[Quête : la maison des morts] Le cimetière/Chandara

[Bellatrix]

Bellatrix l'avait regardé les yeux humides.

"La nouvelle vient de tomber, implacable. C'est une petite horloge fantasmagorique de mon rythme névrotique qui vient de m'en faire part. Pour tout résumer, brûlée, elle s'est éteinte. A Manost, nous n'avons plus qu'à monter des cendres. Paradoxe peu comique"

Ses yeux se posèrent de nouveau sur Vel'Cheran et elle s'exclama :

"Et comme je ne suis pas un garçon, je ne suis pas un mage de Thay. Ils m'ont tous mentis, tous ! Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de moi ?"

Elle commença à remonter la pente de l'amphithéâtre en hurlant.

[Vel Cheran]

Vel'Cheran monta quatre à quatres les marches de l'amphithéâtre afin de rattraper Bellatrix. Une fois près d'elle, il la prit par la main.

Ne t'inquiètes pas, Bella, je serai toujours là pour toi.

Après de telles épreuves, le barde se sentait plus proche que jamais de Bellatrix. Il avait craint plusieurs fois de la perdre, et cela lui avait permis de comprendre beaucoup de choses concernant ses sentiments pour elle.

Bella... J'ai passé les jours les plus difficiles de mon existence. J'ai cru à plusieurs reprises t'avoir perdue, et cela m'a déchiré le coeur et l'âme. Je ne peux pas envisager passer le moindre instant sans toi à mes côtés. Jamais je n'aurais pensé connaître un jour tel bonheur. Tu donnes un sens à ma vie, je ne vis que pour être auprès de toi.

Vel'Cheran prit une inspiration, alors que Bellatrix levait les yeux vers lui.

Bellatrix, veux-tu m'épouser ?

[Bellatrix]

Bellatrix resta quelques secondes sans répondre puis soudain fit quelques pas et tourna les talons. Elle incanta soudain. Trois projectiles magiques fusèrent soudain dans les airs. Dans la foulée, elle se mit à arracher des mottes de terre qui décrivirent des arcs de cercle avant de s'écraser mollement à coté d'eux. Puis, elle se défit soudain de ses chaussures et se les attacha aux oreilles avec ses lacets. Ensuite, n'y tenant plus, elle se mit dans l'idée de faire le poirier, ce qui la fit tomber sur le dos, les pieds nus.

Puis, elle fit à Vel'cheran un petit sourire malheureux.

"Désolée, je voulais te faire une réponse plus romantique. Mais c'est oui"

[Oriane]

Vel’Cheran et Bellatrix avaient filé vers le cimetière. Oriane les avait regardé partir, quelques secondes, songeuse. Quoi qu’ils puissent croire, leur rôle avait été tout aussi primordial que le sien et celui de la paladine. Ils avaient retenus les...créatures. Ce n’était pas rien. Elle le leur dirait, peut-être. Si elle les recroisait, s’ils n’étaient pas déjà partis.
Elle détourna le regard, ses yeux se posèrent à nouveau sur les cendres de Bérénice. Le barde avait raison. Elle ne méritait pas ça. Pas plus que son mari et ses enfants ne méritaient de la perdre. La jeune femme joignit ses mains sur son visage et ferma les yeux un bref instant. Si seulement...ils étaient arrivés plus tôt. Ou si elle avait tenté de convaincre les parents de ne pas se rendre à cette réception...Réprimant un soupir, elle ouvrit les yeux, baissa les bras. C’était idiot, elle le savait. Nul ne pouvait dire ce qui aurait pu se produire. Peut-être les choses se seraient-elles encore plus mal terminées.

"Nous avons fait tout ce que nous pouvions."

Elle avait murmuré ces mots, sans doute pas assez fort pour que quelqu’un l’entende. Elle espérait juste...s’en convaincre. Mais elle savait au fond qu’il s’écoulerait probablement un certain temps avant qu’elle accepte l’idée qu’elle n’aurait rien pu faire de plus. Quelques secondes s'écoulèrent encore, pendant lesquelles elle s'efforça tant bien que mal de reléguer ces pensées au second plan. Puis elle se tourna vers Théon et les enfants, hésitante :

"Peut-être voulez-vous...rester un peu seuls. Pour lui rendre...un dernier hommage..."

[Althéa]

Oriane avait senti une petite main prendre la sienne. En baissant les yeux, elle vit Lizzy, la tête levée vers elle. Derrière elle, les enfants s'étaient avancés. Comme à son habitude, ce fut Jeanne qui prit la parole.

"Je crois qu'on aimerait que tu restes. Tu nous a beaucoup aidé tu sais ? Mais je crois que ça serait mieux qu'on ne reste pas là. Ce n'est pas là qu'on a envie de pleurer."

Elle se tourna vers son père qui hocha brièvement la tête.

"Je crois qu'il vaut mieux qu'on retourne vite à Manost"

[Vel Cheran]

Entendant la réponse de Bellatrix, Vel'Cheran fut rempli de joie. Prenant Bellatrix dans ses bras, il la tourner autour de lui, ses chaussures volant autour de sa tête. Puis il reposa son aimée et l'embrassa.

Bella, tu fais de moi l'homme le plus heureux de Toril. Allons fêter ça, on fera le plus grand mariage que Manost ait jamais connu ! Même les plus grand dignitaires de Melandis en seront jaloux, je peux te l'assurer ! On invitera tous les habitants de Manost, ils ne vont pas le regretter !

Prenant Bella par la main, Vel'Cheran se dirigea vers l'auberge où ils avaient laissé leurs montures. Fort heureusement, elles étaient toujours là. Le barde monta rapidement à l'étage pour aller récupérer Reytarh, puis il revint vers les chevaux.

Faisons route vers Manost, Bella, et montrons à tous la toute-puissance de notre amour !

En effet, Vel'Cheran n'était plus vraiment dans son état normal.




HRP : en parlant de grands dignitaires de Melandis... Quoi, non, je ne vise personne !

[Chandara]

Eli était trop choquée par l’expérience qu’elle venait de vivre pour répondre autrement que par un signe de tête à l’invitation de la paladine. Cette dernière l’entraîna loin de l’amphithéâtre et des sinistres souvenirs qu’il évoquait. Sa compagne était venue dans l’intention de se venger des créatures qui avaient péries ce matin. Dans ses yeux vides de toute expression, Chandara perçut qu’il n’avait pas été dans ses intentions d’en sortir vivante.

Loin de l’accabler davantage, la jeune aspirante se raccrocha à l’idée qu’elle pourrait peut être aider Eli à reprendre goût à la vie. Elle considérait cela comme une seconde chance visant à rattraper les erreurs fatales qu’elle avait commise lors de son trajet. Peut être alors trouverait-elle le courage de retourner au quartier général de l’Ordre pour rendre compte du résultat de sa mission.

Sans un mot, elle chercha sur sa compagne des signes de blessures oubliant les siennes propres. Peut être serait-il possible de se procurer de quoi les traiter au village bien que les habitants n'en aurent certainement pas l'utilité.

[Oriane]

La jeune femme hocha lentement la tête. Elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver un certain soulagement devant la réponse de la fillette. Oh bien sûr, elle aurait attendu le temps qu’il faudrait s’ils avaient préférés dire adieu à Bérénice ici même. Mais elle préférait de beaucoup quitter enfin cet endroit. Ils n'y risquaient plus grand-chose a priori, mais ils n'avaient déjà passé que trop de temps dans cet atmosphère lugubre.
La main toujours serrée dans celle de Lizzy, vérifiant que Théon et les deux autres enfants leur emboîtait le pas, la bretteuse se retourna pour se diriger vers les marches de l’amphithéâtre, qu’elle gravit, espérait-elle, pour la toute dernière fois.

[Althéa]

Eli n'était pas blessée. Elle resta silencieuse tout le long de l'examen. Quand la paladine leva la tête, elle s'aperçut qu'elle pleurait doucement. Ce n'est que lorsqu'elle sentit les yeux de Chandara posés sur elle qu'elle commença à parler.

"C'est fini ... Depuis la mort de ma famille, je n'ai vécu que pour cet instant là. Je voulais voir les monstres payer. Et maintenant que c'est fait, je ne ressens rien sinon une horreur profonde. Je les ai entendu crier, mourir. Et je me dis que mes enfants auraient pu vivre cela. Ils étaient peut être du nombre, qui sait ..."

[Chandara]

Chandara se redressa pour pointer son regard dans celui d’Eli. Si la paladine ne pouvait appréhender la profondeur du tourment qui animait Eli d’avoir perdu toute sa famille, elle se fit un devoir de lui offrir tout le réconfort dont elle était capable. Ce n’étaient que des mots et peut être aurait-elle mieux fait de garder le silence mais Chandara ne voulait pas rester sans rien faire tandis que son amie pleurait :

- La vengeance qui peut nous ronger tout comme l’action qui répond au devoir laisse souvent un goût amer. Mais ne pas l’accomplir est s’exposer à des conséquences bien pires encore. Je n’ai pas osé apporter la paix à des créatures qui avaient l’apparence d’enfants et un homme est mort comme prix de mon indécision. Si tu n’étais pas venue, qui sait combien d’autres familles auraient été décimées ? Tes enfants n’étaient pas parmi les corps sans vie que nous avons détruits ce matin. Ils ont quitté ce monde il y a des mois.

[Althéa]

Eli secoua la tête, l'air amer.

"Comment peux-tu le savoir ? Tu ne les as jamais vus ... Ils me ressemblaient un peu, mais la ressemblance n'était pas frappante. C'est drôle, tout à l'heure, il m'a semblé entendre ma fille me parler à l'oreille. Lilly ... J'aurais tout donné pour pouvoir être à sa place, ou même la rejoindre si je l'avais pu. Au delà de la mort. Mais à quoi bon maintenant. Je ne la trouverai plus nulle part"

[Chandara]

Chandara recula d’un pas horrifiée par la révélation d’Eli. Le désespoir pouvait poussait à de telle extrémités… Craignant qu’Eli ait mal interprété ses paroles, la paladine chercha à se justifier d’une voix mal assurée :

- Je ne crois pas que tu aurais pu les retrouver même avant aujourd’hui. Les non-morts perdent la personnalité qu’ils possédaient pendant leur vie. En embrassant leur sort tu te serais perdue en même temps que ton amour pour eux. Veux-tu que je te laisse seule un moment ?

[Althéa]

Eli avait secoué la tête.

"Non, reste avec moi s'il te plaît. J'ai peur de me retrouver de nouveau seule. Je n'ai jamais pensé devenir comme elle. Je pensais trouver le moyen de les libérer, qu'il rejoignent les plaines de la mort, pour ensuite les rejoindre ... Mourir à mon tour. Mais maintenant que c'est fait ... Je n'en ai plus le courage"

[Chandara]

Chandara posa sa main sur l’épaule d’Eli et lui adressa un sourire encourageant. Elle jeta un œil à la ronde pour se rendre compte qu’elles étaient maintenant seules.

- Sais-tu où aller maintenant ? Je dois me rendre à Manost, veux-tu m’y accompagner ? J’aurais bien besoin d’une amie. Et je te présenterais Titœil, c’est un homme très gentil, tu verras.

La paladine s’était laissé gagnée par l’excitation avant de se rappeler où elle se trouvait et les sentiments qui devaient être ceux de sa compagne.

[Althéa]

Eliessan resta un long moment sans répondre, à peser le pour et le contre. D'un coté, elle voulait rester à sa douleur, d'un autre quelque chose l'appelait à renaître. Elle devait revenir, refaire partie du cycle, entrer de nouveau dans la danse. Mais d'un coté, elle s'y refusait. Elle était emplie d'absence, de la douleur d'avoir survécu aux siens. Elle se sentait tellement coupable. Néanmoins, elle finit par hocher la tête.

"Je te suivrai. Peut-être resterais-je quelque temps. Ensuite, je ne sais pas"

[Chandara]

Chandara adressa un nouveau sourire bienveillant à Eli. Que celle-ci accepte de l’accompagner à Manost et même de rester quelques jours avec elle était plus qu’elle n’avait espéré. Loin de lui inspirer de la pitié, Chandara puisait du courage dans la ferme résolution de sa compagne qui restait debout malgré les tourments qui l’avaient habité depuis des mois. Après quelques pas, elle se sentit néanmoins très faible, le sang perdu, la nuit blanche et les efforts réclamant leur du maintenant que l’excitation du combat s’était dissipée. Elle s’affaissa doucement sur l’épaule d’Eli et manqua un pas puis un autre, incapable de tenir plus longtemps sur ses jambes. Les sons lui parvenaient comme à travers un mur de coton.

[Althéa]

Eli l'avait soutenue pour éviter que sa tête heurte le sol trop durement, elle l'allongea tout doucement par terre. Puis, avec une douceur infinie, elle chercha son front. Elle grimaça en le trouvant brûlant. Puisant dans ses dernières forces, elle prit la jeune femme par les épaules et l'amena vers une zone herbue où elle sentait moins le vent. Puis, se défaisant son manteau, elle le posa sur la jeune femme.

Puis, tout doucement, caressant ses cheveux, elle lui chanta une berceuse. Sa voix était immatérielle et soyeuse comme le baiser du vent. Pas de parole, simplement une mélodie. Car les mots eux mêmes n'étaient pas assez forts pour exprimer l'émotion.

[Chandara]

Chandara s’assoupit paisiblement alors qu’Eli veillait sur elle. La jeune femme subissait le contrecoup de sa blessure et des privations mais ce qui lui permit de fermer les yeux et de sombrer dans un sommeil réparateur était l’étrange impression de sécurité qu’elle éprouvait en présence de son aînée. Lorsqu’elle s’éveilla, elle cligna une fois des yeux pour s’apercevoir que la matinée était désormais bien avancée. Elle se sentait reposé et lavée de ses angoisses dans ces premiers instants de semi conscience. Son regard croisa celui de sa gardienne bienveillante et un sourire s’épanouit sur son visage. Même son bras lui faisait moins mal et semblait avoir recouvré de sa vigueur. Mais si son organisme avait profité du sommeil pour se réparer, il réclamait maintenant sans du et un grondement de son estomac lui rappela qu’elle n’avait rien avalé depuis la veille au matin. Un peu gênée et sentant le rouge lui monter aux joues, elle se redressa à demi :

- Nous devons trouver de la nourriture pour le voyage de retour.

[Althéa]

"Malheureusement, je pense que nous ne trouverons pas grand chose ici. La nourriture qu'ils mangeaient - quand ils se nourrissaient - n'avait rien à voir avec la nôtre. Simplement du sang ..."

Elle eut un frisson et engloba ses jambes de ses bras.

"Je crois que nous ferions mieux de retourner sur la route. Nous finirons bien par tomber sur quelque voyageur. A mon avis, ils n'ont pas eu le temps de tuer nos chevaux"

Ses grands yeux qui ne voyaient pas se firent soudain soucieux.

"Pourras tu tenir ?"

[Chandara]

Chandara se saisit de la main d’Eli et la serra très fort avant de se relever tout à fait. Que ce fut un effet secondaire des rayons de soleil ou les quelques heures de repos auxquelles elle s’était abandonnée, la paladine se fit fort de prendre les opérations en main. L’espoir de retrouver les chevaux s’avéra fondé et on les avait même attachés pour éviter qu’ils ne s’enfuient. En visitant quelques maisons, Chandara réunit en outre quelques objets utiles pour le voyage. Elle se confectionna tout d’abord un bandage sommaire taillé dans un drap propre avant de réunir de chaudes couvertures, un arc avec plusieurs flèches. Mais elle ne trouva aucun vivre ni même de quoi cuisiner avant d’abandonner les recherches et de retourner vers leurs montures où attendait Eli. En un temps qui se voulait encourageant, elle aida son amie à monter en selle :

- Mettons quelques lieux entre nous et cet endroit avant la nuit au cas où certains auraient survécu. Je crois pouvoir nous trouver de quoi manger en route en chassant mais je récupèrerais bien mes affaires demain si les démons en ont laissé quelque chose.

[Althéa]

"Il ne reste personne, avait murmuré Eli doucement, ils se rassemblent tous pour leur grande cérémonie. Chacun doit avoir un peu de sang. Je te laisse deviner l'ampleur du carnage. Mais tu as raison, mettons vite de la distance entre la ville et nous. Entre la mort et nous. Je ne veux plus rien savoir, je ne veux plus rien me demander. Je ne veux pas me demander sans cesse si ceux qui sont venus là ont enfin trouvé la paix"

Elle ne put pas poursuivre. Ses paroles s'envolèrent, emportées par les sanglots.

[Chandara]

Chandara s’apprêtait à révéler sa rencontre avec l’étrange fillette qui l’avait tiré des griffes de l’un des monstres avant de l’appeler à l’aide pour qu’elle porte secours à sa mère. Eliessan aurait peut être trouvé quelque réconfort à l’idée que sa fille ait conservé suffisamment d’humanité et d’amour pour sa mère pour ne vouloir empêcher qu’elle ne meure. La réaction inverse était tout aussi probable et peut être Eli serait-elle terrassée de chagrin de se voir confirmer que sa fillette s’était retrouvée parmi les victimes de l’épuration de Linceul. D’autant plus si elle avait conservé une partie de sa personnalité d’antan.

La paladine perdit tout courage en remarquant les sanglots qui faisaient frémir les épaules de son amie. Pour seul piètre réconfort, elle lui posa une main amicale sur le bras tout en tentant de l’apaiser par des paroles prononcées doucement et de l’entraîner vers les montures :

- Allons, Allons…

La jeune femme se désolait de ses sentir si impuissante et incapable d'offrir plus à celle qui avait tant souffert et veillé sur son sommeil.

[Althéa]

Eliessan pleura un long moment, secouée par des sanglots muets. Chandara ne pouvait s'empêcher de voir ses traits tirés, les cernes arrivés prématurément sous ses yeux. Son silence ... Elle s'enfermait doucement en elle même.

Elle chevaucha sans rien dire, laissant totalement Chandara guider son cheval par la longe. D'ordinaire, elle aurait bavardé, ri, plaisanté. Mais sa joie s'était perdue dans les ténèbres de Linceul et ne reviendrait plus jamais.

[Chandara]

Quête : la maison des morts

Malgré la peine qu’elle partageait avec sa compagne de voyage, Chandara éprouva un immense soulagement à franchir les portes du village maudit. Comme si elle avait franchi une frontière matérialisée par la palissade rébarbative, l’oppressante atmosphère de mort qui l’avait imprégnée jusqu’ici se dissipa brusquement. La paladine ressentit l’expérience comme si une lourde charge qui lui courbait le dos lui avait été ôtée. Dehors, la vie avait poursuivi sa course, les oiseaux chantaient, la brise fraîche caressait l’herbe rêche en bordure de la piste. Alors qu’elle prenait conscience de l’ampleur de l’aura de mal qui avait enserré la ville, la jeune femme se fit la réflexion que cet endroit ne serait plus jamais habité par cette même vie. Combien de siècles faudrait-il pour que les crimes innommables commis ici se fondent dans l’oubli ? Chandara se sentait bien incapable de répondre à cette question. La mémoire humaine pouvait facilement oublier mais c’était là un luxe que ne pouvaient se permettre les pierres et la terre qui était à jamais souillé par la malédiction. Comme répugnant à quitter le tombeau de sa famille, Eli marqua une pause sur le seuil du monde. Chandara dut puiser dans des ressources insoupçonnées de courage pour faire demi-tour et la rejoindre.

[Althéa]

Contre toute attente, Eli avait stoppé sa monture. Elle aussi, comme Chandara avait senti le soleil sur son visage, perçu non loin le chant des oiseaux. Elles allaient sortir de ce village crépusculaire pour enfin revenir à la vie. Et elle se sentait effrayée.

Entendant Chandara revenir à ses cotés, elle eut un rire maladroit, peu approprié à ce qu'elle ressentait.

"Tu vas rire mais j'ai peur, finit elle par dire, peur de tomber en poussière quand j'aurai franchi la limite. J'ai tellement peu de place là-bas"

[Chandara]

Quête : la maison des morts

Chandara ne comprenait que trop bien les inquiétudes d’Eli : elle s’était souvent sentie étrangère et seule dans un nouveau lieu où elle ne connaissait personne. Son amie avait perdu sa famille et avait réussi à survivre en nourrissant sa vengeance contre les monstres qui le lui avait enlevé. Par leur destruction, elle se voyait également dépouillée de ce but dans sa vie. Dès lors, reconstruire une vie parmi ceux qui n’avait pas partagé la même souffrance ressemblait à une épreuve insurmontable. Chandara sourit et répliqua avec sincérité :

- Tu as ta place à mes côtés. J’ai tant besoin d’une amie…

[Althéa]

Eli avait perçu le sourire de Chandara dans le brouillard de son âme. Peu à peu, elle consentit à faire avancer sa monture. Elles quittèrent toutes les deux le village désert.

Plus loin reprenait la lumière, les couleurs, la vie. Elles firent le voyage d'une traite jusqu'à Manost. Eli ne pleurait plus mais resta silencieuse tout le long de la route. Elle vivait son deuil.