[Lieu] Loth Imarhil

[Taliesin]

Le barde lui adressa un sourire radieux.
-Merci... souffla-t-il.
Une chouette. C'était une excellente idée. Et un vrai symbole. Celui du familier, Plume, que Galathée avait porté sur l'épaule depuis cette étrange nuit dans le sanctuaire sauvage, non loin de Fumeterre. La même Plume qui l'avait accompagné alors qu'il partait à la poursuite des Sharites et de leur prisonnier.
Même la dague qu'il avait donnée à Victor arborait des signes apparentées, puisqu'elle était gravée de hiboux...
Encore une fois, le petit garçon n'aurait pas pu trouver mieux.
-Une chouette, dit-il en elfique, d'un ton convaincu.

[Galathée]

La forgeronne acquiesça avec un sourire.
" Très bien, je m'en occupe. Pendant ce temps, vous pouvez aller au fond à droite, les arcs sont entreposés. Je dois vous prévenir qu'ils ne sont pas de ma main. Mais l'artisan qui les façonne est un ami et il ne tient pas boutique. Je me porte garante de la qualité de ses réalisations. Vu votre gabarit, je pense que vous trouverez quelque chose à votre goût dans les arcs longs entreposés près du pilier. Si vous préférez un composé, ils ont juste après. Mais ils sont très peu pratiques en voyage... Pas évidents à caser. Les flèches sont dans les paniers devant. De gauche à droite, du plus acéré au moins acéré."
Puis elle se pencha sur son ouvrage.

[Taliesin]

Le barde se dirigea dans la direction indiquée et observa un moment les arcs longs, avant d'en tirer quelques uns du râtelier et de les bander. Tout au long de son existence, il ne s'était servi que d'une seule de ses armes : celle remise par son père adoptif, alors qu'il quittait la maison familiale pour suivre son maître, Hafgan. L'arc qu'il avait récupéré chez Ada, il n'avait jamais eu l'occasion de s'en servir... En choisir un nouveau était donc chose difficile, à laquelle il n'était pas habitué. Il doutait même d'en trouver un qui lui convienne vraiment. Pourtant, il finit par y parvenir.
Il sélectionna ensuite quelques traits acérés, puis se tourna vers Victor.
-Miranda dit que l'arc court que nous possédons déjà serait parfait pour toi... Mais je peux parfaitement comprendre que l'utiliser, alors qu'il a appartenu à quelqu'un qui... est tombé dans les filets de la sorcière, ne te tente guère. Alors, si tu en veux un autre, n'hésite pas à le dire. Nous avons le temps d'en trouver un neuf qui fera l'affaire.

[Galathée]

Victor dévisagea Taliesin avec surprise. Apparemment, il n'avait pas pensé aux choses de cette manière, et il fronça les sourcils.
" Peut-être que c'est mieux que je le garde, alors, justement... Parce que je sais d'où il vient, je porte la mémoire de quelqu'un, tu vois ? Comme si... Je sais pas. Si je donne l'arc, alors plus personne ne se souviendra d'où il vient. Tandis que si je l'utilise, c'est comme... comme une sorte d'hommage à celui qui s'en est servi ? On n'a pas sauvé les autres..."
Il s'interrompit, épouvanté.
" Tu ne crois pas qu'on aurait dû emmener des animaux de chez Ava ? Parce qu'il y avait sûrement... Toutes ces poules, et les lapins, et la chèvre... Peut-être qu'ils auraient pu reprendre leur forme, comme moi..."

[Taliesin]

Taliesin grimaça. Il n'avait certainement pas voulu plonger Victor dans de tels affres...
-On n'aurait pas pu les sauver, bonhomme... murmura-t-il. Ceux qui avaient été... autre chose, avant, l'avaient oublié. Leur ancienne forme s'était perdue, dissoute dans la nouvelle. Nous n'aurions pas pu inverser le processus.
En était-il bien sûr ?
Mieux valait ne pas trop s'interroger à ce sujet. IL ne pouvait pas encore rajouter à la culpabilité qu'il ressentait déjà, pour tant de motifs. C'était une question de survie.
-Et puis...J'ai ouvert les portes, tu sais. Ils pouvaient sortir. Avaient de la nourriture. C'était tout ce que je pouvais faire... Pour le reste, je devais songer à nous, il fallait se hâter avant que toi-même...
Il soupira.
-En tout cas, ne te tracasse pas avec ça. Toi, tu n'y es pour rien. Et c'est une bonne idée de garder l'arc, tu as raison. Nous garderons aussi l'épée... C'est une bonne lame, et... Nous savons d'où elle vient. Tu pourras t'en servir, plus tard, quand tu te sentiras prêt.
-

[Galathée]

Victor n'avait pas l'air convaincu, mais il ne persévéra pas sur ce sujet difficile, reprenant son examen distrait des armes disposées devant lui. Une exclamation de satisfaction provenant de l'avant-salle agit comme une distraction bienvenue, et le petit garçon rejoignit Miranda qui avait terminé son ouvrage. La chouette gravée dans la lame était d'une finesse exquise. Ce n'était pas exactement la même espèce que celle qui accompagnait la rôdeuse, mais on ne pouvait néanmoins s'y tromper.
" Voilà qui est fait." annonça la forgeronne. " Vous avez trouvé un arc à votre goût ?"

[Taliesin]

-Oui oui... répondit l'elfe en lui tendant l'arc en question.
Il hésita un instant, soupesa à nouveau les pierres précieuses encore en sa possession.
-Hum... Comme je vous le disais, je n'ai pas vraiment idée des prix... Pensez-vous qu'il soit dans mes moyens d'acquérir des armures, en sus des armes ?
S'il fallait se battre, mieux valait avoir quelque chose de solide, sous leurs vêtements. Ceux qu'ils avaient acheté étaient d'excellente facture... Mais que pouvait le tissus contre des lames acérées ? Une fois encore, mieux valait parer à toutes les éventualités.

[Galathée]

La forgeronne le dévisagea avec une grimace, le fixant droit dans les yeux. Elle s’exprima ensuite en elfique.
« Honnêtement... Je sais que ça ne me regarde pas vraiment mais… Vous n’avez quand même pas l’intention d’amener ce gosse à se battre, si ? Je sais que les humains sont par nature belliqueux, mais quand même… Même avec une armure de plates à sa taille, il se ferait décapiter en deux temps trois mouvements par n’importe quel guerrier. Une protection, même elfique, même de qualité, ne le sauvera pas. » s’exclama-t-elle, à la fois gênée et virulente.

[Taliesin]

Le barde lui adressa un sourire embarrassé.
-Je n'ai pas l'intention d'amener ce garçon au combat, ni de le mettre en danger... Je ne souhaite pas sa mort : c'est tout le contraire. Et...
Il grimaça.
-Disons que la fin de notre voyage risque d'être chaotique. Et je voudrais... Le protéger le plus possible. Parer à toutes les éventualités. Il n'est pas impossible que pour m'atteindre, moi, l'on désire s'en prendre à lui. Une armure, cachée sous ses vêtements, peut-être... Cela pourrait dévier une lame, une flèche...

[Galathée]

Victor n’avait pas suivi leur conversation, de toute façon, il n’y comprenait goutte. Musardant entre les râteliers, les mains dans le dos, il leva cependant les yeux en devinant la tension dans l’échange des deux elfes.
Mais la forgeronne se fendit d’un sourire et acquiesça, l’enfant sourit à son tour et se détourna.
« Très bien. Dans ce cas je pense que nous pouvons opter pour des mailles légères. Si vous êtes prêt à vous défaire de vos dernières richesses, il doit me rester assez de mithril pour lui bricoler quelque chose, mais je ne pourrai pas vous donner ça sur le champ. Je n’ai rien à sa taille. Nous équipons rarement nos enfants pour le combat. »
Elle écarta les mains, lui laissant l’initiative.
« Et il ne restera pas grand chose pour vous. Il faut choisir. On peut éventuellement opter pour des mailles normales pour tous les deux, mais elles pèsent plus lourd, l’enfant sera moins leste. Ou alors du cuir ou une besantine. A voir. »

[Taliesin]

Une armure de mithril. Pour protéger un Victor qu'il ferait tout pour tenir éloigné du danger. L'idée semblait saugrenue;
Pour protéger un Victor dont il avait pu constater les tendances berserk, rectifia-t-il mentalement. Un victor qui chargeait l'ennemi, bille en tête, en tunique de nuit, armé d'une simple bûche.
Sous cet angle, l'idée semblait plutôt raisonnable...
-Combien de temps pensez-vous nécessaire pour lui fabriquer cela ? demanda-t-il enfin. C'est ce qui va décider de tout... Nous prenons le coche, demain. Nous ne pouvons pas attendre davantage...

[Galathée]

Elle s’immobilisa une seconde, le menton dans une main, puis sourit.
« Si vous me laissez prendre quelques mesures, puis que vous déguerpissez, je vous livre ça au Rendez-Vous demain dès l’aube. Je vous mettrai une besantine, j'en ai quelques unes qui vous permettront de conserver toute votre souplesse. Je n'imagine pas que vous soyez un combattant brutal. En échange de mon travail, vous ferez ma publicité. Si vous avez des contacts chez des négociants luméniens, ça m’arrangerait bien… »
Elle le fixa une seconde puis se mit à rire.
« Je plaisante. Vous n’avez pas la tête à avoir ce genre de fréquentations. »
La forgeronne ne tourna ensuite vers Victor et lui fit signe d’approcher, puis de rester immobile. Il tourna un regard interrogateur vers Taliesin.
« Est-ce que ça va faire mal ? » demanda-t-il, tandis que Miranda prenait une longueur de ficelle dans un tiroir.
Avant que l’elfe ne put répondre, la jeune femme se mit à prendre ses mesures. Cela ne prit que quelques minutes.
« Elle va me faire quoi ? » fit Victor, de plus en plus soupçonneux.
« Et maintenant, ouste ! » ajouta la forgeronne, en leur désignant la porte.

[Taliesin]

-C'est une surprise... fit l'elfe, mystérieux à dessein.
Il remercia chaleureusement la forgeronne puis, ses acquisitions sous le bras, entraîna Victor au dehors.
-Ce coup-ci, je crois que nous sommes parés... dit-il. Demain, nous serons en route. Alors, si tu veux encore visiter la ville, faire quelque chose de particulier, c'est le moment ou jamais !
Bien sûr, il se pouvait qu'ils reviennent un jour à Loth Imarhil. Mais... Ils ne pouvaient présumer de rien. Autant profiter de l'instant présent, dès lors. Cela leur éviterait de trop penser à ce qui les attendait. Cela, ils en auraient largement l'occasion durant leur voyage.

[Galathée]

« En fait… »
Victor rougit, sembla hésiter un instant, puis une petite moue embarrassée se dessina sur ses traits.
« Si ça ne te dérange pas, j’aurais bien aimé encore un peu jouer avec les enfants, au village… Je sais bien que la cité, elle est très belle, tout ça, je comprends… Mais toi tu peux encore la visiter, non ? Tu n’as pas besoin de moi… »
Il grimaça.
« Je dis pas ça pour te vexer ou bien dire que les elfes font pas de belles villes, tu sais. C’est juste… J’ai une revanche à prendre sur Frodo, le fils du tanneur, et puis Elvire m’a dit qu’il y avait des chauve-souris dans la grange derrière l’auberge, je voudrais bien les voir. Je sais pas. Si ça t’ennuie pas. Sinon, je veux bien aller avec toi, je ne dis pas. Mais si je peux choisir… »

[Taliesin]

L'elfe lui sourit, quelque peu amusé par toutes les précautions dont Victor entourait sa demande.
-Bien sûr que tu peux choisir : sinon, pourquoi t'aurais-je posé la question ? Allez, file donc, et profites en bien. On se retrouve ce soir pour le repas.
Il jeta un regard autour de lui, puis ajouta, plus bas.
-Et n'aies aucune inquiétude : je ne suis pas vexé du tout. Pour dire vrai, à ta place, j'aurais fait le même choix.

[Galathée]

« Super ! » s’exclama Victor. « A tout à l’heure, alors ! Te perds pas ! »
Il fit volte-face, courut sur quelques mètres, puis se retourna et sourit.
« Et pas de bêtises avec les petites elfettes ! » ajouta-t-il d’un air hilare, où Taliesin eut quand même l’impression de détecter un léger souci.
Mais il n’eut pas le temps de creuser la chose de manière plus approfondie : le petit garçon avait détalé.

[Taliesin]

L'elfe le regarda filer en haussant les sourcils... puis les épaules. Evidemment, Victor devait avoir la crainte, discrète mais bien présente, qu'il oublie Galathée : Méli l'avait prévenu contre l'amour des elfes, et il s'était ouvert de cette mise en garde à l'enfant. Pourtant, s'il avait trouvé les résidents de Loth Imarhil accueillants, il ne voyait pas ce qui aurait pu le retenir ici. Y revenir, pourquoi pas. Rester alors que la rôdeuse était toujours il ne savait où, subissant il ne savait quoi... C'était hors de question.
Victor n'avait donc rien à craindre. Absolument rien. Il l'avait dit : demain, ils seraient en route.
Les mains dans les poches, Taliesin prit lentement le chemin du retour. Mentalement, il faisait l'inventaire de leurs possessions : ils avaient de quoi se vêtir, de quoi se défendre, de quoi se protéger. Et même de quoi se soigner. Non, décidément, rien ne semblait manquer. Pour autant qu'il puisse en juger, le constat était sans appel : ils étaient prêts.

[Galathée]

C’était une journée d’hiver agréable, les grands arbres de Loth Imharil protégeaient le promeneur, et Taliesin put musarder sans se presser, jusqu’à regagner Ettelèn Rindë. En pénétrant dans le petit cercle de maisons, il perçut les clameurs des jeux d’enfants mais sans apercevoir les belligérants. La neige piétinée aux alentours indiquait clairement qu’ils avaient déjà arpenté ce champ de bataille qui, labouré, n’avait plus leurs faveurs. Près de la forge se trouvait le coche, un chariot de bois sombre, en apparent bon état, qui, d’après sa taille, devait nécessiter les efforts conjugués de quatre chevaux. Il n’y avait personne en vue, mais plusieurs fumées blanches révélaient l’activité tranquille du petit hameau.

[Taliesin]

Il observa un instant le coche, songeant aux heures interminables qu'ils allaient y passer. Interminables, peut-être, mais moins, toujours, qu'elles ne l'auraient été s'ils avaient dû faire le trajet à pied.
Et au bout du voyage...
Il secoua la tête, reprit sa marche. Au bout du voyage, il y aurait Galathée. C'était tout ce qui comptait pour l'heure. Ce qu'il faudrait traverser pour la retrouver, il ne pouvait rien en savoir. Inutile de s'appesantir là-dessus, de se perdre en vaines conjectures, en anticipations infondées.
Ce qu'il faudrait traverser, il le traverserait, de toute façon.
Il poussa la porte du "Rendez-Vous-des-Moins-que-Rien", soupira d'aise en retrouvant sa chaleur bienveillante, et se mit en devoir de gagner les escaliers. Il comptait déposer les armes dans sa chambre, puis redescendre boire quelque chose, profiter, encore un peu, de l'atmosphère agréable de l'établissement. Il doutait de croiser son équivalent avant bien longtemps...

[Galathée]

La dernière soirée au Rendez-Vous se déroula dans une atmosphère tranquille. La salle était peu remplie, tout le monde semblait détendu, même les habituels serveurs affairés. Le cuisinier se surpassa pour offrir à Taliesin et Victor un repas succulent qui, Borgporkniel le leur annonça avec un large sourire, s’appelait le « Menu Vous Reviendrez ». Le cocher qui devait les transporter le lendemain vint également leur rendre une petite visite. C’était un humain plus très jeune, le cheveu poivre et sel et la mine rubiconde, qui se prénommait Nelson. Les touffes de poil impressionnantes qui jaillissaient de ses narines et de ses oreilles révélaient la présence de sang gnome quelque part dans son arbre généalogique, mais il n’en avait ni la taille, ni le goût du bavardage. Il déploya une carte entre les infusions que sirotaient les deux voyageurs, indiqua à Taliesin quel itinéraire il comptait emprunter et répéta son estimation temporelle : une semaine, peut-être dix jours, pour gagner Rohan. Ensuite, il les abandonna à leur dessert.
La nuit suivit, paisible, elle aussi. Victor dormit comme une marmotte, le petit renard d’étoffe serré contre lui, même si Taliesin l’entendit parler dans son sommeil à plus d’une reprise, sans parvenir pour autant à comprendre ce qu’il marmonnait. Le ciel grisa et l’auberge résonna des premiers bruits de la journée bien avant le lever du soleil hivernal. Il était temps de faire ses adieux, d’empaqueter les dernières choses, et de gagner le coche.

[Taliesin]

Taliesin n'hésita pas à éveiller Victor sitôt que lui-même eut ouvert les yeux. Non pas qu'il eut réellement besoin de son aide pour finir de boucler leurs sacs, mais il se disait qu'en l'arrachant tôt au sommeil, il avait des chances d'y sombrer à nouveau au cours du trajet du jour, ce qui ne pourrait manquer de le rendre moins long, moins ennuyeux pour le petit garçon.
Une fois debout, ils s'activèrent, le barde veillant à ce qu'ils n'oublient rien derrière eux. Mais leurs possessions n'étaient pas légion et, bientôt, les bagages furent définitivement faits... et soigneusement vérifiés.
Enfin, ils descendirent dans la grand salle, l'elfe bien décidé à montrer toute sa gratitude à leur hôte.

[Galathée]

Borgporkniel les accueillit avec le sourire et les installa à leur table habituelle. Il leur apporta un petit déjeuner copieux mais léger, à l’épreuve du mal des transports qui frappait certains voyageurs. Pain, flocons d’avoine, lait frais et confiture odorante, rien ne manquait pour emplir leurs estomacs.
« Je me suis renseigné sur vos compagnons de route. Les deux viennent de Loth Imharil, mais aucun n’est elfe. Le premier est un négociant en vins dorrandins dont, si j’ai bien suivi, une vieille tante vient de décéder à Antelucas. Vous allez devoir vous le farcir tout le trajet, j’en ai peur. C’est un Manostien expatrié, je ne reviens plus sur son nom. La seconde est une voyante un peu folle, je la connais bien, elle s’appelle Emeraude Mille-Visions. C’est un nom de scène, à mon avis, son vrai prénom doit être Berthe, quelque chose du genre. Elle vous fera rire à défaut de vous révéler quoi que ce soit. Ne soyez pas trop rudes avec elle, surtout toi, jeune homme. Les vieilles dames dans son genre ont déjà bien assez de soucis avec leurs os et le reste. »
Il sourit.
« Et je vous ai préparé des en-cas pour la route. Vous vous arrêterez dans de nombreuses auberges en chemin, mais on oublie parfois les petites choses à grignoter entre deux étapes. »
« C’est quoi ? »
« Surprise. Et ça me fait penser que si vous vous arrêtez au Féroce Furet, à Mildiou, vous devez passer mon bonjour à Musty. Vous vous en souviendrez ? »
« Musty ?! »
« Ne te moque pas de Musty, Victor. Il mange les petits garçons. »
« Hein ? »
Borgporkniel lui sourit d'un air énigmatique, puis lui ébouriffa les cheveux.

[Taliesin]

Taliesin sourit à son tour.
-Nous n'y manquerons pas, vous avez ma parole.
Merci pour les en-cas, Borgporkniel. Et pour tout le reste. Je ne vous dirai jamais assez combien votre accueil a été réconfortant pour nous, combien il nous a aidé à reprendre des forces et du courage pour la suite du voyage. J'espère sincèrement avoir l'occasion de revenir sous votre toit, à votre table. Et, vous pouvez m'en croire : je ne manquerai pas de faire votre publicité auprès de tous ceux susceptibles de venir un jour à Loth Imaril.

[Galathée]

« C’était un plaisir de vous avoir tous les deux. » répondit le demi-orque. « C’est ce qui fait la beauté du métier, les rencontres. »
Il se tourna vers Victor.
« J’espère que tu reviendras me voir, histoire que je constate de mes yeux ta technique de lancer de boules de feu. »
« Promis. »
« Attention, les paladins prennent ça très au sérieux, les promesses. »
« Les barbares aussi. »
« C’est un marché. »
Ils se serrèrent la main.
« Y’a quoi dans les en-cas ? »
« J’ai dit surprise. »
« Ah pfff. »
Borgporkniel revint à Taliesin.
« Je vous souhaite bon voyage et j’espère que vous parviendrez à vos fins au plus vite. » dit-il. « Mais évitez de trop faire ma publicité, en saison, je ne sais pas où caser les clients. »
Il se leva.
« Veillez bien l’un sur l’autre. »

[Taliesin]

Taliesin acquiesça. Le salua avec chaleur.
Il avait redouté son séjour à Loth Imarhil. En partie à cause des mises en garde de Méli, en partie à cause de ce qu'il était, lui, forçat évadé, auteur de crimes affreux dont il affichait l'énoncé autour du cou, porteur de mauvaises et tristes nouvelles, d'annonces de mort. Et finalement, tout s'était bien passé : il avait reçu de l'aide, avait pu se procurer le nécessaire pour la suite du voyage, avait vécu des moments somme toute agréables...
Tout c'était bien passé, mais ce qu'il retiendrait, avant le reste, c'est l'accueil de Borgporkniel, sa bienveillance, la sympathie qu'il leur avait témoigné. Il n'avait pas menti : ils n'auraient pu espérer mieux pour se remettre des épreuves qu'ils avaient connues depuis leur départ de la mine pénitencière. N'auraient pu espérer mieux pour se préparer à celles, peut-être plus terribles encore, qui se dressaient devant eux.
Il souhaitait sincèrement qu'ils puissent revenir ici. Avec Galathée. Tous les trois. Cela signifierait qu'ils auraient triomphé des épreuves qui les séparaient encore. Qu'un avenir dégagé s'offrirait à eux.Il le souhait et, en l'instant, croyait la chose possible. Certes, il y avait eu Kanter, Ava. Mais il y avait eu Meli, le Peuple du Griffon, l'aubergiste... La chance ne s'était pas toujours dérobé... Il n'était pas impossible qu'elle reste de leur côté.

[Galathée]

A l’instar de Taliesin, mais peut-être encore plus fortement, Victor semblait avoir toutes les peines du monde à quitter le refuge tranquille qu’avait constitué le Rendez-Vous, ce qui mena le demi-orque à couper court aux adieux en prétextant un travail urgent à accomplir en cuisine. La forgeronne survint peu après qu’ils aient fait quitté l'auberge, alors qu’ils gagnaient l’esplanade devant les maisons, où se trouvait déjà le coche. Elle apportait deux paquets emballés dans du lin et elle les tendit avec un sourire triomphant à Taliesin.
« Vous m’en direz des nouvelles ! » s’exclama-t-elle, le regard brillant.

[Taliesin]

Il sourit, chaleureux, en lui tendant la petite bourse contenant les gemmes.
-Je vous promets que si nous revenons un jour à Loth Imarhil, je ferai un saut par votre forge afin de vous dire tout le bien que j'en pense. Mais, pour l'heure, je dois me contenter de vous remercier, et de m'excuser pour vous avoir contrainte à tant travailler en si peu de temps.
Il se garda de le dire, mais il espérait que ses efforts auraient été consentis en vain. Que leur petite fortune se serait envolée pour rien, qu'ils n'auraient jamais l'utilité de ces armures. Cependant, en l'instnat, les avoir le rassurait quelque peu : il ne povuait présumer de l'avenir, devait se contenter de prendre toutes les précautions possibles.

[Galathée]

« Ne vous inquiétez pas. C’est mon métier et je l’exerce avec plaisir. » leur déclara-t-elle. « Je vais vous laisser. Faites bonne route. »
Elle s’inclina, sourit à Taliesin, à Victor, peut-être plus maladroitement, puis s’esquiva rapidement vers la ville.
Le petit garçon se tourna vers Taliesin.
« Alors, y’a quoi dans les paquets ? » fit-il, tendant une main avide pour ouvrir le premier.

[Taliesin]

Le barde les serra plus étroitement, dans un geste protecteur quelque peu théâtral.
-Ce qu'il y a dedans ? Et bien... C'est une surprise, comme je te l'ai dit hier. Et je crains qu'il ne te faille encore un peu de patience avant de la découvrir : je ne tiens pas à ce que tout le monde soit au courant... Ce soir, promis, dès que nous serons tranquilles, je te montrerai.
Il adressa un clin d'œil au gamin, espérant qu'il n'insisterait pas sans réellement y croire. Puis, les paquets sous le bras, il prit la direction du coche.

[Galathée]

Victor lui décocha un regard noir mais se montra plus raisonnable qu’il ne l’avait escompté. Il se contenta de le suivre en grommelant, portant son sac sur l’épaule. Lorsqu’ils parvinrent près du coche, le conducteur leur indiqua où déposer les bagages puis retourna à ses chevaux, quatre animaux fringants qui, Victor s’en enquit, s’appelaient Ritournelle, Folichon, Salicorne et Vif-Argent. Très rapidement, ils identifièrent le premier de leurs compagnons de route. Le négociant manostien était large d’épaules, le cheveu gris fer et la mine sévère. Il portait un pourpoint de toile rouge sombre sous un manteau en poil de loup et faisait les cent pas dans la neige. Il leur adressa un salut courtois mais ne parut pas vouloir aller plus loin dans les échanges. Plus tard, alors que le coche était pratiquement chargé et que l’heure du départ approchait, Taliesin sentit une main se glisser dans le creux de son coude, l’agrippant comme s’il était un proche, et se retournant, il découvrit une vieille femme toute ridée, ensevelie sous des montagnes de fripes hivernales, aux grands yeux de hulotte. Elle dégageait un parfum capiteux de fleurs presque pourries et lui adressa un large sourire édenté. Autour de son cou et de ses poignets s’empilaient des dizaines de colliers et bracelets, amulettes porte-bonheur, charmes magiques ou presque. Sur ses cheveux blancs était posé un petit chapeau relativement ridicule, où trônaient des pommes de pin qu’on avait peintes en rouge vif et un semblant d’écureuil en velours.
« Oh, jeune homme, tu vas bien aider une petite grand-mère dans mon genre à grimper là-dedans, non ? » glapit-elle d’une voix tremblotante.