Albérich ou à rejoindre le combat à l’étage en-dessous. Elle devait l’arrêter !

Sa main droite se trouvait à proximité de sa poche et, au dernier moment, sans l’avoir prémédité, elle saisit son couteau et le brandit à l’aveuglette, plus ou moins à la hauteur des cuisses de son adversaire. Elle ne voulait pas le tuer. Juste l’empêcher de se concentrer.

[Galathée]

Au moment où la rôdeuse arrivait au contact du Sharite, celui-ci rouvrit les yeux et son sourire s’élargit. Il interrompit son incantation et elle eut la sensation, diffuse, qu’en réalité il n’avait jamais réellement escompté lancer de sortilège. Avec une vivacité qu’elle n’avait pu anticiper, il se déporta sur la droite, saisit le poignet qui tenait le couteau et accompagna son élan, le renvoyant de biais vers le haut. Astrée comprit ce qui allait se produire avant que cela n’eut lieu, mais ne put rien faire pour l’empêcher. Prisonnière d’une poigne qui lui était nettement supérieure dans l’état dans lequel elle se trouvait, elle vit sa lame décrire un arc de cercle dans le vide, là où elle avait espéré trouver son ennemi, voler droit vers le flanc du conseiller et s’y enfoncer avec la facilité déconcertante et obscène du métal qui rencontre la peau fragile d’un être humain.
Un grand tremblement traversa le corps du Lathandrite et il poussa une plainte mêlant surprise et douleur.
« Oups. » fit le Sharite, avec un large sourire, et il fit un pas en arrière, libérant la jeune femme, et la laissant profiter du résultat de son initiative.
Le sang pissait hors de la plaie, que Megrall contemplait avec une sorte de distance vaguement interdite, comme s’il n’était pas certain de comprendre ce qui était en train de lui arriver.
« Cette fois, je tire ma révérence. Vous saluerez vos amis de ma part. Ou peut-être nous reverrons-nous, qui sait. Je viendrai hanter vos cauchemars. »
Puis, leur tournant le dos, il gagna le bord de l’esplanade et se remit à incanter.

[Voyageuse]

Le sharite avait saisi son poignet et dévié sa lame. Astrée, horrifiée, sentit celle-ci s’enfoncer dans la chair du conseiller. Comme paralysée, elle contempla la plaie, le sang qui giclait, qui l'éclaboussait, son couteau… son couteau maculé de sang qu’elle lâcha soudain avec un mouvement de recul.
Un instant de stupéfaction.
Puis ses réflexes reprirent le dessus. Elle se précipita vers Albérich, tâtonna en amont, au-dessus de la blessure, devina le passage de l’artère et appuya fermement de son poing gauche fermé. Le flux de sang se réduit à moins que rien. Il était sauvé, temporairement. Du moins tant qu’elle maintenait l’artère comprimée.
Elle plongea sa main droite dans sa poche à la recherche de l’onguent fourni par Arya, celui qui arrêtait les saignements sur les plaies importantes mais sans cicatriser en profondeur : il suffirait pour l’instant.

Tout près, elle entendait le sharite incanter. Il allait s’enfuir. Trouver quelque part une autre victime à torturer. Echapper à la justice. Recommencer ses exactions, ailleurs. Elle frémit de colère. Elle ne pouvait quand même pas le laisser filer ainsi ! Elle saisit une autre des potions d’Arya, prête à lui lancer en pleine tête pour stopper son incantation.
Mais au dernier moment, elle retint son geste. Non, cela aurait été suicidaire. Si elle l’empêchait de fuir, alors il viendrait sans doute les tuer, Albérich et elle, par dépit, par vengeance. Et tout serait perdu. Elle ne pourrait pas l’en empêcher. Elle ne faisait pas le poids, trop faible, désarmée. Elle bouillait de colère, mais devait reconnaître son impuissance. Elle ne pouvait rien faire.
- Vous n’êtes qu’un lâche ! lança-t-elle rageusement.
Elle serra les dents, les poings, de colère, de frustration, d’impuissance.
Et lâcha la potion inutile pour prendre l’onguent qui devait sauver Albérich.

[Galathée]

Le Sharite, évidemment, ne répondit rien, tandis qu’il psalmodiait face au panorama somptueux qui s’ouvrait devant eux. Astrée dut se résoudre à consacrer son attention à ce qu’elle faisait car l’hémorragie avait beau être enrayée, la souffrance ne l’était pas, et le conseiller émettait une étrange plainte sourde, manifestement au bord de l’évanouissement.

Elle commençait seulement à étaler de l’onguent sur la blessure lorsque brusquement, sans avertissement, tout devint blanc. L’univers entier vira à la lumière, aveuglante, et malgré elle, la jeune femme fut renversée en arrière. Pourtant, elle tomba sans brutalité, sans douleur, comme sur un matelas particulièrement doux, amortissant sa chute. Elle ne vit que le blanc le plus pur, fut forcée de plisser les yeux. Toute autre sensation avait disparu : douleur, faiblesse, le silence était assourdissant, le temps semblait s'être suspendu. Elle aurait pu être ailleurs. Dans un rêve. Ou simplement morte.

Puis, progressivement, la lumière s’évanouit et les choses autour de la rôdeuse reprirent de la substance et retrouvèrent leur réalité. Pendant une seconde, furtive, elle eut l’impression qu’il y avait quelqu’un debout devant le conseiller, une silhouette intangible qui se dissipa aussitôt, illusion dans ses yeux encore éblouis. Par contre, un grognement attira son attention sur la droite et elle découvrit que le clerc sharite avait subi le même sort qu’elle : tombé en avant, il était en train de se redresser, ramassant une goutte de sang au coin de ses lèvres, son incantation interrompue. Il était apparemment tombé moins gracieusement que la jeune femme.

Au même moment, un grand craquement retentit à hauteur de la porte. Une seconde plus tard, le banc était propulsé en arrière, et Kasumi fit son apparition, l’épée à la main, suivi par un Taliesin à la mine écarlate, qui semblait moins vaillant.

Sur le palier, le barde et le rôdeur avaient également été rattrapés par un rayon lumineux, atténué par les épais murs de pierre qui les entouraient. Ils n'en avaient pas ressenti d'effets adverses, au contraire, s'étaient sentis plus confiants qu'un instant auparavant. Puis la porte avait cédé, les ramenant dans le réel.

Les deux hommes découvrirent une scène pour le moins inquiétante. Le sommet de la tour était constitué d’une pièce hexagonale murée sur seulement cinq côtés. Le sixième, face à l’est, était ouvert aux grands vents, comme dans tout temple lathandrite que se respecte, et se prolongeait par une terrasse aussi longue que large. Ils y aperçurent Astrée, apparemment entière, assise par terre, à côté d’un homme nu enchaîné entre deux piliers, qui ne pouvait être que celui qu’ils cherchaient. Plus loin, en bordure du gouffre, un Sharite était en train de se redresser.

[Voyageuse]

Tout était devenu blancheur et lumière autour d’elle. Astrée plissa les yeux, sans comprendre vraiment ce qui se passait. Puis, doucement, les choses reprirent leur aspect naturel.
Belenn a réussi !
Elle eut à peine le temps d’en prendre conscience que la réalité se rappelait à elle : le sharite était là. Son incantation avait échoué. Elle se raidit. Il allait sûrement les attaquer, elle devait se tenir prête….

Au même moment, elle entendit le fracas de la porte qui cédait. Son cœur s’arrêta de battre un instant. Etait-ce… ? Mais son visage s’illumina soudain en reconnaissant la silhouette de Kasumi. Il était vivant ! Et Taliesin aussi, qui apparaissait à son tour. Ils avaient réussi !
Elle ne pouvait détacher ses yeux des deux silhouettes qui se découpaient sur le seuil de la porte. Ils étaient vivants…. Elle comprit, à l’émotion qui l’envahissait, à quel point elle avait eu peur de les perdre. Kasumi... Comme hypnotisée, elle gardait le regard fixé sur lui, comme si elle voulait en imprégner définitivement l’image au fond de sa rétine.

C’est à peine si elle vit, du coin de l’œil, le sharite qui se redressait. Ce n’est que lorsque Taliesin banda son arc qu’elle réalisa que tout n’était pas terminé, qu’ils avaient encore un ennemi à combattre. Elle se redressa à son tour.

[Taliesin]

Lorsque l'éclair lumineux parvint à leur auteur, Taliesin songea que, enfin, Belenn devait avoir détruit l'artefact qui plongeait le vallon dans les ténèbres. Mais il n'eut pas le temps de s'attarder sur cette pensée réconfortante : la porte avait cédé, et le sommet de la tour s'offrait à ses yeux;.. ainsi que ses occupants.
Il vit Astrée. Le conseiller enchaîné. Et le Sharite qui commençait à se remettre sur pied...
Il n'hésita pas. Serrent les dents, il fit un pas de côté pour ne plus être gêné par le rôdeur qui le précédait, banda son arc, visa... et lâcha son trait.
Dans l'état où ils étaient, ils ne pourraient guère résister au prêtre qui, sans nul doute, était le redoutable chef de la secte sharite. Il fallait donc espérer que son coup porte, l'élimine. Ou au moins l'affaiblisse.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Il ne fallu qu’un instant pour que le regard fébrile du demi-elfe ait fait le tour de la pièce. Il nota la présence d’Astrée et du prisonnier qui ne pouvait être que le conseiller. Dans une vision d’horreur, il vit l’ennemi qui se redressait derrière elle. Il ne voulait pas la perdre, surtout pas maintenant qu’il la revoyait. Depuis sa disparition, il avait senti son inquiétude croître mais, maintenant qu’elle était là devant lui et en danger, il réalisait la profondeur de son sentiment. La flèche de Taliesin le dépassa alors qu’il s’élançait vers Astrée. Il n’avait d’autre idée en tête que de la protéger de l’ennemi honni. Il n’y avait guère de place dans son esprit pour d’autre idée.

Il était trop tard pour sortir son arc et se rua vers le Sharite, bien décidé à se mettre en opposition entre lui et la rôdeuse…

[Galathée]

Le Sharite était à nouveau debout, et il dévisagea le rôdeur qui venait de s’interposer avec un regard venimeux. Puis, d’une main ferme, il saisit la flèche qui dépassait de son pectoral droit et l’arracha sans broncher.
« Trois contre un, on commence à équilibrer les forces, je vois. » s’exclama-t-il avec dédain.
Puis, vif comme le serpent, il fila sur le côté, tentant de faire le tour de la terrasse dans la direction opposée d’où était arrivé le rôdeur.

[Taliesin]

Taliesin avait lâché son arc. Sa clavicule n'avait sans doute pas apprécié qu'il force dessus pour tirer sa flèche et, à présent, elle protestait de façon véhémente, rendant inutilisable son bras gauche. Qu'importe, il lui restait le droit ! Alors, il tira son épée et se mit à contourner le conseiller enchaîné, de manière à lui servir de rempart au cas où le Sharite tenterait de lui nuire;.. Mais aussi pour barrer le passage à ce dernier. Il était hors de question qu'il en réchappe : il les avait vus, il était puissant. S'il prenait la fuite, les dieux seuls savaient ce dont il serait capable. Mais ce ne serait pas joli joli... Et le barde refusait ne serait-ce que d'imaginer que Galathée et Victor puissent être en danger à cause d'un tel individu.
Non, il ne le laisserait pas partir. Il ne le laisserait pas non plus tuer Albérich. Ils n'échoueraient pas si près du but.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

[LEFT]Kasumi se précipita à la suite du Sharite qui tentait de s'esquiver. Il ne fallait pas qu’il s’échappe et continue à répandre le fiel de ses machinations. Tant qu’il était libre de ses mouvements, il était un danger pour ses amis et d’autres innocents. Alors qu’il allait se trouver à portée de lame, le clerc fit volte face. Kasumi vit l’éclat métallique de l’objet qu’il tira de sa manche mais, emporté par son élan, il n’eut pas le loisir de corriger sa trajectoire. Il percuta violemment le Sharite à l’épaule et tous deux furent déséquilibrés par le choc. Le clerc fit pourtant preuve d’une vivacité surnaturelle en envoyant bouler le rôdeur dangereusement près du bord. Kasumi glissa sur le sol et dut lâcher ses lames pour ne pas basculer. Il vit sa mort dans les yeux du clerc qui se porta à sa rencontre, masse d'arme en main. Mais ce faisant, il tournait le dos à Astrée et Taliesin. [/LEFT]

[Voyageuse]

En voyant la flèche de Taliesin partir et Kasumi se précipiter vers la terrasse, Astrée retrouva soudain ses réflexes. D’instinct, elle ramassa son couteau qui gisait à ses pieds. Elle ne voyait plus le sang d’Albérich qui le maculait. Elle savait qu’il lui fallait une arme pour se défendre, aussi ridicule fut-elle, et c’était la seule à sa disposition.
Kasumi s’interposa devant elle, et sa tension se relâcha quelque peu. Elle ne risquait plus rien.

Mais son soulagement fut de courte durée. Elle vit le sharite qui tentait de les contourner, et Kasumi qui l’attaquait. Le choc entre les deux hommes. Kasumi qui roulait près du bord de la terrasse… Il allait tomber !
Affolée, elle se précipita vers les deux hommes, sans réfléchir. Certainement trop tard pour empêcher la chute dans le vide… qui, par miracle, n’eut pas lieu, Kasumi réussissant à stopper sa glissade à temps.

Comme dans un cauchemar, elle vit le sharite, juste devant elle, lever sa masse d’arme sur le rôdeur désarmé. Ce n’était pas possible… Cela ne pouvait pas être… Elle sentit le couteau dans sa main. Sans réfléchir, sans hésiter, elle plongea en avant et frappa de toutes ses forces.
Le couteau atteignit le clerc juste à la base de la nuque, et s’y enfonça sans guère rencontrer de résistance, dans une chair fragile, quelque part entre deux os. Le sang gicla. Aspergeant le sharite, le bras d’Astrée, ses vêtements, et même son visage….
Un instant de stupéfaction. Comme si le temps avait suspendu son vol. Elle lâcha son couteau et eut un mouvement de recul, horrifiée. Le sharite tomba en avant, et Kasumi n’eut que le temps de rouler sur le côté pour l’éviter.

Le regard d’Astrée allait de Kasumi au Sharite, reflétant horreur et incompréhension. Il lui fallut quelques instants pour réaliser avec soulagement que Kasumi était sauvé, et qu’ils ne risquaient plus rien. Quelques instants supplémentaires pour réaliser qu’elle était couverte de sang. Ses jambes flageolaient. Elle fit quelques pas de côté, et prise de nausée, rendit le peu de bile qu’elle avait dans l’estomac.
Elle sentit que ses jambes la portaient à peine. Elle voulut se rapprocher de Kasumi qui se relevait. Mais elle ne pouvait regarder le corps de l’homme qu’elle venait de poignarder…
Prise de vertige, elle se laissa tomber lourdement assise sur le sol.

[Taliesin]

Taliesin éprouva un tel soulagement en constatant que la Sharite était mot et que ses compagnons et lui-même en avaient réchappé qu'il manqua laisser tomber son épée. Mais il se reprit de justesse et parvint à la mettre au fourreau. Il ne fallait pas se relâcher : il y avait encore au moins deux prêtres dans la tour, la femme à l'étage inférieur et l'homme, à l'entrée...
Et, surtout, il fallait s'occuper du conseiller.
A pas rapides, il vint se placer devant lui, le trouva conscient... mais tout juste.
-Bonjour, Albérich... dit-il d'une voix douce en lui serrant légèrement l'épaule. Vous n'aviez tout de même pas espéré échapper à nos entretiens hebdomadaires ?
Le spectacle terrible qu'offrait le corps martyrisé du clerc lui serra le cœur, et il eut le tournis rien qu'à imaginer les souffrances, tant physiques que psychiques, qu'il avait endurées. Il chassa cependant cette pensée au plus vite : pour l'heure, Albérich n'avait pas besoin de commisération, mais bien d'aide.
-Ma parole, vous êtes transi... murmura-t-il.
S'agenouillant, tentant d'ignorer la douleur qui lui déchirait l'épaule, il fouilla dans son sac, en tira une couverture...
-Voyons, Astrée ! lança-t-il, faussement léger, à la jeune femme effondrée. Je respecte votre attrait pour les charmes de la gente masculine, mais tout de même, vous auriez pu le couvrir !
Sa plaisanterie lui parut d'emblée stupide. Il comprenait l'état de la rôdeuse : elle avait évoqué son dégoût à l'idée de tuer, et elle venait d'abattre un homme... Toutefois, ce n'était pas le moment de se laisser aller. Ils n'étaient pas encore tirés d'affaire. Et il fallait impérativement que tous se démobilisent... Alors, au final, si sa blague incongrue la piquait au vif...
-Voilà, vous aurez un peu moins froid, déjà... reprit-il à l'intention d'Albérich. Mais on vous trouvera mieux dès que vous serez débarrassé de ces maudites chaînes...
Il les examina rapidement, compris qu'il ne pourrait jamais ouvrir les cadenas qui les maintenaient sans en avoir la clef... Il allait devoir fouiller l'étage, et, qui sait, peut-être la tour tout entière...
-Pensez vous pouvoir tenir le coup pendant que je vais chercher de quoi retirer vos entraves ? demanda-t-il d'un ton qui se voulait apaisant. Ou préférez vous que je vous soutienne pendant que l'un de mes compagnons s'en charge à ma place ?

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi n’eut que le temps de se jeter de côté, attendant malgré tout un coup qui ne vint pas. Au lieu de cela, le Sharite s’effondra à ses côtés, manifestement mort. Clignant des yeux et se redressant péniblement, il avisa la situation. Taliesin s’était approché du conseiller et semblait s’occuper de lui. Mais, au fond de lui, c’est Astrée qu’il chercha immédiatement du regard : il devait avant tout s’assurer qu’elle aille bien. Il la repéra, manifestement effondré et s’approcha silencieusement d’elle. Du sang avait éclaboussé ses mains et son visage. Le sang du Sharite, il l’espérait. Il s’accroupit face à elle et dans un geste plein de tendresse, il plaça ses mains sous ses avant bras et lui sourit, l’incitant et l’aidant à se relever.

Il ne trouva nul autre mot à prononcer que son nom tant son soulagement d’en avoir réchappé ainsi que la rôdeuse occultait tout le reste :

- Astrée…

[Galathée]

Quelqu’un lui parlait. Il avait la sensation confuse d’être mort un instant, puis d’avoir été ramené dans la lumière. Mais il faisait froid. Les dernières minutes s’étaient entrechoquées, il avait vaguement perçu qu’on se battait, une fois de plus, comme cette nuit sordide où ils avaient été surpris. Où ils avaient été incapables de se défendre.
Mais quelqu’un lui parlait, quelqu’un dont il connaissait la voix sans la reconnaître, et ses yeux encore aveuglés ne virent qu’une forme diffuse, trop peu familière pour le rassurer ou l’inquiéter. On lui posait une question. Et il n’y avait ni sarcasme, ni haine dans cette voix, il n’y avait même plus d’urgence.
Il essaya de lui répondre mais rien ne vint.
Il eut conscience des larmes qui coulaient sur ses joues, de son extrême faiblesse et lutta pour ne pas perdre connaissance. Sans pouvoir se résoudre à le croire, refusant même l’évidence, il avait conscience qu’ils étaient venus. Il n’était pas certain de savoir qui ils étaient. Il n’était pas certain de vouloir savoir pourquoi ils étaient là. Mais les choses allaient changer. La routine immuable des jours touchait à son terme.

[Taliesin]

Taliesin comprit que le conseiller n'était pas en état de lui répondre. Il n'était pas mourant, non... mais pas en grande forme non plus. Difficile, dès lors, de savoir s'il parviendrait à rester debout le temps qu'il cherche la clef. Quant à demander à Astrée et Kasumi de l'aider... Un bref regard dans leur direction lui fit comprendre qu'il ne fallait pas y copter. Ils étaient trop heureux de se retrouver et avaient un besoin bien compréhensible de se relâcher un moment...
Alors, l'elfe tenta d'ignorer la douleur qui le tenaillait et se mit en devoir de lancer un sort de soins légers. Ce ne serait pas grand chose, mais peut-être cela permettrait-il au Conseiller de rester sur pied pendant qu'il fouillerait l'étage... En espérant que la clef s'y trouve.

[Voyageuse]

Astrée leva d’abord sur Kasumi un regard vite, perdu. Puis une étincelle de reconnaissance s’y alluma.
- Kasumi…
Elle était en état de choc, incapable d’agir ni même de penser. Son corps était parcouru de tremblements incontrôlés. Des images sans suite tourbillonnaient dans sa tête, Albérich enchaîné, les tourments qu’elle avait enduré, les sorts qui la percutaient de plein fouet, le désespoir, son impuissance, le regard narquois du chef des sharites, l’apparition de Kasumi à la porte, son couteau qui frappait Albérich, son couteau qui frappait le sharite… Le sang…
Elle prit conscience que tout était fini. Que Kasumi était vivant. Qu’elle avait tué son adversaire. Qu’ils avaient gagné. Elle devinait que Taliesin était sans doute auprès du conseiller. Toute la tension accumulée disparut soudain, la laissant faible, sans volonté. Elle sentit sa gorge se nouer, sa vue se brouiller.
Elle sentit que Kasumi la soutenait, l’aidant à se relever.
Ele braqua ses yeux sur les siens, y cherchant un peu de force, de réconfort. Elle s’agrippait à lui comme à une bouée de secours. Ses jambes flageolaient. Les larmes se mirent à couler, incontrôlées, ses yeux brillant d’un appel muet.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Astrée était tremblante lorsqu’il l’aida à se relever. Lorsqu’il croisa son regard, il comprit toute la profondeur de sa détresse et trouva cette vision insupportable. Sans y réfléchir, il la serra un moment dans ses bras, lui offrant toute la chaleur et le réconfort dont il se sentait capable. Un instant, il s’en voulait de n’être pas arrivé plus tôt, il aurait voulu lui épargner la souffrance d’avoir à tuer. Mais l’instant d’après, il se laissa aller dans son étreinte, partageant la souffrance d’Astrée et bien plus encore. Le moment sembla durer une fraction de seconde ou peut être une éternité, mais il finit par s’écarter doucement avec regret tout en continuant de la soutenir. Taliesin leur avait rappelé l’urgence de leur situation. Le conseiller était toujours attaché et bien mal en point lui aussi. Et il restait des ennemis qui pouvaient les menacer à nouveau à tout moment. Il faudrait traverser le vallon, accomplir le long trajet jusqu’à Luménis. Le rôdeur s’arrêta sur cette pensée : Astrée viendrait-elle ? Devrait-il se résoudre à lui faire ses adieux ? Il n’avait pas encore envisagé la fin de la mission sous cet angle et cette perspective le frappa de plein fouet. Jusqu’ici il n’avait pas été conscient de la difficulté qu’il éprouverait alors…

[Galathée]

Lorsque le sortilège du barde le toucha, le conseiller se sentit envahi par une énergie dévorante, qui lui imposait de reprendre pied, de reprendre vie, de retrouver un corps entier et solide, et ses sens, un à un, retrouvèrent leur prise sur la réalité. La souffrance s’était presque tue. Il ne sentait plus pulser son cœur dans la plaie qu’il avait au ventre et il devinait que les lacérations dans son dos s’étaient refermées. Comme chaque fois. Peut-être définitivement. Seule restait la brûlure à l’épaule droite, mais il savait qu’elle ne se taira pas. La couverture qu’on lui avait donnée gagna en poids et en chaleur, il se sentit rasséréné. Les muscles de ses bras l’élançaient, il avait envie de poser un genou à terre, peut-être de s’asseoir. Il avait terriblement faim, terriblement soif, et sommeil. Les couleurs reprirent leur place, les formes leur identité. Le vent siffla à ses oreilles, le glaçant au passage.
Finalement, il les vit. Un homme étreignant la jeune femme prisonnière, un corps baignant dans son sang devant eux.
Calme Péril, songea-t-il.
Il tut toute émotion en lui-même, la réprimant avant même qu’elle ne prenne forme.
Ne te laisse pas prendre maintenant.
Un autre homme allait vers eux, le guérisseur qui venait de l’aider, sans doute un clerc…
Un barde.
L’elfe s’était agenouillé sur le corps du Sharite, retournant silencieusement ses poches, Albérich voyait son profil se dessiner sur la campagne environnante. Il referma les yeux. La tête lui tournait. Il était vivant mais épuisé, il faisait toujours si froid. Il se sentit à nouveau dériver. Il n’était pas persuadé que s’il rouvrait les yeux, le monde serait le même qu’une seconde auparavant. Peut-être n’était-ce qu’un tour supplémentaire des Sharites, un songe détraqué de son esprit recru, peut-être était-ce un rêve d’évasion à l’instant où il mourrait… Ou peut-être était-ce vrai.

[Voyageuse]

Astrée sentit les bras de Kasumi se resserrer autour de ses épaules, forts et rassurants. Reconnaissante, elle se blottit contre lui, avide de la chaleur de son corps. Nichant sa tête contre l’épaule du rôdeur, elle laissa les larmes couler, emportant avec elles toute sa détresse, son désarroi, toutes les émotions qui se bousculaient en elle sans qu’elle puisse seulement mettre un nom dessus. Elle avait eu si peur. Peur de mourir, peur de voir le sharite exécuter Albérich sans qu’elle ne puisse rien tenter, peur de perdre ses amis. Peur de perdre Kasumi.
Petit à petit, le flot de larmes se tarit, les tremblements de son corps s’estompèrent. Elle resta encore un moment blottie contre le rôdeur, incapable de s’en écarter. Elle avait tant besoin de cette étreinte. Il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas senti la chaleur d’un autre corps contre le sien. Qu’elle n’avait pas pu se laisser ainsi aller en totale confiance. Si longtemps…

Puis elle sentit qu’il s’écartait lentement d’elle. Tout son corps lui sembla se révolter contre cet arrachement. Le vide, le manque qu’elle ressentit la troublèrent sans qu’elle puisse vraiment les identifier.
Elle leva les yeux vers lui. Et planta son regard dans le sien, cherchant sans doute inconsciemment à y lire une confirmation de ce qu’elle ressentait. Les yeux parlent parfois tellement mieux que la voix…

Nul ne sut ce que leurs regards échangèrent à cet instant, mais elle y puisa en tout cas suffisamment de force pour se tenir sur ses jambes. A regret, elle s’écarta à son tour, sans pouvoir détacher son regard des yeux verts du rôdeur. Elle prit ses deux mains dans les siennes, les serra un instant.
- Merci, souffla-t-elle, incapable d’ajouter autre chose.
Elle se sentait envahie par une émotion intense, qui lui interdisait de lâcher ses mains, de détourner son regard. La réalité tenta de s’imposer à elle : ils devaient détacher le conseiller, le soigner, le ramener au camp. Ses pensées n'allèrent pas plus loin. Tout cela lui paraissait soudain étranger. Seul comptaient ses yeux, ses mains. Son regard brûlant. Elle rougit, réalisant soudain la force de ce qu’elle éprouvait. Et se força à détourner le regard pour ne pas y céder. A regret.

- Viens, dit-elle doucement, s’obligeant à revenir à l’urgence de la situation. Le conseiller a besoin de soins. Et il faut le détacher. Je ne sais pas où est la clé. Peut-être que le sharite l’avait sur lui ?
Gardant une main du rôdeur dans la sienne, comme si ce contact physique était devenu vital, elle se tourna vers Taliesin et le conseiller. Il fallait se concentrer sur du concret, ils n’en avaient pas fini. Le conseiller avait une couverture sur les épaules, et Taliesin fouillait déjà les poches du sharite. Elle aurait été bien incapable de le faire. Elle était incapable de bouger. Incapable de prendre la moindre initiative. Elle inspira profondément, serra un peu plus fort la main de Kasumi. Elle le suivrait. Lui saurait quoi faire.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi se laissa ramener à la réalité par la voix d’Astrée. Son soulagement avait été tel qu’il en avait négligé le prisonnier. Il s’approcha de ce dernier, conscient de la main d’Astrée dans la sienne. La sensation était loin d’être désagréable et il eut un pincement au cœur à l’idée de la lâcher. Il le fit en caressant sa paume avec une grande douceur pour ne pas donner la sensation de repousser la rôdeuse. Il allait avoir besoin de toute sa lucidité et de toute sa liberté de mouvement encore quelques instants. Plus tard…

Une fois devant le conseiller il chercha à croiser son regard distant. Pour accroître les chances de guérison d’un malade, il fallait que celui-ci y mette sa volonté et le rôdeur ignorait l’état d’esprit d’Albérich après ses journées de tortures, après avoir perdu sa compagne.

- Conseiller Megrall, nous sommes venus pour te ramener chez toi. Astrée, comment te sens-tu? Il reste peut être de quoi soulager tes blessures ou celles de Taliesin dans mon sac. Je vais fouiller la pièce pour essayer de trouver comment le libérer. Je reviens dans une minute.

Le rôdeur franchit la porte et se dirigea vers le râtelier où étaient exposés les instruments de torture. Peut être y gardait-on aussi les clés de ses chaînes ?

[Voyageuse]

Astrée répondit d’un vague signe de tête à la question de Kasumi. Elle se sentait mieux, et ne pensait pas avoir besoin de soins. Une nuit de sommeil lui rendrait sans doutes les forces et l'énergie qu'elle avait perdus lorsqu'ils lui avaient lancé ces sorts.
Elle dut se secouer mentalement pour repousser le sentiment de solitude diffus qui l’envahit lorsque son compagnon s’éloigna à la recherche sans doute des clés des chaines. Ce n’était vraiment pas le moment de jouer les sentimentales.

Elle leva les yeux vers le conseiller, cherchant à croiser son regard. Il semblait aller mieux, lui aussi. Taliesin avait sans doute pu le soigner. Physiquement du moins. Quant à savoir comment il se sentait intérieurement, après avoir été torturé, et, surtout, après avoir perdu celle qu'il aimait… Elle pouvait sans peine l’imaginer. Elle savait qu'aucune parole ne soulagerait sa souffrance, mais peut-être que lui parler l’aiderait à reprendre pied dans la réalité.
Elle lui sourit.
- Conseiller Megrall ? fit-elle d’une voix douce. Vous avez vu, mes compagnons sont venus à notre secours. Je vous avais bien dit qu’ils y arriveraient… Et ils vont vous ramener à Luménis. On va vous enlever vos chaînes.
Elle observa ses blessures qui semblaient à présent refermées.
- Comment vous sentez-vous ? Avez-vous besoin de quelque chose ?

[Galathée]

Albérich fut à nouveau rappelé au réel et dévisagea la jeune femme qui lui parlait, se raccrocha à ses mots. Elle avait cru en ses compagnons, et ils étaient venus. Comme elle l’avait toujours su. Il aurait voulu lui dire que les choses n’étaient pas toujours aussi simples. Qu’il arrivait d’attendre en vain pendant des jours et des nuits des choses qui ne se produisaient jamais. Mais elle était bénie, en cet instant. Il était éprouvé mais il pouvait reconnaître la joie sur son visage, une exaltation qui allait au-delà du simple soulagement. Il l’envia, sans malice, et tenta de lui sourire.
« Ça ira. » murmura-t-il simplement. « Merci. »
Il cherchait l’apaisement en lui-même, la certitude que les choses allaient s’arranger. Pour l’instant, cela lui semblait impossible. Certaines vérités à ne pas encore regarder.

Kasumi trouva plus d’une clef sur le palier, mais aucune ne semblait propre à ouvrir les fers du conseiller. L’une d’entre elles verrouillait la porte qu’il avait défoncée, les autres étaient encore sur leurs cadenas respectifs, en l’attente d’un prisonnier à entraver.

Taliesin eut plus de chance sur le cadavre encore chaud du Sharite. Il finit par dénicher ce qu’il cherchait dans une des poches intérieures du manteau du clerc et put revenir vers le prisonnier et la rôdeuse avec son butin.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi se rendit vite compte que la clé des chaînes d’Albérich ne se trouvait pas avec les sinistres instruments qui avaient servi aux expériences macabres des Sharites. Ces objets lui donnaient la nausée. L’idée qu’ils aient servi sur le conseiller et auraient pu être employés contre Astrée s’il avait échoué lui était intolérable. La rôdeuse semblait affaiblie et bouleversée lorsqu’il l’avait retrouvée. Il frémit à l’idée qu’elle ait endurée des tortures mais écarta cette pensée en regagnant le sommet de la tour.

A son grand soulagement, il constata que Taliesin avait trouvé la clé sur le cadavre du Sharite. Il s’approcha d’Astrée et du conseiller pour leur résumer la situation qui les attendait :

- Il reste une Sharite en liberté à l’étage inférieur. Elle s’est enfermée dans une chambre mais pourrait tenter de s’en prendre à nous lorsque nous descendrons. Il y a également le Sharite qui était de faction devant la porte dont nous ignorons tout encore. Nous avons fait une prisonnière. Probablement celle qui a été recrutée à Luménis. Je ne crois pas qu’elle soit un danger si nous la relâchons.

[Voyageuse]

Astrée vit avec soulagement Taliesin revenir vers eux. Il avait la clé ! Et il se mit aussitôt en devoir de libérer Albérich.

Kasumi parut presque aussitôt, et Astrée lui sourit tandis qu'il approchait. Simplement heureuse de le voir.
Elle éprouvait un tel soulagement à les savoir tous les deux auprès d'elle qu'elle en oubliait presque tout ce qu'elle avait enduré. Elle avait refoulé quelque part au fond de son esprit les sorts qui l'avaient blessée et affaiblie, l'angoisse de ne pas les revoir, le combat avec le sharite qu'elle avait dû tuer. Tout cela reviendrait à sa conscience, sans doute. Et bien assez tôt. Pour l'instant, elle se laissait simplement porter par la joie d'être en vie, avec eux, la chaleur que lui procurait la simple présence de Kasumi, et la satisfaction d'avoir réussi à libérer le conseiller.

Les paroles du rôdeur la ramenèrent à la réalité. Elle blêmit en apprenant qu'il restait encore deux de leurs ennemis dans la tour, sans doute prêts à les attaquer. Mais sourit lorsque Kasumi mentionna leur prisonnière : sûrement celle qu'elle avait aperçue à travers les yeux de la chouette. Ainsi, ses compagnons avaient eu la sagesse de ne pas tuer sans discernement tous leurs ennemis. Elle en était secrètement heureuse.
- Oui, répondit-elle à Kasumi, je suppose qu'elle ne demande qu'une chose : pouvoir rentrer chez elle en vie.

Restait le problème des deux autres sharites. Peut-être se rendraient-ils, eux aussi? Et sinon... Elle n'était vraiment pas en état de combattre. Mais s'il le fallait... Oui, elle se battrait. Elle se sentait le moral gonflé à bloc. Et elle avait aperçu dans le sac de Kasumi une potion susceptible de lui rendre une partie de sa force en cas de nécessité. Restait un problème, infime : elle n'avait pas d'arme. Mais elle irait quand même avec eux, il était hors de question qu'elle les laisse encore prendre des risques seuls. Plus maintenant.

[Taliesin]

-Je suis d'accord pour que nous la libérions, dit Taliesin tout en bataillant avec chaînes, clefs et cadenas. Quant aux deux autres... Il nous faut les mettre hors d'état de nuire, soit en les capturant, soit en les éliminant. Et nous devrons aussi fouiller la tour de fond en comble;.. Rien ne doit subsister de cette secte. Sans quoi ni Albérich ni nous ne serons en sécurité... Shar nourrit la rancœur, la haine, la vengeance... Je n'ai pas envie que ma famille devienne leur prochaine cible...
Enfin, il sentit la clef tourner dans la serrure.
-Courage, conseiller ! dit-il. Dans un instant, vous serez débarrassé de vos entraves... Kasumi, voulez-vous m'aider à le soutenir avant que je n'ouvre la serrure ?