[Bâtiment] Le Manoir du Baron de Percival

[Galathée]

Situé dans l'une des plus belles avenues du quartier huppé de Luménis, le manoir du baron de Percival est une grande demeure de pierre sombre, chargée de pignons et de tours pittoresques, qui se déploie sur trois étages. On y trouve écuries et salle de bal, une douzaine de chambres, une des bibliothèques privées les mieux achalandées de la ville, ainsi qu'un cellier bien rempli.

Un jardin arboré entoure le bâtiment, entretenu avec goût, et il est célèbre dans la cité pour ses massifs d'hortensias et de rhododendrons multicolores. Le vaste portail permet le passage d'un carrosse de taille modeste, et donne sur une allée de sable fin que l'on dit ramené de la côte voisine. Plusieurs statues ornent les pelouses, mais les plus remarquables sont les deux licornes cabrées qui saluent les visiteurs lorsqu'ils entrent dans le domaine.

***

Quête : Une si belle nuit.

La porte s'ouvrit beaucoup plus rapidement, cette fois, et l'homme qui vint à la rencontre de Maaïsie le fit pratiquement en courant. Il était jeune, sans doute pas beaucoup plus de vingt ans, et d'une laideur sans concession. Son nez disgracieux occupait la moitié de son visage, ses yeux exorbités étaient veinés de rouge et il avait de grandes dents qui se chevauchaient. Maigre, il portait cependant un pourpoint brodé de grande qualité et malgré une gaucherie apparente, il avait un maintien relativement étudié. Il était cependant essoufflé et ses habits, aussi riches soient-ils, étaient froissés.
Il s'immobilisa devant Maaïsie, la détailla de pied en cap, puis soupira.
" Vous n'êtes ni du Temple, ni de la Garde. Qui diantre êtes-vous ?"

[Eawyne]

Maaïsie était bien trop éduquée pour se laisser aller, mais tout dans l'attitude de cet homme prêtait à rire. Sans méchanceté aucune, non, juste que... que c'était drôle.

" La personne à qui était adressée cette lettre, Messire... comment dois-je vous appeler ? Selon votre missive, ou selon les gens qui m'ont permis d'arriver à votre seuil ? "

Ce disant, elle se fendit de son plus resplendissant sourire. La prudence lui dictait une attitude enjouée, presque... légère. Elle espérait juste que la pénombre environnante ne gâche rien à sa petite mise en scène. Il ne fallait pas non plus avoir l'air d'une sotte : après tout, il avait fait appel à ses services, et elle se devait de paraître efficace...

[Galathée]

Le jeune homme prit la lettre et l'examina.
" Oh bon sang... Ça me dit quelque chose... Mon père a dû m'en parler, mais... C'est sans doute avec lui que vous avez des affaires à régler, Dame... Luune. Je n'entends rien à l'Art, personnellement. Il est malheureusement alité, mais... "
Il se fendit d'un sourire qui n'arrangea en rien son allure.
" Je ne vais pas vous laisser dehors pour autant."
Il ouvrit le portail et s'effaça pour la laisser passer.
" Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur ce qui vous amène ?" demanda-t-il, tout en remontant l'allée vers les portes du manoir.

[Eawyne]

" Je ne sais pas très bien moi-même, vous avouerai-je. Il a fait mention de plusieurs objets précieux, ou rares, de ce pays. Je n'ai rien de tel dans mes propres collections, je suppose donc que c'est ici que j'aurais le plus de chances d'en trouver pour lui ".

Malgré son apparence qui n'était pas en sa faveur, ce fils de Seigneur avait une bien belle voix, à la fois juvénile et posée. Peut-être un débit un rien rapide ; mais cela était dû à son essoufflement. Il ne devait pas beaucoup sortir... Ceci dit, il était le premier à ne pas l'avoir appelée "madame", et cela lui plut.

" Vous le disiez alité ? J'espère qu'il ne s'agit de rien de grave...? "

[Galathée]

Il s'immobilisa une seconde et parut hésiter. Puis il poussa un profond soupir.
" Il va mieux... Mais hier soir... Bon sang. Je n'avais plus eu si peur depuis..."
Il sourit à nouveau, un peu embarrassé.
" Depuis mon enfance, j'imagine." termina-t-il avant de relever les yeux. " Il s'est écroulé au milieu de son discours, c'était impressionnant. On se souviendra de mon mariage, c'est sûr. Ce n'est pas tous les jours que le père du marié est empoisonné le soir de ses noces. Enfin, là, il va mieux... C'est passé tout près. Je crois. Je n'y connais rien."
Il reprit sa marche vers le manoir.
" C'est pour ça que je vous ai prise pour... J'attendais quelqu'un de la Garde avec des nouvelles sur l'enquête. Ou bien un clerc pour les soins... Mais ces Lathandrites sont rarement de sortie en pleine nuit, j'aurais dû y penser."

[Eawyne]

" Oh... je suis à la fois heureuse attristée, Messire ", déclara-t-elle doucement, un sourire accompagnant ces mots. " Peut-être ferais-je mieux de trouver une auberge, surtout si votre épouse est présente, je ne voudrais pas m'imposer ainsi ".

Maaïsie s'était immobilisée sur le pas de la porte, les mains jointes devant elle. Intérieurement, pourtant, cette petite étincelle venait de s'embraser de nouveau. On ne perd jamais ses instincts de Justice, ni une curiosité et un désir de connaître aussi intenses !

[Galathée]

Il parut surpris de ce subit défilement.
" Oh non, non, entrez. Je devine que vous descendez tout juste de votre navire, vous flairez bon les embruns."
Il rougit.
" Enfin, sans vouloir vous offenser."
Embarrassé, il l'invita dans le hall majestueux du bâtiment, qui conduisait à un escalier monumental menant aux étages. C'était une vaste pièce qui devait pouvoir servir de salle de réception, au dallage de marbre bigarré et dont les murs s'ornaient de tapisseries ouvragées, difficilement discernables dans l'obscurité. Un grand lustre éteint le surplombait, ce qui n'était pas du luxe, car il ne disposait d'aucune fenêtre.
Le jeune homme ouvrit cependant la première porte à sa droite et pénétra dans un petit salon sans doute dévolu aux visiteurs. Il indiqua un fauteuil à Maaïsie. Un petit feu crépitait dans l'âtre et une bouteille de vin reposait, intacte, sur la table basse.
" J'attendais la Garde. Prenez donc un verre avec moi, le temps de vous poser. Je vais envoyer quelqu'un vous réserver une chambre à la Bienveillance, si vous voulez. Peut-être pourrez-vous me changer les idées en me parlant de... de votre voyage, je ne sais pas."

[Eawyne]

Maaïsie rit.

" Peut-être vais-je rester plus longtemps alors, si vous le voulez bien. Raconter des histoires ne se fait pas en quelques mots, et si je raconte mon voyage, je fais rester ici toute la nuit ". Elle tendit discrètement la main en avant, tout en hochant la tête vers la bouteille. Il semblait souhaiter qu'elle reste, et elle se sentit gênée d'avoir pu le blesser en refusant son invitation.

" Voyons... je suis partie il y a de ça un trois semaines déjà... J'avais reçu cette lettre de votre père, et c'est plutôt inhabituel qu'une lettre vienne de si loin, sans que je n'aie rencontré la personne auparavant. Mais il décrivait précisément ce qu'il recherchait, et je dois avouer... que j'avais envie de prendre la mer, de voir "ailleurs", même si j'ai parcouru déjà bien des lieues ".

Tout en contant son histoire, la jeune femme prenait de légères gorgées du vin qui lui avait été servi. Elle avait eu le temps de se forger une certaine aisance avec l'alcool ou le vin, sans pour autant apprécier d'en prendre trop. Il était juste très pratique de ne pas succomber avant son client.

" J'ai pris avec moi le strict nécessaire, quelques bibelots que je pourrais troquer ou vendre, de quoi succomber à la tentation d'ouvrir un comptoir ici... Cette ville semble douée d'une vie et une activité engageante. Bien plus que celles que j'ai déjà visitées ou ces îles où le navire a fait escale. L'activité semble toujours se restreindre au port, et le reste n'offre que le calme d'un ennui qui s'orne d'une façade de simplicité, " ce que Maaïsie accentua d'un petit soupir.

[Galathée]

" Oh, Luménis est animée, c'est certain... L'activité a mis un certain temps à reprendre après la dictature... Nous avons eu... un coup d'état, il y a presque deux ans, à présent. Beaucoup de gens ont été emprisonnés, assassinés... Après la rébellion qui a destitué le dictateur et ramené la paix à Luménis, des tas de personnes sont parties, la cité était chargée de mauvais souvenirs... Et d'autres sont arrivées. Un peu comme vous, presque par hasard..."
Il allait reprendre une gorgée de son vin lorsque la porte s'ouvrit à la volée sur une jeune femme brune, au minois charmant. Mince, elle portait une robe vert sombre qui lui allait à ravir, et ses grands yeux émeraude se posèrent sur le jeune seigneur et Maaïsie, un peu interloqués.
" Gunther, je pensais que tu..." commença-t-elle, désemparée.
" Ma chérie, j'attends toujours la Garde. Dame Luune est marchande d'art, elle faisait affaire avec mon père, et elle me tient compagnie."
Un bref éclair passa dans les yeux de la jeune femme. Apparemment, elle estimait que ce n'était pas exactement une réponse très appropriée. Le dénommé Gunther parut en prendre conscience à son tour et rougit.
" Enfin, je heu... Dame Luune, voici Elvire, ma femme."
Elvire fit une légère révérence.

[Eawyne]

Maaïsie s'était levée pour saluer la jolie jeune femme qui venait d'entrer. Gunther - puisqu'elle connaissait à présent son nom - avait effectivement été maladroit ! Elle fit une révérence également, et alla fourrager dans son sac à côté du fauteuil où elle avait pris place.

" Votre mari me tenait au courant des dernières nouvelles en ville, ainsi que de votre famille. Bien qu'une ombre plane sur cette demeure, permettez-moi de vous offrir ceci, afin de célébrer votre union ".

D'une main, elle tendit une petite sculpture représentant un corbeau perché sur un arbre, tenant en son bec un fromage. En dessous de lui, un renard semblait attendre goulument. La finition de l'œuvre, au vu de sa petite taille, était impressionnante.

" Un artiste fort doué, ma foi, qui taillait dans l'ivoire. Cette petite figurine était sensée représenter son couple, mais libre à chacun d'y voir ce qu'il lui plait. Les artistes ont parfois des manières bien à eux de représenter le monde qui nous entoure ".

[Galathée]

La jeune femme prit la figurine entre ses doigts et l'observa avec attention, un peu interdite.
" C'est très joli." murmura-t-elle. " Son couple, dites-vous... "
Elle haussa les sourcils, apparemment incapable de saisir le sens de la sculpture, mais finit par sourire à Maaïsie et son interlocuteur.
" Merci beaucoup, Dame. Je veillerai à ce qu'elle soit mise en valeur dans notre future maison."
Elle se tourna ensuite vers Gunther.
" Pourquoi n'as-tu pas conduit Dame Luune à ton père, puisqu'elle vient pour le voir ?"
" Et bien, Elvire, il est tard, et tu sais que papa est toujours souffrant..."
" Allons, ça lui changera les idées d'avoir de la visite."
" Il est très fatigué."
" Ne le materne pas, comme ça. Dame Luune, qu'en pensez-vous ?"

[Eawyne]

Maaïsie ne put s'empêcher de raisonner comme il lui arrivait en certains moments de nostalgie. Peut-être le Maitre de maison avait-il quelque raison de penser que sa vie était menacée, et que cette histoire d'Art puisse l'aider à y voir plus clair ? A moins que ce ne soit pour des raisons bien moins avouables... Ce ne serait pas la première fois que la jeune femme s'impliquerait ainsi dans l'ombre, mais jusqu'à présent, toute Lumière avait toujours été faite sur ces affaires.

Cela lui ferait du mal d'ainsi ruiner la réputation de ce couple charmant.

" S'il est éveillé et conscient, je vous promet, Messire, de ne pas le froisser plus qu'une Pensée de Yoshimo ", lui assura-t-elle avec un sourire engageant. " Et comme le suggère Dame Elvire, peut-être cela lui fera-t-il du bien de se concentrer sur une tâche qui semble lui tenir à cœur ".

[Galathée]

Gunther et Elvire s'affrontèrent une seconde du regard, puis le jeune homme haussa les épaules.
" Très bien. Je reste à attendre la Garde."
Il décocha un sourire à Maaïsie.
" Allez-y doucement. Il a été très éprouvé. Je ne sais pas s'il sera très cohérent mais... Elvire a raison, cela lui changera peut-être un peu les idées."
La jeune femme sourit et fit signe à leur invitée de la suivre. Elle l'entraîna à nouveau dans le hall et entreprit de gravir les escaliers vers l'étage.

[Eawyne]

Maaïsie rendit son sourire à Gunther et suivit Dame Elvire dans les escaliers. Il y avait de belles tapisseries sur les murs, et même quelques jolis tableaux, qui ne représentaient malheureusement que des membres de la famille Percival.

Elle suivit la jeune épouse dans un couloir richement décoré, mais presque plongé dans le noir ; seule le candélabre dont son hôtesse s'était muni, éclairait l'enfilade de portes et de tableaux.

C'est vraiment étrange. J'ai l'impression de me rendre dans une quelconque loge secrète, ou bien un piège qui se refermerait sur moi une fois franchie la porte. Mais c'est ridicule... Elle a vraiment une jolie robe, cette jolie dame. J'aurais peut-être dû apporter ma robe rouge, si je dois rester ici... Je pourrais toujours m'en acheter une...

Alors qu'elle arrivaient à une porte massive en chêne, elle fit un léger signe à Dame Elvire.

" Pardonnez-moi ma Dame, mais... où pourrais-je trouver une robe aussi charmante que la vôtre ? Si je dois rester en ville longtemps, il convient que je trouve quelque chose de plus soigné que les vêtements que j'ai pris avec moi "

[Galathée]

Le sourire d'Elvire s'élargit et ses yeux pétillèrent de plaisir. Elle était manifestement ravie du compliment sur ses atours.
" Et bien, en réalité, c'est un tailleur qui fait du sur mesure. Sa boutique est dans le quartier portuaire, comme la plupart des artisans, mais il se déplace volontiers. Il fait venir des étoffes de partout sur Hélonna, mais aussi du continent... dont vous venez, je présume. Cela ne vous semblera pas aussi exotique qu'à nous."
Elle rit doucement.
" Mais je vous indiquerai plus précisément où le trouver. J'imagine que vu l'heure tardive, nous allons vous héberger."

[Eawyne]

Elle était ravie : s'il y avait bien quelque chose que sa nouvelle vie lui avait apporté, c'était le plaisir de paraître belle, pour elle-même. Elle avait eu de la chance d'avoir les moyens de le faire avec aisance ; peut-être pourrait-elle cette fois-ci le faire sans convenances à respecter, lors d'une réception...

" Détrompez-vous Dame Elvire," glissa-t-elle avec un sourire, si l'artiste est doué, même le plus commun des tissus peut devenir unique. Et si ma présence ne s'impose pas, j'accepterais volontiers de profiter d'une chambre. "

Maaïsie contempla la porte devant laquelle elles s'étaient arrêtées.

" J'espère que cette entrevue avec le Seigneur Percival me laissera le loisir de profiter de ma journée demain ".

[Galathée]

" Je vais faire en sorte qu'on vous prépare une des suites réservées aux invités. Quant au baron, je doute qu'il vous accapare longtemps, vu son état."
Elle esquissa un sourire et frappa deux coups secs à la porte.
" Quand vous en aurez terminé, tirez le cordon des serviteurs, près du lit. Quelqu'un viendra vous chercher. Quant à moi, je vous souhaite une bonne nuit, Dame Luune."
Ensuite, elle ouvrit la porte et la poussa, permettant à la jeune femme d'entrer.

HRP : relais à Voyageuse !

[Eawyne]

" Bonne nuit à vous également, Dame Elvire ".

Maaïsie entra dans la chambre. Elle était très chargée : des tentures partout, des tapis, une énorme armoire magnifiquement ouvragée sur le mur à droite, des commodes, un petit divan, des chaises, et au milieu, un lit à baldaquin d'imposante stature. L'homme semblait littéralement aspiré par les couvertures et oreillers. Elle attarda son regard sur le plafond aux larges poutres le soutenant. Entre chacune d'entre elles, des peintures représentant des scènes ne lui évoquant aucune histoire. Toute la chambre baignait dans une douce lumière tamisée... une bassine d'eau était disposée près du lit, et plusieurs chiffons sur le rebord.

Elle s'approcha et, les mains croisées devant elle, s'annonça :

" Seigneur Percival, je me présente : Maaïsie Luune, marchande d'Art. Je suis là en réponse à votre missive... par ailleurs signée Marronnet. En quoi mes services peuvent-ils vous aider ? "

[Voyageuse]

Quête : une si belle nuit

L'homme allongé dans le lit devait avoir la cinquantaine, mais son extrême pâleur et ses traits tirés le faisaient paraitre nettement plus âge. Il avait dû, autrefois, être séduisant. On devinait un homme raffiné et en même temps... quelque chose dans son regard indiquait un caractère fort et volontaire.
- Dame Luune...

L'homme fit un effort pour s'asseoir à demi sur ses oreillers et saluer son invitée.
- Avec tous ces événements, j'avais presque oublié votre venue. Mais prenez une chaise...
Il sourit. Malgré son épuisement apparent, il tentait visiblement de se comporter comme à l'ordinaire...
- Lorsqu'il s'agit d'art, je signe toujours mes lettres Marronet. C'était le nom de mon épouse, et c'est elle qui était la plus passionnée de nous deux. En outre, cela me permettait d'acquérir plus discrètement, et à meilleur prix, des objets intéressants. Mon nom trop connu à Luménis.

Une quinte de toux l'interrompit. Il reprit péniblement son souffle. Il eut du mal à affermir sa voix alors qu'il poursuivait :
- On m'a dit beaucoup de bien de vous, et surtout de votre passion pour l'Art. C'est pourquoi je me suis permis de vous contacter. Mais parlez-moi un peu de vous et des objets d'art dont vous faites commerce.
A nouveau, une quinte de toux.

[Eawyne]

Maaïsie apprécia la personnalité du Baron. Il avait mentionné son épouse avec une passion discrète, mais sereine, et cela lui plut énormément. Elle était sensible aux émotions des autres, et plus particulièrement dans leur manière des les accepter.

La jeune femme prit place sur la chaise offerte.

" Tout ce qui peut représenter un intérêt culturel, artistique, qui permet de Savoir, sur quelque chose ou quelqu'un, ou un peuple, d'ouvrir notre esprit, tout cela m'intéresse, Messire. Et si certaines collections me tiennent à coeur, j'essaie de satisfaire les goûts et les envies de chacun. A condition que cela soit pour l'appréciation de l'objet, et non... la mise en cage d'une valeur ajoutée sociale ". Elle ponctua cela d'un sourire entendu, sans animosité aucune. Elle ne faisait que mettre en avant ses conditions de vente, d'échange, de valeurs. Il était très facile de savoir si une transaction se poursuivait au-delà ou non. " Cela fait bien des années que je m'y emploie, et j'essaie de toujours garder le même regard contemplatif sur ces oeuvres humaines, ou elfes, ou même orc. Je dois tenir cela de mon défunt père, ainsi que de ma mère. "

" Voyons, dernièrement, j'ai acquis pour moi-même une jolie petite série de sculptures représentant divers châteaux et manoirs de Rashéménie... six magnifiques petites pièces, aux détails raffinés. Chaque tuile est représentée, chaque pierre est teintée... Et mes mains pourraient en tenir deux chacune... " Et disant cela, Maaïsie tendit main, paume offerte. " Un petit musée en Amn m'avait demandé plusieurs peintures d'un artiste peu connu, mais au talent discret et très naturel. Un Seigneur de Guerre m'a demandé de retrouver l'épée d'un lointain ancêtre à lui. Une arme magique redoutable, mais splendide. Songez-donc, son manche est brodé en soie, c'est relativement inhabituel, sachant qu'elle a servi au combat. " Et tout en parlant, elle brandissait le bras, mimant une estocade rapide.

[Voyageuse]

Quête : Une si belle nuit.

Le baron respirait avec peine. Mais il écouta Maaïsie avec autant d'attention qu'il le put, affichant un pâle sourire devant la passion avec laquelle elle évoquait les oeuvres qu('elle avait appréciées.
- J'imagine, oui... Vous exercez un métier passionnant. J'ai moi-même commencé à m'intéresser à l'art lorsque j'ai été amené à voyager, en Amn notamment. Mes parents considéraient que rien ne vaut le voyage pour se former l'esprit et le caractère, et m'avaient envoyé là-bas parfaire mon éducation, à la fois sociale et militaire. C'est là que j'ai eu mes premiers coups de coeur, pour de magnifiques sculptures. Et aussi pour ma femme, mais c'est une autre histoire...
A nouveau, il fut prix d'une toux sifflante.
- Et quand je suis revenu au pays, qu'il a fallu prendre la succession de mon père, acquérir des oeuvres d'art a été pour nous un moyen de continuer à voyager, par l'esprit. Je recherchais des objets ayant une âme, une histoire...

Sa voix mourut. Il ferma les yeux, comme pris d'un vertige. Il transpirait abondamment, et dut se résigner à s'allonger à nouveau.
- Croyez-moi, je suis navré de vous recevoir en pareilles circonstances... Regardez-moi, on dirait un vieillard... Je crains que nous ne devions poursuivre cette passionnante discussion demain. Et je parierais que Luménis entière est déjà au courant de ce qui m'est arrivé et qu'on se gausse de nous dans les salons. Quelle déshonneur... Laisser entrer un assassin à la noce de mon fils, et être victime d'une tentative de meurtre.... Les pires bruits vont courir. Je n'ose imaginer la disgrâce que...
Une dernière quinte de toux le laissa sans voix.

[Eawyne]

Maaïsie s'était emparée d'un chiffon et l'imbiba d'eau. Puis elle l'essora un peu et le posa sur le front du malade. Elle se rassit et s'enquit d'une voix douce :

" Messire Percival, je ne veux pas vous épuiser d'avantage, mais je dois savoir un chose... Cette tentative de meurtre sur votre personne a-t-elle un rapport quelconque avec le service que vous souhaitiez me demander ? Je vous rassure, je vous aiderai du mieux que je puis... la nuit porte conseil, comme on dit, et nous pourrons en reparler demain, mais... "

[Voyageuse]

Quête : une si belle nuit

Le baron haussa un sourcil en voyant son interlocutrice le soigner ainsi. Il voulut protester, mais il était trop faible pour cela. Malgré sa gêne de révéler ainsi sa faiblesse devant une étrangère, il finit par se laisser faire.
Il lui fallut quelque minutes avant de retrouver un peu de voix.
- Je vous remercie de proposer votre aide. Quelque chose dans votre allure donne à penser que vous avez peut-être, autrefois, été une femme d'action ? Mais je peux me tromper... Quant à savoir si cette tentative d'assassinat a un rapport avec le service que je voulais vous demander... Je n'y avais pas pensé, mais après tout, vous n'avez peut-être pas tort, ce pourrait être une piste sérieuse. Même si j'avais au départ pensé à tout autre chose... Il ne faut rien négliger.

Il frança un sourcil, l'air pensif. Mais visiblement, la conversation l'avait épuisé, trop pour qu'il puisse réfléchir sereinement.
- Vous avez raison, il vaut sans doute mieux que nous poursuivions cette discussion demain. Si vous souhaitez apporter votre aide, vous serez bienvenue. Surtout en tant qu'étrangère à la ville et à la famille, vous aurez un point de vue neutre. Mais je ne voudrais pas que vous vous retrouveriez entraînée...
Il toussa à nouveau, parut étouffer. Il lui fallut plus de temps que les fois précédents pour reprendre son souffle. Il grimaça.
- Le clerc qui m'a soigné m'a affirmé que j'irai sans doute un petit peu mieux. Quoi qu'il en soit, je suis enchanté d'avoir fait votre connaissance, même si les circonstances ne sont guère favorables. J'espère que mon fils et ma bru vous ont offert l'hospitalité ? Avec toutes ces émotions, on oublie si facilement les règles les plus élémentaires...

[Eawyne]

" Ne vous préoccupez que de votre nuit de repos Messire ", le rassura-t-elle en se levant," et nous nous retrouverons demain pour en discuter d'avantage. Je reviendrai pour dix heures, si vous le voulez bien. Je vous souhaite une nuit apaisée ".

Maaïsie se leva, fit une révérence polie, et tira sur le cordon qui pendait tout contre le lit. Après un dernier regard accompagné d'un sourire qu'elle espéra réconfortant, elle se dirigea vers la porte et sortit attendre dans le couloir que l'on lui indique sa chambre. Elle aurait bien des choses auxquelles songer ce soir, et elle allait avoir besoin de son sac pour se préparer.

[Galathée]

Comme l'avait annoncé Elvire, un serviteur ne tarda pas à se présenter. C'était un homme entre deux âges, à la mine grise, dont la livrée était un peu froissée. Sans doute le tirait-on du lit. Il ne fit cependant aucun commentaire, se montra souriant et affable et entraîna, après la courbette réglementaire, la jeune femme vers les appartements réservés aux invités.
Les lieux étaient à la mesure de l'opulence du baron, composés d'une vaste pièce dont le plafond orné se perdait dans les hauteurs. Une large fenêtre donnait sur le parc du manoir, un lit à baldaquin occupait l'un des murs, sous un tableau champêtre de grande qualité, un paravent finement décoré masquait une table de toilette et un baquet vide, une bibliothèque offrait quelques ouvrages au visiteur et une grande armoire attendait que l'on y range ses effets personnels. Un petit bureau et deux fauteuils tournés vers un âtre crépitant terminaient d'aménager la chambre. C'était sans conteste bien davantage que ce que Maaïsie aurait été en droit d'attendre dans la taverne du port.

[Eawyne]

Maaïsie remercia le serviteur d'un sourire reconnaissant et lui souhaita une bonne nuit. Il n'était jamais évident de réagir avec les serviteurs : d'un côté, elle souhaitait toujours paraître la plus concernée possible, et de l'autre, la probable incompréhension des dits-serviteurs la retenait...

Elle constata avec plaisir que son sac avait été monté dans la chambre, ainsi qu'un petit broc d'eau accompagné d'un verre, posés sur le bureau. La jeune femme entreprit de vider une partie du contenu de son sac : les quelques vêtements de rechange qu'elle avait jugé acceptables sans pour autant être particulièrement soignés ( Il faut absolument que je relance Dame Elvire à ce sujet), quelques petits ustensiles de toilette, un livre qu'elle avait elle-même écrits, basé sur divers documents dont elle avait fait acquisition et dont elle devait corriger certains passages encore, et dans une boite d'apparence banale, fermée par un loquet à combinaison, les divers objets de collection qu'elle emmenait partout avec elle, pour diverses raisons - le présent de noces en étant une.

Puis elle disposa sur le bureau de quoi écrire dans son journal : un livre relié de cuir, deux plumes métalliques, une de verre, deux encriers contenant de l'encre noire et dorée, son sceau et de la cire, et plusieurs parchemin de brouillon. Le tout également rangé dans une boîte finement ouvragée.

Maaïsie aimait écrire et s'y appliqua consciencieusement. La bougie dansait faiblement, et quand la plume se reposa enfin, il n'y avait presque plus rien à consumer. Maaïsie relut rapidement ses notes de la journée, le petit papier où elle avait consigné les choses à acheter le lendemain matin, puis se déshabilla entièrement avant de se glisser entre les draps d'une douceur hypnotisante.

Elle s'endormit très vite, et rêva d'un naufrage en mer. Ce qui ne la réveilla point.

[Galathée]

Maaïsie fut réveillée par le son léger de quelqu'un frappant à la porte. Au travers des rideaux, elle put constater que le jour était déjà levé, sans doute depuis plus d'une heure. L'été s'approchait peu à peu de la cité, encourageant les oiseaux à chanter davantage, les insectes à butiner les dernières fleurs printanières, les arbres à danser, verdoyants, dans une brise tiède et agréable.
Une voix finit par s'élever au travers de la porte.
" Ma Dame, le petit déjeuner sera servi dans une demi-heure dans la salle à manger. Le baron aimerait que vous vous joigniez à la famille, mais si vous préférez, nous pouvons vous faire porter un plateau dans votre chambre."

[Eawyne]

" Non, dites au Baron que je vais descendre, je vous remercie, " lança-t-elle de sous ses draps.

Elle se leva prestement et enfila un ensemble léger - un corset lacé devant ainsi qu'une ample jupe. D'habitude, elle se réveillait plus tôt ! La fatigue du voyage en mer sans doute... Rapidement, elle usa de la table de toilette, et utilisa un petit peu de son parfum de rose. Elle perdit quelques minutes à arranger ses cheveux à l'aide de ses broches, puis, satisfaite de son image renvoyée par le miroir de l'armoire, sortit de sa chambre pour rejoindre ses hôtes, profitant du couloir pour enfiler ses longs gants.

Ils étaient déjà installés à la table richement servie de victuailles appétissantes. "Bien le bonjour, " fit-elle en les saluant d'une petite révérence, puis elle prit place à une chaise devant laquelle fumait une tasse de thé.

[Galathée]

Le fauteuil du baron était encore vide. Outre Gunther et Elvire, une très vieille femme était attablée devant le petit déjeuner, lorgnant son assiette d'un air suspicieux.
" Dame Luune, bien le bonjour." dit le jeune homme, affable. " Mon père vous présente ses excuses, il espérait pouvoir être des nôtres mais la nuit ne l'a pas reposé autant qu'il l'espérait. Il a cependant demandé à vous revoir lorsque vous aurez terminé de petit-déjeuner. Je suis navré que votre visite coïncide avec de si tristes événements. Je pense que mon père tiendra à vous dédommager pour votre périple, s'il ne peut remplir ses engagements envers vous."
Il sourit, embarrassé.
" Je suis la prochaine sur la liste !" glapit alors la vieille en levant sa cuillère. " Je ne mangerai rien de tout ça ! Je suis la prochaine, je le sais !"
" Mamy, voyons..." murmura Elvire.

[Eawyne]

Maaïsie sourit au fils du Baron :

" Ne vous en faites pas pour moi, Messire. Quoi qu'il advienne, mes dépenses n'auront pas été inutiles, je vous l'assure. J'espère pouvoir en convaincre votre père ".

Elle observa la vieille dame. La remarque de Dame Elvire l'avait intriguée : qui pouvait-elle bien être ? Elle but une petite gorgée du thé, excellent, et se tartina une tranche de pain avec une confiture à l'apparence merveilleusement engageante ! C'était probablement le repas qu'elle préférait de la journée.

" Cette table est vraiment bien garnie, Dame Elvire. Est-ce vous qui participez au choix de ce qu'elle présente ? "