[Bâtiment] Ambassade de Manost

[Lothringen]

La femme sourit de toutes ses dents fortement cariées.

"Oh, c'est bien simple, je ne sors jamais de l'ambassade. Sauf si je suis accompagnée de quatre ou cinq gardes d'élite en permission. Et puis, je serai remplacée dans quelques mois. L'ambassadeur fait très attention à renouveler régulièrement le personnel. C'est important, vous pensez. Nos visiteurs sont suffisamment déprimés tout seuls ! Ici, nous essayons de... faire valoir notre extraterritorialité, disons."

Elle se redressa en position verticale, entraînant son impressionnante poitrine avec un léger temps de décalage.

"Enfin, je souhaite bon courage si vous voulez arpenter un peu plus la ville. Tâchez d'éviter l'Antre des Miséreux, si vous aimez la vie..."

Elle soupirait. En réalité, il n'y avait pas vraiment de quartier sûr à Melandis, exception faite peut-être du Havre, où se trouvait justement l'ambassade...

[phoeunix]

Draion salua une nouvelle fois de la tête la jolie jeune femme.

"Merci encore et bon courage pour la suite."

Il dut faire à nouveau quelques efforts pour détacher son regard du physique avantageux de la secrétaire avant de se retirer main dans la main avec sa petite protégée pour retourner vers les rues surpeuplées de la ville. Il comptait sur elle pour les guider vers les quartiers marchands de la cité, de préférence vers un marchand de tissu et d'étoffes.

suite.

[Lothringen]

De retour de Paymill.


A son retour de Paymill où il avait passé la nuit, Lothringen fit une brève escale à l'ambassade. Le manostien y rédigea en réponse à la lettre de Mornagest une lettre officielle où étaient écrits ces mots :

"Trop heureux de recevoir de tes nouvelles, je me suis hâté de régler les derniers détails. Je reviens aujourd'hui même de Paymill où j'ai fait armer un navire qui sera prêt au départ d'ici une semaine, le temps de procéder au recrutement de l'équipage et des hommes d'armes. J'ai aussi pris mes dispositions du côté d'Eloern : il rédigera les parchemins. Tout devrait pouvoir être prêt pour la date que tu indiques, en dépit du raccourcissement des délais. En revanche, je ne me suis pas encore décidé à parler au Grand Emissaire de mon projet de démission. Petite lâcheté de ma part, et j'en suis bien conscient... D'autant que Manost est assez instable en ce moment, en raison des difficultés de l'Eglise helmite à remplacer Alréac. Je partirais l'esprit plus tranquille si Ravestha me semblait moins distant, la théocratie moins branlante...

Mais peu importe. Helm est apparu devant moi, devant nous tous, une fois encore ; et cela ne me touchait pas. Je les voyais s'émouvoir, s'extasier, et je me sentais étranger dans ce temple. Cette histoire-là n'est plus la mienne - l'a-t-elle jamais été ? Je peine à jouer la comédie, et je n'ai pu mettre que Tymora tout à fait dans la confidence... Avons-nous tort de faire passer notre propre existence avant le destin collectif ? De temps à autres le remords me travaille, mais au fond, je sais que nous avons déjà suffisamment donné. Et que cela nous a coûté trop cher...

Je brûle tellement d'impatience de te revoir. Aujourd'hui, je suis tout près, à l'ambassade, bien que je ne fasse que passer ; seule la prudence a pu me dissuader de venir te trouver en personne. Ce que tu me dis des luméniens et des autres conseillers m'inquiète ; peut-être faudra-t-il précipiter notre plan pour avoir une chance de le voir aboutir sans intervention extérieure. Je reviendrai pour un nouveau passage éclair à l'ambassade ou au jardin (les joies de la téléportation !) dans six jours, afin de vérifier si tu as des précisions de dernière minute.

Tu me manques, mélandien, jusque dans mes prières. Sois prudent, comme tu as du reste parfaitement su l'être jusqu'ici... A très bientôt."

Lothringen plia le parchemin, le cacheta du sceau de la cité helmite et le remit à un soldat manostien, en lui recommandant de se rendre à l'Antichambre et de le remettre en main propres au chancelier. Il décida d'attendre le retour du messager avant de se retéléporter à Manost.

[Mornagest]

Le futur ex chancelier avait reçu la missive une heure seulement après que le soldat fût mandaté. Il s'émut aussitôt l'enveloppe en main. La réponse... l'attente lui avait parut si longue, il craignait, rationnellement ou non, un problème, un imprévu... il déchira rapidement le cachet en cire et déplia le parchemin. C'était bien l'écriture du semi-drow, posée mais petite et facilement lisible.

Il relut plusieurs fois l'entièreté du message, et saisit sa plume. Pas d'entrevue... c'était plus sage en effet, même s'il bouillait.

"La fièvre couve en moi mais elle sera bientôt calmée ; d'ici à mon départ, pas avant, certainement. Te savoir si proche me fend le coeur, mais la sagesse est effectivement de mise. Pour l'instant, rien ne me fait penser à un éventuel traquenard, mais je n'en reste que plus vigilant. Le calme avant la tempête, cela arrive... j'ai des espions un peu partout dans l'Antichambre même, mais rien ne dit qu'ils apprennent réellement quelque chose, ni même qu'ils me rapporteraient effectivement les activités de mes conseillers... bah, je me fais suffisamment confiance en cas de problème. Ai-je tort ? Je garde l'oeil ouvert en permanence, je puis te l'assurer.

Ta question a le mérite d'être posée. Avons-nous donné suffisamment ? Je crains que oui, trop sans doute. Ma... déroute a failli être définitive, sans ton retour salutaire. Quant à toi, si tu estimes te forcer à rester à Manost, je pense que la réponse est claire... un jour ou l'autre, tu risquerais de faire un faux-pas, sinon plus... sait-on jamais.

D'ici à mon embarquement, il n'y aura normalement rien de particulier. Au cas où cela arrivait, je tenterais de te prévenir à l'ambassade ; en espérant que ce ne soit pas le cas...

Je garde en permanence ton sourire en tête, jusqu'à le revoir enfin... à bientôt, mon fier amant."

Il relut ses lignes, sans trop les relire ; il n'aimait pas dévier de son premier jet, toujours le plus spontané. Il plia la feuille de parchemin, la glissa dans une enveloppe et cacheta cette dernière.

Il fit mander le garde manostien qui était resté à l'attendre, comme Lothringen le lui avait demandé, et lui remit la lettre en le remerciant. Puis il revint à sa chambre mais resta un long moment sans rien faire d'autre que contempler la lettre de son compagnon. Il lui tardait...

[Lothringen]

Dans son impatience de pouvoir ouvrir le courrier, c'était à peine s'il avait songé à remercier le porteur. Puis, une fois réfugié dans son bureau, il avait lu, attentivement, pesant et repesant chaque mot, chaque phrase. Mornagest ne lui apprenait rien de particulier, ni catastrophe de dernière minute, ni revirement des luméniens, ni complot en cours d'exécution – nulle menace précise. Le chancelier se voulait même rassurant, tout en soulignant les limites de son dispositif.

Mais Mélandis était la terre des intrigues et des complots et le seul fait de ne pas en savoir quelqu'un en cours était à soi seul largement anxiogène. Lothringen soupira. Ils avaient pris toutes les mesures qu'ils pouvaient prendre, ils ne pouvaient rien faire de plus pour l'instant : la longue attente allait encore durer.

Oubliant les aspects pratiques de leur plan, il relut la lettre pour le seul plaisir d'en éprouver le ton, les sentiments. Mornagest tenait fermement le cap, même s'il partageait son impatience d'en finir. Et, après tant d'aveuglement, sa lucidité ne serait pas un maigre atout... Le semi-drow plia la lettre pour la ranger dans son justaucorps, avant de s'abîmer dans la mélancolie. Il ressentait lui-même les effets de cette fièvre. Que ne pouvait-il le voir, lui parler, le toucher, librement...

Quelques temps plus tard, il descendait à la remise, refermait derrière lui la porte de son petit laboratoire, et activait le cercle de téléportation qu'il avait enfin trouvé le temps d'y faire installer. Ce dernier communiquait avec son homologue du Palais des Murmures, au beau milieu du bureau du conseiller.

[Mornagest]

Une certaine effervescence régnait à l'ambassade, depuis l'annonce officielle de la mort du chancelier, annonce qui avait surpris les diplomates manostiens de part sa rapidité, et sa franchise... avouer de but en blanc que le chancelier avait été supprimé, sans protection aucune autour de lui, cela ne ressemblait guère au style du conseil, qui masquait la plupart des événements graves - encore que ce dernier acte méritait probablement un meilleur superlatif.

Des messages furent rapidement envoyés depuis l'ambassade afin de prévenir les autorité de la cité helmite. L'échiquier politique risquait d'être bouleversé, car nulle rumeur concernant l'identité du successeur de Mornagest ne circulait encore. À se demander si le conseil lui-même avait une idée sur la question, à l'heure actuelle...

Lothringen reçut, le jour même, le message suivant, envoyé par magie, évidemment, vue l'urgence :

"Chancelier assassiné cette nuit, conseil prend la direction en attendant successeur. Corps encore à l'antichambre, meurtrier inconnu."

Le style haché était obligatoire ; plus le message était court, plus il transitait rapidement.

[Lothringen]

Venant de :http://www.baldursgateworld.fr/lacouronne/lantre-des-misereux/14118-batiment-la-main-de-gloire-3.html#post217331

Après son détour par la Main de Gloire, Lothringen était retourné à l'ambassade par le chemin le plus long. Peu à peu, le premier choc passait, et il prenait lentement conscience de la perte et du deuil qui étaient les siens. Il savait trop ce qui se passerait, dès qu'il se trouverait seul, sans rien d'autre à penser, sans plus d'apparences à sauver... Il avait beau se dire que, peut-être, ce n'était pas la fin, son esprit était pour l'heure incapable de s'arrêter sur autre chose que la vision du corps disloqué et sanglant de l'Antichambre.

Il salua à peine les gardes, puis l'ambassadeur et Ortéguy, qu'il écouta sans vraiment les voir lui rapporter comment réagissaient la noblesse, les officiels. Leur premier souci semblait être de ne pas se laisser surprendre par les remaniements du conseil qui ne manqueraient pas d'intervenir à la suite de cet assassinat. Lothringen, pour sa part, s'en fichait éperdument.

Dès après le repas, il partit rapidement s'isoler dans sa chambre. Encore une fois, tout ici le renvoyait à Mornagest ; était-il une seule fois venu à Melandis ces derniers temps sans que ce dernier n'y soit mêlé ? Il s'assit sur le lit, prostré dans ses pensées. Il avait le choix. Baisser les bras, abandonner sur-le-champ sa douleur à la colère, à la rage impuissante qui le tourmentait, ou...

Ou quoi ? Crois-tu vraiment avoir les moyens de le faire revenir ? Une pauvre mèche de cheveux ne suffit pas, il faut quelqu'un pour lancer un sort aussi puissant. Que pourras-tu offrir en échange d'un tel service ? Tu as dépensé toute ta fortune pour affréter ce navire à Paymill, tu n'as plus rien...

Il s'efforça, difficilement, de réfléchir. La plupart des grands-prêtres étaient en mesure de lancer un sort de Résurrection. Il fallait aussi leur ajouter les archimages, qui pouvaient obtenir le même résultat en invoquant un sort de Souhait. Il avait, en réalité, de par ses relations, un choix relativement large des personnes à qui s'adresser. Manost n'avait certes plus de grand-prêtre de Helm pour l'instant, mais il avait croisé le grand-prêtre de Torm lors du conclave, et la cité avait encore un archimage en la personne d'Eloern. Melandis avait son lot de personnalités de puissance équivalente, du reste... Mais qui accepterait de jeter ce sort souvent traumatisant pour le lanceur lui-même ? Pour quelle contrepartie ? Pouvait-il permettre que Mornagest soit reconnu lors de l'opération, au risque que l'un ou l'autre vienne lui réclamer justice ou vengeance - au risque de le voir, une fois de plus, rattrapé par son passé ? Sa pensée s'arrêta quelque temps, sinistre, sur Dorson. Ce dernier se moquait bien des affaires internes du continent, et Lothringen savait détenir une contrepartie qui l'intéresserait...

Es-tu à ce point désespéré, mon fils ? Une fois de plus, la voix de Tymora résonnait en son esprit. A moins que ce ne soit qu'une partie de son âme, intervenant contre les autres pour lui faire entendre le point de vue de sa foi...

Il se frotta les yeux. Il était nerveusement épuisé, désemparé, seul au monde, avec une irrépressible envie de pleurer, et il fallait en plus prendre seul d'importantes décisions qui ne pouvaient attendre ?

Non, j'ai seulement... tant de peine à penser.

En un tel moment, songer que Tymora ne l'avait pas oublié l'apaisait un peu. Il s'efforça de se calmer. Tant qu'on n'a pas refermé le livre, on peut changer la fin.
Il finit par comprendre que la bonne question n'était pas : pour qui disposes-tu d'une contrepartie valable ? mais plutôt : à qui confierais-tu tes secrets et vos deux vies, les yeux fermés ? Et il connaissait la réponse.

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