[Rp] L'inattendu : De vieux tréteaux dans la clairière

[Lothringen]

Il sourit franchement. La réponse de Mornagest le rassurait, car il avait vraiment redouté que le guerrier ne préfère prendre certaines distances tant qu'il en était encore temps. Compte tenu des circonstances, il l'aurait compris, même s'il l'aurait certainement mal vécu.

"Inaccessible doit te paraître un terme assez étrange, n'est-ce pas. Nous sommes si près l'un de l'autre qu'on pourrait presque... Il avança la main, tâtonnant comme un aveugle en remontant le long du bras du guerrier, jusqu'à l'épaule, qu'il pressa brièvement pour réconforter son compagnon. "...On pourrait presque te toucher. Mais outre la distance que les circonstances ont placée entre nous, tu parles très peu, Mornagest, de sentiments encore moins que du reste. Tu viens encore de tourner autour des mots quand il serait si simple de voir ceux que j'attends. Que tu ne m'as jamais donnés..."

Il avala difficilement sa salive. Des mot qu'il ne pouvait pas réclamer, mais dont l'absence ne passait jamais inaperçue...

"Je n'ai pas toujours les moyens de me mettre à ta place et de deviner. J'ai passé la moitié de ma vie chez les drows. Ma connaissance de la sexualité, de ses codes, de la norme et de la limite est sans commune mesure avec celle que tu peux avoir en tant qu'humain et que je ne connais que par ouï-dire. Je ne peux qu'espérer ne pas avoir commis d'impair... Si c'était le cas, dirais-tu rien de plus ?"

[Mornagest]

Le guerrier ne savait que répondre. Lui déclarer ses sentiments était si simple... et pourtant, il n'y arrivait pas. Comme s'il avait une boule dans la gorge qui l'empêchait de parler. Comme s'il craignait le ridicule ? C'était cela, le ridicule de l'affaire. Et pourtant... Non, il savait très bien ce qui lui arrivait. Il en était arrivé au même point que Lothringen, ne sachant trop si leur relation, trop instable de prime abord, allait pouvoir perdurer. Et, maintenant, il revenait à tous les deux de "décider" de leur avenir... il en avait envie, pour sa part. Il se sentait bien, avec le semi-drow. Et, pas uniquement en tant qu'ami...

"Je..." Il avala péniblement sa salive. À vrai dire, il avait une furieuse envie d'être ailleurs qu'ici, en ce moment même, car il mourait de trouille. Il voulait se lancer, mais les mots ne sortaient pas. Son cœur était fou, dans sa poitrine, et son ventre était noué. Il avait peur, et il n'avait pas l'habitude. Encore moins, de ce genre de situations.

"Il faut... tu dois comprendre que... enfin..." bredouilla-t-il, comme à son habitude. "Je n'ai jamais connu l'amour, ou si peu... avant toi." Il rougit. "C'est si étranger pour moi... et, tu as raison, je peine à m'exprimer, la preuve", ajouta-t-il en souriant nerveusement, baissant la tête. "Je ne suis qu'un rustre. Je ne connais rien... à la sexualité des humains, pour ainsi dire. Ni à ce que... enfin, je ne sais pas quoi faire. Je suis perdu", avoua-t-il finalement, rougissant de plus belle. "Je t'aime, ça, je le sais."

[Lothringen]

Lothringen baissa les yeux à son tour, tandis qu'une soudaine chaleur lui embrasait le visage jusqu'à la pointe des oreilles et que son cœur s'emballait dans l'indifférence générale. Il était ému. Il savait trop ce que cela coûtait, de faire confiance, de se livrer. Il aurait pu parler, lui-même, de son excès d'expérience, et du fait que jamais depuis qu'il avait revu le jour il ne s'était attaché à quiconque... Il ne l'aurait pas permis - trop de risques, trop peur d'y croire, et d'être déçu à nouveau comme il l'avait jadis été par son Maître. Et voilà qu'il s'apprêtait à recommencer... malgré tout...

Il eut brièvement l'intuition de la responsabilité écrasante dont Mornagest venait inconsciemment de lui charger les épaules. Si je compte pour lui, alors j'ai un pouvoir sur ses émotions, et des comptes à lui rendre pour chacun de ses sourires, chacune de ses peurs... Je veux bien. Je voudrais voir ses sourires plus nombreux.

Il s'était mis à triturer des brins d'herbe entre ses doigts impatients, et il finit par en cueillir quatre qu'il maintint entre le pouce et l'index, en éventail, devant son compagnon. De l'autre main, il désigna le premier, puis chacun des suivants.

" Un peu pour ma peur...
Beaucoup pour le risque
Passionnément, le manque
A la folie - littéralement !

Et pas un seul remord."

Ouvrant la main, il souffla sur les brins d'herbe qui s'éparpillèrent. Regardant alors Mornagest dans les yeux, il esquissa un sourire, bien plus troublé, au fond, qu'il ne daignait le laisser voir.

"... Tu n'y connais rien, je n'y connais rien, quelle chance ! Nous serons libres de réinventer."

[Mornagest]

Regardant les brins d'herbe retomber au sol, éparpillés, il vit ensuite le sourire timide de Lothringen. Mais ses yeux étaient tristes... ou inquiets ? Il ne savait trop. Cependant, ses paroles se voulaient rassurantes, pour l'un comme pour l'autre, et... à quoi bon se faire du mouron pour ce qui n'était pas encore arrivé ? Il était près de son amant, maintenant, si près... réinventer. Pourquoi pas, au fond ? Mais il avait une imagination aussi peu débordante qu'un vase au milieu du désert. D'un autre côté, se laisser guider, encore une fois, par Lothringen risquait de le lasser, à force. Il se sentait déjà tellement dépendant de lui, par certains côtés...

Lentement, il lui enserra la taille et se rapprocha de lui, déposant un bref baiser sur ses lèvres.

"Inventons, alors", souffla-t-il doucement, tout en caressant délicatement la joue du semi-drow "Sans remords. Sans craintes."

Il regarda à nouveau Lothringen dans les yeux. Mille émotions s'y lisaient, mais il ne parvenait décidément pas à toutes les déchiffrer. Ses paroles étaient explicites, cependant, et le guerrier était maintenant moins tendu que quelques instants auparavant.

[Lothringen]

Lothringen pouvait promettre l'absence de remords, sans doute, mais l'absence de crainte était décidément au-dessus de ses forces : Mornagest oubliait un peu vite que le semi-drow venait de passer presque une semaine entière à esquiver mille et un avatars de sa mort. Et voilà que c'était lui le plus craintif des deux, à présent, et que l'obscurité vibrait dans ses prunelles. Il voulait oublier, pourtant. Profiter du répit. Vivre l'instant... comme il venait de le dire, comme son compagnon l'y invitait.

Il n'osa soutenir longtemps le regard de Mornagest, de peur que ses pensées ne le trahissent - alors, doucement, tenant le visage du guerrier entre ses mains en coupe, il se mit à boire les gouttelettes qui ruisselaient une à une de ses cheveux humides, déposant à cette occasion des baisers furtifs tantôt sur la tempe, tantôt sur le cou... Ses gestes étaient lents, ses caresses légères, et il retenait son souffle. Difficile de mesurer le temps qui s'écoula. Lothringen finit par relever les yeux vers son compagnon, comme s'il attendait quelque chose, ou bien l'encourageait à s'enhardir.

[Mornagest]

Il frissonnait au contact doux et léger des lèvres de Lothringen sur sa peau. Il ferma les yeux, appréciant davantage les sensations qui maintenant se propageaient dans tout le corps comme autant de décharges électriques apaisantes mais excitantes à la fois. Le temps semblait s'être arrêté... mais les mouvements délicats du semi-drow cessèrent, malheureusement, et le guerrier rouvrit les yeux pour plonger le regard dans celu de son compagnon. Il paraissait inquiet, toujours, et cela le ramena aussitôt à la réalité - ou du moins, une autre réalité, celle de leurs craintes.

"Je... quelque chose te tracasse..." Ce n'était pas une interrogation. Les yeux de Lothringen parlaient pour lui-même. "Je ne veux pas te forcer... et, tu as besoin de parler. Il lui serrait la taille, doucement.

[Lothringen]

Il recula un peu la tête, et soupira. Si Mornagest avait réellement été un rustre, il lui aurait épargné ce genre de réflexion, ce qui lui aurait évité d'avoir à s'expliquer...

"Besoin de parler, dis-tu ? reprit-il. Mais pour dire quoi ? Que je suis inquiet pour l'avenir ? Rien que tu ne saches déjà."

Il posa la tête sur l'épaule de son compagnon, embarrassé de lui donner cette impression de dissimulation, mais hésitant. Toutes les vérités étaient-elles bonnes à dire ?

"Si... si ta cité ressemblait à la mienne, alors, la distance ne me serait rien, et je pourrais assez facilement supporter la séparation. Je ne penserais qu'à nos rencontres, entre souvenirs et projets. Et... oui, ce serait agréable. Mais il en va autrement. Tes ennemis sont plus forts, plus organisés que les miens. Il y aura d'autres Terenas, d'autres Dargor... Je serai loin, je ne pourrai pas t'aider : qu'il advienne quelque chose, et je mettrai des semaines à l'apprendre. Et comment survivras-tu au milieu de tout cela, sans devenir comme eux ? Il y a tellement de façons de te perdre. Et moi, j'attends trop de nous deux pour ne pas être déçu..."

Son discours devenait très décousu, et il en avait conscience. Des raisons de craindre, il y en avait tellement, à vrai dire, qu'il n'aurait su par laquelle commencer. En prime, la plupart d'entre elles n'étaient pas excessivement chimériques, au vu de leur situation.

"Je crois... Je n'ai plus de maîtrise sur grand chose, ni sur les événements, ni sur ce que je ressens...J'ai toujours au contraire cherché à tout contrôler, et c'est... plutôt angoissant. Il faudra sans doute un peu de temps avant que je ne l'accepte."

Il cligna des yeux, et sourit.

"En tout cas tu ne me forces en rien. Je suis où je veux être. Je suis heureux de pouvoir partager ce moment avec toi."

[Mornagest]

Il ne répondit pas tout de suite ; il était ému par les propos de Lothringen, et, même s'il en connaissait déjà le sens, la raison, ils le touchaient une nouvelle fois. Les craintes de son amant étaient légitimes, et le fait qu'il eût peur pour lui était une preuve d'amour de plus... cela dit, il ne doutait pas de ce dernier. Il ne doutait pas que le chemin serait ardu, et parsemé de pièges mortels. Il ne doutait que de lui... que cherchait-il ? Qui était-il ? Ces mêmes interrogations, aliénantes de répétition, lassantes mais tellement présentes...

"Je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait, moi non plus... j'en ai peur. Je suis même mort de frousse ! Mais je supporte cela... grâce à toi. Tu m'apportes une énergie que je ne me soupçonnais pas avant. Et de la confiance... plus de confiance que je ne me donne."

Il serra un peu plus Lothringen, poursuivant :

"La situation s'arrangera. Je pense qu'au début, ce sera difficile... mais nous aurons des occasions pour nous voir et... je serai toujours vivant", termina-t-il sur un sourire forcé. Il n'en croyait pas le premier mot, mais cette méthode valait sans doute une autre...

Ses doigts se promenaient maintenant le long de la chevelure blanche de son compagnon, distraitement d'abord, puis plus attentivement ensuite. Il passa par sa poitrine, fine mais musclée, couverte d'anciennes cicatrices en provenance de trop nombreux combats.

"Je ne veux pas te décevoir", conclut-il maladroitement.

[Lothringen]

Quand Mornagest avait commencer de passer ses doigts dans sa chevelure, Lothringen s'était immobilisé, et sa respiration s'était peu à peu réduite à un mince filet d'air tiédi qui glissait silencieusement entre ses lèvres entrouvertes. Les gestes de son compagnon lui dressaient les cheveux depuis la racine, envoyant par salves des frissons glacés parcourir furtivement son corps... Et tout cela ne l'aidait pas à conserver les idées claires.

Est-ce que la situation s'arrangerait ? Peut-être. Après tout, une cabale semblable à celle qui l'avait propulsé au sommet de la pyramide pourrait très bien acculer le guerrier à la démission avant qu'il n'ait eu le temps d'y perdre davantage... Et il n'était pas impossible non plus qu'il ne se lasse le premier de ce poste. Lothringen devinait confusément que tant que son compagnon n'en aurait pas fait l'expérience, une partie de lui-même apprécierait la situation, ce défi qu'il lui fallait relever, ce pouvoir enfin entre ses mains. Peu de chances qu'il échappe à son poste, s'il n'en avait pas le désir. Mais la roue ne cesse de tourner, et peut-être finira-t-elle par s'ébranler à nouveau dans un sens favorable...

"Je ne veux pas te décevoir", conclut Mornagest maladroitement.

"Je le sais bien. Moi non plus..."

Maladresse pour maladresse. Mornagest était plein de bonne volonté, mais cette dernière était-elle assez ferme ? Soudain distrait, Lothringen effleura du bout des doigts la fine épaisseur de barbe blonde qui recouvrait les joues de son compagnon. Pauvres humains, tout cela repoussait si vite... Il ne voulait plus penser à ses angoisses, préférant s'abandonner à la robustesse de ce bras qui lui serrait la taille, à ces mains qui le caressaient. Mornagest faisait depuis le début de cette conversation des efforts importants pour sortir de sa passivité ordinaire, et le semi-drow devait reconnaître qu'il appréciait. Tout en jouant à frôler les poils de sa barbe, il laissait filer les secondes. Leurs regards se croisèrent.

[Mornagest]

Toucher... cette sensation se révélait à chaque fois plus agréable que la précédente. Le bout des doigts de Lothringen caressaient doucement les joues du guerrier, irritantes à cause de sa barbe de presque deux jours. Les yeux, noirs mais brillants, de son compagnon, le fixaient intensément. Mornagest n'était pas très doué pour déchiffrer les émotions du semi-drow ; en général, plusieurs l'empoignaient en même temps, d'ailleurs. Mais il sentit le léger frisson qui parcourut son corps. Il vit un éclair malicieux dans son regard. Et... l'envie s'était emparée de lui.

Délicatement, il saisit la main de son compagnon et la porta à ses lèvres, pour y déposer un baiser. Puis il répéta la manœuvre sur la bouche de Lothringen. Leurs corps se touchaient, maintenant, poitrine contre poitrine - ou presque, compte tenu de leur différence de taille. Ses mains saisirent à nouveau la taille de Lothringen, pour le serrer contre lui. Toucher... une boule de chaleur irradiait dans tout son corps.

Le décevrait-il pour ceci, également ? Il lui avait dit qu'il n'avait aucune connaissance des relations sexuelles avec les humains... tout apprendre depuis zéro avait cet avantage appréciable compte tenu de sa propre expérience, pour ainsi dire inexistante. Ses gestes étaient maladroits, même si emplis de bonne volonté. Ses réactions étaient incontrôlées... mais il estimait que ce n'était pas réellement un défaut. Il appréciait pleinement les douces tortures que lui infligeait Lothringen. Simplement, il espérait que lui-même pouvait en dire autant.

[Lothringen]

Tandis que l'étreinte puissante de son compagnon le pressait contre son immense poitrine, Lothringen fermait les yeux. Les impressions se mêlaient à la diffusion progressive d'une douce chaleur entre leurs deux corps serrés. Impression de sécurité, physique et affective, d'avoir atteint le foyer de toute chaleur, de toute joie... D'être chez soi, tout simplement. Au seul endroit où vous serez jamais accepté pour ce que vous êtes, sans exigence et sans jugement.

Il voulut rendre cette étreinte, mais en cherchant à atteindre la peau de son compagnon sous les vêtements. Sa main droite dut fouiller un peu à l'aveugle, et pour finir, réussit à se poser entre le tissu et les reins de Mornagest. Elle devait être un peu froide au premier contact ; le guerrier réprima un sursaut. Quant au semi-drow, il ne bougeait plus, du moins pour l'instant. Rouvrant à demi les yeux, il reprit la parole :

"J'espère que tu ne m'en veux pas de t'avoir un peu bousculé tout à l'heure ? Je n'ai jamais souhaité qu'on en finisse, je voulais juste... j'avais besoin de savoir. Dans la solitude, on commence à s'imaginer n'importe quoi, et je me demandais... Entre autres, je me demandais si cela te gênait peut-être que je sois un mâle. Tu n'aurais pas été le premier, même si j'ai du mal à me le figurer."

Il se mordit les lèvres.

"... Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de me poser la question."

Ce qui était un euphémisme pour dire qu'on avait choisi à sa place...

[Mornagest]

La douceur de la peau de Lothringen lui fit fermer les yeux à nouveau. Il savourait chaque geste, chaque souffle, chaque seconde. Le semi-drow était désormais immobile, et une expression de quiétude flottait sur son visage, son beau visage. Puis il parla.

La question surprit Mornagest, même si elle était fondée. Une relation comme la leur était atypique, sur bien des points, pour ne pas dire totalement improbable. Et pourtant, cet aspect des choses ne lui avait pas spécialement heurté l'esprit, tandis qu'ils marchaient, dans le bosquet des druides, qu'ils dormaient ensemble, qu'ils s'embrassaient... et maintenant, encore.

"J'avoue que j'ai eu des moments d'interrogation... c'est... étrange, à première vue. Différent. Mais, je me suis demandé, différent de quoi ? J'ai si peu connu..."

Il posa son menton sur le front de son compagnon, puis poursuivit :

"Peu importe l'apparence. Ce que tu m'offres m'aide tellement..."

[Lothringen]

[LEFT]Lothringen gloussa légèrement, tout en tambourinant brièvement des doigts sur le dos de son compagnon. Il répliqua d'une voix railleuse.[/LEFT]
[LEFT]
[/LEFT]
[LEFT]"L'apparence, hein ? Et cette dernière ne comprendrait-elle pas aussi une toute petite part de consistance concrète ?"[/LEFT]
[LEFT]
[/LEFT]
[LEFT]C'était ce que Mornagest omettait de prendre en compte, et ce fait en soi était révélateur. Le semi-drow reprit plus sérieusement.[/LEFT]
[LEFT]
[/LEFT]
[LEFT]"Mais je vois ce que tu veux dire. Qu'importe comment les gens sont faits, mâle ou femelle, on s'en arrange : ce n'est pas cela qui fait la qualité d'une relation."

[/LEFT]
[LEFT]Ce qui revenait tout de même à dire que le désir venait en second, comme une conséquence et non comme une cause de ladite relation... Mais son esprit ne s'y attarda pas, préférant revenir aux propos de son compagnon. "Ce que tu m'offres..." Que lui donnait-il, au juste ? Son aide, sa compagnie... Et cette confiance en autrui et en soi-même dont Mornagest manquait si cruellement.

[/LEFT]
[LEFT]Lothringen releva la tête pour mieux contempler le visage de son compagnon, en ce moment si paisible, si doux. Il avait une manière si étrange d'envisager les choses, sans a priori, sans même cette petite part de culpabilité qui vous habite toujours quand vous attendez quelque chose d'autrui pour votre propre bien... Que le désir le prit, soudain, de boire à la source de cette simplicité naïve qu'il n'avait plus. Son regard flotta entre les yeux et les lèvres entrouvertes de son compagnon, sa main libre effleura l'épaule, se fixa nerveusement sur la nuque, l'autre se serra un peu sur la taille, et, écoutant son impulsion subite, il l'embrassa. [/LEFT]

[Mornagest]

Il essayait de comprendre ce que voulait dire Lothringen, mais son attention fut détournée par le baiser qu'il lui fit ensuite, et se consacra entièrement à le lui rendre. Sa nuque se raidit un bref instant, lorsque la main de son compagnon passa dessus, puis se détendit, tout en émettant une vague de chair de poule qui se propagea le long de son échine. Décidément, le contact avec Lothringen lui procurait des sensations très intenses, aujourd'hui.

Brièvement, ses paroles flottèrent dans sa tête, freinant inconsciemment ses gestes tendres. Il s'en rendit compte, et décida de reporter toute son attention au moment présent. Ils étaient libres... pour l'instant. En profiter était la meilleure chose à faire.

Ses doigts glissèrent le long du flanc du semi-drow pour se poser sur son épaule, effleurer son cou, repasser lentement sur sa poitrine, jusqu'au point le plus bas qu'il pût atteindre dans leur position rapprochée. Son autre main était posée au creux de ses reins et le maintenait doucement contre lui. Le baiser dura... et parut si court...

[Lothringen]

C'était agréable, tellement. Lothringen se sentirait toujours plus à l'aise dans une étreinte que dans une discussion, car il éprouvait encore certaine difficulté à exprimer ce qu'il ressentait. A l'inverse, les gestes, les caresses lui venaient plus naturellement, tout en lui permettant, lui semblait-il, d'aller directement à l'essentiel, sans avoir à se perdre dans le dédale des mots...

Et il songea que c'étaient ces contacts, tout simplement, qui lui avaient le plus manqué depuis deux mois – il se faisait cette réflexion quelques secondes avant de ne plus rien penser du tout, parce que la main de Mornagest était descendue un peu plus bas sur son torse, que son pouls lui battait les tempes et que ses pensées commençaient de manquer d'oxygène.

En se séparant de Mornagest, Lothringen put néanmoins constater les limites de ce mode de communication. Son compagnon paraissait un peu distrait, voire préoccupé par une pensée que lui n'avait aucune chance de deviner : son imagination trop fertile lui aurait aussitôt proposé une grande quantité d'explications plausibles, mais il n'aurait jamais su laquelle choisir.

"A quoi penses-tu ?" souffla-t-il, en désespoir de cause.

[Mornagest]

Le guerrier manqua rougir une fois de plus. Son attention était pourtant toute à ce qu'il faisait : les caresses, le baiser. Son regard l'avait-il trahi ?

"Eh bien... je ne sais pas. Ce que tu m'as dit, là. Je..." il hésita un instant, puis estima qu'il valait mieux mettre les choses au point. "Je me suis simplement demandé ce que tu entendais par "consistance concrète"...". Cette fois, le sang afflua à son visage et il baissa promptement les yeux, comme s'il avouait une bêtise à ses parents. "Ne va pas t'imaginer que je ne faisais pas attention... tu sais, c'est tellement... doux, tes caresses, ton contact... je suis désolé d'avoir interrompu cela."

[Lothringen]

Lothringen sourit, parce qu'au fond, il était soulagé. Un instant, il s'était demandé si Mornagest n'avait pas tiqué sur son aveu de bisexualité. Après tout, il ne lui avait jamais parlé de Myalë auparavant ; peut-être le guerrier serait-il jaloux d'apprendre qu'il avait pu, lui aussi, regarder des femmes... ?

Mais c'était beaucoup plus simple que cela.

"Je te taquinais, parce que tu limitais la différence entre mâle et femelle à une question d'apparence, alors qu'à ce qu'il me semble, cette différence peut aussi s'entendre... se toucher... se respirer... se goûter... " Il effleura du bout des lèvres, puis du bout des doigts la joue de son compagnon, qui rougissait encore sous sa barbe de deux jours. Le regard du semi-drow se faisait rêveur, comme il laissait les sensations l'envahir à nouveau. "Et se toucher encore - sur le visage, sur le torse ou, bien évidemment, au fond des chausses. C'était une boutade, Mornagest, rien de plus. Si tu manques d'expérience de ce dont je parle, je finirai bien par me dévouer pour te la donner."

Il cligna de l'œil. Après tout, ce n'était pas parce que leur avenir n'était pas d'un abord radieux qu'il fallait absolument tout prendre au tragique.

[Mornagest]

Se détendant nettement, Mornagest choisit de répondre par la boutade à celle de Lothringen :

"Te dévouer ? C'est quelque chose d'aussi affreux que cela ?", dit-il en souriant malicieusement. Il était demandeur de ce genre d'apprentissage, pour tout dire, et il ne s'en cachait pas. Il enlaça à nouveau son compagnon, de façon plus intense, plus douce. Son cœur était léger. Pour combien de temps ? Il ne le savait, mais cette question lui demeura informulée. La quiétude l'avait réellement gagné, cette fois.

"J'imagine qu'il faut de la volonté... crois-tu que j'en aie suffisamment ?" poursuivit-il sur le même ton, tout en laissant ses mains se promener délicatement le long de l'échine nue du semi-drow. De la volonté, il n'en manquait pas. Surtout pour une perspective aussi agréable... il s'étonnait lui-même de son acceptation de son homosexualité, qu'il ne songeait même pas à remettre en question. Ses rapports avec Lothringen étaient venus si naturellement, malgré tout ce qui, de prime abord, pouvait les opposer. Il s'était découvert une tolérance inexpliquée, mais qui lui procurait une curieuse sensation de fierté, comme s'il s'estimait plus humain que la plupart de ses congénères, qui auraient rejeté Lothringen sur simple critère de ses origines drows.

[Lothringen]

Ses mains étaient fermes, ses mains étaient larges. Douces et chaudes... Et la tentation était forte, vraiment, de s'y abandonner, d'en vouloir davantage, d'échauffer son compagnon comme ce dernier était en train de l'échauffer, et advienne que pourrait. Néanmoins, Lothringen ne savait si c'était une bonne idée, en ce moment précis. Est-ce que ce n'était pas aller un peu vite ? C'était presque leur premier moment d'intimité depuis deux mois. Hélas, quand donc perdrait-il cette fâcheuse habitude de tout vivre au second degré... Jamais, sans doute.

Les mains de Mornagest éveillaient des frissons délicieux dans sa colonne vertébrale, ses paroles l'invitaient à aller plus loin... Lothringen sentait croître sa propre impatience d'une telle manière qu'il n'avait plus aucune envie d'y résister. Ses scrupules, il y réfléchirait plus tard.

"Affreux, odieux, insupportable... un vrai supplice... Heureusement, tu es quelqu'un de très volontaire,"répondit-il d'un ton amusé, tout en s'allongeant sur le côté, un bras replié sous la tête. Il attira son compagnon vers lui en posant une main sur sa taille. "Première leçon, alors : ta tunique nous gêne."

Et rien n'était plus vrai. Ce vêtement incommode lui en voulait, à l'empêcher d'accéder facilement à la peau de son compagnon. Pour mieux l'en convaincre, Lothringen lui caressa la hanche d'un main qui se perdait dans les plis du tissu.

[Mornagest]

Sagement, Mornagest obéit au conseil de son "professeur", et ôta son vêtement encore humide de son bain dans la rivière. Désormais entièrement nu, il s'allongea à côté de Lothringen, un coude à terre, la tempe dans la main, regardant son compagnon. Ce qu'il éprouvait exactement, il n'aurait su dire. Les sentiments se bousculaient dans sa tête, mais ce qui dominait largement était son envie grandissante, et la tentation de céder brutalement au physique élancé du semi-drow lui taraudait l'esprit. Il se contenait cependant, songeant avec délice à la douce torture que cela impliquait.

Tous les sens aux aguets, il plongea son regard dans les yeux de Lothringen, guettant ses réactions. Pour sa part, il était immobile, sa virilité à son apogée. Sa main se dirigea vers la joue de son compagnon, ses doigts le caressèrent, descendant sur son menton, puis son cou.

"À ton tour ?", suggéra-t-il ingénument.

[Lothringen]

Il avait connu une violente poussée de désir et d'orgueil en voyant Mornagest se dénuder devant lui – si violente, même, que c'en devenait presque douloureux. Mille détails de leurs nuits au Bosquet lui revinrent en mémoire, et ces souvenirs alimentaient à leur tour son impatience.

Souriant à la fausse question de son compagnon, Lothringen retira le peu qu'il portait, chemise et chausses, tout en jouant à donner à ses mouvements une lenteur exagérée. Quand il en eut fini, il se rallongea près de Mornagest, nu comme un serpent noir, et le regard brûlant.

De nombreuses cicatrices familières barraient les membres du guerrier, créant des cordillères, des ruisseaux, des vallées et des plaines. Son propre corps en portait quelques unes aussi. Mais c'était beaucoup mieux que s'ils n'avaient pas eu d'histoire...

"On peut toucher... ?"

Ses caresses reprenaient, d'une main, timidement, quelques temps freinées par l'admiration, avant de s'enhardir et de s'organiser. Du nombril à la tempe, on aurait dit que cette main voulait tout visiter, tout connaître, et tout s'approprier. Tout en plantant un baiser dans le cou de Mornagest, Lothringen attrapa sa main et l'attira sur lui.

[Mornagest]

Hochant simplement la tête en guise d'une réponse déjà connue, le guerrier ferma à demi les yeux tandis qu'il frissonnait au contact des mains de Lothringen se promenant délicatement sur sa peau durcie par la rude vie qu'il menait, et barrée de cicatrices, témoins muets de trop nombreux combats pour son jeune âge.

Rouvrant les paupières, Mornagest dévorait maintenant des yeux le corps dénudé du semi-drow, scrutant chaque centimètre de sa peau d'ébène, elle aussi dardée de stigmates d'une vie d'aventurier un rien inconscient face à la constante menace de mort qui planait en général sur ses amateurs. Ses muscles étaient plus fins, son ossature plus étroite que la sienne. Mais rien n'égalait la douceur de sa peau, qu'il frôlait du bout des doigts, sur les épaules, la poitrine, le ventre...

Fugacement, les paroles de Lothringen lui revinrent en mémoire, avant de s'envoler avec le reste de son esprit entièrement consacré à ce qu'il ressentait. L'apparence... aurait-il été une femme, que cela n'aurait sans doute rien changé. Ce qu'il éprouvait en ce moment dépassait simplement l'aspect sexué classique... l'amour avait-il besoin d'être reporté sur quelqu'un de l'autre sexe ? Il connaissait la réponse. Sa réponse, du moins.

Lothringen l'attira vers lui, sur lui, contre lui. Le contact se fit plus intense, son cœur battait à tout rompre. Les yeux dans les yeux, le guerrier se pencha sur Lothringen et l'embrassa à nouveau, plus passionnément encore qu'auparavant. Ses mains se glissèrent sous son compagnon, qu'il serrait contre lui. Leurs corps enlacés se renvoyaient mutuellement chaleur et folle envie... Avec une certaine et curieuse fierté, Mornagest découvrit l'état dans lequel il mettait son amant, qui, le membre épanoui, ondulait le corps avec délice sous les caresses qu'il prodiguait avec le plus de soin possible.

[Lothringen]

Rendre le baiser lui avait pris toute son attention, tout son souffle, et toute son énergie, comme s'il avait voulu livrer son âme entre leurs lèvres jointes. Depuis lors, le semi-drow se perdait dans l'étreinte, creusait inconsciemment le dos lorsque son compagnon parcourait ses courbes, glissait dans le sens contraire des caresses pour leur donner plus de portée. Il ne rouvrait les yeux que par intermittences, comme pour mieux percevoir le rythme secret des gestes de son amant. Il s'était peu à peu établi entre eux une forme d'harmonie qu'ils devaient sans doute à leurs constants efforts pour s'accorder l'un à l'autre : Mornagest se faisait moins brusque, Lothringen moins fébrile... Et l'un comme l'autre prenait le temps de ralentir, en dépit de l'urgence indiquée par leurs entrejambes.

Lothringen laissait ses mains courir longuement sur le dos de son compagnon, des épaules jusqu'aux flancs, et jusqu'au creux des reins. Quand Mornagest s'écartait suffisamment de lui pour lui en laisser l'occasion, il caressait le ventre, les tétons, la poitrine, propageant peu à peu sa chaleur et son désir sur tout le torse de son compagnon. Avec le temps, certaines caresses sur les reins glissèrent un peu plus bas, certaines caresses sur les hanches se prolongèrent jusqu'aux cuisses, les traversèrent et remontèrent sur l'aine. Il évitait malignement le bas-ventre, comme s'il désirait voir combien de temps Mornagest pourrait tenir sans rien réclamer de lui-même.

[Mornagest]

La fusion, bien qu'improbable, s'effectuait, dans une certaine mesure, et avec une intensité qui provoquait des décharges électriques dans tout le corps de Mornagest. Chaque centimètre de peau qui frôlait celle de Lothringen subissait une réaction agréable et puissante, qui s'accumulait avec les autres, pour provoquer des vagues de chaleur dans son dos, son ventre, tout son organisme.

Les caresses du guerrier se faisaient plus insistantes encore, n'oubliant aucun endroit, et particulièrement les plus intimes, du corps de son compagnon. Le contact avec sa peau était ce qui se rapprochait le plus du summum de la douceur et de la tendresse, pour Mornagest. Tiède et souple, frémissante et lisse...

Décidé à prendre quelques initiatives, il s'empara enfin de l'objet de ses convoitises, l'enserrant délicatement entre ses doigts. Il sentit son amant se contracter sous la surprise, et autre chose, probablement.

[Lothringen]

Lothringen, de surprise, avait oublié de respirer. Savouré l'érection. Puis il avait sagement ramené ses mains sur la taille de son compagnon et, les yeux plongés dans ceux de son amant, il s'était figé dans l'attente avec une telle application qu'on aurait dit qu'il craignait de se voir émasculé au premier faux mouvement.

La légère pression des doigts de Mornagest sur cette zone ô combien sensible avait suffi à faire affluer encore un peu plus de sang sur son visage et dans son membre, et à présent, palpitant, le souffle court, il ne pouvait que guetter docilement la prochaine. Il ne jouait plus, ne se dérobait plus, mais attendait, suspendu aux gestes d'un autre comme si sa vie, sa mort en dépendait.

Disposes-en à ta guise. Après tout, il t'appartient.

[Mornagest]

Mornagest s'allongea à côté du semi-drow afin d'avoir un accès plus privilégié à son corps. Puis, lentement, délicatement, il parcourut le membre de son amant de la paume de la main, puis referma les doigts autour, effectua un mouvement répétitif qui eu le don de crisper Lothringen dans une position ensuite immobile. Son visage était fixe, sa mâchoire serrée, ses paupières à peine entrouvertes vers le ciel.

Le guerrier poursuivit sa douce torture, passant sa main libre le long du ventre de Lothringen, flattant au passage ses tétons glabres et d'une douceur qui ne laissait de lui plaire.

Il sentait maintenant le semi-drow s'agiter sous les décharges électriques qui lui parcouraient le corps avec une fréquence croissante. Sa main agrippa le poignet de Mornagest, le serra, le relâcha et se reposa au sol. Ses gestes étaient incontrôlés. Ne pas aller trop loin... il s'arrêta alors, laissa reprendre ses esprits à Lothringen, gardant ses mains posées sur sa peau.

[Lothringen]

Pendant quelques temps, son pouls et son souffle emballés refusèrent de ralentir la cadence, et il se sentit perdu au point de se rappeler à peine qui et où il était. Mornagest... l'avait emmené très loin, ne s'arrêtant qu'au seuil de l'insoutenable. L'espace d'un instant, il se demanda si réellement, le guerrier avait si peu d'expérience qu'il l'affirmait. Il avait peut-être un excellent instinct. Une autre explication était que lui-même réagissait outre mesure, formé par son histoire à... Non. Il ne voulait pas y penser.

Le calme revenait peu après la tempête. Il se redressa pour serrer son compagnon dans ses bras, puis, doucement, l'invita à se rallonger sur le côté comme auparavant. Lui en revanche faisait basculer ses jambes de l'autre côté. Il se remit à caresser le corps de Mornagest, lentement, doucement, comme s'il le réveillait d'un long sommeil. Le flanc, la fesse, la cuisse. Le ventre. L'aine. Le membre. Si fermement délimités, tout en muscles. Il les frôlait à peine, les dessinait du bout des doigts, se jouant des frissons qu'il suscitait.


Ses mains disjoignirent doucement les cuisses, en ciseaux, repliant l'une un peu plus vers l'avant, ouvrant l'autre en arrière. Le membre pointait entre les deux comme le fléau d'une balance. Ses caresses se firent plus insistantes, plus durables, plus profondes. Il s'allongea dans le sens inverse de son compagnon, la tête reposant sur sa cuisse repliée, l'objet du délit à hauteur du visage. A son tour de le saisir entre ses doigts, de le presser, de l'exciter de la langue et des lèvres. A en croire les réactions de son amant, il n'était pas malhabile à cet exercice, et quand il rejeta la tête en arrière pour regarder Mornagest, un sourire d'amusement flottait sur ses lèvres.

[Mornagest]

Crispé de tout son long, Mornagest restait silencieux, les yeux fermés, la bouche entrouverte, la respiration bloquée. Décrire ce qu'il ressentait dépassait les mots ; cela s'approchait de l'évanouissement, tant la torture était divinement plaisante. Reprenant de loin en loin une goulée d'air, il se débattait intérieurement pour ne pas éclater. Des picotements lui fourmillaient dans les jambes, les bras, le ventre, et lorsqu'il releva la tête pour apercevoir Lothringen, ce qu'il voyait lui procurait une nouvelle sensation, plus curieuse encore, rendant encore plus réel le moment de pur bonheur qu'il vivait.

Peu habitué à ce traitement de faveur, le guerrier demanda rapidement grâce, parvenant à se redresser suffisamment et signifier à son amant l'état dans lequel il se trouvait...

[Lothringen]

Lothringen fit d'autant moins de difficultés à arrêter là le supplice qu'il avait déjà décidé qu'il était temps de laisser son compagnon reprendre ses esprits. Le semi-drow avait pris un malin plaisir à plonger son amant dans cet état, mais il ne fallait pas abuser des bonnes choses. Pas trop vite, du moins. En voulant brûler les étapes, on aboutissait quelquefois à ce qu'il s'était passé, une nuit de sinistre mémoire, au bosquet... Lothringen voulait reprendre les choses dans l'ordre, plus sereinement, peut-être ; profiter de ces quelques jours pour consolider une relation si fragile encore. Si la sexualité n'était pas tout, il pensait néanmoins qu'elle jouait un rôle important, surtout entre deux personnes qui peinaient tant à s'exprimer...

Il se retourna, se rallongea auprès de Mornagest, passa un bras derrière ses épaules, puis ferma les yeux. La matinée s'avançait ; la lumière se faisait un peu plus chaude, et les pépiements se raréfiaient. Une brise un peu fraîche dressait les poils sur leur peau nue... Rouvrant les yeux, Lothringen se mit à dévisager son amant qui revenait à lui progressivement, le souffle encore saccadé.


Et une détresse soudaine le rattrapa au cœur de ce moment trop parfait : que ne pouvait-il lui offrir davantage que des parenthèses.

[Mornagest]

Il avait savouré ces instants, se délectant de la douceur, et tout en même temps, de l'insoutenable torture que Lothringen lui infligeait. Le contraste entre ces deux sensations était paradoxal, mais il ne ressentait rien d'autre que cela. À la fois soulagé et peiné que son amant s'arrête, il prit un petit moment avant de reprendre ses esprits, sentant Lothringen s'allonger à côté de lui, lui passer un bras sous la tête... Il rouvrit les yeux, et fixait le semi-drow.

Comme à son habitude, il avait foncé sans réfléchir aux conséquences. Sans se demander où cela le mènerait. Il commettait presque toujours la même erreur, dans d'autres situations parfois mortellement dangereuses ; récemment, cela avait même failli leur coûter la vie à tous les deux.

Désormais, il s'interrogeait sur la suite des événements. Troublé par son manque d'expérience, il ne savait comment agir... tout comme il ignorait quelle serait la réaction de Lothringen, s'il ne poursuivait pas sur leur lancée... à moins qu'il n'eût préféré s'en tenir là pour l'instant, et s'adonner à d'autres activités moins intimes ? Le doute le taraudait. Il sentit une boule se former dans son estomac, alors qu'il cherchait à formuler sa demande. Et, contre toute attente, il parvint à parler sans bredouiller :

"Est-ce que tu préfères qu'on en reste là ce matin ?"