[Lieu] Deux-Ponts

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

La première chose qu’elle sentit en se réveillant était la chaleur du corps de son compagnon contre le sien, et tout lui revint instantanément en mémoire. Elle sourit, tandis que ses sens s’éveillaient peu à peu. Quelques chants d’oiseaux au-dehors : c’était le printemps. Astrée devina confusément, à travers ses yeux clos, que la nuit pâlissait déjà.

Kasumi bougea légèrement sa main dans son sommeil, et elle rougit en s’apercevant qu’ils avaient légèrement roulé sur le côté. C’était lui qui, maintenant, était blotti contre elle, et une de ses mains reposait sur son sein, l’enveloppant d’une douce chaleur à travers l’étoffe. Son autre main était en train de relever doucement le bas de sa tunique, caressant sa cuisse. Pourtant, il dormait, elle le savait, mais son souffle se faisait plus court, les battements de son cœur s’accéléraient. Il rêvait… Sauf qu’il était en train de vivre son rêve sans le savoir.
Elle sourit, attendrie, amusée. Puis, comme sa main se glissait un peu plus loin, elle sentit une soudaine vague de désir s’emparer d’elle. Elle dut faire un effort de volonté pour ne pas répondre à cette caresse involontaire, pour ne pas se laisser aller à guider sa main encore plus haut…. Il dormait, il n’était pas responsable de ses actes. Mais les frissons qu’il réveillait en elle étaient bien réels, eux, et elle réprima un gémissement de plaisir. Elle était tentée de le laisser poursuivre, encore un peu, parce que c’était si bon. Mais mieux valait le réveiller avant que leur position ne devienne trop délicate.
Elle hésita un instant, se demandant comment s’y prendre pour le ramener en douceur à la réalité. Elle écarta l’envie qu’elle avait de le réveiller d’un baiser : la situation risquait de dégénérer… Elle aurait adoré mais… Ils devaient se rendre au temple de bonne heure. Et puis, il n'y était pas prêt, elle le savait. Elle faillit pourtant céder à la tentation en sentant sa main remonter encore sous sa tunique, un tout petit peu plus haut, effleurant fébrilement sa peau.

Elle se décida soudain, se souvenant de leur première nuit dans la même chambre, à Rohan. Elle connaissait son point faible… Une certaine zone de son corps était particulièrement sensible.
Alors, doucement, elle effleura le creux de sa hanche, remontant le long de son flanc, caressant doucement sa peau nue si chatouilleuse….

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi sortit lentement de son sommeil en sentant les doigts chatouiller son côté si sensible. Pourtant, dans l’état de semi conscience où il s’attardait encore un peu, il ne s’y déroba pas. Au contraire, un sourire se dessina sur ses lèvres sans qu’il ouvre les yeux. Il avait reconnu le toucher d’Astrée et les images de la veille s’imposaient à son esprit pour lui prodiguer un réveil heureux, calme et serein. Il ouvrit lentement les yeux, répugnant à laisser l’instant s’échapper. La première chose qu’il vit fut le regard mutin de sa compagne, une vision de bonheur pur qui fit battre son cœur un peu plus vite, rendant immédiatement douce la journée qui s’ouvrait à eux.

Mais alors il s’aperçut d’où se trouvaient ses mains. Perfidement, elles avaient trahis ses intentions inassouvies de la soirée précédente les amenant exactement là où il avait rêvé de les laisser aller. Et avant qu’il puisse les rétracter brusquement, il sentit combien il aurait eu envie de les y laisser, de poursuivre ce qu’elles avaient commencé. Il était mortifié par ce qu’il avait fait, ce qu’il s’était apprêté à faire, inconsciemment, mais alors qu’il en prenait conscience, il devait reconnaître que la sensation était incroyablement grisante. Alors, en toute honnêteté, il se retira mais sans précipitation, laissant courir sa main sur la cuisse en replaçant le tissu derrière lui. Il n’avait soudain plus envie de se confondre en excuses, ce qui aurait été sa réaction la veille. Il prononça alors les seuls mots qui résumaient ce qu’il avait envie de transmettre, gouttant leur sonorité :

- Bonjour mon amour.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée sourit, savourant la douceur de ce moment, la tendresse et l'amour qu'elle lisait dans les yeux de son compagnon. Elle avait perçu son trouble à son réveil, lorsqu'il avait pris conscience de ce que ses mains étaient en train de faire à son insu. Elle résista à l'envie de le taquiner. Au contraire, elle devait bien s'avouer avoir pris grand plaisir à sentir ainsi le désir qu'il avait d'elle, même endormi. Elle sentait encore dans son corps l'émoi provoqué par ses caresses...

- Bonjour, répondit-elle simplement avec douceur. C'est tellement agréable de se réveiller ainsi, dans tes bras...
Elle ne précisa pas si ce "ainsi" englobait ses caresses involontaires. A lui de l'interpréter comme il le voulait.

Elle prit doucement la main qui reposait sur son sein, y déposa un baiser, puis la replaça exactement à l'endroit où il l'avait mise pendant son sommeil. Signifiant ainsi combien elle appréciait ce contact. Puis elle tendit la main, et caressa doucement le visage du rôdeur. Elle passa ses doigts dans ses cheveux emmêlés, descendit sur son cou, sur son torse, caressant le contour de ses muscles.
Elle sourit. Elle était tellement bien dans ses bras. Elle se sentait capable d'y rester des heures, simplement à le regarder, à le caresser, à l'embrasser, à s'ennivrer de tendresse.
- Je t'aime, murmura-t-elle doucement. Et elle approcha lentement ses lèvres des siennes pour y déposer un tendre baiser.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

L’esprit de Kasumi était encore un peu embrumé de sommeil mais n’avait certainement pas envie de reprendre tout à fait pied tant ce lent réveil lui était doux. La voix d’Astrée était si chaude et sensuelle, leur complicité répondait à des attentes dont il n’avait jamais été conscient. Alors qu’ils découvraient ensemble une nouvelle journée, tout était encore possible, rien n’avait vraiment d’importance sinon leur amour qui s’exprimait par tant de tendresse, un amour symbiotique dans lequel leurs volontés étaient mêlées, teintées d’une volupté sans interdit. Le rôdeur prenait doucement conscience que peut être il n’aurait pas du laisser sa main là où elle se trouvait mais il savait au fond de lui qu’elle était exactement là où elle était destinée être puisqu’Astrée l’y avait replacée.

Le contact de ses lèvres, si savoureuses, si tendres, provoqua un frisson agréable qui le réveilla un peu plus, lui fit reprendre conscience de son corps, de tout ce qu’il touchait, de la poitrine ferme de sa compagne juste sous ses doigts, à travers le tissu qui portait leurs deux odeurs. Sans mesurer ce qu’il pourrait éveillait chez elle si seulement il se laissait aller, il fit tendrement courir ses doigts le long du corps d’Astrée, toujours allongée sur le côté, se rapprochant délibérément de l’endroit que le tissu ne couvrait pas… Tandis que ses mains agissaient, comme mues par une volonté propre, ses yeux se fixaient toujours sur son visage, sa voix reflétait son ambiguïté, à mi chemin entre la douceur de son regard posé sur elle et ses mains qui courraient maintenant sur le haut de ses jambes, se glissaient sous sa tunique :

- Es-tu un rêve ma douce et tendre ? Si c’est le cas, je ne veux pas me réveiller.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée sentit son coeur battre un peu plus fort lorsque son compagnon se mit à la caresser à son tour. Sa main descendait doucement, inexorablement. Son souffle se bloqua et elle tressaillit lorsqu'il arriva au contact de sa peau, lorsque ses doigts se glissèrent sous sa tunique. A nouveau, le désir monta en elle, affolant son coeur, ses sens. Plus rien n'existait que ce contact et l'émoi qu'il réveillait en elle. Il ne l'avait pas quittée des yeux, et l'amour qu'elle y lisait trouvait une résonnance nouvelle avec sa main qui commençait à remonter, tout doucement, sensuellement. Elle n'entendit pas vraiment ce qu'il disait, seul le timbre chaud et langoureux de sa voix arriva à sa sonscience, aggravant encore son trouble. Cette fois, il ne dormait pas, et ses gestes étaient volontaires...

Elle ne put résister plus longtemps au feu qui la consumait de l'intérieur. A nouveau, elle se rapprocha de lui et posa ses lèvres sur les siennes, pour un baiser langoureux, passionné, tandis que l'une de ses mains lui caressait les cheveux, les épaules, le dos. Son autre main, fébrile, descendait à la rencontre de la sienne, l'encourageant à aller plus haut encore, brûlant soudain d'arracher la tunique.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Dès qu’il sentit comment Astrée réagissait à son contact, le cœur de Kasumi s’emballa à son tour. Le baiser et les caresses menaçaient de le submerger et réussirent à le réveiller tout à fait, à lui faire prendre conscience de ce que sa main provoquait chez sa compagne. Au travers de ses yeux mi-clos, il perçut le désir dont il était la cause, qui lui appartenait d'accroître ou d’apaiser, si elle le lui permettait encore… Ce serait plus sage.

Ils devaient se lever bientôt, pour achever de la libérer, pour soigner ses blessures, pour s’occuper des jeunes affranchies. Après, ils auraient tout le temps. Oui, ce serait raisonnable, mais comme c’était difficile ! Qu’il était bon de causer tant d’émoi, d’exciter le désir de sa bien aimée, de lui procurer du plaisir. Il avait soudain si envie d’explorer chaque pouce de sa peau, d’y découvrir les parties les plus sensibles, celles qui répondraient à l’appel de ses caresses. Il était gagné par une soif inextinguible de connaissance, celle du corps de sa compagne, celle du monde de ses plaisirs. Il pourrait passer une vie heureuse à les étudier, à les expérimenter. Mais déjà il sentait la tension qu’exacerbaient ses doigts alors que sa main était entraînée bien plus loin qu’il ne l’aurait osé, en voyait les signes se refléter jusque dans l’expression d’Astrée. Il savait que c’était sa dernière chance d’y mettre fin. Il se figea, laissant sa main où elle se trouvait un moment encore, luttant contre la tension avant de la ramener à lui, de la poser sur le flanc de sa compagne pour la faire doucement rouler sur le dos. Il se pencha au-dessus d’elle pour déposer un baiser sur ses lèvres et se redressa sans toutefois reculer, juste pour savourer son effet :

- Si tu ne te décides pas à te lever, je pourrais bien me mettre en quête de savoir si tu es chatouilleuse toi aussi.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Elle avait le vertige rien qu'en plongeant dans son regard. Elle avait oublié combien le désir pouvait être brûlant, impérieux. Elle sentait tout son corps frissonner encore alors qu'il déposait un dernier baiser sur ses lèvres. Il était juste au-dessus d'elle... Savait-il seulement combien elle désirait qu'il l'enlace, qu'il laisse courir ses lèvres sur son corps ? Bien sûr, ils n'avaient pas le temps...

Elle était à deux doigts de l'attirer à nouveau vers elle lorsqu'il parla. Sa voix était toujours aussi douce et chaude, mais ses yeux brillaient d'une lueur espiègle. Ses paroles la laissèrent sans voix. Elle l'aurait volontiers étranglé pour oser plaisanter après avoir ainsi éveillé ses sens. Mais elle ne put s'empêcher de sourire. Décidément, il ne changeait pas, il ne pouvait pas s'empêcher de tourner en dérision même les moments les plus sérieux. Peut-être parce qu'il avait peur de s'abandonner à la passion ? Ou plus probablement parce qu'il savait que l'aube approchait et qu'ils n'avaient plus guère le temps. Elle le savait aussi. Ils auraient tout le temps plus tard...
- Arrête de me tenter, répondit-elle avec un sourire espiègle. Je ne suis pas sûre que tu aurais le dessus à ce jeu-là... Même si je suis probablement aussi chatouilleuse que toi.

Avec un sourire mutin, elle déposa un dernier baiser sur ses lèvres, roula sur le côté pour se dégager, attrapa ses chausses et les enfila rapidement. Puis, avec un sourire mi-espiègle, mi-provocateur, elle ota sa tunique et la lança à son propriétaire légitime. Sans même se donner la peine de lui tourner le dos, savourant son trouble, elle entreprit alors de lacer son corsage et d'enfiler sa propre tunique. Sans se presser.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur rendit son sourire mutin à Astrée avant de la laisser se dégager pour se laisser à son tour rouler sur le côté. Il glissa vers le bord du lit pour enfiler ses bottes avant de prendre conscience d’où se trouvait sa tunique. Astrée en avait profité pour remettre ses chausses, ce qui apportait au rôdeur un sentiment confus de regret et de soulagement. Il aurait probablement été incapable de se maitriser si la jeune femme avait choisi de se défaire d’abord de sa tunique. Comme si elle avait lu dans ses réflexions, elle la retira sans gêne pour la lui lancer. Il ne parvint pas à la rattraper et alla s’enrouler autour du dossier d’une chaise. Il était une nouvelle fois subjugué par la vue de la poitrine nue d’Astrée. Et cette dernière semblait bien consciente qu’elle pouvait faire monter son désir dès qu’elle le souhaitait, qu’il ne pourrait plus résister longtemps, que bientôt plus rien ne l’empêcherait de se laisser guider par la passion, tout sentiment d’urgence écarté.

Il appréciait la façon délicieuse dont elle respectait ses choix tout en le tentant à chaque instant. Il savoura une nouvelle fois l’habileté avec laquelle Astrée se revêtait, donnant à ses gestes, un pouvoir séducteur qui lui faisait un drôle d’effet. Il s’humecta les lèvres et se leva sans oser détourner le regard de sa compagne. Il se saisit de sa tunique et l’enfila à la hâte avant de remettre un peu d’ordre dans ses cheveux et de s’humecter le visage sous le regard d’Astrée. Il se figea en sentant la rôdeuse toute proche dans son dos grâce à son parfum ou son instinct peut être, il n’avait pas entendue approcher. Il n’osa pas se retourner, cela l’aurait trop exposé, il aurait du montrer son trouble alors qu’il en subissait le contrecoup. Il était facile de jouer les espiègles sur l’instant, bien moins de garder le masque. Il avait soudain peur qu’Astrée commence à se lasser de ses faux fuyants, qu’elle interprète mal les raisons qui le retenait encore. Pourtant il savait qu’elle était la seule à le comprendre aussi bien.

- Nous devrions voir si nos protégées sont réveillées ou nous serons en retard au temple.

Encore une échappatoire, une excuse pour se détourner… Il savait que le ton ne trompait pas la rôdeuse, d’autant qu’il avait été incapable de croiser son regard en se tournant vers elle. Il s'en voulait de son incapacité à se livrer à elle. Pourtant, au fond, il ne demandait que cela, trouver le courage de s'en remettre à sa compréhension, sa confiance.

[Voyageuse]

Quête : rendez-vous manqué

Il n'avait pas pu détacher ses yeux d'elle lorsqu'elle s'habillait, et elle y lisait son émoi, son désir qui semblait le paralyser. Puis il s'habilla, se détourna d'elle. Elle s'approcha doucement, juste pour déposer un léger baiser sur sa nuque. Mais stoppa son geste lorsqu'il se mit à parler. Sa voix n'était plus ni espiègle, ni amoureuse. Gêné, peut-être ? Un peu effayé ? Encore trop troublé ?
Bien sûr, ses paroles n'étaient pas dénuées de raison, mais le contraste avec son ton habituel la frappait... Et surtout, le fait qu'il ne se retourne pas vers elle, qu'il ne cherche pas à croiser son regard, l'inquiéta. Etait-elle allée trop loin ? Trop vite ? Ou peut-être ne l'aimait-il pas vraiment, peut-être jouait-il la comédie pour lui faire plaisir ? Non, sûrement pas. Un homme ne peut jamais tromper une femme sur ce genre de chose. Peut-être avait-il peur que son attitude à elle ne soit que le contre-coup de ses souffrances ? Après tout, c'était une question qu'elle-même se posait, même si elle était certaine de ses sentiments. Elle savait bien qu'elle se laissait emporter beaucoup plus que d'ordinaire. La veille, elle s'était même demandée s'ils n'avaient pas réussi à faire d'elle une... fille facile.
Elle chassa immédiatement cette idée de sa tête. Non, elle se sentait mieux ce matin, et elle était certaine de ses sentiments, de son attirance pour lui, ils dataient de bien avant cette triste aventure. Et elle savait qu'ils étaient réciproques. Du moins l'étaient-ils l'hiver passé. Et certainement encore vu le trouble qu'elle suscitait en lui.

Elle hésita. Peut-être devait-elle simplement lui laisser du temps, accepter le prétexte qu'il venait de donner, simplement tourner provisoirement la page des pulsions auxquelles ils avaient été près de céder, juste le temps qu'il soit réellement prêt. Mais retrouverait-elle au moins son regard espiègle, son sourire taquin lorsqu'il cherchait à la faire rire ? Leur complicité ?
Ou alors, elle pouvait lui demander. Si elle osait. Elle savait tellement mieux s'exprimer par des gestes que par des mots. Et s'il le prenait mal ? S'il était vexé ? Peut-être qu'elle imaginait tout ça, peut-être qu'il était sincèrement inquiet d'arriver en retard s'ils continuaient leur petit jeu.

Elle n'y tint plus, et posa doucement une main sur son épaule, puis la fit glisser dans son dos en une douce caresse. Tendre.
- Ca va ? murmura-t-elle doucement à son oreille. Je veux dire... Est-ce que j'ai fait quelque chose que je n'aurais pas dû ?
Elle le força, en un geste à la fois ferme et tendre, à se tourner vers elle, et plongea ses yeux dans les siens.
- De quoi as-tu peur ?

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi ne chercha plus à se dérober, ni à résister à la tendre pression inquiète sur son épaule. Le ton d’Astrée lui fit comprendre qu’elle était encore plus proche de lui qu’il n’aurait jamais pu espérer. Elle le comprenait parfaitement, sentait le trouble qui l’animait, qui lui avait fait perdre son ton espiègle. Il en fut soulagé, et se laissa aller à croiser le regard de celle qu’il aimait, celle qui le complétait, l’entourait de douceur et d’un sentiment de sécurité. Il puisa dans son regard interrogateur, attentionné, une force qu’il savait maintenant pouvoir y trouver. Il se laissait enfin aller à compter sur quelqu’un et c’était une révélation pour le rôdeur solitaire qui avait souvent du ne composer qu’avec ses propres forces. Il retrouva immédiatement le sourire alors que ses doutes fondaient dans son regard. Il passa un doigt sur son menton en un geste de tendresse avant de parler, retrouvant son ton habituel :

- Bien sûr que non. Tu fais tant pour me rendre heureux. J’ai l’impression que personne ne m’a aussi bien compris que toi. Oh bien sûr, tu prends un peu trop plaisir à me troubler, tu y arrives beaucoup trop facilement d’ailleurs.

Puis il poursuivit un peu plus timidement, comme s’il avait du mal à enchaîner, mais pas par réticence, juste parce qu’il peinait à trouver les mots justes :

- J’ai peut être aussi un peu peur devant l’ampleur des sentiments que j’éprouve pour toi. Non, la peur n’est pas le bon mot. Je n’avais jamais connu rien de comparable en fait. C’est si merveilleux que ç’en est un peu terrifiant. Et j’ai peur de mal faire. Je n’ai pas l’habitude tu sais. Avant toi, je n’ai jamais connu personne… aussi intimement.

Il détourna le regard, incapable de soutenir celui d’Astrée alors que le rouge lui montait une nouvelle fois aux joues. Il se sentait complètement dénudé, livré à sa merci. Comment allait-elle réagir à son aveu de faiblesse ? Il avait surtout peur qu'elle le regarde différemment.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Ainsi, c'était donc ça... Cela ne lui était pas venu à l'esprit tant il savait si bien éveiller en elle des émois irrépressibles à chacune de ses caresses. Bien sûr, il lui avait dit, auparavant, n'avoir guère eu l'occasion de plaire à une femme, mais elle avait pensé qu'il avait juste eu quelques aventures malheureuses, sans lendemain.
Elle fut touchée de la confiance qu'il lui témoignait en révélant ainsi son inexpérience. Elle se dit que peu d'hommes auraient osé le dire, vivant sans doute cela comme une tare, comme une faiblesse. Que peu auraient eu suffisamment confiance en leur compagne pour l'avouer. Que c'était une belle preuve d'amour de sa part.
Doucement, elle lui caressa la joue, releva son menton. Et sourit, mi-espiègle, mi-langoureuse.
- Alors je me ferai une joie de t'apprendre, souffla-t-elle, d'un ton plein de promesses sous-entendues.
Et, tendrement, elle déposa un léger baiser sur ses lèvres.
- Merci pour ta confiance. Je t'aime...
Elle sourit, d'un sourire où elle tentait de mettre toute la force de son amour.
- Mais pour l'instant, tu as raison, il vaut mieux que nous y allions. Nous reprendrons plus tard... Nous avons toute la vie devant nous...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

La compréhension et les promesses libertines d’Astrée lui apportèrent un soulagement indescriptible, comme si par cette nouvelle preuve de confiance mutuelle, ils s’étaient un peu plus rapprochés. Cela lui ôtait aussi un poids dont il n’avait pas eu conscience jusqu’ici. Il était content d’avoir pu s’en ouvrir à elle. Il ne s’en sentait nullement diminué à ses yeux. En fait, elle savait toujours trouver les mots justes pour le mettre en confiance, et aussi attiser son intérêt. Il la retint un instant, capturant ses deux bras le long de son corps en posant ses mains dans le creux de son dos. Alors en la détaillant ostensiblement du regard, il reprit d’un ton à la fois léger et sincère :

- Oh tu m’as déjà appris plein de choses. Et chaque jour tu m’en fais découvrir davantage. Je ne saurais rêver meilleur professeur. Je pense qu’avec toi, je ne peux qu’être un élève empressé d’apprendre. Allons-y, je suis prêt !

Le ton était bien trop solennel pour n’évoquer que le fait d’aller chercher les jeunes filles et il partit d’un rire joyeux avant de lui embrasser le bout du nez, en un dernier geste de dérision avant de la libérer de ses bras.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée n'avait pu s'empêcher de rougir un peu. Mais l'amusement l'emporta, et elle sourit joyeusement à son tour, heureuse de sentir son compagnon soulagé, et soulagée elle-même d'avoir pu comprendre la raison de ses hésitations.
Elle ne résista pas au plaisir de lui voler un nouveau baiser avant de lui prendre la main pour l'entraîner à sa suite. Ils firent le tour des deux autres chambrées avant de descendre ensemble prendre un petit déjeuner copieux. Les jeunes affranchies étaient fébriles, anxieuses sans doute devant le voyage de retour qui les attendaient, impatientes également d'ôter enfin leurs boucles de servitude.

Le temple était tout proche, et l'office du matin touchait à sa fin. Ils se glissèrent silencieusement parmi les fidèles, restant groupés au fond du temple, mal à l'aise, évitant les regards. Ils attendirent que tous soient partis pour se diriger timidement vers l'autel. Le vieux clerc rencontré la veille les accueillit d'un sourire, mais ne perdit pas de temps en vaines paroles. Ses deux assistantes et lui s'occupèrent aussitôt de délivrer trois des jeunes filles de leurs boucles maudites, éveillant chez elles une émotion qui se lisait sur leur visage. Certaines se tenaient la main pour trouver la force d'affronter ce moment si intense. On les sentait au bord des larmes alors que les mains des trois prêtres effleuraient ensuite la marque sur leur épaule, puis soignaient quelques hématomes.

Le vieux clerc s'occupa ensuite d'Astrée tandis que l'une de ses assistante prenait en charge l'aînée des jeunes filles. Astrée sentit malgré elle son cœur battre à tout rompre lorsque l'aubemestre approcha sa main de son oreille, psalmodiant d'une voix mélodieuse. Instinctivement, elle serra plus fort la main de Kasumi. Elle tressaillit en sentant la boucle tomber, et eu soudain la sensation qu'on venait de lui ôter un grand poids. Des chaînes, plutôt. Elle était libre... Et avait du mal à le réaliser, même si une partie d'elle se sentait littéralement pousser des ailes. Elle se sentait soudain si légère qu'un simple souffle de vent aurait pu l'emporter loin, si loin...
Elle frémit lorsqu'elle sentit l'énergie divine inonder son épaule, là où on l'avait marquée. Puis le prêtre promena ses mains le long de son dos, ses hanches, son torse, ses jambes, partout où elle avait été battue. Des larmes perlèrent à ses yeux alors que les images défilaient à nouveau dans son esprit. Elle ne lâcha pas la main du rôdeur.
La douleur physique reflua. Les souvenirs subsisteraient, mais sans la douleur pour les rappeler à sa conscience en permanence, peut-être s'enfouiraient-ils progressivement dans son esprit, loin de la surface. Avec le temps...

Le vieil aubemestre récupéra les cinq boucles d'oreille, y ajouta les trois de la veille, et se tourna vers Kasumi.
- Il ne reste plus qu'à détruire ces boucles et l'amulette. Si vous voulez bien me la confier...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur était resté silencieux pendant toute la durée des incantations visant à libérer les anciennes esclaves. Il ressentit le soulagement de celles qui étaient délivrées et soignées mais il ne put vraiment se laisser gagner par le même sentiment que lorsque l’aubemestre en eut terminé avec sa compagne. Alors qu’elle attendait son tour, il avait tenté de lui transmettre toute sa force au travers de leurs mains jointes, lui faisant comprendre qu’il vivait cette épreuve avec elle, qu’il souffrait de sa souffrance, s’extasiait de son affranchissement. Tout fut fini en à peines quelques instants mais il se rendit compte de combien l’attente leur avait pesé lorsqu’il ressentit le soulagement presque physique de sa compagne. Il ne sut rien dire. Dans l’instant presque solennel, aucun mot n’aurait été approprié, alors il se contenta de caresser la main toujours dans la sienne, dans un geste protecteur et tendre. Il ne la relâcha à aucun instant en s’avançant à la rencontre du clerc et sortit l’objet impie qu’il avait gardé sur lui. Il ressentait un soulagement presque comparable à celui des jeunes filles à s’en débarrasser.

L’aubemestre se saisit du bijou maudit, et sans un mot, le plaça à côté des boucles. Après une brève incantation, une lueur que l’œil avait du mal à supporter illumina le temple, avec pour épicentre les objets impies dont il ne restait rien lorsque Kasumi parvint à rouvrir les yeux. La destruction de ces choses semblait presque trop facile étant donné le mal dont elle avait été l’instrument. Répondant à une injonction de sa conscience, le demi-elfe adressa une prière bénédiction silencieuse au Seigneur de l’aube pour ses bienfaits, pour l’espoir qu’il avait rendu aux prisonnières, mais surtout à Astrée. Il lui adressa un sourire confiant, serein avant de s’adresser au clerc tout en continuant à quêter par son regard la seule approbation dont il avait besoin :

- Merci pour tout. Vous ne mesurez peut être pas le soulagement que je ressens en voyant ces objets détruits… pour tout ce qu’ils représentaient. On dit qu’un objet n’a pas d’âme, qu’il ne peut dispenser le bien ou le mal, que seul son porteur a ce pouvoir. Mais ces objets là… je suis heureux qu’ils aient disparus. J’ai trouvé certains autres objets auprès de leurs anciens propriétaires. Ils ne sont pas imprégnés du même maléfice mais leur possession me répugne. Je pense qu’ils reviennent de droit à celles qu’ils ont contribué à faire souffrir. Peut être accepterez-vous d’en garder un en paiement pour le grand service que vous nous avez rendus à tous ? Et aussi m’indiquer qui pourrait me débarrasser des autres, en dédommageant leurs propriétaires légitimes. Pour rendre peut être moins difficile leur voyage de retour en leur foyer.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Le prêtre examina le bâton que Kasumi lui tendait, et hocha la tête.
- Ce bâton me semble avoir une grande valeur marchande, il est protégé par divers enchantements. Compte tenu des circonstances, je ne comptais pas demander un paiement fixe et le laisser à votre libre appréciation. Donc cet arrangement me convient parfaitement. Quant aux autres objets, si ce sont des armes, je pense qu'elles pourraient intéresser notre forgeron, un peu plus loin sur la place.

Astrée avait lâché la main de Kasumi, et échangeait quelques mots avec ses compagnes d'infortune. Jetant un coup d'oeil à Kasumi qui semblait en avoir terminé, elles commencèrent à s'éloigner, se dirigeant vers la sortie. Les filles semblaient un peu hébétées, comme intimidées par leur liberté nouvelle.
L'aubemestre retint un instant encore Kasumi.
- Laissez-moi soigner vos propres blessures avant de partir.
Et rapidement, il incanta, faisant courir ses mains le long du bras du rôdeur, puis le long de sa cuisse. Kasumi en sentit instantanément l'effet bénéfique. Mais le clerc ne semblait pas en avoir fini avec lui.

- C'est une dure épreuve que ces jeunes filles ont vécue. Surtout si on a abusé d'elles. Ce n'est hélas pas la première fois que je suis confronté à ce genre d'horreur, et je sais combien il est difficile de guérir d'une telle blessure. Chacune fera face selon son caractère. Certaines seront longtemps terrorisées par les étrangers, auront peur des hommes, et peineront à réapprendre la confiance et l'amour. D'autres se sentiront salies, et auront le sentiment de ne plus pouvoir être aimées. Elles haïront leur propre corps, tenteront parfois de le détruire, par exemple en refusant de s'alimenter. Certaines iront jusqu'à se suicider alors que d'autres, pour vaincre leur souffrance, se lanceront à corps perdu dans une nouvelle vie, chercheront à oublier en s'étourdissant de travail, ou de responsabilités, ou de passion. On les croira fortes, guéries, mais leur blessure souterraine restera là, les fragilisant intérieurement, ressurgissant au moment où elles s'y attendront le moins. Il faut du temps pour oublier vraiment.
Il sourit au rôdeur.
- Votre amie rayonne d'espoir et de volonté. Elle finira par surmonter tout cela. Mais c'est en vous, et en l'amour que vous partagez, qu'elle puise sa force. Je pense que vous en êtes conscient. C'est une lourde et belle responsabilité qui vous incombe. Mais l'amour peut beaucoup. Les mots, aussi...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi blêmit légèrement en écoutant avec attention le discours du prêtre. Il faisait tellement écho à ce que lui-même avait senti qu’il ne pouvait en nier la vérité effrayante. Malgré leur libération physique, les jeunes filles se ressentiraient peut être indéfiniment de ce qu’on leur avait ôté ? Les craintes que l’aubemestre relevait touchaient trop juste pour être ignorées, pour que leur sagesse ne le frappent de plein fouet. Il sentit la colère monter une nouvelle fois en lui, une colère impuissante car aucune cible à sa portée ne pouvait la cristalliser. Astrée s’était montrée intensément passionnée envers lui depuis leurs retrouvailles. Quelle part était due à son amour pour lui, à sa volonté propre ? Ce qu’elle avait enduré ne rejaillissait-il pas sur ses actes récents, altérant son caractère malgré elle ? Allait-elle en subir le contrecoup, craquer, s’apercevoir qu’elle ne l’aimait pas ? Qu’il avait été simplement là au moment où elle avait besoin d’une épaule. Cette pensée menaça de lui fendre le cœur. Alors il tourna instinctivement son regard vers celle qui occupait toutes ses pensées. Et les dernières paroles du Lathandrite trouvèrent une résonnance toute particulière en son cœur. Peut être que s’ils s’étaient laissé aller à leurs pulsions, il aurait laissé la crainte de la perdre l’envahir mais il fut en mesure de saisir la vérité qui se cachait derrière les paroles du prélat. Oui, c’était une belle responsabilité et bien plus encore. Il aimait Astrée et ne laisserait jamais rien le détourner de cet amour. S’il consacrait sa vie à ce but et parvenait à préserver sa bien aimée de ses démons alors il pourrait s’estimer avoir eu la vie la plus heureuse qui soit.

Alors, lorsqu’il s’éloigna du clerc pour s’approcher d’Astrée et se couler sous son bras, nul trouble n’assombrissait plus son cœur. Parvenu sur le perron, il marqua une pause pour profiter de l’éclat du soleil qui enveloppait sa compagne. Il la retint un moment pour laisser quelques pas d’avance à leurs protégées. Alors il lui souffla impertinemment à l’oreille et prit un ton des plus enjoués :

- Peut être devrais-je inspecter ces blessures que l’aubemestre prétend avoir soignées. Juste pour te faire profiter d’un second avis… plus personnel sur la question.

Il ponctua ses mots en laissant indolemment glisser une main sur ses fesses avant de s’échapper de son étreinte et de parcourir quelques pas avant de retourner vers la jeune femme qu’il avait laissée sur place.

[Voyageuse]

Astrée tressaillit lorsque la main du rôdeur effleura ses fesses, et rougit en entendant ses paroles, prise de court. Après la gravité, la solennité du moment qu'ils venaient de vivre, elle s'attendait si peu à ce genre de plaisanterie qu'elle resta sans voix. Elle avait encore la tête pleine des émotions qu'avaient réveillées en elle les incantations du prêtre, elle n'arrivait pas à réaliser qu'elle était libre, vraiment libre. Lorsque Kasumi s'était rapproché d'elle et l'avait enlacée, elle avait souri, rêveuse, heureuse de sentir son amour l'envelopper. Et tout ce qu'il trouvait à lui dire, c'était....

Et finalement, elle se mit à rire. Il n'y avait que lui pour oser plaisanter dans un moment pareil. Son rire n'était sans doute pas aussi joyeux qu'il l'aurait fallu, un peu court, un peu crispé peut-être. Elle se doutait qu'il lui faudrait encore longtemps pour pouvoir rire franchement. Mais c'était tout de même un rire.
Elle regarda droit dans les yeux le rôdeur qui se tournait à nouveau vers elle, d'un air faussement sérieux, et laissa ostensiblement son regard descendre vers sa cuisse. Elle releva les yeux pour planter à nouveau son regard dans le sien.
- Peut-être... Mais en ce cas je me verrai dans l'obligation d'examiner moi aussi cette blessure que tu n'as pas voulu me laisser voir hier. Juste pour voir de quels soins tu as encore besoin...
Et elle sourit, laissant apparaître sur son visage une expression... narquoise ? Gourmande ? Un peu des deux peut-être... En tout cas pleine de malice et de promesses.
- Et ne crois surtout pas que tu vas te débarrasser de moi sous prétexte que je n'ai plus de boucle d'oreille. Il est hors de question que je m'éloigne de toi dans les mois et les années à venir. Même sans enchantement.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Le rire dont été parti Kasumi à son tour s’interrompit pour laisser place à un sourire charmeur et un regard pétillant de malice à la réponse attendue de la rôdeuse. Il s’approcha d’Astrée et reprit sa place à ses côtés, gouttant à ce moment de complicité qu’il avait volé au destin, juste pour dissiper la solennité de l’instant et peut être aussi ses peurs par la même occasion. Il n’osa pas enlacer à nouveau Astrée mais lui captura tout de même la main pour la mener vers les jeunes-filles qui les attendaient. Il prit un ton faussement sérieux pour lui répondre à voix haute :

- Voyons, il y a mille choses qui doivent réclamer ton attention sans que je te fasse perdre de ton temps pour inspecter une blessure dont je ne me ressens plus du tout.

Puis, sans prévenir, il se glissa souplement sur sa route, lui saisissant son autre main, avant de l’embrasser tendrement sur le front. Il profita de leur proximité pour souffler amoureusement à portée de ses seules oreilles :

- C’est moi qui suis maintenant sous l’emprise d’un enchantement. Et mon cœur ne parviendra jamais à s’en défaire.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée sentit son coeur fondre. Tant d'amour, si ouvertement exprimé. Une promesse d'éternité. Tant de tendresse, de douceur. C'était... presque trop beau pour être vrai. Et pourtant c'était vrai, elle le savait, même si son âme meurtrie avait parfois du mal à croire à sa chance. Il l'aimait. De façon absolue, inconditionnelle. C'était merveilleux.
- Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter tant d'amour. J'ai une chance infinie de t'avoir... Je t'aime moi aussi. Et je veux t'aimer toute ma vie.
Avant qu'il n'ait le temps de s'écarter à nouveau, elle approcha ses lèvres des siennes, y déposa un baiser, doux et tendre. Elle ne se lassait pas de l'embrasser. Mais là, ils étaient en public, ils ne pouvaient pas faire durer leur baiser autant qu'ils l'auraient voulu. A regret, elle s'écarta de lui, mais ne lâcha plus sa main tandis qu'ils se dirigeaient vers l'échoppe du forgeron.

Kasumi entra seul avec les quelques armes qu'il avait récupérées, et en ressortit quelques minutes plus tard. Astrée refusa catégoriquement de percevoir la moindre pièce d'or, arguant qu'elle n'avait pas besoin de beaucoup d'argent pour vivre. Les six jeunes filles se partagèrent donc le produit de la vente, qui s'ajoutait à l'indemnité versée par les gardes pour la confiscation des montures. On les sentait un peu intimidée d'avoir soudain tant d'argent à elles, mais Astrée comme Kasumi savaient combien c'était peu en regard du préjudice qu'elles avaient subi.

Puis vint le moment des adieux. La jeune femme qu'elles avaient rencontré au poste de garde les attendait sur le quai, fidèle au rendez-vous. Astrée se dit que c'était une bonne chose qu'elles soient accompagnées par ue femme. Elle n'auraient pas eu confiance en un homme, et sa surveillance leur aurait peut-être douloureusement rappelé leur captivité.
Les jeunes filles regardaient un peu craintivement autour d'elle, observant d'un oeil apeuré les marins et les autres passagers du bateau à fond plat qui devait les emmener jusqu'à Evendum. La jeune garde prit les choses en main, trouva les mots pour les rassurer, les encourager à monter. Les adieux avec Astrée furent rapides, mais tellement chargés en émotions que toutes avaient les larmes aux yeux.
Quelques minutes après, le bateau s'éloignait. Astrée le regarda, sans un mot, glisser sur l'eau, tiré par quelques chevaux. Elle avait le coeur serré pour ces jeunes filles qui avaient souffert plus longtemps qu'elle et devraient réapprendre à vivre. Elle se sentait toute bizarre. Tout simplement... Elle n'arrivait pas à croire que c'était fini.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Les deux rôdeurs demeurèrent immobiles de longues minutes à observer le bateau s’éloigner, en se tenant l’un contre l’autre pour lutter contre le vent qui jouait dans la chevelure d’Astrée mais aussi contre une autre forme de tourmente. Kasumi sentait que sa compagne avait tout simplement besoin de temps, de calme, de sa simple présence. C’était le moins qu’il pouvait faire pour la femme dont il était éperdument amoureux. Savoir qu’elle avait besoin de lui était suffisant pour faire battre plus vite son cœur à chaque fois qu’il se tenait près d’elle. Et il se fit soudain la réflexion qu’ils n’étaient pas restés plus d’un instant éloignés l’un de l’autre depuis la veille, depuis le moment où il l’avait soigné. Un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres alors qu’il penchait sa tête vers elle, l’attirait doucement contre sa poitrine. Comme c’était bon, rassurant de la sentir si proche !

- Ça va aller, murmura-t-il doucement au bout d'un moment. Autant vœu qu'affirmation. Autant destiné à lui qu'à sa compagne. Il n'aurait pas su déterminer lui-même s'il parlait des anciennes esclaves qui s'éloignaient pour tenter de reprendre le cours de leur existence, ou d'Astrée qu'il sentait soudain si songeuse.

Puis, comme pris d’une inspiration subite, il poursuivit d’un ton qui n’avait rien de pressant :

- Partons d’ici ! La journée est trop belle pour la gâcher en ville alors que j’ai la chance de t’avoir dans mes bras, ma douce. J’aimerais t’emmener loin d’ici, nous trouver un petit coin de calme, où nous pourrions être juste toi et moi. Jusqu’à ce soir, pour l’instant… Il sera bien assez tôt pour revenir ici plus tard. Cela te ferait-il plaisir ? Première Neige se languit aussi de toi. Mais nous pourrions peut être parvenir à la convaincre d'aller chasser si elle se fait trop envahissante, en y mettant beaucoup de persuasion...

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée se détendait, petit à petit, savourant la douceur et la tendresse dont Kasumi l'enveloppait. Elle acquiesça silencieusement à sa suggestion, sourit au sous-entendu que cachait sa dernière phrase mais ne releva pas l'allusion.
- Oui, tu as raison. Cela me fera du bien. En fait... J'ai du mal à réaliser que tout ça est fini. J'ai l'impression de me réveiller d'un mauvais rêve et de ne pas savoir où je suis. Je me sens complètement désorientée. Comme Anathiel, je n'ai qu'une envie : partir d'ici, rentrer chez moi et oublier tout ça. J'ai l'impression qu'il n'y a que loin d'ici que je pourrai reprendre le cours de ma vie.

Elle soupira.
- Je sais bien que le capitaine de la garde nous attend demain matin et qu'il faut que je tienne encore une journée. Mais cela me pèse trop de rester en ville, de croiser sans arrêt des regards inconnus, d'être au milieu de la foule. Je préférerais me retrouver un peu en pleine nature. Alors tu as raison. Prenons Ombrage et emmène-moi loin d'ici. J'ai envie d'une journée de calme et de douceur, auprès de toi, et loin des autres. Juste tous les deux.
Elle se blottit un peu plus fort contre lui. Elle avait tant besoin de sa tendresse, de son amour...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Comme Anathiel… Repenser à la jeune elfe dont la vie avait été brisée par des brutes lui fit un pincement au cœur. Son regard se perdit un moment dans le vague, donnant l’impression qu’il fixait un point éloigné sans le voir. Mais un sourire sincère réapparut bien vite jusque dans ses yeux. Une lueur qu’Astrée devait commencer à connaître, qui annonçait sans doute possible qu’une idée lui était passée par la tête. Pourtant, son ton était des plus sérieux lorsqu’il reprit la parole :

- J’ai aussi du mal à me rendre compte. J’ai pensé à toi tout l’hiver, ton souvenir éclairant mes nuits solitaires. Quand je suis arrivé chez toi, je savais que tu n’avais pas cherché à me fuir, mon cœur n’a pas douté un instant. Puis Prince de Frelons et Moïse sont apparus sans toi, apparemment épuisés, je n’ai eu de cesse de te retrouver tant j’avais peur de ne jamais te revoir, peur que tu sois en danger. Et maintenant tu es là, je m’en veux d’être arrivé si tard, de n’avoir pas su te retrouver avant que tu n’aies à souffrir. Nous oublierons ensemble ces tristes moments. Et j’ai trouvé exactement ce qu’il nous faut. Si tu es sage, il est possible que je t’enseigne une ou deux choses que tu ne connais peut être pas encore. Me fais-tu assez confiance ?

La lueur dans son regard était reparue à ces dernières paroles, démentant son ton sérieux, mais son expression signifiait clairement qu’il ne révèlerait rien, comptant bien ne pas gâcher la surprise sur ses intentions.

- C’est par ici, conclut-il joyeusement en désignant une direction.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Oui, elle avait confiance. En ses sentiments, en sa présence protectrice et attentionnée, en sa douceur,... et aussi en ses capacités à lui préparer les surprises les plus inattendues.
Elle afficha un grand sourire pour toute réponse.

Ils se hatèrent de repasser à l'auberge où Ombrage fit fête à son maître. Il semblait reposé, à peu près remis de sa traversée des montagnes. L'idée d'avoir deux cavaliers, en revanche, ne l'enthousiasmait guère, mais il n'eut pas le choix.

Astrée surprit Kasumi en refusant de monter en croupe : elle en préféra s'installer juste devant lui. Ainsi blottie contre son torse, enserrée de ses bras qui tenaient les rênes, elle se sentait infiniment bien. En sécurité. Enveloppée de douceur, de tendresse, d'amour. Elle sentait son souffle sur ses cheveux, dans son cou, et se plaisait à imaginer le trouble qu'il devait éprouver à la serrer ainsi tout contre lui, sans doute un peu plus fort qu'il n'était nécessaire. Quant à elle, elle éprouvait un vertige délicieux chaque fois que les secousses le faisaient resserrer sa prise.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi ne parvenait pas à se décrisper tout à fait. La position d’Astrée, qui trouvait le moyen de se presser tout contre lui, lui faisait constamment chercher son équilibre, non pas pour éviter de tomber mais surtout parce qu’il était troublé par ce qu’il était amené à effleurer à chaque fois qu’Ombrage faisait une embardée. L’animal ne faisait rien pour faciliter la tâche du rôdeur. Aux premiers pas, le demi-elfe avait posé ses mains autour de la taille de la rôdeuse mais il avait du se raviser au bout d’une centaine de mètres, alors qu’Astrée s’évertuait à se contorsionner de telle façon que se mains glissent trop haut ou trop bas pour assurer sa sérénité. Il s’était vite trouvé écarlate et sa compagne avait consentie gracieusement à lui laisser les rênes. Croyant à un répit, il avait immédiatement compris son erreur lorsqu’elle s’était laissé à se rapprocher encore plus à augmenter son trouble à chaque pas. Pour couronner le tout, Première Neige demeurait invisible, mais lui renvoyait régulièrement des commentaires sous forme de sensations.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée se sentait bien. C'était une journée de printemps idéale, chaude et ensoleillée. Partout, les fleurs embellissaient les prés, et les trilles des oiseaux semblaient saluer leur passage.
Au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient du village et des hameaux alentours, sa tension se relâchait, son corps se détendait. Et la présence de Kasumi tout contre elle n'y était pas étrangère, même si, petit à petit, elle sentait une autre forme de tension l'envahir. Elle était infiniment bien dans ses bras. Elle laissa aller sa tête en arrière, contre son épaule, résistant à l'envie de se retourner pour lui voler un baiser. Il semblait avoir déjà bien du mal à garder son assiette...

Ils avaient pris une direction quasiment opposée à celle de leur arrivée, pour être certains de ne trouver aucune trace leur rappelant les jours passés. Ils suivaient une route étroite, et bifurquèrent au hasard sur une autre encore plus étroite, qui devint bientôt un simple sentier se dirigeant vers une forêt non loin. Ils longeaient un petit ruisseau peu profond mais poissonneux, et Astrée se souvint brusquement qu'il ne leur restait que quelques fruits et légumes secs, du pain, du thé, mais pas de viande.
- Que dirais-tu de quelques truites pour nous changer de l'ordinaire de ces derniers jours ? Tu me prêtes ton arc ?
Et sans attendre la réponse, elle sauta à terre et s'approcha silencieusement du petit cours d'eau. Un merle, non loin, chantait si fort qu'il masquait le crissement de l'herbe sous ses pas.

Elle s'avança un peu, cherchant un trou d'eau peu profond, un endroit où le courant serait moins rapide. Lorsqu'elle l'eut repéré, elle resta quelques instants parfaitement immobile, une flèche encochée dans son arc bandé, attendant que ses cibles reprennent confiance et remontent attraper un insecte quelconque.
Un léger chuintement de la corde, et la flèche partit, embrochant au passage une belle truite qu'elle récupéra sans même avoir besoin de se mouiller les pieds.
- A toi, maintenant !

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi écarquilla les yeux en constatant l’adresse de sa compagne. Il resta admiratif de ce que sa première flèche donne un résultat si fructueux. Certes, il avait pu se douter du résultat car il avait déjà pu mesurer ses talents lors de leur partie de chasse, il y avait si longtemps lui semblait-il… Un sourire naquit sur son visage à l’évocation de ce souvenir et ses yeux se firent rêveurs avant de se reporter sur sa compagne et le défi qu’elle lui demandait de relever. Alors, juste pour tenter de provoquer un nouveau rire chez elle, il s’empara de l’arc et fit mine de chercher une position adéquate, changeant à de multiples reprises d’angle d’attaque, sautant même sur une grosse pierre plate en travers au bord du cours d’eau. Il ne cherchait certainement pas à gagner ce petit jeu, en tous cas pas par des moyens conventionnels. Après avoir laissé passer trois truites et avoir tiré un bon mètre à côté de deux autres, il arbora une mine faussement déçue, et se détourna ostensiblement du ruisseau. Première Neige choisit ce moment pour réapparaître, et agit avec une rapidité qui donnait l’œil de penser qu’elle n’avait même pas touché l’eau. En l’espace de quelques secondes, elle ramenait sur la rive, deux belles prises qu’elle déposa aux pieds des rôdeurs.

Kasumi partit d’un rire joyeux, toute marque de déception effacée de son visage :

- Je crois que c’est une victoire totale pour les représentantes féminines de notre petite famille ! Je m'avoue vaincu.

[Voyageuse]

Astrée sourit devant les échecs manifestement volontaires du rôdeur, et finit même par laisser échapper un éclat de rire lorsqu'à force de pitreries, il faillit tomber à l'eau et se rattrapa de justesse à une branche.
Elle eut un regard admiratif pour l'habileté de la louve, et ne put s'empêcher de taquiner son compagnon.
- Je comprends mieux maintenant comment tu as pu te nourrir tout au long du voyage. Mais que deviendrais-tu sans nous ? Allez, redonne-moi cet arc.

Et à nouveau, elle se plaça à l'affut, silencieuse. Mais Première Neige fut plus rapide et plongea au moment où elle allait décocher sa flèche. Astrée poussa les hauts cris, prétendant que la louve lui avait volé sa proie, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de terminer sa phrase, Première Neige plongeait encore...
Elle renonça, faussement scandalisée. Et bientôt six belles truites vinrent grossir leur inventaire, piquées sur deux branches fines taillées en épieux.

Ils poursuivirent ensuite leur chemin, pénétrant dans la forêt toute proche. Il y régnait une sorte de quiétude, plus profonde qu'à l'ordinaire. Une impression de calme, de sérénité. De joie également, tant les arbres bruissaient de chants d'oiseaux. Astrée eut une pensée fugace pour tous ces petits êtres au-dessus d'elle, en train de faire une cour empressée à leur belle, ou de construire un nid douillet pour y pondre leurs oeufs. Elle avait toujours adoré le printemps. Et la saison du renouveau prenait cette année une nouvelle signification.
Le chemin disparut rapidement sous la végétation, ainsi que toute trace de passage d'autres êtres humains. Ils mirent pied à terre et poursuivirent au hasard, au gré de leurs envies, de leur intuition, goûtant pleinement l'atmosphère si particulière de cette forêt. C'était... exactement le contraire de la forêt maudite. Celle-ci était tout simplement accueillante, heureuse de les recevoir en son sein, foulant le territoire de la nature sauvage. Oui, ils étaient les bienvenus ici.

Ils finirent par trouver une petite clairière perdue au milieu de nulle part. Un minuscule ruisseau la bordait, et Ombrage s'y désaltéra aussitôt. La lumière du soleil au zénith l'illuminait, éveillant les innombrables petites fleurs qui semblaient dresser leurs corolles pour l'accueillir. L'endroit était paradisiaque.
En bordure de la clairière se dressait un chêne millénaire, au pied duquel quelqu'un avait sans doute, un jour, voulu rendre grâce à la Dame des Bois. On devinait les restes d'un petit temple en ruine, bâti de bois et de pierres sèches. Peut-être était-ce lui qui donnait à ce lieu une atmosphère si paisible, comme enchantée...

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

En arrivant dans la forêt, Kasumi ne tarda pas un seul instant pour sauter souplement d’Ombrage et offrir son bras à la rôdeuse pour l'aider à en faire de même. Alors que ses pieds foulaient le sol du sous-bois, il sentit son pas s’alléger considérablement et ses soucis immédiats s’envoler. Il prit Astrée par la main et l’entraîna plus loin, accélérant le pas en apercevant la clairière et le chêne vénérable qui l’attirait presque irrésistiblement. Ils s’arrêtèrent à bonne distance de l’arbre majestueux, juste pour s’imprégner de l’endroit, de son atmosphère à nulle autre pareille, des mille sons et odeurs joyeuses et pourtant incroyablement relaxantes qui rendaient l'endroit si spécial. Kasumi respira profondément et prit Astrée par la taille, se coulant tout contre elle, désireux de partager pleinement ce moment de répit avec elle, comme s’il répugnait à vivre seul un instant aussi parfait.

Ils effectuèrent ensuite quelques pas vers les ruines, s’approchant pour constater qu’un temple s’était dressé là jadis. Loin du faste des divinités majeures vénérées dans les cités, le lieu de culte était des plus modestes, à l’image de la déesse à laquelle il rendait hommage. Des fleurs s’étaient mises à pousser tout autour de l’autel, rehaussant sa beauté au lieu de la couvrir. Le rôdeur ne résista pas à l’envie de s’en approcher, puis de poser la paume de son bras tendu contre le tronc de l’arbre qui dominait l’ensemble. Par ce simple contact, il ressentait la vie végétale qui l’habitait, comme si le chêne avait acquis une conscience propre, une présence au cours des siècles où il avait dominé la clairière enchanteresse.

Le regard de Kasumi brilla alors que son esprit évoquait des images de son enfance. Alors qu’il faisait ses premiers pas au sein du cercle, s’ouvrait à la contemplation de Mielikki, aux merveilles qu’elle protégeait au cœur de la forêt. Puis son esprit parcourut les années pour revenir au présent. Astrée, sa bien aimée, se tenait juste quelques pas en arrière, profitant à sa façon de ce lieu magique sans pour autant s’en remettre à la déesse. Il ne lui en voulait nullement et lui sourit avant de la rejoindre, son regard amoureux ne quittant plus le sien. Lorsqu’il fut à quelques pouces d’elle, il lui parla d’un ton suave, comme imprégné de la majesté du lieu qui donnait une sonorité particulière à son ton toujours un peu mutin :

- On dit que la Dame des Forêts accueille et apprécie la compagnie de tous ceux qui se présentent avec de bonnes intentions. Tout de même, je me demande si, en te voyant, elle ne risque pas de te confondre avec un avatar de Sunie et être un peu jalouse.

[Voyageuse]

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée regardait, rêveuse, son compagnon qui entrait en contact, pas seulement physique, avec le chêne. Il semblait méditer. Elle l'enviait presque d'avoir su conserver ce lien avec Mielikki, et plus globalement avec avec la sphère divine. Elle regrettait soudain de n'être plus capable de percevoir cette présence transcendante. Ou peut-être la ressentait-elle à son insu, à travers l'atmosphère qui imprégnait le lieu ? Mais elle avait tellement pris l'habitude de ne plus s'en remettre aux dieux...
Peut-être devrait-elle s'approcher, elle aussi, du chêne. Peut-être que l'arbre, ou le lieu, ou Mielikki, pouvait l'aider... Peut-être pouvait-elle au moins... essayer. Juste poser sa main, contre le chêne, comme Kasumi l'avait fait. Pour essayer d'y quémander de la force, d'y déposer la souffrance qui sourdait encore quelque part au fond d'elle-même, malgré sa volonté de la nier. Peut-être...
Peut-être tout à l'heure, avant de repartir. Il fallait d'abord qu'elle s'habitue à cette idée. Qu'elle ose. Qu'elle se laisse porter par l'atmosphère si paisible, si accueillante de la clairière, et apprivoise la partie d'elle-même qui ne voulait plus jamais entendre parler de divinité. Elle n'était pas sûre que ce soit une bonne idée d'essayer, d'ailleurs. Oh, et puis... De toute façon elle ne croyait pas ressentir une quelconque présence, alors elle n'avait rien à perdre.

Elle verrait. Pour l'instant, elle voulait juste profiter de la magie du moment, de la quiétude du lieu. On s'y sentait si bien... Comme si... comme si cette clairière annihilait à elle seule tout le mal qui pouvait exister dans le monde. Elle ferma un instant les yeux, s'ouvrant au monde sauvage autour d'elle, aux oiseaux, aux rongeurs et autres habitants des lieux, s'imprégnant de leur vie, écoutant les chants d'oiseaux, humant les senteurs du printemps. Ses soucis et interrogations lui parurent instantanément plus légers. Plus rien n'existait que le moment présent. Et celui qu'elle aimait.

Elle sourit lorsque Kasumi se tourna à nouveau vers elle, et le simple fait de plonger à nouveau son regard dans le sien chassa immédiatement toute autre pensée de son esprit. Elle rougit en entendant son compliment, et chercha quelque chose à rétorquer, sans succès comme d'habitude. Elle ajouta simplement :
- Elle craindrait surtout que son fidèle serviteur ait changé d'allégeance, en entendant tous les compliments dont tu me couvres et que je ne mérite pas. Tu parles presque comme un sunite, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil taquin.
Elle prit les mains de son compagnon, touchée, troublée par l'amour qui irradiait de lui. Consciente, une nouvelle fois, de la chance immense qui lui était échue. Elle posa doucement son front contre son épaule, enserra sa taille de ses bras, réchauffant son âme à son contact.
- Je t'aime, poète des bois..., murmura-t-elle. Merci de m'avoir conduite dans un endroit aussi magnifique.

Il était midi, il fallait faire un feu, manger. Mais pour cela il aurait fallu qu'elle parvienne à se décoller de lui... Au lieu de cela, elle tendit ses lèvres vers les siennes et y déposa un baiser, doux et léger. Juste pour lui dire son amour encore une fois.
Puis, doucement, elle s'écarta, sans lâcher sa main, et l'entraîna à la recherche de petit bois.

[Kasumi]

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi ferma les yeux à demi lorsque sa compagne l’enlaça dans une étreinte douce et chaleureuse. La sérénité de l’endroit avait contribué à chasser de sa conscience les évènements récents et les inquiétudes et les peines qu’il éprouvait toujours pour les jeunes filles mais avant tout pour Astrée.

Comme si le sanctuaire l’ouvrait à la compréhension, il s’imprégna du délicieux sentiment qu’ils étaient enfin seuls l’un avec l’autre. Bien sûr, ils avaient partagé l’intimité des mêmes draps la nuit passée. Le rôdeur en gardait un grand trouble mais la perspective d’alors d’avoir à libérer les jeunes filles avaient dressé un rempart entre eux et l’accomplissement de leur amour. Ici, loin de la ville et de ses soucis, les deux rôdeurs se retrouvaient chez eux, dans le milieu qui leur était le plus familier, dans lequel ils pouvaient se sentir le plus en sécurité et en accord avec eux-mêmes. Oui, ici Astrée pouvait commencer à se retrouver. Et Kasumi se sentait enfin en paix avec lui-même. Il avait le sentiment irrationnel de l’avoir trop souvent mise en danger alors qu’il s’était réjoui de sa présence dans les moments difficiles.

La perspective d’avoir à retourner en ville s’effaçait comme une corvée lointaine alors que le soleil inondait encore les lieux de reflets sylvestres. Il gouta donc pleinement le tendre baiser dont le gratifia sa compagne. Il prenait une signification toute particulière alors que leurs chaînes tombaient peu à peu. Mais Astrée finit par rompre le contact pour les ramener à des considérations plus pressantes. Alors qu'ils avaient commencé à réunir quelques branches, il ne put s’empêcher de la retenir et de l’attirer à lui pour lui voler un nouveau baiser qu’il prolongea jusqu’à en perdre le souffle. Lorsque leurs lèvres se séparèrent enfin, il parla d’une voix haletante et dans laquelle ne restait aucune trace de l’humour qui aurait pu en atténuer les propos :

- Je t’aime. Je m’efforcerai toujours de trouver des endroits magiques pour toi. C’est le moins que je puisse faire en retour de ce que tu m’apportes. Car à chaque fois que tu m’embrasses ou que tu m’enlaces, tu me transportes dans le plus beau des mondes.