[Lieu] Combeloup

[Galathée]

Albérich n’avait bien sûr pas manqué la réaction du baron à la mention de la halfeline. Il se demanda si on en viendrait à exiger de lui qu’il choisisse un camp. Pour l’instant, son statut d’étranger méconnaissant leur histoire et ses exigences lui permettait de louvoyer entre le village et le donjon. Il lui semblait cependant que les choses pourraient changer.
« Je crains en effet de ne pas être en état de rentrer chez moi dans l’immédiat. Mais Barthélémy a bien œuvré, je pense que je pourrai repartir demain. Vos hommes ne doivent pas hésiter à me précéder, cependant. Ils repèreront facilement la chambre sur laquelle j’ai jeté mon dévolu. Pour le reste, je ne suis pas territorial pour un sou. »

[Taliesin]

Sire Eudes acquiesça.
-En tout cas, vous ne devez pas hésiter à rester ici plus longtemps, si vous en ressentez le besoin. Il vaut mieux laisser à vos blessures le temps de guérir...
Il posa la main sur la poignée de la porte.
-Pensez-vous nous rejoindre pour le repas ? Ou préférez-vous que je demande à ce qu'on vous apporte quelque chose ici ? Dites-moi ce qui vous convient le mieux, je n'en prendrais certainement pas ombrage.

[Galathée]

Après avoir forcé le baron à se déplacer jusqu’à lui, il aurait été un peu malvenu de trouver brusquement l’énergie de se rendre au dîner. Pourtant, l’ancien clerc aurait été curieux de voir quelle serait l’attitude de Hughes à son égard. Il avait décidément du mal à cerner le personnage. Mais d’autres occasions viendraient, et il était très fatigué.
« Je pense que je ne vais pas bouger, malheureusement. Je gage que j’aurai d’autres occasions de rendre grâce à votre accueil. Pour l’heure, je dois me contenter d’en faire moins. Je suis sincèrement désolé. Vous présenterez mes respects à madame votre fille et à votre sénéchal providentiel. »
Il songea soudain à tout autre chose.
« Je suis désolé de vous rappeler de mauvais souvenirs, mais… avez-vous prévu quelque chose pour les obsèques de votre chapelain ? »

[Taliesin]

La réponse prit le baron au dépourvu, et il demeura un instant muet.
-J'avais quasiment oublié cela... murmura-t-il. Puis il secoua la tête, comme pour remettre ses idées en place. Ada avait émis l'idée de l'examiner avant que nous ne l'enterrions. Je ne voyais guère l'intérêt, vu les causes évidentes de son décès. Cependant, je ne voyais pas non plus pourquoi lui refuser cette possibilité... Néanmoins, au regard de sa fatigue actuelle, je pense que la chose n'est plus d'actualité.
Il soupira.
-Nous allons l'inhumer demain, à l'aube, dans la crypte du château. Elle se situe sous la chapelle de Lathandre, et c'est le seul lieu encore consacré de Combeloup.

[Galathée]

Albérich hésita une seconde.
« Baron, sans vouloir me mêler d’une chose qui vous est personnelle… Selon le culte lathandrite, un clerc parvenu au bout de sa route doit être célébré au crépuscule, plutôt qu’à l’aube, et veillé pendant la nuit. Je pense que… Je n’ai pas bien connu Eloi, mais je pense que… le respect de sa foi voudrait que l’on repousse ses funérailles à l’instant approprié… »
Il n’était pas incongru qu’un Luménien, vivant dans la cité dédiée au dieu du Renouveau, soit au courant de cette pratique. Il n’était pas besoin d’être prêtre. Du moins Albérich espérait qu’Eudes le verrait de cette manière. Et en gagnant un jour, peut-être qu’Ada aurait le temps de venir examiner le corps. Ou lui. Mais il ne voulait pas se montrer inconvenant ou suspicieux dans les murs de celui qui l’accueillait.

[Taliesin]

Sire Eudes demeura un instant silencieux, puis ses épaules se voûtèrent.
-Le crépuscule, bien sûr... soupira-t-il. Ce n'est pourtant pas comme si je l'ignorais, comme si c'était les premières funérailles auxquelles je dois assister. Faut-il que j'ai l'esprit embrumé à ce point pour commettre une telle bourde ?
Il secoua la tête, adressa à l'ancien aubemestre un sourire embarrassé.
-Merci de me l'avoir rappelé. Nous procéderons donc ainsi. Je vous souhaite le bonsoir, messire Ferwyn. Je crois qu'il est temps que j'aille prendre un peu de repos.
Puis il s'esquiva.

[Galathée]

Albérich s’en tint au programme qu’il avait annoncé au baron. Peu après le départ de celui-ci, une jeune servante intimidée lui apporta son repas et il mangea tranquillement sur la petite table qui jouxtait son lit, avant de se concocter une infusion apaisante pour la nuit. Les loups hurlaient dehors, comme la veille, et il craignait les mauvais rêves. Il se changea ensuite, se pelotonna sous les couvertures et laissa le courant calme de la nuit l’entraîner. La valériane fit son œuvre, repoussant les bêtes sanguinaires au dehors, et laissant l’ancien clerc profiter d’un sommeil lourd et réparateur. Il fit bien quelques rêves obscurs, mais sans fil à suivre, amalgame de lieux, visages, événements dont il ne pouvait faire sens.
Au petit matin, la lumière grise de l’hiver l’arracha à ses songes. Il se sentait vaguement mieux. Encore un peu ankylosé, mais la douleur pulsatile de son flanc s’était résorbée et son épaule était un peu raide, rien de plus. Il se leva, fit quelques exercices simples, sans forcer sur les zones convalescentes de sa carcasse, puis se débarbouilla et s’habilla. Il avait la ferme intention de regagner le cottage le jour même. Mais d’abord, petit déjeuner. Il descendit donc vers la salle à manger, un parcours qui commençait à devenir étrangement familier.

[Taliesin]

Lorsqu'il y parvint, il trouva la table dressée, le baron et son sénéchal en train de déjeuner, tout en discutant à mi-voix. Ils interrompirent leur conversation pour le saluer et sire Eudes l'invita à s'assoir sans tarder.
-Vous avez meilleure mine... dit-il. j'en suis heureux.
On ne pouvait pas en dire autant de lui-même : s'il avait dormi, on n'en voyait aucun signe sur son visage pâle, creusé de rides qu'on ne lui voyait pas, ou à peine, seulement quelques jours plus tôt. Quant à sire Hugues, il paraissait également manquer de sommeil, mais sa jeunesse compensait largement, et il paraissait presque aussi gaillard que de coutume.

[Galathée]

« Merci. J’ai dormi comme un loir. »
L’ancien aubemestre rejoignit ses hôtes à table et se servit d’un petit pain encore tiède et de beurre onctueux. Il accepta le bol de thé qu’on lui tendait, rompit la croûte dorée et sourit à la bonne odeur qui se dégagea de la mie.
« Vous avez l’un et l’autre l’air d’avoir passé une nuit beaucoup plus rude… »

[Taliesin]

-Ah, la période est peu propice aux bonnes nuits... répondit le baron. Mais c'est notre devoir de réfléchir à la situation, de tenter de trouver des solutions... Nous aurons tout le temps de dormir une fois cette affaire réglée.
Hugues acquiesça.
-Bien des gens recherchent le pouvoir, les responsabilités... dit-il. N'en voient que le côté pimpant, que l'aspect flamboyant. Or, le plus souvent, il s'agit avant tout de contraintes, d'efforts, de travail acharné, pour peu que l'on soit consciencieux. Pouvoir se rendre utile aux autres n'a pas de prix, mais l'on déchante vite, si l'on n'espère que gloire et jouissance.Eudes opina du chef. Il était visiblement d'un avis très similaire.

[Galathée]

La déclaration de Hughes laissa Albérich un peu pantois. Que le sénéchal s’exprime en ces termes était des plus surprenants, et il se demanda un instant s’il y avait là un message qu’il devait prendre personnellement. Il ne voyait pas bien ce qu’il avait fait pour s’attirer pareil discours. A moins qu’il ne s’agisse là que de l’expression d’une certaine frustration ? Les villageois leur renvoyaient-ils ce jugement ?
La manière dont Eudes se rangea aux paroles de son sénéchal étonna également l’ancien clerc. Les deux hommes semblaient très proches et il se demanda s’il s’agissait là de la proximité logique d’une existence en petit comité, ou si des liens plus étroits existaient ou étaient en voie de se tisser. Hughes devait bien avoir 25 ans, mais peut-être constituait-il le parti idéal pour une future baronne un peu rebelle qui aimait croiser le fer…
Il sourit à ses interlocuteurs.
« Je n’en ai jamais douté. »
Il avait presque envie de leur dire qu’il le savait même mieux qu’eux. Il n’en fit évidemment rien.
« J’espère que vos réflexions ont été fructueuses, dans ce cas. »
Les deux hommes n’avaient aucune raison de lui confier quoi que ce soit, il en était bien conscient. S’ils désiraient aborder la question, ce serait de leur initiative. Il se replongea donc tranquillement dans son petit déjeuner.

[Taliesin]

-Pas vraiment, malheureusement... dit Eudes sans détours. J'ai envoyé deux hommes chez vous, pour qu'ils surveillent les environs. Ils doivent déjà avoir monté du bois, sur le toit, pour faire un feu d'alarme au cas où des loups en grand nombre s'approcheraient trop près du village. Quant à nous, il va nous falloir reprendre nos rondes à cheval. C'est le seul moyen de voir si la situation évolue, si les fauves ont continué leur chemin ou si, au contraire, il faut s'attendre à une déferlante.
Pour autant qu'Albérich pouvait en juger, ils ne cherchaient en rien à lui dissimuler leurs plans, à en faire secret.

[Galathée]

Albérich écouta Eudes avec attention, hochant la tête pour soutenir son discours.
« Pardonnez-moi si je vous semble naïf, mais j’ai toujours pensé que les loups étaient des animaux de meute relativement territoriaux. Vous semble-t-il naturel qu’ils soient rassemblés en si grand nombre autour de Combeloup, ou bien au contraire, y voyez-vous un signe des plus étranges ? On dirait un peu… Comme si un voile invisible avait toujours protégé le village, et maintenant qu’il est déchiré, d’un seul coup, tous les carnassiers de la région y convergent… »

[Taliesin]

Hugues et Eudes échangèrent un regard.
-Non, cela ne me semble pas naturel, fit ce dernier. Je serai tenté d'être de votre avis : tout semble démonter que le pacte conclu par Combeloup a été rompu. Cependant, il faut se garder des conclusions hâtives : la nature a ses secrets, nous sommes loin de la comprendre complètement. Et nul esprit n'est totalement omniscient, totalement omnipotent. pas même ceux de l'eau, de la terre ou de l'air. C'est pourquoi nous allons continuer nos excursions. Il se peut que les loups aient été chassés de leurs anciens domaines, qu'ils soient juste de passage. Que leurs assauts n'aient été que des accidents en rien prémédités.
Le sénéchal était demeuré parfaitement silencieux. A son expression, on le sentait en désaccord avec la dernière hypothèse évoquée par son seigneur et maître. Il se gardait bien, cependant, de le contredire ouvertement. Devant un tiers, qui plus est.

[Galathée]

Albérich acquiesça pensivement.
« J’imagine que nous en saurons plus après vos rondes du jour, en effet. » murmura l’ancien clerc. « Et en espérant que l’esprit daigne se montrer… »
Il sourit, amical, et se resservit.
« Je n’avais jamais entendu parler d’un tel arrangement avant… C’est assez remarquable… Et j’imagine que ça a été très fructueux jusqu’ici… Est-ce votre aïeul qui est à l’origine de celui-ci ? »

[Taliesin]

Le baron prit le temps d'avaler une tranche de pain beurré avant de répondre. La journée s'annonçait rude, parler ne devait pas le distraire de se remplir l'estomac...
-Non, répondit-il enfin. Mon grand-père était un fervent lathandrite, comme l'était mon père et comme je le suis. Il respectait la nature, mais c'était au Seigneur de l'Aube qu'il prêtait allégeance. Cependant, il n'a pas voulu imposer sa volonté aux habitants du village : ceux-ci l'avaient suivi de leur plein gré, ils n'étaient pas ses vassaux. Ainsi, quand après quelques années de vie dans ces terres éloignées de la civilisation, les habitants ont voulu conclure un pacte avec les forces de la nature, pour se mettre à l'abri des attaques de prédateurs, il ne s'y est pas opposé. Il a conclu son propre pacte avec les villageois : il serait leur protecteur en dernier recours et obtenait que l'un de ses représentants siège au conseil.

[Galathée]

« Je comprends. »
Lathandre n’était pas le dieu des espaces sauvages. Il était optimiste, mais face à un loup ou un ours, peut-être n’était-il pas le mieux armé de l’armada céleste.
« J’espère que nous pourrons dégager une solution à cette situation... et que les Combelupins n’en souffriront pas trop. »
Il ne voyait pas quoi ajouter.
« Savez-vous si la chienne du petit Bastien a finalement été retrouvée ? »

[Taliesin]

L'expression du baron s'altéra visiblement, et il mit un peu plus de temps que d'ordinaire pour se reprendre.
-Il n'y a rien à retrouver... dit-il d'une voix qu'il ne parvint pas à rendre tout à fait détachée. Ou ce qui pouvait l'être l'a été : quelques ossements, du sang, des lambeaux de fourrure. Les loups ne lui ont pas laissé la moindre chance. Cependant, il semble qu'elle ne soit pas tombée sans combattre : nous avons découvert un loup égorgé et un autre agonisant.

[Galathée]

Décidément, tout le village semblait accorder à ce chien et à l’enfant une importance particulière. Pourtant, la mort bien réelle d’Eloi paraissait les avoir moins affectés, peut-être parce qu’il était vieux, que son décès devait les avoir travaillés plus d’une fois… Mais néanmoins… Il fallait tôt ou tard qu’il élucide cet émoi collectif. Albérich laissa son regard glisser sur Hughes, il était curieux de voir la mine que faisait le sénéchal à cette mention.
« Brave bête. » fit simplement Albérich. « J’espère que Bastien se remettra de sa perte, aussi douloureuse soit-elle. »

[Taliesin]

Le sénéchal s'efforçait d'arborer une expression neutre. Il était évident, après ce qu'avait pu entendre Albérich, que pour lui la mort de la chienne n'était pas un simple accident, mais bien la rupture de ce pacte dont il s'était toujours méfié, aux dires d'Elisa. Peut-être essayait-il simplement de ne pas trop montrer ce qu'il pensait de la chose, pour ne pas aller dans un sens différent de celui du baron.
-Lathandre le veuille... répondit ce dernier. Pour l'heure, cependant, ça n'en prend pas le chemin.

[Galathée]

L’ancien clerc acquiesça, la mine grave. Il se promit de passer voir le petit garçon lorsqu’il descendrait au village voir Ada. Il le connaissait à peine et n’espérait pas pouvoir faire quoi que ce soit, mais c’était la moindre des choses.
« Je pense rentrer chez moi dans la journée. » fit-il finalement. « Cependant, je voudrais pouvoir vous rendre service… Je suis un piètre cavalier et comme vous l’aurez deviné, je n’entends rien à la chasse au loup, mais si je peux faire quoi que ce soit pour vous décharger… Vous ne devez pas hésiter à me demander. »

[Taliesin]

-Je vous remercie de votre offre, messire Ferwyn. Mais, pour l'heure, le mieux que vous puissiez faire est de vous reposer, de laisser guérir vos blessures. Je crains que nous n'ayons bientôt besoin de tout le monde au mieux de sa forme...
Il soupira.
-Je vous aurais bien proposé de tenir compagnie à Elisa tandis que nous sommes absents, mais je peux comprendre que vous désiriez regagner vos pénates. Et je préfère qu'elle demeure en nos murs.

[Galathée]

Albérich hésita. Il aurait aimé oser dire au baron que garder Elisa enfermée ne servirait qu’à la faire ruer davantage. Mais il savait qu’Eudes réagirait en se braquant et il ne pouvait pas se permettre de créer ce genre de tensions alors qu’ils étaient tous fatigués et que Combeloup vivait une crise apparemment inédite. Ils avaient besoin d’avoir l’esprit tranquille, si c’était possible, et de se faire confiance.
« Je viendrai voir Elisa quotidiennement, comme je l’avais promis avant de tomber malade. » fit l'ancien clerc. « Et je reviendrai ce soir pour les funérailles d’Eloi… sauf si vous aviez décidé d’en faire une cérémonie strictement privée. »
Il ne pouvait pas se laisser enfermer au château et partager la détention dorée de la jeune baronne. Il avait promis à Ada d’en faire plus.

[Taliesin]

Le baron haussa les épaules.
-Je pense que la cérémonie sera relativement privée, dans la mesure où je ne vois pas les gens se déplacer en masse pour y assister... répondit-il. Un clerc de Lathandre n'avait plus vraiment sa place au village, et Eloi n'y descendait que très rarement. Cependant, tous ceux qui veulent venir seront les bienvenus.
Hugues parut sur le point de prendre la parole. Mais il s'abstint à la dernière seconde et reporta son attention sur son petit déjeuner.

[Galathée]

Soudain, la perspective d’assister à un office pseudo-lathandrite le glaça et il eut un léger sourire.
« Je verrai dans quel état je suis, dans ce cas. Je ne veux pas m’imposer dans une cérémonie familiale. »
Il avait terminé de manger et se leva.
« Si vous le permettez, je vais prendre congé et aller me préparer pour rentrer. Je vous remercie encore pour votre accueil, les vêtements que j’ai sur le dos, et bien sûr, pour votre intervention providentielle, sire Hughes. »
Il s’inclina courtoisement devant les deux hommes et se dirigea vers sa chambre. Il n’y avait aucun effet personnel, sinon son vieux sac à moitié vide, d’autant que sa tenue de l’avant-veille avait immanquablement dû finir aux ordures. Il regretterait son manteau, vestige d’une vie d’avant qui semblait s’éloigner à grande vitesse. Pourtant, il restait un étranger, il en avait une conscience aiguë, car il ne savait rien de ce que tous les Combelupins prenaient pour acquis : depuis quand Hughes était-il au service du baron, quel type de personne avait été son fils aîné, pourquoi et comment chacun des villageois était-il arrivé à se perdre dans ce hameau du bout du monde…
Une fois paré, il quitta le donjon, saluant les sentinelles, et s’engagea sur la piste du village. En pleine journée, ces courts chemins devaient, il l’espérait, être relativement sûrs. En tout cas, on ne l’avait pas mis en garde contre la promenade, et il gagna effectivement Combeloup sans encombres. Là, il mit le cap sur la demeure d’Ada, espérant la trouver debout, et prête à converser.

[Taliesin]

La porte mit un certain temps à s'ouvrir. S'ouvrir pourtant, sur une Ada en robe de chambre, les cheveux défaits, la mine plus fatiguée que jamais.
-Oh, Albérich, entrez... dit-elle d'une petite voix en lui cédant le passage.
Un grand feu brûlait dans la cheminée du salon. Et des tasses étaient déposées sur la table. Quant au thé, il n'était pas encore prêt. C'était bien la première fois...

[Galathée]

« Je suis désolé de vous avoir dérangée… » murmura-t-il sincèrement en découvrant la vieille halfeline dans un état d’épuisement des plus inquiétants. « Asseyez-vous, je vais m’occuper du thé. »
Et il joignit le geste à la parole, mettant l’eau à bouillir, la tirant pour remplir la théière avant de la parfumer avec le mélange qu’avait choisi la vieille femme.
« Je ne vais pas m’attarder, vous avez manifestement besoin de vous reposer. Je venais juste prendre des nouvelles… »

[Taliesin]

-Mais vous ne me dérangez pas... répondit-elle en souriant. J'ai eu du temps pour me reposer, vous savez. Vous n'y êtes pour rien si je ne suis pas parvenue à le mettre à profit...
Elle lorgna sa tasse vide.
-Je suis en tout cas heureuse de vous voir remis. Les loups ne vous avaient pas épargné, mais... Vous leur avez mené la vie dure. Deux abattus, un laissés dans un piètre état... Bravo.

[Galathée]

Albérich leur servit le thé, puis s’assit sur l’un des bancs qui jouxtaient la table.
« Vous vous êtes certainement bien défendue, vous aussi. Je dois dire que je n’ai pas tenu le compte… Pour tout dire, l’épisode me laisse une curieuse impression de flou… C’était la première fois que je tuais des êtres vivants… Curieuse impression. Je ne me souviens pas d’avoir jamais dû défendre ma peau de la sorte… »
Il frissonna, puis sourit à nouveau.
« Je suis soulagé de vous voir sur pied, moi aussi. Savez-vous comment se porte Hodor ? »

[Taliesin]

-Comme un charme... répondit-elle après avoir bu une gorgée du breuvage brûlant. Ou comme un chêne, devrais-je dire, histoire de filer la métaphore naturaliste. Hodor est aussi inébranlable que les plus gros, les plus antiques de ces arbres, et il faudrait davantage qu'une meute de loups pour en venir à bout. A n'en pas douter, c'est le plus vaillant d'entre nous tous, et c'était une chance de l'avoir à nos côtés. Même si, sans mentir, vous vous êtes très bien débrouillé. Moi... Et bien, j'accuse mon âge, faut-il croire. Souchecreuse... et centenaire... Et passablement décatie. Mais enfin, c'est la vie.