[Boutique] La Vierge d'Argent

[Oriane]

"Une tasse de thé, oui. Oui avec plaisir."

Oriane sourit en retour, plus détendue qu’elle ne l’imaginait. La moinesse avait ce...quelque chose, qui la mettait à l’aise. Peut-être était-ce dans le ton qu’elle avait employé, ni pressant, ni autoritaire, le ton d’une discussion banale. La jeune femme savait pourtant au fond qu’il n’en était rien, et n'en attendait pas moins la fin de la discussion, le verdict, avec une impatiente mêlée d’appréhension.
Pendant qu'Elissa préparait le thé, elle regarda autour d'elle. L'endroit commençait à lui être familier, une sorte de second chez-elle. Elle réalisa soudain qu'à son ancienne habitude, elle s'était mise à tordre son médaillon dans tous les sens. Dans un éclaircissement de voix, elle le lâcha, se tourna vers la moinesse et prit la parole :

"Je crois...qu’il va falloir que je vous parle un peu de Linceul, n’est-ce pas ? Vous voulez tout savoir, de notre arrivée jusqu’à mon retour ? Ou...juste l’essentiel, pourquoi ces disparitions..."

[Elissa Keens]

"Alors, je vais faire chauffer l'eau. Bouge pas, je reviens"

Elissa disparut dans la pièce d'à coté. Oriane l'entendit prendre le broc d'eau et verser son contenu dans une petite marmite en fonte et accrocher le tout au dessus du fourneau où elle qu'elle enflamma avec un briquet d'amadou. Elle revint avec de tasses en terre cuite qu'elle posa sur la table et s'assit en face d'elle.

"Oui, j'aimerais bien que tu me racontes tout. Avant, j'aimerais juste te dire que tu n'as pas à te reprocher quoi que ce soit. C'est horrible et rassure-toi, on ne se blinde jamais assez contre ça. Mais tu n'es pas responsable."

*Autant que moi je l'étais, pour m'être trop éloignée de ma mère et du convoi. Mais je ...*

"Tu ne pouvais pas y faire grand chose."

[Eliaëdel]

Un rêve.

De retour dans la clairière. L'elfe s'est levée, dans une demi conscience brumeuse. La nuit était d'encre; dans une ambiance fraîche. Elle a senti les brins d'herbe sous ses pieds. Humides. Curieusement glacés. Et de ses yeux qui commençaient enfin à percer l'obscurité, les silhouettes noueuses et torturées d'arbres aux longues feuilles sombres, mates se découpaient nettement en un présage qui s'apparentait à la certitude.
Elle n'était pas seule. Elle en eut la certitude. Une présence indéniable. Avant même que l'apparition ne parle.

« Tu voudrais que je la sauve? » Impossible d'oublier cette voix. Qui l'ébranlait à chaque fois bien plus qu'elle n'aurait aimé à devoir l'imaginer. Mais ce n'était plus de la peur qui l'animait.
« Tu te resteras seule. Tu le sais. Et quoi que tu fasses, rien ne l'empêchera. Elle prépare ses adieux. Ses dernières volontés. Ton amour a des conséquences puissantes et inattendues, petite servante. Elle lâche prise.
Mais tu ne l'auras pas. Elle sera ingrate. Mais je serai là, à la fin de toute chose. »

Son rire s'est répandu dans les ténèbres. Moqueur. Implacable. Un murmure à son oreille, dans son dos. Alors qu'elle a senti une main posée sur son épaule; ferme, puissante, mais fine. Quasi affectueuse. Mais de cette affection qui valait possession. La barde s'est senti chavirer. « Tu n'es appelée qu'à vivre dans les ténèbres. C'est ce à quoi tu as toujours aspiré. Oublier les règles. Les scrupules. » Une vérité nue, froide. Mais une vérité tout de même. La main a lâché son étreinte.

« Sauve la. » L'elfe a à peine reconnu le son de sa propre voix. Etranglé. Tremblant.

Le sourire s'est fait encore plus sardonique.

« Toujours cette idée fixe? A ta guise. Je t'aiderai dans ce cas. Tu en souffriras. Mais rien ne sera gratuit. J'aurai sous peu besoin de toi. Tu obéiras. »

[Oriane]

"Sans doute..."

Elle avait murmuré ces mots dans un souffle, songeuse. La moinesse n’était pas la première à le lui dire, elle ne serait sans doute pas la dernière. La jeune femme laissa passer quelques secondes, les yeux rivés sur sa tasse, comme cherchant ses mots, puis elle commença à raconter :"Dès notre arrivée, j’ai senti que quelque chose n’allait pas dans cette ville. Je ne sais pas si c’était à cause du temps, toujours ombrageux, ou à cause de ce...silence. L’impression s’est vite confirmée. Madame...Banks m’avait demandé de sortir Jeanne, Michael et Lizzy. C’est là que nous avons croisé pour la première fois les linceuliens. Des enfants. Cela peut paraître presque...ridicule de dire ça, mais ils étaient...effrayants. Ils ont commencé à nous encercler, à se rapprocher de nous. Ils disaient qu’ils voulaient jouer mais leur regard...Aucun enfant ne peut avoir un tel regard. C’était comme s’ils étaient...possédés. Et ils s’approchaient, de plus en plus. Leurs visages...étaient comme des masques qui disparaissaient petit à petit pour montrer qui ils étaient vraiment..."

Elle s’arrêta, consciente que ses dernières phrases étaient peut-être un peu décousues. Elle retranscrivait pêle-mêle les choses, telles qu’elle s’en souvenait. Elle s'accorda quelques instants, le temps de remettre un peu d’ordre dans ses pensées, puis poursuivit :

"Je ne sais toujours pas quelles étaient leurs intentions à ce moment là...peut-être voulaient-ils juste nous faire peur. Après tout, ils avaient besoin des enfants en vie...Quoiqu’il en soit, Jeanne a allumé son briquet, ils se sont arrêtés, et leurs visages sont redevenus...normaux. C’est juste après que nous avons rencontré Colin. Gran...storm je crois. Un linceulien. Il devait être plus proche de mon âge quand il...Enfin, je lui ai posé quelques questions sur la ville, sur l'héritage. Il s’est montré assez évasif, mais il fallait s’y attendre je suppose. Il était avec eux."

Sa dernière phrase avait sonnée faux. Elle revoyait encore le visage de Colin, dans le cimetière, la dernière nuit, juste après la chute de l’arbre. Elle secoua la tête.

"La nuit qui a suivi, deux de ces enfants sont apparus dans la chambre de Jeanne. Ils lui ont dit qu’ils savaient pourquoi j’étais là, que si je ne les laissais pas tranquilles, les choses...allaient devenir terribles pour moi. Et puis ils sont partis. J’ai tenté de la rassurer comme j’ai pu et elle s’est rendormie. Ils n’ont pas essayé de revenir. Le lendemain, les enfants ont voulu venir jouer dans le jardin, nous les avons laissé faire. Tout se passait plutôt...bien, jusqu’à ce que Michael se rende compte que son chien avait disparu. J'ai fini par partir à sa recherche, avec Colin. Et nous l’avons trouvé, dans le cimetière. Mais il avait un comportement...bizarre. Et il puait. Comme s’il était...mort, sans l’être tout à fait."

Elle s’interrompit, but une gorgée de thé puis, gardant la tasse encore chaude entre ses mains, leva les yeux vers la moinesse qui se contenta de hocher la tête, l’incitant à continuer."Colin ne m’a donné aucune explication. Il m’a juste dit que c’était à cause de...l’atmosphère de la ville, que tous les animaux finissaient comme ça. Je n’ai pas insisté. Colin m’a raccompagnée et il m’a invitée pour...la réception. Il m'a dit que c'était une réception qui avait lieu une fois par an, pour accueillir les nouveaux venus à Linceul. J’ai accepté, pour le faire partir. Nous avions décidé avec les enfants de nous rendre dans le cimetière pour comprendre ce qui se passait. Les parents sont allés à la réception. Bérénice s’en faisait une joie. Je me demande si je n’aurais pas du les en empêcher...les faire venir avec nous, ou juste nous faire quitter la ville à ce moment là, je ne sais pas..."

Elle secoua la tête.

"On a recroisé Colin, dans le cimetière. Il a voulu que les enfants viennent avec lui jusqu’à un amphithéâtre où leurs parents avaient été...emmenés. Je m’y suis opposée, il est...parti. On a...continué vers l’amphithéâtre et on a vu. Leurs parents et une jeune femme étaient attachés, sur la scène. Les linceuliens étaient là, tous et l’un d’entre eux était en train de faire...quelque chose à Bérénice."

Ses mains s’étaient mises à trembler, imperceptiblement mais elle les sentait. Elle s’arrêta encore un instant, inspira profondément et s’efforça une nouvelle fois de remettre de l’ordre dans ses idées, de se détacher de son histoire, comme si ce n’était pas à elle que c’était arrivé.

"Je...j’oubliais, on a rencontré près de l’amphithéâtre une jeune femme, blessée. Je crois qu’elle venait de Manost elle aussi. Et un autre couple a fini par nous rejoindre. Ce n’était pas des linceuliens non plus. Ils nous ont aidé à renverser l’arbre qui surplombait l’amphithéâtre. Et...on a réussi, l’arbre est tombé, la lumière a inondé la scène et les...linceuliens sont...morts. Brûlés vifs. Mais on est arrivés trop tard. Le père et la jeune femme allaient...bien. Enfin aussi bien que possible compte tenu des circonstances. Mais les...linceuliens avaient eu le temps de transformer la mère en...l’une d’entre eux. Et elle est...morte, comme eux. Et je...nous n’avons rien pu faire."

Elle laissa passer quelques secondes, le temps de chasser l’image résiduelle, le visage crispé par la douleur de Bérénice, puis elle leva les yeux vers Elissa.

"Voilà toute l’histoire..."

[Elissa Keens]

Elissa était restée un long moment, les yeux fixés sur les mains tremblantes, sans trop savoir quoi dire, inquiète. La mission avait été beaucoup plus difficile qu'elle ne s'y était attendu. Elle n'aurait jamais l'envoyer là-bas. Seule, du moins. Mais c'est ce qu'elle avait fait, et elle n'en était pas revenue indemne. Il fallait l'aider, réparer. Et l'aider à accepter, prendre un peu de recul faute de mieux. Elle savait à quel point c'était terrible. Elle dit doucement.

"Je vois ... Le ... le thé va atténuer le tremblement .. pour tes mains"

Sans trop savoir pourquoi, elle avait pris la main d'Oriane et l'avait serrée dans la sienne un bref instant. Un geste de réconfort, rare chez elle. Un geste d'humanité avant l'immobilité complète. Un peu de lumière avant la grande obscurité. Elle avait souri.

"Je crois que personne à ta place, ni toi, ni personne n'aurait réussi à la sauver. Parce que c'était écrit, décidé. Et même si c'est très moche, il n'y avait rien à faire. Et tu as fait beaucoup. J'ai croisé les petits Banks, peu de temps après leur retour en ville. Ils ne parlaient que de toi. Jeanne voudrait te revoir, Michael a plein de choses à te demander et tu manques à Lizzy. Jamais ils n'ont dit qu'ils t'en voulaient ou quoi que ce soit d'autre. Tu as fait tout ce qu'il y avait d'humainement possible. Tu sais ... il est possible que tu croises d'autres drames. Mais tant que tu auras fait tout ce qui était en ton pouvoir, tu ne devras rien te reprocher ..."

*Et j'espère que tu t'en souviendras quand j'aurai disparu*

[Oriane]

Oriane hocha lentement la tête, puis sourit. Dans son regard, il n’y avait ni amusement, ni insouciance, juste de la reconnaissance. La réaction de la moinesse, ses paroles, le fait de savoir que les enfants ne lui reprochaient rien l’avaient...réconfortée. Peut-être était-ce vrai après tout, peut-être n’aurait-elle vraiment rien pu faire. Il allait lui falloir du temps encore, mais pour la première fois peut-être depuis son retour, elle voyait le moment où elle ne ressentirait plus cette...culpabilité.

"J’espère...que j’aurai l’occasion de les revoir. Ils ont vraiment été adorables. Et courageux...Si vous aviez vu cette lueur, dans le regard de Jeanne quand elle...quand ils ont décidé de m’accompagner ce fameux soir. Une telle détermination..."

Elle s’arrêta, songeuse. Elle avait longuement hésité ce soir là, elle avait eu peur de les mettre encore plus en danger en les emmenant avec elle. Finalement, elle n’avait pas eu à regretter cette décision. Et leur présence, les savoir, là, savoir qu’elle devait les protéger, lui avait presque fait oublier sa propre peur. Eux aussi avaient eu leur rôle à jouer, et ils s’en étaient tirés admirablement.

"Alors ils vont bien ? Ils doivent à peine commencer à se remettre dans la...disparition de leur mère..."

[Eliaëdel]

Le paysage a paru s'estomper autour d'elles. Un autre endroit s'est matérialisé progressivement à travers l'obscurité qui les baignait. L'étage d'une auberge. Sur les traces de sa jeunesse; à Berdusk. Du moins, son reflet grotesque, déformé et autrement plus mortel. Aux lueurs des lanternes semblables à des feux follets. Peuplée de spectres familiers. De vieux ennemis et de rares êtres aimés. Tous trépassés. Au regard vague. Qui passaient à côté d'elle sans la reconnaître.

« Le temps passe, n'est ce pas? » Allusion sans fard à ses blessures, ses meurtrissures et ses défaites. D'autant plus frappante sur les lieux de sa jeunesse. « Tu aurais du te remettre déjà de tout ceci. Du moins tu l'aurais fait il y a quelques décennies. » La femme a crispé ses mâchoires. Elle savait. Son droit à l'erreur se réduisait d'autant. De fait, il était devenu inexistant depuis qu'elle avait étreint cette Ténèbre là.

« Même les elfes ne sont immortels. Même s'ils se refusent souvent à le considérer. » Des doigts cajoleurs ont couru sur ses joues. Elle n'a pas réussi à les repousser. Le contact à la fois tiède et frais.

« Brave petite servante. Tu vieillis lentement; bon nombre de ceux qui t'ont connue seraient étonnés de te savoir capable de survivre jusqu'à ce point. Mais tu me serviras bien. »

Une gifle l'a projetée à terre. Sans effort. Sans raison apparente. D'un simple revers de la main. Au pied de l'escalier, les tempes bourdonnantes. La barde a tenté de rouler sur le côté. Ca n'a guère suffit pour éviter la pointe d'une botte dans les côtes; sensation d'écrasement, d'étouffement. La douleur a vrillé dans tout son corps. Pas assez pour qu'elle ne se réveille. Pas assez pour se permettre d'y échapper. La poigne de fer l'a relevé avec la même facilité. Un instant, elle a plongé son regard dans ces yeux sans fond, sur ce visage à couper le souffle. Tout embryon de rancoeur et de révolte s'est évanoui. Seul le désir de Lui plaire avait sa place.

« Pour cela il va falloir vivre, mon petit pion dément. Je ne tolèrerai plus que tu tentes de mettre fin à tes jours. Mais tu l'as compris, désormais. Je te le souhaite. »

[Elissa Keens]

Elissa avait hoché la tête avec un sourire.

"Oui, ils vont bien. Du moins, autant qu'on peut aller. Ils réclament tous après toi. Même leur père voudrait te voir pour te remercier. Je crois même qu'ils passeront ici un jour pour te proposer une invitation. Je ne sais pas comment tu t'y prends avec les enfants, mais moi, ils me fuient au me jettent des pierres."

Elle mentait. Depuis longtemps, les grands comme les petits ne fuyaient pas, bien au contraire. Très souvent, après l'avoir détaillée un long moment, ils finissaient par sourire. Et même par la suivre partout.

[Oriane]

"Je crois que les circonstances ont beaucoup joué. Ils avaient besoin d’une présence, j’étais là."

Elle songea, un bref instant, que ce n’aurait sans doute pas été le cas si leur mère avait été plus présente auprès d’eux mais chassa rapidement cette idée. Quelles qu’aient été les erreurs de cette femme, elle préférait ne pas se souvenir d’elle ainsi. Elle secoua la tête et esquissa un sourire.

"Enfin peu importe. En ce qui vous concerne, je suis certaine que c’est loin d’être aussi catastrophique que vous le prétendez. M’est avis que Brus n’a pas fuit en vous lançant des pierres quand vous l’avez...engagé dans la guilde."

Elle avait prononcé ces mots, autant dans l’espoir de glisser ainsi vers un autre sujet que parce qu’elle les pensait vraiment. Elle n'imaginait vraiment pas des enfants tourner le dos à Elissa, être effrayés par la simple idée de l'approcher. Certaines personnes attiraient l’antipathie, la crainte. Mais la moinesse n’était pas de ceux là.

[Elissa Keens]

Elissa sourit. Ha oui, Brus. Non, elle ne l'avait pas oublié. Mais pour elle, Brus n'était pas un enfant, loin de là. Sa débrouillardise, sa gouaille, sa maturité et ses analyses étaient presque celles d'un adulte. Mais il la supportait, c'était déjà bon signe. Et il tenait le coup.

Quant aux autres ... elle aurait bien aimé voir quelle mère elle aurait été avec ses enfants. Dûr à savoir. Et elle n'aurait jamais la réponse. Quelque chose dans son esprit la rappela à l'ordre. Non, elle ne devait pas penser à cela. Se laisser distraire.

"Il faut que je te dise quelque chose à propos d'Eliaëdel, commença-t-elle, pesant chaque mot, elle est revenue. Il y a eu un accident. Elle a été blessée. J'ai ... été obligée de l'attacher. Je te dis ça pour que tu ne sois pas surprise ..."

[Eliaëdel]

« Tu seras trahie. Tu ne fais pas partie de ses pensées. Ni de ses rêves. Tu es tout juste un rappel de sa mauvaise conscience. Tout juste un rappel des peurs qu'elle veut chasser. Elle t'oubliera. Elle partira. »

Les accents de vérités, de prémonition étaient dans ses propos. Ainsi qu'une satisfaction cruelle. La colère a lentement afflué. Un sourire malsain s'est dessiné sur les lèvres de la créature.

« Pas encore assez abattue pour ne pas céder à la rancoeur? Tout n'est peut être pas perdu pour toi. Ton temps viendra. Sois en sûre. »

Le paysage s'est dissous autour d'elle. L'auberge a disparu. Les fantômes se sont étirés en un rictus de souffrance avant de s'évaporer à leur tour. La main qui la maintenait debout l'a lâchée. La barde s'est senti tomber. La chute s'est faite de plus en plus rapide. Une vaste étendue noire et scintillante sous s'est pieds qu'est rapprochée d'elle. Rien n'a pu freiner l'impact. Douleur fulgurante. Sensation de craquement des os. Avec cette conscience qui refusait de vasciller envers et contre tout. La nuit au dessus d'elle a ricané. Un papillon aux ailes noires s'est posé sur elle. Puis un autre. Puis des milliers d'autres ont afflué. Comme un linceul fauve et sombre autour d'elle.

« Nous nous reverrons. » Un dernier appel. Moqueur. Égrillard. Au plus profond de son âme. Malgré les hurlements de douleur et de rage mêlée qui lui faisaient perdre tout contrôle, ces mots étaient distincts dans son esprit.

Quand elle s'est réveillée, elle criait toujours. La voix brisée. A tenter de se débattre vainement de ses entraves.

[Oriane]

La jeune femme hocha lentement la tête. Surprise...elle ne l’était pas vraiment. Après ce couteau, lancé sur Althéa et elle sans raison aucune, elle s’attendait plus ou moins à tout de la part de l’elfe. Ce qui l’intriguait par contre, c’était l’accident. Pendant toute la soirée, elle avait eu l’impression qu’il allait se produire, ou qu’il s’était produit quelque chose. Elle s’était juste trompée, en imaginant que c’était Elissa qui allait être blessée.

Son regard croisa celui de la moinesse, et elle hésita un instant. Son premier réflexe fut de songer que cela ne la regardait pas. Puis elle réalisa qu’elle faisait parti de la guilde désormais, et que ce qui touchait ses membres finirait sans doute par la concerner, de près ou de loin. Finalement, elle se décida à répondre :

"Je ne voudrais pas...m’immiscer dans ses histoires, mais que s’est-il passé ?"

Comme pour ponctuer sa réponse, un cri venu de l’étage parvint à ses oreilles. Elle se tourna, instinctivement, vers les escaliers avant de lancer un regard interrogatif, presque inquiet à Elissa.

[Elissa Keens]

Elissa était passée de la station assise à la course dans les escaliers en quelques secondes. En entrant dans la chambre, elle manqua rentrer dans Althéa, qui se tenait immobile au centre de la pièce. Les yeux écarquillés, elle regardait Eliaëdel hurlant et bougeant tellement que ses liens étaient sur le point de se défaire. Des liens ? Mais pourquoi l'avait-on attachée. Vu l'état du sang séché sur son ventre et ses pantalons, il ne s'agissait pas d'un jeu. Mais que s'était-il passé ?

Elissa passa devant elle et s'assit sur le lit. Elle immobilisa Eliaëdel d'une main et de l'autre caressa doucement sa joue en lui parlant doucement.

"Réveille-toi. Calme. C'est moi"

[Oriane]

La moinesse s’était précipitée dans les escaliers, sans un mot. La jeune femme se leva, hésitante. Elle fit quelques pas en direction des escaliers, s’arrêta et écouta. Elissa avait du rejoindre la chambre de l’elfe, mais aucun nouveau bruit ne parvenait jusqu’à la boutique. Si le cri avait été un cri d’alerte, elle aurait certainement entendu des bruits de lutte, ou quelque chose approchant. Mais là, seule la voix, éraillée, de l’elfe descendait encore jusqu’à elle.
Par acquis de conscience néanmoins, elle commença à gravir les marches à son tour, beaucoup plus lentement. A chaque pas, elle oscillait entre l’idée de faire demi-tour et celle de continuer. Elle sentait confusément que sa présence en haut ne serait certainement d’aucune aide, qu’il serait peut-être même préférable qu’elle ne s’en mêle pas. Mais cela valait sans doute mieux que d’attendre en bas en s’interrogeant sur ce qui était en train de se passer.
Finalement, elle arriva sur le palier, glissa son visage par l’embrasure de la porte et demanda, d’une voix où perçait clairement l’hésitation :

"Est-ce que...ça va ?"

[Elissa Keens]

Un sentiment de panique s'empara de la demi-elfe. Que pouvait-elle dire à Oriane ? Elle allait sûrement se rendre compte que son explication n'avait été qu'un mensonge. Non, ce n'était pas un accident. Cela n'avait rien d'un accident. D'ailleurs, on n'attachait pas les blessés d'habitude. Une idée lui vint à l'esprit. Une chanson paysanne qu'elle avait entendu de nombreuses fois. Il s'agissait d'un remède, d'un remède imparable. Et bien sûr, cela revenait dans les moments critiques. Elle chantonna à mi-voix.

"Une p'tite carotte dans l'cul, il n'y paraîtra plus"

Elle se reprit en voyant Althéa ouvrir des yeux tout ronds.

"Oui, je crois que ça va. Un cauchemar, je pense. Elle a juste besoin de repos"

[Oriane]

Oriane avait aperçu Eliaëdel, allongée sur le lit, attachée, une expression indéfinissable sur le visage. De la colère, de la douleur, de la peur peut-être aussi et...autre chose. Mille questions avaient eu le temps de lui traverser l'esprit. Que s'était-il passé ? Etait-ce vraiment un accident ? Puis la moinesse avait répondu. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant que la jeune femme détache son regard de l'elfe et hoche lentement la tête. Elle prit une inspiration, prête à dire quelque chose, une banalité, n'importe quoi. Qu'elle allait la laisser se reposer, qu'elle attendrait dans le couloir. Mais elle se ravisa et se contenta de sortir de la pièce, sans un mot. Elle avait eu sa réponse, le cri n'était pas un cri d'alerte. Le reste ne la concernait pas.

[Elissa Keens]

Elissa était restée un moment dans la chambre, sans trop savoir quoi dire. Althéa, à court de mot avait fini par descendre à son tour. La moinesse avait regardé un long moment la barde, allongée sur son lit de douleur. Elle n'avait pas parlé. Non, elle était bien au delà des mots.

"Ne parle pas, s'il te plait", avait elle fini par dire.

Lentement, elle avait détaché un à un les liens qui l'entravaient, jusqu'au dernier. Le visage indéchiffrable. L'espace de quelques secondes, Eliaëdel crut voir des larmes briller au coin de ses yeux. Mais peut-être brillaient-ils simplement. Une fois qu'elle l'eut détachée, elle se dirigea vers la porte pour sortir.

"Ne recommence jamais.", dit elle avant de passer le seuil.

[Eliaëdel]

Elle avait tenté de parler. Ses lèvres avaient bougé. Le coeur battant, irrégulier. A moitié par la souffrance. Par le doute aussi. Mais rien n'était sorti de ses lèvres. Incapable alors qu'elle l'avait voulu. La voix brisée l'a abandonnée. Elle a à peine senti les liens se desserrer autour d'elle. Sensation fugace de gratitude. Elissa était une image vascillante dans son regard.
La barde a paru entendre. Comprendre aussi ce qu'il se passait. Elle a voulu la retenir, même qu'un instant. Sa main s'est levée. Avant de retomber mollement. Ses yeux se sont fermés alors que la moinesse l'a laissée seule dans la chambre. L'humidité a brûlé ses yeux.
Elle a pleuré. En silence. Sans honte. Sans même chercher à s'en cacher. Longuement. Agité de frissons et de contractions involontaires. Autant liés à ce corps qui la trahissait qu'à des sentiments qui ne voulaient pas mourir. Malgré leur futilité.

Le temps filait. Les grains de sable chutaient de plus en plus vite.
Les avertissements de Shar étaient des présages sinistres. Même s'ils pouvaient être tout aussi bien n'être que des mots destinés à l'égarer encore davantage. Ou au contraire une vérité destinée à la désespérer tout autant.

Cette condamnation à vie avait un parfum de poison. Celui de son esprit. De son existence. Et à cela, même la folie était impuissante.

[Dhast]

Voilà plusieurs minutes que Brus était descendu de son tonneau, qu'il avait remis les pieds sur terre et qu'il marchait en direction de la Vierge d'argent. Comme à l'allée, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon bleu nuit crasseux, ses doigts jouaient avec les grains de sables ou de poussières qui s'y accumulaient, ils glissaient sous ses ongles en même temps qu'il cherchait à les en déloger. Les toits défilant et inégaux encadraient le ciel immobile et constant au-dessus de sa tête, au dessus de la ville. Encore quelques pas et il franchit la porte du bâtiment, presque comme chez lui, il s'en étonna assez brièvement. Ce tour en ville l'avait soulagé de l'atmosphère pesante de la guilde et, plus frais, il se mit en quête de la moinesse.

[Elissa Keens]

Althéa était descendue retrouver Oriane. Elissa ne l'avait pas suivie. Juste une petite pause, n'être plus rien l'espace d'un instant. Souffler un peu, du moins essayer. Elissa s'était assise au milieu des escaliers. De toute façon, elle n'aurait pas pu faire un pas de plus. Sa tête lui tournait sensiblement. Depuis combien de temps n'avait elle pas mangé ? Trop longtemps probablement. Mais ça ne comptait plus.

Ce tourbillon ne lui rappelait que trop ce qu'elle avait en tête. Le chaos. Il fallait qu'elle revoie Fergus ou elle finirait par s'écrouler. Ou peut être n'avait elle envie de revoir personne. Qu'on la laisse enfin en paix. Faire abstraction, et mine de rien faire fi de tout. Assise sur les marches, elle pleurait sans pouvoir s'arrêter.

[Eliaëdel]

Elle s'est relevée, pliée en deux. Malgré sa faiblesse. Replonger dans le sommeil et ce qu'il lui promettait la révulsait. Sur des jambes hésitantes. Sur des jambes qui peinaient à la porter. Elle était faible. Désespérément faible. Une main contre le mur pour soutenir son corps. Elle a essuyé des yeux d'une main maladroite. Sans rien vraiment dissimuler de sa peine.

La femme a poussé la porte. La vue encore brouillée. La vue de la moinesse sur les marches l'a figée un instant. Elle s'est ressaisie. Elle s'est approchée doucement. Avant de s'asseoir non loin d'elle. Prise par des douleurs sans cesses renouvellées. Qui valaient toujours mieux que des rêves qui la désespéraient. En silence. Parler en un tel instant? Non. Les mots n'auraient pu que paraitre grossiers, maladroits.

La barde a posé sa main sur son épaule. Les joues encore humides. Dans un geste d'affection discret. D'empathie véritable. Empreint d'une détresse réelle. Son bras a frémi. Vidé de ses forces.

[Oriane]

Oriane s'est d'abord arrêtée dans le couloir, quelques secondes. Elle s'était efforcée de garder un visage impassible dans la pièce, distant. Désormais seule, elle laissa transparaître ce qu'elle ressentait et quiconque l'aurait vue à ce moment là aurait immédiatement décelé la lueur d'inquiétude dans son regard. Elle soupira. Elle ne pouvait pas, elle ne devait pas s'en soucier.
Elle a du se blesser, on l'a attachée pour qu'elle ne réouvre pas une plaie en s'agitant.
L'explication ne la satisfaisait qu'à moitié, mais elle suffirait. Ce qui touchait l'elfe ne la concernait pas. Après un dernier regard vers la porte, ne voyant personne décidé à sortir à son tour, elle descendit dans la salle commune et se rassit face à sa tasse de thé. Il en restait un fond, probablement tiède, presque froid, et imbuvable. Des bruits de pas se firent entendre dans les escaliers et la jeune femme leva les yeux pour voir Althéa arriver. Elle lui lança un regard interrogatif et la question qu'elle s'était promis de ne pas poser franchit malgré elle ses lèvres.

"Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?"

[Althéa]

Althéa mit du temps à répondre. Depuis quelque temps, elle ne comprenait plus rien à la Vierge d'Argent. Autrefois - avant l'arrivée d'Eliaëdel - tout était tellement simple. Elissa distribuait les missions, discutait quand bon lui semblait, redressait la barre quand il le fallait. Son amie semblait à l'aise, dans sa petite vie de maîtresse de guilde. Aujourd'hui, elle ne reconnaissait plus rien. Et maintenant, Eliaëdel était allongée dans son lit, attachée. Que pouvait-elle répondre ? Ce qu'elle pensait, sans doute.

"A mon avis, elle a essayé de se faire mal. Et Elissa l'en a empêché."

**

Dans les escaliers, Elissa se dégagea brutalement, les poings serrés, d'un mouvement épidermique.

"Ne me touche pas, s'il te plaît. Ce n'est pas honnête. Je ... je ne t'aime pas. J'aime quelqu'un d'autre. Il faut que tu saches ça. A part de l'amitié, tu n'auras rien d'autre de moi ..."

Elle avait parlé sans agressivité, mais d'une voix ferme. La regardant droit dans les yeux.

"Je suis désolée."

[Eliaëdel]

Son bras a glissé sans force; elle a ricané. Faiblement. Avant de partir sur quelque chose de plus... malsain. Désespéré. Et dément. S'en douter. Elle aurait du s'en douter. La faible trace d'espoir qui subsistait a vascillé avant de disparaître entièrement. La petite trace de lumière dans son coeur s'est éteinte d'un coup.
Elle a enfoui son visage entre ses mains.

" Tu. "

Une pause. Une respiration pénible, oppressée, peu agréable à entendre. Le visage émacié, pâle.

" Pourquoi me laisser vivre dans ce cas? Tu sais que ça ne... ça t'aurait sauvée. Voulais que tu vives. C'était pour toi qu... " Des mots à moitié incohérents. Des larmes ont glissé entre ses doigts. Entrecoupées de ricanements nerveux. Elle s'était donnée à Shar pour elle. Pour apprendre... la trahison. Le coup de poignard dans le coeur. C'était ce sentiment qui la dépassait. Le destin était ironique dans sa manière de distribuer les cartes. Et volontiers cruel.

" Etouffe toi dans ton bonheur. Je ne veux pas de ton amitié. Voulais pas ça. Déjà assez souffert. Et laisse moi crever comme je l'entends. "

Elle s'est affaissée tout doucement. Pâle comme un fantôme. A peine plus tangible. A peine plus forte. Elle n'a plus bougé après ça. Une carcasse vide dont le coeur battait par habitude. Comme ailleurs.

[Oriane]

Bien entendu...c'était par trop évident. C'était étonnant comme on pouvait refuser d'imaginer certaines choses, à ce point que même lorsqu'elles se voyaient comme le nez au milieu de la figure, on n'y pensait pas. Jusque là, elle pouvait toujours se dire que l'elfe était juste...étrange. Il lui semblait désormais évident qu'elle avait plutôt perdu une bonne partie de sa raison. Comment ? Pourquoi ? Et qui se ferait ainsi du mal volontairement ? Elle secoua la tête. Le simple fait d'essayer d'imaginer une réponse à ces questions la mettait mal à l'aise. Presque par automatisme, elle porta la tasse à sa bouche et bu une gorgée. La tiédeur de la boisson la fit grimacer, et elle reposa la tasse sans la finir, avant de relever les yeux vers Althéa.

"Et ça arrive...souvent, ce genre d'incident ?"

[Althéa]

Althéa avait cherché dans ses souvenirs. Oui, elles avaient eu quelques coups durs dont elles s'étaient toujours bien tirées. Mais il en allait de même pour toutes les guildes. Mais toutes les guildes n'avaient pas ... Eliaëdel. Et elles ne savaient pas la chance qu'elles avaient. Elle soupira.

"Non, il n'y a jamais eu ce genre de choses. Et je n'avais jamais vu Elissa aussi fragile."

Inutile d'inquiéter d'avantage Oriane. Mais depuis quelque temps, son amie déclinait. Elle avait encore maigri sous sa robe de bure. Et avant ça, elle ne l'avait jamais vu pleurer.

"Je crois qu'elle va avoir besoin de nous."

**

Elissa était restée silencieuse durant quelques secondes. A quoi d'autre pouvait-elle s'attendre ? Elle l'avait blessée, et cela volontairement. Elle ne supportait pas cet attachement servile, au delà de sa vie. Elle voulait qu'elle la déteste. Qu'elle s'éloigne. Mais pourquoi cela lui faisait-il si mal.

Elle se leva lentement et descendit les marches sans rien dire. Là, elle se retourna brièvement, le regard indéchiffrable. Et avant que l'elfe ne puisse ajouter quelque chose, elle s'enferma dans son bureau.

[Eliaëdel]

Elle n'a pas bougé. A moitié allongée contre les marches de l'escalier. Les yeux gonflés, vides, hagards. En lambeaux. Physiquement comme mentalement.

Elle a dodeliné de la tête. En une litanie muette. Ses lèvres se sont agitées. Sans son. Peut être des insultes. Des imprécations. Ou des restes de sentiments, de tendresse. Rien n'est sorti. Sans espoir. Et pas même Shar ne la guérirait. Elle se nourrissait de détresse. Elle l'entretiendrait. L'avenir ténu venait de s'effondrer sous ses pieds.
Le seul chemin qui lui restait ne lui apporterait aucune joie. Mais s'il se contentait d'une mort rapide...

[Oriane]

Oriane hocha lentement la tête. Cela tombait sous le sens. Elle avait été accueillie ici, Elissa lui avait fourni un toit et un travail, alors qu'elle ne la connaissait absolument pas. Lui apporter son soutien dans des moments qui, à n'en pas douter, étaient particulièrement difficiles lui sembler la moindre des choses.

"Si je peux l'aider en quoi que ce soit..."

Ces paroles auraient pu passer pour l'une de ces phrases toutes faites, que l'on prononçait sans vraiment les penser, mais le ton de la jeune femme indiquait clairement qu'il n'en était rien.

[Dhast]

Brus trouva rapidement le chemin de la salle commune, sans avoir encore rencontré la moinesse. Il reconnut les deux femmes qu'il avait vu au Loyal Paladin et avant d'avoir remarqué leur mines occupées les salua de bonne humeur.

- Hey! z'allez bien? Dites je... Bah... Z'en faites une tête? Y a que'qu'chose qui va pas?

Sans attendre de réponse, Brus franchit les derniers mètres qui le séparaient de la table et s'assit à côté d'Oriane. Tout en prêtant une oreille attentive à leur réponse il délesta ses poches, posant tour à tour sur la table, sa dague, une bourse, et une miche de pain. Il arracha un morceau de cette dernière et le fourra dans sa bouche avant de mastiquer énergiquement, et, un peu bruyamment.

- 'lors?

[Oriane]

L’arrivée du jeune garçon avait légèrement détendu l’atmosphère. Oriane lui rendit son salut d’un sourire et leva les yeux vers Althéa, toujours debout près des escaliers, comme pour l’interroger du regard. Puis elle se souvint que Brus aussi avait été enrôlé par la moinesse, qu’il faisait parti de la guilde, et qu’à ce titre, elle pouvait bien lui faire part de leurs préoccupations. Elle se tourna à nouveau vers lui, haussa les épaules et soupira, dans une tentative maladroite de masquer son inquiétude.

"Et bien...c’est juste que...enfin, Elissa ne va pas très...fort. L’incident, avec Eliaëdel, l’a beaucoup secouée, mais ça fait quelques temps qu’elle n’est pas...au meilleur de sa forme."

Elle lança un nouveau regard, rapide, vers Althéa.

"Je n’en sais pas plus par contre, ça fait trop peu de temps que je suis là."