[Lieu] Combeloup

[Galathée]

« Bien sûr. »
C’était inespéré et en même temps très logique. La promiscuité forcée ainsi que la saison étaient propices au développement fulgurant d’épidémies qui auraient tôt fait d’opérer des ravages dans les rangs des Combelupins, bien plus efficacement que n’importe quelle meute de loups. Il avait les compétences nécessaires pour cette tâche, et n’aurait été qu’un poids mort sur les routes de campagne. Pourtant, il avait à demi espéré pouvoir sortir de l’enceinte, échapper à la tension omniprésente qui régnait au donjon, au spectre des machinations qui s’y déroulaient. Mais c’était ridicule. Eudes savait tirer parti de chacun des hommes à sa disposition et Albérich était prêt à prendre la place qui lui revenait sur l’échiquier. Il lui suffit de songer une seconde à un canasson quelconque pour se convaincre du bien-fondé de la situation.
« Je crains cependant d'avoir abandonné toutes les herbes utiles au cottage. »

[Taliesin]

-Ne vous en faites pas pour cela... dit sire Eudes. Elles ont été transportées ici, ainsi que la majorité des vivres. Si vous y ajoutez les réserves d'Eloi, d'Ada et ce qu'ont pu nous apporter les villageois, notre herboristerie improvisée est assez bien pourvue.
Il adressa à Alberich un franc sourire.
-Merci pour votre aide, encore une fois. C'est un soulagement que de pouvoir compter sur vous. Cependant... Vous n'êtes pas forcé de vous mettre à l'ouvrage dès aujourd'hui. Prenez le temps de vous reposer. Vous avez l'air d'en avoir besoin...

[Galathée]

Albérich se leva.
« Merci. Mais je pense que je vais retourner me reposer une heure ou deux, puis je me mettrai au travail… Savez-vous qui je pourrais interroger pour avoir une idée précise de la manière dont les habitants sont distribués dans le donjon ? J’imagine qu’au pire, je dessinerai mon propre plan, mais si vous disposez déjà de quelque chose… »

[Taliesin]

-Demandez à Horst, mon majordome. C'est lui qui a établi les listes que j'ai sous les yeux, Je ne doute pas qu'il en aura une à vous donner, avec toutes les indications nécessaires pour localiser chacun d'entre nous.
Une porte s'entrouvrit, un jeune villageois glissa la tête à l'intérieur de la pièce puis se retira, embarrassé.
-Lui ne sera pas guetteur... souffla Eudes, amusé. Il ne nous a pas entendus parler, alors que nous sommes pourtant loin de murmurer...
Il jeta un regard aux documents étalés près de lui.
-Ah, j'allais oublier... reprit-il. Les réserves d'herbes médicinales ont été installées dans l'ancienne chambre d'Eloi. Hosrt vous indiquera où la trouver.

[Galathée]

« Bon courage à vous, baron. » fit l’ancien clerc en le saluant, puis il s’esquiva vers la sortie, non sans inviter l’infortuné jeune homme qui les avait surpris à rentrer à sa suite.
Avant de remonter, il se mit à la recherche d’Horst, qu’il dénicha dans la salle à manger, en train de s’entretenir avec l’une des cuisinières. Le majordome lui fournit la liste attendue, ainsi que des indications pour trouver la chambre d’Eloi. Albérich était surpris que la pièce n’ait pas été réquisitionnée par une famille de réfugiés, mais sans doute le donjon était-il de taille suffisante. De toute façon, avoir un dispensaire de fortune serait probablement une nécessité. Il sourit en gravissant les marches jusqu’à la chambre qu’il partageait avec César et Bastien. En temps de crise, il retrouvait toujours sa place, à Luménis ou Combeloup. Il se sentait vaguement mieux, sans doute parce qu’Elisa n’avait pas encore croisé sa route. Elle devait se trouver avec les combattants, errant entre la cour, la salle de garde et les écuries. Avec un peu de chance, leurs chemins ne se rencontreraient pas avant longtemps. Il suffisait d’être prudent.
Il regagna la pièce où se trouvaient le vieil homme et son petit-fils et leur relata rapidement le résultat de sa promenade. S’il pourrait rester au donjon, cela ne résolvait pas forcément le problème de Bastien : il pouvait difficilement emmener un gamin inerte partout avec lui.

[Taliesin]

-Vous vous en tirez bien... dit le vieil homme. Reste simplement à espérer que la bonne santé proverbiale des Combelupins se maintiendra...
Il se leva.
-Je vais y aller à mon tour. Si l'on m'incorpore au groupe des patrouilleurs, il sera toujours temps de prendre des mesures... Mais j'ai bon espoir que nous n'ayons pas à en venir à de telles ,extrémités.
Sur un dernier regard à Bastien, installé dans son fauteuil désormais habituel, César quitta la chambre.

[Galathée]

Dès que César fut parti, Albérich regagna sa couche et s’y allongea. Le feu avait été bien nourri, il brûlait tranquillement, l’ancien clerc pouvait se permettre un petit somme. Il plaça cependant sa cotte de mailles rutilante à moitié en travers du passage. Si quelqu’un entrait, elle se renverserait et l’arracherait à sa torpeur. Il se sentait moins accablé. L’idée d’avoir à nouveau quelque chose à faire, sans doute. Il tromperait son trouble dans le travail, c’était une méthode reconnue à défaut d’être vraiment efficace. En même temps, il ne pouvait pas échapper aux questions qui l’avaient pourchassé ces derniers jours. Qui et pourquoi ? A présent qu’ils étaient tous rassemblés sous le toit du baron, le ou les coupables étaient immanquablement à proximité. Qu’attendaient-ils ? Que feraient-ils ?
Il soupira et s’étira lentement. Il ne trouverait pas de réponse subitement. Il fallait qu’il se repose. Qu’il essaie, du moins.

[Taliesin]

Il essaya... et réussit.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, la luminosité avait changé, dans la pièce, ce qui signifiait que plusieurs heures s'étaient écoulées. César était de retour et donnait à manger à Bastien. Sur la table, le repas était servi. Peut-être étaient-ce ses effluves qui avaient tiré Albérich des limbes du sommeil.
-Vous vous sentez mieux ? s'enquit le vieil homme lorsqu'il l'entendit bouger.

[Galathée]

Albérich se redressa et se frotta les yeux.
« Oui. J’en avais besoin. » fit-il.
Physiquement, du moins, il se sentait ragaillardi. Il se leva lentement et vint rejoindre César près de la table.
« Alors ? Comment vous en êtes-vous tiré ? »
La cotte de mailles était tombée et il ne l'avait même pas entendue. Quel remarquable garde du corps il faisait.

[Taliesin]

-Le baron aurait aimé que je reste aux côtés de Bastien, sans autre occupation... Malheureusement, au regard de la situation, il a besoin de toutes les compétenes possibles. Or, comme je me débrouillais relativement bien à l'arc...
Il soupira.
-Je devrais entrainer les jeunes recrues deux fois par jour. Cependant, durant mes absences, il enverra quelqu'un ici; Quelqu'un de confiance, a-t-il dit.

[Galathée]

Une personne de confiance. Albérich eut du mal à réprimer une grimace éloquente. Il devinait sans peine l’identité de cette dernière, et ce n’était pas pour le rassurer.
« J’essaierai… de me libérer, de mon côté… de temps en temps… » murmura-t-il.
Aussi ouvert soit César, il devinait que le vieil homme ne croirait pas une seconde en la culpabilité d’Elisa. S’il voulait conserver sa confiance, il ne pouvait rien dire.
« Mais si vous êtes là maintenant, je vais peut-être aller faire ma première tournée… Ne fût-ce que jeter un œil aux fournitures dont je dispose… Mais j’y pense… Peut-être pouvez-vous m’aider. J’ai la liste des habitants, et l’endroit où ils se trouvent mais… aucune idée de l’âge de chacun, de leur état de santé, de ceux que je devrais passer voir en premier… Femmes enceintes ou jeunes bébés, personnes fragilisées, malades ? Pourriez-vous passer la liste en revue avec moi ? »

[Taliesin]

-Le temps de finir de lui donner son repas, et je suis à vous...
Quelques minutes plus tard, tous deux se retrouvèrent penchés sur la liste remise par Horst. César indiqua à Albérich les personnes âgées - le vieux Kraig et son épouse, notamment, ainsi que le père de la conseillère Alya, très affaibli -, les couples avec des enfants en bas-âge, sinon des nourrissons, et les personnes dont il pensait qu'il fallait surveiller la santé. Il se montra exhaustif, n'hésita pas à faire appel à ses souvenirs pour évoquer les accidents ou les maladies passées de chacun et, au final, l'ancien aubemestre eut un aperçu plutôt détaillé de ses patients.

[Galathée]

Armé de sa liste annotée, Albérich partit donc dans le dédale de couloirs, à la recherche de ses premiers patients. Il monta jusqu’à la chambre d’Eloi pour récupérer une pharmacopée de base, puis frappa à une première porte, une seconde, et ainsi de suite pendant toute l’après-midi. Il devisa avec un vieil éleveur à moitié aveugle qui n’avait plus toute sa tête mais une santé de fer, prépara un mélange contre la fièvre pour un nourrisson de trois semaines qui avait une vilaine toux, refit le pansement d’un gamin qui était tombé pendant une bataille de boules de neige deux jours plus tôt et s’était apparemment foulé la cheville. Le vieux Kraig était pratiquement guéri, mais sa femme se plaignait de vertiges. Deux veuves, sœurs et presque centenaires, avaient des raideurs dans le dos ; un jeune berger s’était fait écraser le gros orteil par un bélier récalcitrant, et le Luménien distribua du baume pour les gerçures et de la tisane contre le nez bouché un peu partout. Sa tournée s’organisa au fil des rumeurs : chacun de ses patients, une fois traité, l’envoyait ailleurs. Untel avait entendu dire que la petite fille du meunier avait vomi toute la nuit, ce dernier avait croisé la femme du vieux rémouleur lequel avait apparemment une vilaine égratignure au visage, et de là, il était redescendu voir une des cuisinières qui s’était brûlée en retirant une marmite de l’âtre. Finalement, son parcours n’eut plus rien d’ordonné, et il gravit mille marches, en dévala mille autres, et termina complètement moulu. Il battit en retraite vers sa chambre, les jambes en compote et un début de migraine derrière l’œil droit. Rien de ce qu’il avait vu n’était inquiétant. Aucune épidémie en gestation, personne n’était mourant, les Combelupins se portaient plutôt bien. Et il se sentait bien, lui aussi, en dépit de sa fatigue. Il s’était senti utile, avait pu déconnecter de tous ses soupçons assassins, retrouver certaines de ses anciennes sensations de l’époque où il était jeune clerc, dans les taudis luméniens.
Poussant la porte, il sourit à ses occupants, recru.

[Taliesin]

César, qui examinait un long arc posé sur ses genoux, releva la tête à son approche, lui jeta un coup d'œil attentif, puis lui sourit.
-L'activité semble encore mieux vous réussir que le repos, commenta-t-il simplement.
Il se leva, alla déposer l'arc sur son lit puis se dirigea vers la porte.
-Installez-vous tranquillement, et essayez de ne pas vous endormir avant mon retour : je vais chercher de quoi nous sustenter...
La célérité avec laquelle il quitta la pièce semblait indiquer que l'après midi lui avait paru long, dans la petite chambre.

[Galathée]

Albérich se sentit un peu honteux d’avoir abandonné César toute la journée dans la chambre tandis qu’il circulait. Il se promit de faire mieux le lendemain pour offrir un peu de liberté au vieil homme. Il alla s’avachir devant le feu avec un soupir d’épuisement et entreprit de retirer ses bottes. Comme il l’avait deviné, il avait le talon gauche à vif et une belle cloque sur le droit.

[Taliesin]

César reparut avec le repas, composé de plats sensiblement identiques à ceux qu'on leur avait servis la veille, et dans des quantités équivalentes. Il s'empara d'une cuiller, du bol de soupe, et vint s'installer près de Bastien.
-Ne m'attendez pas pour manger : vous avez l'air affamé... dit-il. Ensuite, si vous en êtes d'accord, vous me direz dans quel état et de quelle humeur vous avez trouvé nos concitoyens.

[Galathée]

Albérich ne se fit pas prier, mais il entama son récit avant d’avoir fini de manger. Il conta avec légèreté les petites anecdotes de son parcours, sans pour autant révéler de réels secrets sur les personnes qu’il avait examinées : il avait toujours respecté une sorte de confidentialité tacite dans ses échanges médicaux. Il tut donc certains noms, certains maux, trouva d’autres détails à relater. Il espérait que son compte rendu pourrait changer les idées de César à son tour.
« J’espère que votre après-midi n’a pas été trop difficile, ici. » fit-il, en guise de conclusion.

[Taliesin]

-Un tantinet répétitive et ennuyeuse, mais pas vraiment difficile... fit le vieillard qui avait écouté le récit de l'ancien aubemestre sans poser de question, sans chercher à en savoir davantage. J'ai... réappris à bander un arc. Et la jeune Blanche, qui doit s'occuper de Bastien durant mes absences, est passée, afin de s'enquérir des choses particulières à faire... Je ne l'ai plus vraiment côtoyée depuis qu'elle travaille au château, mais elle est pleine de bonne volontée, et le baron répond de son dévouement.

[Galathée]

Blanche. Le nom lui disait quelque chose. Ah oui. C’était la domestique dont lui avait parlé Elisa, avec laquelle elle bavardait à l’occasion. Il lui semblait l’avoir entraperçue… Elle lui avait servi un repas, alors qu’il était alité. Une occupante du donjon. Quelqu’un à qui on ne peut assurément pas faire confiance, quoi qu’en dise le baron.
« Blanche. Je ne crois pas la connaître. Qui est-ce ? »

[Taliesin]

-Vous l'avez sans doute croisée lors de vos visites au donjon, et si c'est le cas, vous vous souvenez forcément de ses traits : une jeune fille blonde, élancée, dont le minois à de quoi faire tourner les têtes de moult jouvenceaux. Elle est née au village, mais ne se plaisait guère dans la bergerie familiale. Elle a donc saisie la première occasion pour aller travailler au château.

[Galathée]

Albérich faillit avouer qu’il ne se rappelait que vaguement de la jeune fille, mais à nouveau, son esprit s’enlisa dans des supputations inquiètes. Eudes lui faisait confiance, mais Eudes ne réalisait pas qu’il était manipulé. Si la prophétie disait vrai.
« Ah oui, je vois. Joli brin de fille. »
N’importe quoi, songea-t-il.
« Elle travaille depuis longtemps au château ? Je l’aurais dit à peine plus âgée qu’Elisa. »

[Taliesin]

César fronça les sourcils.
-Hum, non, elle est tout de même sensiblement plus âgée. Dix-neuf ans, je crois, vingt, peut-être. Dont trois passés au donjon.
Il coula un regard en direction de Bastien.
-Elle s'est plutôt bien occupée de lui, je dois dire. Mais...
Il grimaça.
-J'espère tout de même qu'il ne bougera pas quand elle sera là.

[Galathée]

« J’essaierai d’être là quand vous devez vous absenter. Je peux travailler entre vos séances. Je n’ai rien vu d’inquiétant pendant ma tournée d’aujourd’hui, et les gens savent où me trouver en cas d’urgence. Je n’ai pas pu aller voir tout le monde et j’imagine qu’avec le début des entraînements et des rondes, je vais voir débarquer mes premières fractures, mais ça n’empêche… Si cela vous tranquillise, nous pouvons refuser l’aide de cette Blanche, et je me chargerai de Bastien. »
Il avait du mal à masquer sa propre inquiétude.
« Et nous pouvons demander à votre petit-fils de ne pas bouger. Il nous entendra peut-être, qui sait. »

[Taliesin]

César eut l'air dubitatif.
-Pour ne pas le quitter depuis des jours, pour ne pas avoir cessé de lui parler, j'avoue douter qu'il entende quoi que ce soit...
Il secoua la tête.
-Dans tous les cas, nous ne pouvons pas refuser cette aide. Pas complètement, du moins. Sous quel motif le ferions-nous ? Mes périodes d'absence ne coïncideront pas toujours avec vos moments de présence, et inversement. Vous pouvez aussi être appelé à l'improviste... De surcroît, à trop manifester notre méfiance, nous risquons fort d'en susciter contre nous, en retour...
Il reposa ses couverts.
-Parfois, je me demande si je vire pas paranoïaque, à voir le mal partout comme je le fais... Cette petite est peut-être effectivement dévouée, animée des meilleures intentions du monde, heureuse de pouvoir, elle aussi, rendre service...

[Galathée]

« Vous avez raison. » murmura Albérich en regardant le petit garçon immobile, statue de chair figée et vide. « Si j’avais été seul à craindre ce genre de choses, je me serais sans doute rangé à votre impression mais… mais les signes qui indiquent que la nature n’est pas seule responsable de ce qui nous arrive sont tellement nombreux… Nous serions stupides de les ignorer. Peut-être soupçonnons-nous à tort… Il y a cent possibilités et personnellement, je ne connais pas assez vos compatriotes pour restreindre mes suspicions… Cependant… Sans doute avez-vous raison. Bastien bouge rarement, il n’est pas certain que Blanche s’en rendra compte… Et je repasserai à l’improviste, une fois ou l’autre… voir comment les choses se passent. »
Cela pourrait suffire pour qu'un agresseur qui ne désire pas être pris sur le fait reste sur ses gardes et donc impuissant.

[Taliesin]

-Très bien : c'est probablement le mieux que nous ayons à faire, compte tenu des circonstances...
Le vieil homme se leva, s'approcha du fauteuil où était installé l'enfnat, puis se retourna vers Albérich.
-Et si nous avons le moindre doute, il vous suffira de dire à Blanche que vous la trouvez un peu pâle, que vous pensez qu'elle couve un mauvais rhume et qu'il vaut mieux, dès lors, qu'elle se tienne éloignée de Bastien. Cela pourrait nous faire gagner un certain temps.

[Galathée]

« Très bien. » fit l’ancien aubemestre avec une petite grimace. « Ne pensez-vous pas que nous ferions quand même mieux de l’installer avec des gens qui ne peuvent pas bouger, mais qui ne sont pas liés au donjon ? Hier, pendant ma tournée, j’ai croisé plus d’un vieillard ou d’une jeune mère qui pourraient veiller sur lui en dehors des repas, sans que cela pose de problèmes… En choisissant nous-mêmes le gardien de Bastien, nous risquerions moins gros… »

[Taliesin]

La grimace que ne put réprimer le vieil homme était explicite quant à ce qu'il pensait de cette idée.
-Peut-être. Mais si Bastien bouge, vous pouvez être certain que la nouvelle fera le tour du château, et qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tout le monde sera au courant. Et même s'il ne bouge pas... Sincèrement, je n'ai pas la moindre envie d'entendre les gens s'apitoyer sur ce qu'il est devenu. Il le savent, bien sûr, mais savoir et voir sont deux choses très différentes...

[Galathée]

« D’accord. » répondit Albérich en levant les mains en signe de reddition. « Dans ce cas, nous ne pouvons pas faire mieux. Demain, lorsque Blanche viendra vous relayer, dites-lui que je dois repasser chercher quelque chose… que j’aurais oublié, peu importe. Cela devrait l’empêcher de se croire tranquille pendant plusieurs heures. »
Il secoua la tête, dépité d’en être arrivé à de telles extrémités. Il pensait que tôt ou tard, ils seraient forcés de parler à Eudes de leurs inquiétudes, même s’ils devaient être mal reçus. Même si Blanche ne faisait rien, ils n’auraient aucun moyen de savoir si elle avait vu Bastien bouger et si elle le relayait à quelqu’un d’autre. L’ancien clerc se leva, brusquement agacé. Ils avançaient dans le noir, soupçonnaient n’importe qui. César avait raison, c’était de la paranoïa.

[Taliesin]

Tout en rassemblant leur vaisselle sale, César jeta à Albérich quelques regards en coin et, quant tout fut placé sur le plateau, il lui sourit franchement.
-Je crois que nous allons finir par tirer au sort, pour savoir qui de nous deux aura le loisir de se détendre en allant chercher les repas et en en rapportant les reliefs...