[Quête] La colline a des dents

[Althéa]

Quelques secondes plus tard, une créature fit irruption en hurlant derrière le double d'Eliaëdel. Une créature ou plutôt une femme vêtue de loques, puante, hirsute et édentée. Elle était armée d'un immense bâton munie d'un crochet. Une arme artisanale mais d'envergure.

Elle fondit sur la fausse Eliaëdel à laquelle elle décocha un immense coup de bâton circulaire. Le double s'effaça d'un coup, la laissant autant perplexe que pantoise et l'arme haut levée.

[Eliaëdel]

Profité de l'espace qu'elle a laissé avec le bâton levé. Un bond, un mouvement rapide de course. Profité également de la surprise. Son épée à glissé vicieusement. Un coup de taille. D'un mouvement fluide et rapide. Sur le flanc exposé de la créature. Au niveau de son foie.
La femme ne se souciait pas de combattre de manière noble. Juste efficace. C'était une forme de satisfaction. La magie était là pour les effets théatraux. Quelque part, pour le spectacle.
Mais il était temps de passer à des solutions plus radicales; quitte à devoir en crever, autant en entrainer le plus possible à sa suite.

[Althéa]

La femme tomba en avant en se tenant le ventre. Le coup avait été net et précis, ne laissant aucun échappatoire. Mais il l'avait révélée aux yeux des autres. Et presque aussitôt, la morsure d'une pointe de fer entrant dans son cou, juste où l'armure ne la protégeait pas se fit sentir.

Les autres ne se pressaient pas. La morte de toute façon ne leur était plus utile. Elle avait atteint un âge déjà avancé et ne chassait plus très bien. Sa précipitation aurait pu les compromettre.

Ils s'avancèrent encore, lentement cette fois. Eliaëdel distingua quelques unes de leurs ombres. Guère plus.

[Eliaëdel]

Eclat de rire. De petite fille. L'impact n'a pas eu l'air de la perturber. Ou de lui faire perdre ses moyens.
La femme a vite réagi en tous cas. elle a incanté d'un geste rapide et d'un chant étrange.
La silhouette de la femme s'est faite confuse, indistincte. Une zone autour de sa position où elle semblait à la fois partout et nulle part; en mouvement perpétuel. Où l'oeil peinait à conserver une image fixe d'elle.
Qu'il s'amusent à vouloir la cribler de projectiles désormais. Mais ils ne seraient pas plus à l'abri en venant la défier au corps à corps. Elle s'est avancée légèrement en direction de l'ombre la plus proche. Prête à un autre tour dans sa manche.

utilisation du sort de déplacement (niv3)

[Althéa]

Elle avait créé la surprise en marchant encore avant de s'effondrer. Mais ils n'étaient pas pressés. Au lieu de s'avancer vers elle, ils refluèrent en silence, se tapissant autour d'elle. Vu sa constitution, elle ne tarderait pas à s'effondrer, et sa magie ne lui serait plus d'aucun secours.

En attendant, ils se riaient d'elle, la regardant se débattre avec cette torpeur qui allait l'envahir. Oui, ce n'était plus qu'une question de temps.

[Eliaëdel]

Elle a perdre eu l'air surprise lorsqu'elle a senti ses mouvements s'engourdir lentement. Elle a haussé les épaules. Elle a contrôlé sa colère. Non. Pas tout de suite. Ne mourrait pas tout de suite.
Au moins...
Lui restait peut être une chance de signaler quelques petites choses désagréables à sa commanditaire.
Compenserait peut être un peu.

Avant qu'elle ne finisse par perdre totalement conscience.

[Althéa]

Il y a des réveils paisibles où vous ouvrez les yeux, caressé par un paisible rayon de soleil. Votre édredon est encore chaud et la chambre baigne dans une tranquille tiédeur. D'en bas montent des odeurs affriolantes de pâtisseries préparées à votre intention par un proche attentif. Vous vous frottez les yeux ou essuyez machinalement la bave qui a coulé sur votre menton. Vous vous étirez, conscient que rien ni personne ne vous presse. Vous êtes heureux car le reste de la journée s'annonce d'aussi bon aloi.

Le réveil de Sheaxie et d'Eliaëdel fut plutôt de ce goût-là :

Vous vous réveillez tiraillée de toute part avec l'impression d'avoir servi de trampoline et cela par une multitude de personnes partant d'une certaine hauteur. Vous vous apercevez ensuite que vous êtes assise dans une cage individuelle en hauteur avec les mains et les pieds solidement attachés aux barreaux. Vous vous apercevez que vous êtes couvert traînées de terre, comme si l'on vous avez traîné par terre durant tout le parcours. Et c'est manifestement le cas. Vous vous sentez nauséeux, sale et pâteux. Sheaxie est plutôt à l'étroit. Mais vous ne vous sentez rien de cassé, du moins pour l'instant. Un flot d'odeurs nauséabondes assaillent vos narines. Excréments, sueur, pourriture, sang et saleté.

Quand vous osez regardez autour de vous, vous voyez vos compagnes d'infortune suspendues non loin de vous dans d'autres cages. La rouquine est encore inconsciente. Sa tête oscille au gré des balancements de la cage. Un inconnu, prisonnier lui aussi vous observe. Il est recroquevillé sur lui-même, effrayé. Il ne fait que répéter : "des monstres, se sont des monstres".

Quand vous penchez la tête, vous voyez des tâches de sang sur un sol de terre. Personne n'a pris la peine de les nettoyer. Cinq enfants vêtus de haillons vous lorgnent avec convoitise. Heureusement, vous êtes hors de portée pour eux. Deux adolescents sont assis non loin de vous. Ils vous observent, l'air indifférent. Allongé près d'un feu éteint, un homme étendu sur le dos ronfle paisiblement. Un autre homme monte la garde. Deux femmes équarrissent des peaux.

Quand vous réussissez à détacher votre regard d'eux, vous vous rendez compte qu'il y a des parois de pierre autour de vous. Vous êtes dans une grotte.

Vraiment, il existe de biens meilleurs réveils.

[Zyl]

Bordel...
Sheaxie se frappa le front contre les barreaux de sa cage et ferma les yeux. Que quelqu'un vienne la réveiller, c'était un cauchemar. Pourquoi tout le monde avait-il toujours envie de l'attaquer, de la ligoter et de la faire souffrir ? Elle allait finir par croire que c'était une tradition. Et avoir l'habitude ne signifiait en rien apprécier pareils traitement. Son dos râclait presque contre le fer rouillé mais dur. Peut-être que ça faisait partie de sa condition de demi-orque, de se faire sans arrête maltraiter. Ou d'espionne, peut-être, en général les gens appréciaient peu. Non. Pas cette fois. Cela n'avait rien à voir, se fit-elle (mais ce ne fut pas pour autant que son moral remonta, d'ailleurs). Elle jeta un coup d'oeil circulaire du mieux qu'elle le put, obligée qu'elle était de courber la nuque à cause de sa grande taille. Ses compagnes n'avaient guère été épargnées, et il y avait un autre homme qu'elle ne connaissait pas. La femme se mordit la lèvre jusqu'au sang, se forçant à garder son sang froid. Elle tremblait, en imprimant à sa cage un léger mouvement de balancier qui lui donnait la nausée. Bon. Ca n'était pas le tout, mais il faudrait faire quelque chose. Elle avait la tête lourde et les membres engourdis, et la douleur la lançait dans la hanche, là où elle avait reçu un coup de gourdin. Sheaxie passa sa langue sur ses lèvres désséchées, cracha la salive visqueuse qui encombrait son palais et se risqua à une analyse plus détaillée de ses geôliers en contrebas. Ses compagnes attendraient. Elles n'avaient pas grande valeur, de toute manière. Estimant que sa situation pouvait difficilement empirer, elle se risqua à articuler d'une voix morne et enrouée, à l'adresse du garde :
Oh, salut. Et j'suppose qu'y a pas moyen d'savoir POURQUOI v'nous êtes tombé d'sus et c'qu'on fait dans cette galère, par l'plus grand des hasards ?
Elle contrôlait assez bien sa voix, et la phrase retentit clairement, malgré sa fatigue. Les trémollo, c'était pour les autres. Elle était peut-être une froussarde sans nom, mais au moins elle savait donner l'impression de ne pas l'être.

[Eliaëdel]

La femme avait lentement repris connaissance. En colère. Contre Hanna et son incompétence. Mais ce n'était pas le moment de le montrer ouvertement. Du moins, tant qu'elle était toujours dans le cirage. De ce qu'elle voyait du coin de l'oeil.
Les entraves étaient un souvenir pénible. Douloureux. Mais rester de marbre dans la situation présente l'aiderait plus qu'hurler. Ou insulter.
Envoyer un regard noir à l'humaine lui a fourni une diversion nécessaire.

Elle a bougé un peu. Pour mettre les muscles dans une posture moins douloureuse.
Puis la demie orque avait parlé.
Expectative. Mais pour le moment, elle ne réagirait pas. En attendant de savoir de quoi il allait retourner.

[Hanna]

Les habitants de la caverne l'avaient regardé durant quelques secondes, totalement ahuris. Puis ils s'étaient regardés les uns les autres pour finalement éclater de rire. Manifestement, ils comprenaient les paroles de la semi-orque mais les percevaient d'une façon tout à fait personnelle. Du moins, en apparence. En même temps, c'était elle qui était dans la cage, et non pas eux.

L'hilarité envolée comme elle était venue, un des adolescents se détacha du groupe et s'approcha d'Hanna. Les pieds de la jeune femme toujours inconsciente pendaient dans le vide. Il attrapa le gauche comme pour le chatouiller mais au dernier moment, il lui mordit l'orteil. La jeune femme, encore dans les limbes du sommeil gémit faiblement et bougea son pied par réflexe. Une femme à coté de lui empoigna un morceau de bois et lui frappa sur la tête. Il poussa un petit cri aigu et s'écarta de la cage.

Ils se toisèrent les sourcils froncés et durant quelques secondes, leurs témoins eurent l'impression qu'ils allaient en venir aux mains. Finalement, la femme prit la parole.

«*On joue pas avec la nourriture.
- Mais c'était juste pour goûter.*», répondit-il penaud.

Il se tourna vers les deux encagées comme pour les prendre à témoin et soupira tristement.

[Zyl]

La demi-orque se glaça. Ils ne voulaient pas parler. Elle avait horreur de ceux qui ne voulaient pas parler. Et dans sa position actuelle, elle ne pouvait rien faire d'autre que négocier. Ils avaient l'air trop stupides... Ou plutôt trop peu disposés à écouter. Et ils se moquaient d'elle. Elle cracha de nouveau, les larmes aux yeux. Elle en avait assez de croiser des psychopathes à tous les coins de rue. Stupides, stupides, stupides. Les deux femmes allaient payer. Elles l'avaient attirée dans un traquenard et failli la faire tuer. Et à présent, elle était coincée, par leur faute, dans une cage au dessus de cannibales. Dire que la petite Hanna n'avait même pas daigné se réveiller pour contempler la crasse dans laquelle elle les avait mises, toutes. Sheaxie jeta un coup d'oeil à l'elfe psychopathe. Elle au moins, elle était réveillée, mais elle doutait qu'elle lui soit d'une grande aide pour entamer des négociations. Elle avait l'air du genre à réfléchir avec sa lame.
Sheaxie ouvrit la bouche. Elle aurait vraiment voulu siffler un "Merci de l'ENORME coup de main." bien cassant, mais elle était Gahe, et en tant que Gahe, elle se devait non seulement d'être un peu plus agréable que Sheaxie mais aussi plus positive. Gahe pensait qu'elles allaient s'en sortir. Sheaxie, quand à elle, était occupée à compter mentalement ses orteils et à réfléchir au meilleur moyen d'emporter avec elle ces gens dans la tombe. Gahe parla donc, moins fort et à l'adresse de l'elfe, d'un ton fatigué mais pas non plus pessimiste :
"Vous êtes réveillée, l'elfe. Vous avez une idée de comment nous sortir des ennuis dans lesquelles votre petite patronne nous a plongées, ou je dois encore essayer de causer à ces bouffe-orteils ?"
Au moins, elle avait la satisfaction d'en avoir emporté un dans la tombe. Elle se demandait si ç'avait également été le cas d'Eliaëdel, ou bien si l'elfe n'était bonne qu'à menacer les orquettes à terre.

[Eliaëdel]

" Peut être lui laisser se faire bouffer les orteils lui apprendra la prudence élémentaire."

La voix de la femme était très douce; d'une douceur totalement incongrue vu sa posture. Les yeux démentaient la tendresse du ton. Ainsi que ses propos. Une façon d'oublier ses entraves.

" Petite patronne paiera ça. La seule chose que je peux garantir. Ca prendra le temps que ça prendra. "

Elle avait noté les débuts de tensions parmi leurs ravisseurs. Comptait bien en jouer à son avantage. Pas le moment encore. Pas le choix que de coopérer. Mais exposer ses plans à porté d'oreille... aucune chance qu'elle ne parle en l'état actuel des choses. Du moins sans prendre un minimum de précautions.

" Après, si tu crois qu'ils écouteront, ma douce. Ou peut être qu'ils ne seraient que trop pressés d'entendre nos suggestions à voix haute. " Dans un elfique assez simple. De la sorte, il y avait peu de chance que les brutes ne les comprennent. Et éventuellement, si Gahe était capable de la comprendre...
Ricanement. Une forme de test. Restait à voir si elle avait autant de ressources qu'elle semblait le soupçonner. Sans malveillance particulière. Juste un pointe d'ironie. Se faire aimer ou apprécier n'était pas des choses qui la préoccupaient en ce moment. D'autant qu'elle conservait une bonne dose de méfiance envers la demie orque. Question d'habitude. Plus question de baisser sa garde un instant. L'avait trop payé récemment. La prudence s'imposait donc. L'apanage de la sorcellerie. Même si elle en maniait une autre.


Sans résignation non plus. En finir ne la terrifiait pas. Mais elle leur ferait avaler leurs propres tripes avant. Ca les nourrirait une bonne fois pour toutes. En l'état actuel, trop peu d'éléments sur les rapports de force. Jouer sur l'impulsivité d'un seul de leurs adolescents, facilement maitrisable, ne les aiderait pas longtemps. Surtout avec un si gros comité autour d'elles.

Pour le moment... profil bas.

[Zyl]

Elle hocha du chef. Elle comprenait à peu près l'elfe, comme la plupart des langues mais pour ce qui était de le parler, c'était une autre affaire. La demi-orque cracha une nouvelle fois. Sa salive avait un goût métallique qui ne lui plaisait pas des masses -mais il était vrai aussi qu'elle avait dû avaler quantité de poussière et de terre. Après un léger moment de réflexion, elle répondit, un étrange sourire cynique aux lèvres :
"On va avoir des problèmes de communication, hein ? Je pige à peu près ce que vous disez tant que vous partez pas dans vos envolées lyriques, mais pour ce qui est de causer elfe, ma grande, c'est une autre paire de manches."
Elle venait de parler orque. Pas vraiment le choix. Elle avait un accent de commun abominable, après trop d'années parmis les humains, mais ce n'était pas tellement un mal. Si l'elfe avait des rudiments de la langue -ce dont elle doutait, mais essayer ne coûtait rien-, elle aurait plus de facilité à comprendre. A tout hasard, elle répéta sa phrase en gobelin -langue qui ressemblait pas mal à l'orque, en plus chuintant et encore moins élaboré. Puis elle haussa un sourcil et reprit en commun :
"Peut-être pourrions nous trouver un *terrain d'entente* ? Si vous y êtes... Disposée, bien sûr."
Elle ne pouvait plus vraiment se payer le luxe d'encore se cacher. C'était vexant. Mais moins vexant que mourir des mains (ou plutôt des dents) d'une troupe de cannibales. Elle jeta un coup d'oeil aux cordes qui enserraient ses poignets. Que la surveillance se relâche, et elle serait peut-être en mesure de les ronger. Elle avait les dents forts solides et pointues, après tout. Mais ce n'était pas le moment. Foutue grotte. Si elles avaient été en extérieur, elle aurait au moins eu la nuit pour l'aider. Il leur aurait fallu une diversion, une longue diversion. Les noeuds étaient serrés forts, et elle était fatiguée. Et pour comble de malheur, elle n'appréciait guère la compagnie qu'on lui avait imposé. Hanna était trop naïve -et trop assommée, cela allait sans dire-, et Eliaëdel avait l'air pour le moins instable. Restait à prier pour qu'elle ne provoque pas gratuitement leurs geôliers, mais elle ne paraissait pas non plus stupide.
Sheaxie bougea. Sa position était tout sauf confortable, sa cage trop étroite, et elle ne sentait plus ses jambes. Elle aurait volontiers craqué, mais elle était encore maîtresse d'elle-même. C'était toujours plus facile de tenir le coup dans les situations désespérées, paradoxalement.
La sorcière jeta un regard en biais à l'homme. Il paraissait inutile, mais on ne savait jamais. Peut-être serait-il sacrifiable.

[Eliaëdel]

Quelques mots saisis au vol. Heureusement qu'elle avait parlé lentement. Assez pour comprendre de quoi il retournait. Grossièrement. Une sorte de coopération. Accompagnée d'un petite pique. A ce qu'il semblait.
Un petit sourire. Un petit bout du masque qui tombait. Pas que ça lui plaise nécessairement. Mais au moins, les choses étaient quelque part plus... logiques.

Du moins, plus proche des situations auxquelles elle était confrontée.

" T'inquiète, poupée. " Sans se démonter. Sur le même ton. " Pas du genre à p'rler comme une de la haute, s'tu veux savoir. " Elle semblait s'en amuser beaucoup. Comme une gamine. Même si elle était aux aguets.
Pour arrêter aussi sec l'argot. Reprendre l'elfique quasiment dans la même expiration. Lentement. D'un ton de voix très différent. Neutre. Plus proche de son intonation naturelle. Sans laisser transparaître de doute.

" Pas comme si on avait d'autre choix. " Ca ne lui plaisait pas. La femme n'était pas du genre à croire la demie orque pour la couleur de ses beaux yeux. Mais au moins, elle aurait plus les pieds sur terre que sa commanditaire. Devrait s'en contenter. Tant qu'elle ne se faisait pas doubler. Elle y veillerait.

[Zyl]

"Ouais."
Grogna t-elle, cherchant chez son interlocutrice des marques de surprise ou de suspicion. Elle y était habituée. La plupart des gens n'accordaient pas facilement leur confiance à une demi-orque qu'ils savaient *sorcière*. Comme s'il y avait tromperie sur la marchandise. Et tromperie il y avait. Sheaxie ne se vexait pas pour autant qu'on la traite ainsi, même si cela rendait parfois sa tâche plus ardue. Elle n'avait rien contre un petit défi de temps en temps, et était plutôt fière de ses différences avec le commun des orques et des humains. Cela nourrissait son assurance, et elle en avait souvent besoin pour être crédible, dans les limites de ce dont elle était capable. Et si elle ne pouvait tromper Eliaëdel en l'instant présent, elle se garderait bien de dire plus que le nécessaire. Elle était Gahe, après tout. Gahe était une sorcière et une ancienne esclave un peu naïve, pas une espionne comploteuse.
"Qu'est-ce-que vous pensez de ce type, chef ?"
Fit-elle en baragouin gobelin, désignant de la tête l'humain encagé et balbutiant.
L'exercice linguistique auquel s'adonnaient les deux femmes était plutôt ardu. Mais Eliaëdel ne décevait pas. Intelligente *et* dangereusement chaotique. Un cocktail dont Sheaxie ne raffolait pas, mais il faudrait bien faire avec. Elle ne surestimait pas encore son intelligence au point de penser qu'elle pourrait se sortir d'ici seule. Mais une fois dehors, si elles y parvenaient jamais, il y avait à parier que les choses se compliqueraient. Un plan dans le plan... Juste une petite mesure préventive pour s'assurer que l'elfe ne la poignarde pas dans le dos une fois libérée. Il allait falloir y songer. Et ce n'était pas parce que leur situation était désespérée que Sheaxie allait se retenir de comploter toute seule et contre tout le monde : elle adorait ça. Vraiment, ce serait la priver du dernier plaisir qui lui était accessible dans un endroit aussi désagréable.
"M'étonnerait qu'il soit utile. Quand à vous, j'suppose que vous v'lez sauver votre patronne, hein ?"
Discuter en gobelin à une femme lui répondant en elfique. C'était une expérience inédite, et, il fallait l'avouer, un peu ridicule, parce qu'elles étaient obligées de parler lentement en forçant leur accent et en remplaçant certains mots par du commun ou une autre langue.

[Eliaëdel]

" Pas très utile pour le moment. Mais qui sait. " Ses talents seraient peut être utiles. A condition de se servir de ses pouvoirs pour l'incider à agir avec un peu plus de courage. Toujours dans leur baragouin improvisé, elle a poursuivi.

" Mais t'as gagné ma toute belle. " Impossible de savoir si elle était ironique. Du moins, jusqu'à quel point. " Hanna doit sauver ses petites fesses. Ou plus exactement... " Sans en rajouter davantage. Elle devait veiller sur elle. Un aveu qui ne lui plaisait pas. Mais qui de toute façon crevait déjà les yeux. Et si possible, même la faire s'en sortir la plus intacte possible.

[Hanna]

Pendant qu'elles parlaient, le groupe d'adolescent avait fait descendre la cage de l'homme et s'étaient amassés autour de lui en une mêlée compacte, interdisant aux autres toute possibilité de voir ce qui se passait pour le malheureux. Elles entendirent la porte de la cage s'ouvrir avec force grincements et hurlements.

Sheaxie vit l'un des jeunes sortir un couteau. Il y eut un dernier hurlement suivi de près par un immonde gargouillis et un mince filet de sang commença à couler paisiblement entre les pieds sales des bourreaux. Le groupe se trouva alors pris dans une euphorie collective et meurtrière. Il y eut des bruits désagréables et organiques ponctués par quelques râles. Eliaëdel aperçut un pied agité de soubresauts par delà la mêlée.

Enfin, le bruit cessa. Le groupe, son forfait accompli se dispersa peu à peu, laissant aux encagées la vision d'un tas de chair dépouillé de toute vie et d'identité. Une femme portant une marmite s'avança sur ses entrefaites, dispersant les jeunes à coups de gourdin. Puis, s'asseyant à même le sol, elle déposa un à un les morceaux de ce qui avait été un homme dans son récipient. Puis, avec un grand sourire se tourna vers les jeunes femmes.

A ce moment, Hanna ouvrit les yeux en gémissant et regarda autour d'elle. Ses yeux balayèrent la grotte, s'arrêtant sur la femme et son infâme ragoût.

«*Tiens, ils ont préparé le petit déjeuner ?*», demanda-t-elle sans trop y croire.

[Zyl]

Elle n'avait pas pu s'empêcher de détourner le regard. En temps normal, elle avait l'estomac solide (sauf sur un navire), mais elle avait tout de même ses limites. Profitant de la mêlée, elle s'était décidée à attaquer ses cordes à coup de dents, seulement interrompue par des haut-le-coeur réguliers à l'écoute du massacre. Elle avait vécu chez des orques. Elle avait déjà plusieurs fois été témoin de violences semblables, mais cette fois, sa place était différente. Cette fois, disons qu'elle s'identifiait plus à la malheureuse victime qu'à ses bourreaux carnassiers. La corde était rèche et solide, et elle se sentait franchement ridicule à la mordiller avec la rage d'un chien désespéré, mais il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire. Lorsqu'elle interrompit ses efforts, ses liens étaient déjà bien entamés. Elle pria pour que personne ne se soit aperçu de sa manoeuvre -ses "alliées" y compris. Avec un petit effort, elle pourrait presque les briser, du moins à la prochaine opportunité. Quelques fois, le sourire... Acéré hérité de son sang orque pouvait se montrer utile.

Sheaxie secoua la tête et jeta un regard fataliste à Hanna.
"J'pense pas que ce soit votre genre de repas, madame. Y'a cinq minutes, il était encore en train de causer."
Elle désigna du chef la cage vide.
"Maintenant, si vous voulez goûter... C'est votre choix."
"Gahe" affichait un air perturbé. Elle avait été élevée dans la violence, mais elle la supportait encore moins que Sheaxie. Un peu trop idéaliste, et surtout peu habituée à des dangers aussi exotiques. Gahe comptait sur Eliaëdel...

[Eliaëdel]

Profité de la cohue pour essayer de desserrer ses liens. Pour gagner un peu de marge de manoeuvre. Bien. Un de moins. Elles étaient les suivantes sur la liste de la sorte. Assez clair. Et un allié potentiel de moins. Même s'il aurait été de toute façon trop faible et trop pétochard pour se montrer d'une quelconque utilité même libéré.
Au moins de la sorte, il leur donnait un petit répit.

" Ouais, la grosse vache a préparé la tambouille. " Dernières touches d'argot quand la cohue avait cessé dans la cage. Pour appuyer les paroles de la demie orque. Ulcérée. La situation venait d'empirer; Nettement. Pas besoin d'être un génie pour s'en rendre compte. Mais elle restait calme. pas nécessairement optimiste. Mais calme.

[Hanna]

Hanna les avait regardées toutes les deux une à une, pour ensuite poser les yeux sur la marmite que la femme venait d'accrocher au dessus du feu. Elles devaient plaisanter, à n'en pas douter. Ou peut-être étaient-elles d'une insinuation collective. Il s'agissait sûrement d'une manifestation culturelle locale visant à impressionner le touriste trop crédule. Ou peut-être était-ce simplement une erreur. Dans tous les cas, elle rejetait catégoriquement l'hypothèse que les personnes ici présentes aient pu mettre en pièce un humain. C'était anthropologiquement inadmissible.

En bas, le groupe, trop occupé à regarder la préparation du ragoût ne vit rien du manège dentaire de Sheaxie. Ils continuaient à s'invectiver à voix basse sans se préoccuper des échanges de leurs trois prisonnières. Après tout, personne ne s'attend à ce que sa nourriture lui parle.

Tout à coup, un des jeunes, plus téméraires que les autres plongeant sa main dans le ragoût en chipa un morceau. La femme, exaspérée brandit son gourdin et en deux coups de cuillère à peau flanqua tout le petit monde dehors.

Puis, une fois seule, elle poussa un soupir et retourna à son immonde mixture.

[Zyl]

Ce départ du gros des forces voraces était providentiel, mais Sheaxie retint son envie de briser les liens qui retenaient ses mains. Il restait cette agaçante cuisinière, et ces cordes sur ses pieds. Quand bien même elle parviendrait à se libérer, elle n'allait pas pouvoir se débarrasser de ces deux éléments gênants seule. Elle jeta un coup d'œil en coin à ses alliées. Elles non plus ne pouvait pas faire grand-chose en l'état présent. Il allait falloir attendre. Et trop attendre, c'était courir le risque de faire le prochain repas des cannibales. Joli dilemme. Il y avait toujours au moins une troisième solution. Toujours. Le seul problème, c'était que la seule alternative que Sheaxie voyait pour le moment, c'était de retenir sa respiration jusqu'à la mort pour s'épargner un dépeçage douloureux, et elle n'en était ni d'humeur ni capable.
"L'une d'entre vous aurait-elle une suggestion qui puisse nous éviter une faim, heu, une fin aussi douloureuse que trop épicée? Je digère mal le laurier..."
A présent, elle s'horrifiait presque de son sarcasme -du sarcasme de Gahe, qui ne perdait pas son humour malgré l'affolement qui la gagnait. Pourquoi la panique rendait-elle son rôle plus facile à jouer? C'était tellement facile de se reposer sur un personnage, de croire que rien n'allait lui arriver à *elle*, parce que c'était, après tout, l'*autre* que les gens voyaient emprisonnée. Elle ne devait pas relâcher sa vigilance. Les enjeux étaient trop réels, beaucoup trop mortels pour qu'elle s'amuse encore.

[Eliaëdel]

Si la cuisinière avait été disposée à écouter peut être qui ses pouvoirs auraient pu faire quelque chose. Mais bon. Les bras attachés. La respiration était entravée. Son chant ne serait pas optimal. Pour ne pas dire plus. Elle le réserverait en cas d'urgence absolue.

" Rien qui ne me vienne en tête. A moins qu'Hanna n'ait une petite suggestion à faire. "

Petit rictus mauvais. Rien de l'obligeait à expliciter ses idées. Souvent elle se trouvaient bien mieux à l'intérieur de son crâne. Les chérir oui. Les triturer dans tous les sens. Où les laisser s'exprimer brutalement. Selon l'humeur. Selon la gêne que ça pourrait induire.
Et peut être que leur chère Hanna aurait un éclair de génie. Même s'il ne fallait pas trop y compter.

[Hanna]

Hanna avait regardé pendant un moment la femme en contrebas. Vu de très loin, elle avait l'air d'une cuisinière ordinaire. De très très loin, elle ressemblait à n'importe quel femme. Mais de tout près et du dessus, elle ressemblait à … Disons qu'avec ses cheveux défaits et les tâches de sang sur ses manches hé bien … Elle n'avait pas l'air très recommandable.

«*Peut-être est-ce qu'on pourrait se balancer mine de rien. Si la dame est d'accord, bien sûr.*»

Son «*hôte*» leva la tête et lui lança un regard absent qu'elle prit pour un signe d'assentiment.

Elle se pencha doucement en avant contre la cage autant que les entraves le lui permettaient puis se pencha en arrière. C'était douloureux, inconfortable. Et la femme lui lançait un regard franchement dubitatif. La cage grinça comme pour rire et resta immobile. Mais il en fallait plus pour décourager Hanna qui persévéra dans son obstination, ponctuant chaque mouvement par un : «*Youhou*», conférant à ses mouvements une sorte d'érotisme navrant et ridicule.

Mais, doucement mais sûrement, la cage se décida à osciller d'avant en arrière. Hanna éclata d'un rire forcené pendant que sa prison martyrisée émettait des plaintifs crissements de ferraille. Elle se balançait encore et encore même quand la cage gagnée elle-même par la folie se mit à tourner comme un pendule.

Ce spectacle navrant finit par porter sur les nerfs de la cuisinière qui, saisissant ce qui avait été le bras de son déjeuner le lança sur la cage. Il percuta les barreaux, dessinant une arabesque de sang dans son sillage et alla terminer sa course à coté de Hanna qui dans un premier temps écarquilla les yeux. Puis, prenant conscience de la nature du projectile perdit toute couleur et dit doucement :

«*Charmant. Mais si vous le permettez, je vais vous laisser un petit peu.*»

Et elle retomba dans les limbes bienvenues de l'inconscience.

[Zyl]

Médusée et affligée, Sheaxie avait regardé en silence Hanna se balancer dans sa cage et retomber dans les limbes de l'évanouissement. Elle était folle. Elle était vraiment folle. Ou bien jouait-elle ? Personne ne pouvait en être sûr. Peut-être, peut-être. Sheaxie restait méfiante jusqu'au bout des ongles. Peut-être Hanna était-elle celle qui les avait attirées dans ce traquenard. Peut-être sciemment. Peut-être jouait-elle encoreu un rôle malgré ses apparences de naïveté, d'innocence et de folie douce. Sheaxie se mit à transpirer. Elle n'aimait vraiment pas cette perspective. C'était peu probable, bien sûr, puisqu'elle avait été encagée comme Eliaëdel et elle, néanmoins...
Sheaxie manquait de repères. Elle était coincée avec des quasi-inconnues dans une situation désespérée, et commençait à se sentir vraiment mal. Ne pouvait-elle vraiment compter que sur elle-même ? Elle détestait faire confiance. Elle haïssait, même.
Quelque part, une partie du cerveau de Sheaxie cognait brutalement les autres pour essayer de les sortir de leur paranoïa grandissante et les forcer à réfléchir à une vraie solution, immédiate, pour se libérer des cannibales. Il faudrait qu'elle fasse avec ce qu'elle avait, un point c'était tout.
Elle posa le front contre les barreaux de sa cage et se força à récapituler la situation. Une elfe psychotique, à priori solide mais un peu trop chaotique. Une scientifique à tendances évanouissantes. Des liens presque brisés au niveau de ses poignets, mais des pieds attachés et une cage en hauteur. Elle avait beau retourner le problème dans tous les sens, elle ne trouvait pas de solution qui ne se soldait pas par sa mort immédiate. Levant la tête, la sorcière entreprit d'inspecter le système d'attache de sa cage et l'état des barreaux. Bon sang ce qu'elle aurait préféré pouvoir négocier.

[Hanna]

Sheaxie eut un peu de temps à consacrer à l'exploration de sa cage. Une cage à l'étrange forme conique aux barreaux rongés par le temps et par la rouille. Par contre, une main astucieuse avait renforcé les verrous. Car, mis à part la cuisinière s'affairant au dessus de son sinistre dîner, elle n'eut rien à regarder. Une autre femme vient lui parler. Elle saisit quelques bribes de leur conversation. Apparemment, la matriarche du clan avait été tuée par Eliaëdel et l'une des trois femmes restantes, dont elle deux allaient avoir le privilège de la remplacer. Restait à savoir laquelle. La précédente avait été choisie compte tenu de son âge avancé. Cette fois, le chef de clan voulait élire la plus capable de s'occuper de leur meute. Et les deux se voyaient toutes les deux plus capable que l'autre. Une dispute s'engagea donc entre les deux.

Ça ne dura pas très longtemps. La cuisinière avait sauté sur l'autre et lui avait mordu l'oreille. La pauvrette se dégagea en hurlant et s'en fut précipitamment de la grotte, laissant son adversaire de nouveau seule avec les prisonnières.

[Eliaëdel]

Ricanement. Voix d'enfant. La petite lutte l'amusait. La distrayait. Nouvel aperçu des tensions dans la tribu. Oui. Prévisible. Une nouvelle piste possible. Il faudrait faire vite. Tout en revenait au temps; et finir sur le menu d'une bande d'atardés ne la tentait pas.
Malgré ça, elle se sentait... Nauséuse. Impression d'un mal de ventre permanent. Manque de patience. Sentiments mitigés.
Cette grossesse tombait au plus mal. Oscillant entre l'envie de s'en débarrasser tout de suite. Ou attendre. Pour mieux l'abandonner à sa naissance. Elle a essayé de se dégager. Distraitement. Mutique. Jouant avec les liens pour les tranches progressivement sur le fer rouillé et irrégulier de sa cage.

La femme a pensé à Manost. D'où on l'avait sciemment éloignée. D'autres pensées ont effleuré le souvenir d'Elissa. Avant de se faire enfouir tout implacablement. Avec des relents de colère et de souffrance.
Peut être que même dans cette cage. Même avec sa liberté d'action du moment. Même en dépit d'une Hanna consternante... et drôle à ses dépends quelque part.
Oui.
Elle se trouvait mieux sur les routes. Les dangers y étaient tout aussi nombreux. Mais plus simples.
Elle se sortirait d'ici. Au moins avec Hanna. Quant à Gahe. Elle n'y veillerait pas spécialement. Sauf pour prendre garde à ce qu'elle ne les double pas ni ne les trahisse. Plus de ressources qu'elle ne voulait bien en montrer. Et avec ça, un excellent prétexte de méfiance. Même si ça n'était que facultatif.
La confiance tuait aussi. Plus souvent que les moralisateurs voulaient bien l'admettre.

[Zyl]

Cette fois, la cuisinière avait toute l'attention de Sheaxie. Des brèches... Ce n'était pas si étonnant chez des êtres de violence. Elle aurait dû y penser. Elle pouvait travailler des brèches métaphoriques, aussi bien voire mieux que des brèches concrètes dans sa cellule. Il y avait peut-être quelque chose d'intéressant à faire de ce côté là. Les yeux plissés, elle était désormais toute à son analyse du comportement de la femme. Ses mains commençaient à la démanger. Elles n'étaient pas si loin d'être libres, et il aurait suffi d'un petit effort pour faire craquer ces maudits liens, mais elle les ignora. Elle suivait avec attention les mouvements de la cannibale. Elle était indubitablement de nature nerveuse, quoi ce ne semblait pas un de ses traits particuliers au vu de l'excitement dont avaient fait preuve les autres plus tôt. A priori, humaine, bien que d'une culture différente de celle à laquelle Sheaxie avait été habituée. Et elle cherchait le pouvoir. Ce devait être universel. Peu importait la culture, peu important la race ou l'environnement : Les êtres vivants semblaient faits pour se marcher sur les pieds les uns les autres. Sheaxie était un peu trop fatiguée pour pouvoir élaborer un plan complexe. Elle allait devoir jouer à l'instinct, ce qui, compte tenu de son héritage verdâtre, n'était jamais très bon. Peut-être pouvait-elle appliquer ses notions de la psychologie brutale des orques à ce peuple inconnu ? Mais ce n'était pas sûr... Rien n'était vraiment sûr, en fait. Rien, à part ce conflit chez leurs ravisseurs. A priori, la cuisinière était dominante, du moins pour le moment, puisqu'elle avait réussi à faire fuir son adversaire. Bon sang. Si elle avait su qu'étudier le système politique des tribus du centre de Dorrandin aurait pu lui sauver la peau, elle aurait passé bien plus d'heures à la bibliothèque de Mélandis.
Leurs ravisseurs ne semblaient pas reculer devant la violence -que ce soit envers leurs victimes, ou entre eux. Et donc si le conflit se poursuivait, il y allait y avoir du sang versé. Le sang des autres.
D'une manière ou d'une autre, il fallait... Il fallait réussir à agrandir la brèche. Pas évident quand on était dans la position de victime de tous les autres partis, mais faisable. Sheaxie remua un peu, libérant sa jambe fatiguée du poids de son corps engourdi. Il allait aussi falloir s'occuper de cette blessure.
Encore quelques minutes d'analyse. Quelques minutes à entrer dans sa tête toutes les données accessibles sur leurs geôliers, et la cuisinière en particulier, et elle se lancerait. Il lui fallait juste un peu de... Temps et de sang froid à rassembler.

[Althéa]

L'homme allongé dans un coin de la grotte avait fini par se réveiller. Totalement immobile, on avait fini par oublier sa présence. Il s'étira, s'accompagnant d'un bâillement paresseux. Il se mit lentement sur ses pieds, le temps que le sol autour de lui se stabilise.

Il leva les yeux vers les cages et sourit en voyant les prisonnières. Le reste de la meute avait bien travaillé. Il se dirigea à pas lents vers la cuisinière et lui étreignit la taille. Ses mains se firent pressantes. Elle se mit à rire et fit mine de se dégager. C'est alors que son opposante entra dans la caverne. Ses yeux se posèrent instantanément sur le couple et Sheaxie et Eliaëdel virent son visage se figer en une expression de haine pure. Elle toussa. Les autres se retournèrent. Elle fit semblant de rien.

[Eliaëdel]

Un rictus soucieux. Qui s'est mué en une grimace. Quelque part entre la mélancolie et l'amusement. Avant de partir sur un éclat de rire. Aérien. Mélodieux, presque. Dans le silence de la grotte.

" Oh. La fin du petit interlude. Quel dommage. " Un petit sourire. Presque rêveur. Maintenant, les choses allaient devenir encore plus intéressantes. Les mêmes petites rivalités de pouvoir qu'ailleurs. Bien sur un contexte différent...

Mais c'était sur la rivale qu'il faudrait exercer ses talents. Il ne faudrait pas grand chose pour la persuader d'agir. Juste la persuader qu'elles pourraient avoir un petit rôle à jouer. Et le monnayer correctement.

[Zyl]

La jalousie. Encore un concept stupide, s'il en était. Bien sûr il était arrivé à la femme de se montrer jalouse, c'était évident. Jalouse de types plus argentés qu'elle, les bien-nantis, et ceux qui n'avaient pas pour visage ce masque vert qu'elle arborait. Mais elle savait le cacher, elle.
Sheaxie n'aimait pas. C'était de là que venait son mépris du puéril sentiment de jalousie amoureuse (ou simplement possessive ? C'était plus plausible dans l'hypothèse d'une guerre des matrones). La seule valeur qu'avaient les gens, les autres, c'était le prix de leur rançon ou le contenu de leur bourse. De l'argent. On pouvait compter sur l'argent, bon sang. Des hommes, ou des femmes, il y en aurait toujours à la pelle. Peut-être cela faisait-il aussi partie de la guerre d'influence que se livraient les deux femmes... Hum, non, sûrement. Les gens jaloux étaient faciles à manipuler, aussi Sheaxie ne s'en plaignait-elle pas. Restait à savoir comment agir. Elle ne savait pas vraiment comment communiquer avec ces êtres qui les avaient capturées. C'était toujours beaucoup plus difficile depuis une cage et face à des gens dont elle ne connaissait pas la culture. Peut-être qu'en parlant de sa dague... C'était une bonne dague. Magique. Ils avaient dû la récupérer, mais ignoraient sûrement ses facultés. Sheaxie y tenait, mais pour sauver sa peau, elle l'aurait volontiers vendue. Sheaxie se tordait le cou. Elle hésitait franchement. Le problème, c'était la cuisinière, en fait. Et son amant.
Sheaxie rompit d'un coup sec mais discret ses liens. Ils lui avaient cruellement mangé la chair des poignets, et ses doigts enflés comme de très vertes saucisses étaient parcourus d'un fourmillement désagréable. Elle hésitait à les remuer, gardant les mains à la hauteur où elles avaient été attachées. Elle pourrait jeter un sort, éventuellement, mais il ne fallait pas qu'on la repère. Du mieux qu'elle l'avait pu, elle avait gardé les loques de corde là où elles étaient, évitant de les faire tomber.
Ses sorts...
Son imaginaire... Manipulation à distance ? Hm. Il y aurait moyen de provoquer une courte distraction, sûrement.
Elle jeta un coup d'œil à Eliaëdel, curieuse. Elle ignorait si l'elfe avait repéré ses manœuvres. Sheaxie soupira. Il n'y avait vraiment plus grand chose à espérer d'Hanna...