[Lieu] Les Commerces du Port

[Galathée]

Victor le précéda dans les escaliers et ils gagnèrent la chambre 7, la dernière du petit établissement, en bout de couloir. C'était une pièce simplement meublée, saine à défaut de très confortable, le genre d'endroit où l'on se pose pour une courte nuit avant de repartir. Il n'y avait en fait que deux lits, deux chaises, pas d'armoire ni de table. Les clients n'avaient probablement pas le temps de se soucier de ce genre de détails.
L'enfant s'installa sur un des lits, ouvrit la fenêtre, puis croisa les bras.
" Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? On va demander quoi, aux Merlus ?"

[Taliesin]

S'il avait escompté un après-midi de détente, sans pensées angoissantes, il en était pour ses frais. En même temps, Victor avait raison de demander : c'était naturel qu'il veuille connaître la suite des opérations...
-Je ne sais pas exactement... murmura-t-il en s'asseyant sur le lit encore libre. Je me disais qu'avant d'aller trouver les autorités... Et bien... Que Mathieu accepterait peut-être d'aller faire un tour du côté de Fernell pour voir ce qu'il en est de la maison de la sœur Kanter... Si celle-ci y habite toujours, si elle a été désertée... Ce serait déjà une première étape. Après... Je n'en sais rien, honnêtement.

[Galathée]

Victor acquiesça doucement, pensif.
" Bon... Mais en attendant, on peut sortir se balader ? Ou bien on doit rester terrés dans l'auberge toute la journée ?"
A sa mine, on devinait qu'il craignait la réponse que lui ferait le barde.
" Emmy ne va pas revenir avant la nuit, tu le sais bien..." ajouta-t-il, comme si c'était là la raison principale pour laquelle Taliesin était susceptible de lui refuser une sortie.

[Taliesin]

Le barde fronça les sourcils, pensif. Sortir, c'était courir le risque d'être reconnus. Par quelqu'un qui les avait croisés, autrefois... Un risque réel, quoi qu'infime, sans doute : ils avaient profondément changé, au cours des derniers mois. Sans même parler de leurs teintures de cheveux, de son maquillage... Et, tout bien pesé, ils pouvaient susciter plus de curiosité auprès des aubergistes en demeurant cloitrés dans leur chambre qu'auprès des badauds en s'offrant une petite promenade...
-Je crois qu'on peut sortir, dit-il enfin. Il faudra être un peu prudent, mais... Oui, je crois qu'on peut.

[Galathée]

" Ouiiiiiiiiiiiiii !" s'exclama Victor, et il entama une petite danse sur son lit, jusqu'à ce qu'un craquement de mauvaise augure le fasse s'immobiliser en plein trépignement.
Il sauta brusquement à bas du lit, souleva le matelas et poussa un bref soupir.
" Juste un avertissement..." fit-il.
Puis il se retourna vers Taliesin.
" Où tu voudrais aller ? Moi j'aimerais aller au port, ça fait longtemps que j'ai pas été !"

[Taliesin]

-Direction le port, alors, c'est parfait pour moi ! fit-il en se levant.
Il ressentait moins d'entrain qu'il n'en affichait, bien qu'il se dise qu'une ballade pouvait être agréable. Que cela lui donnerait l'impression de mener une vie normale, même si c'était un sentiment factice, même s'il savait que des échéances douloureuses étaient proches, s'il était terrifié à l'idée de ce que pouvait vivre Galathée pendant qu'ils partageaient ses instants de détente.
Mais de tels instants, ils n'en auraient sans doute pas beaucoup. Alors, autant en profiter : une bonne respiration avant le grand bain...

[Galathée]

Victor le précéda dans les escaliers. Ils saluèrent rapidement l'elfe qui nettoyait les tables en sifflotant, puis se glissèrent dans l'impasse et enfin, dans le flot des passants. Le printemps semblait avoir envahi l'esprit des Luméniens car les gens étaient de bonne humeur, rires et conversations bourgeonnaient, les vetements trahissaient le réchauffement de l'air et déployaient mille couleurs sur le dos de leurs propriétaires. Des odeurs succulentes voyageaient également de nez en nez, comme Taliesin et Victor débouchaient, emportés par la foule, sur les quais.

[Galathée]

Venant du débarcadère, Taliesin et Victor regagnèrent le Crabe qui Bulle. La salle principale de la taverne n'était plus complètement vide : deux marins y sirotaient leur bière en fumant leur pipe. Le premier compulsait une carte maritime avec attention, près de la fenêtre ; le second semblait à moitié endormi, dissimulé en partie par la fumée de son tabac.
L'elfe était derrière le comptoir, détendue, triant de vieilles bouteilles, qu'elle débouchait et humait une à une, parfois avec des grimaces spectaculaires. Lorsque Taliesin et Victor entrèrent, elle leva les yeux, leur sourit brièvement, puis reprit sa tâche.

[Taliesin]

Comme il était encore tôt et que le repas ne serait pas servi avant un bon moment, Taliesin les conduisit dans leur chambre. Se retrouver entre ses quatre murs n'était pas une perspective très réjouissante : les auberges, il en avait soupé, au cours des derniers jours, et il se prit à regretter de ne pas avoir davantage prolongé la promenade. Mais se balader de nuit n'aurait sans doute pas été très prudent, et il n'aurait pas su où les mener... Revoir leur maison l'aurait tenté, évidemment, ne serait-ce que pour voir s'il n'était pas possible d'y entrer pour récupérer certaines de leurs affaires. Ce n'était malheureusement pas une bonne idée...
Victor était là, cependant. Cela changeait beaucoup de choses. Peut-être aurait-il des idées pour les occuper...

[Galathée]

Mais Victor n'avait pas d'idée lumineuse, lui non plus. Il retira ses bottes puis alla s'installer sur le lit, poussant un profond soupir au passage. Mais il ne parvint pas à rester immobile longtemps. Il se redressa, prit son sac, et entreprit de le vider sur la couverture, comme pour en faire l'inventaire.
" On va devoir s'introduire dans la maison de la soeur de Kanter." souffla-t-il. " Il faudra qu'on voyage léger..."

[Taliesin]

Toi, mon grand, tu ne t'introduiras nulle part... songea Taliesin.
Il se força à sourire.
-Ne te fais pas de souci pour ça maintenant... dit-il. On ne sais pas à quelle distance se trouve Fernell, ni si la maison en question est vide ou occupée, ni si les recherches se restreindront à la région où mèneront bien plus loin. Pour juger de ce qu'il conviendra d'emporter, il faudra attendre la rencontre avec les Merlus, et le résultat des reconnaissances...
Il avait choisi à dessein de ne pas parler de "leurs" recherches, Taire encore la vérité au petit garçon était une chose : le tromper ouvertement, une autre. Quoi qu'il n'avait pas démenti son implication, ce qui pouvait être considéré comme un demi-mensonge... Mais que faire d'autre ?
Il ne le découragea pas davantage, cependant, le laissa faire le tri dans ses possessions jusqu'à ce qu'arrive l'heure du repas. Alors, ils descendirent, trouvèrent une salle commune un peu plus fréquentée, s'installèrent à une table, dans un coin. Pour arroser le repas, il commanderait une pinte de bière. Deux, peut-être : il se disait que son humeur s'en ressentirait positivement et, avec un peu de chance, son sommeil également.
Certes, l'elfe avait la vague impression que ce serait leur dernière soirée de détente avant le grand bond en avant. L'une de leur dernières soirées en commun, aussi. Il aurait aimé que Victor s'amuse, aimé l'emmener, pourquoi pas, à la Bienveillance pour qu'il profite des artistes qui s'y produisaient régulièrement. Mais c'était là chose impossible, il le savait bien. De plus, s'attarder dans la salle commune ne leur apporterait guère de distraction, et il ne voyait pas non plus que faire pour occuper la soirée alors qu'ils seraient revenus dans leur chambre. Mais de toute façon, l'enfant semblait d'humeur à anticiper le voyage à venir, à s'atteler aux préparatifs qui, dans son cas, ne lui serviraient à rien. Sinon à lui donner de faux espoirs...
Alors, autant dormir. En prétextant la fatigue du voyage dont il fallait se remettre, celle qu'ils accumuleraient le lendemain... C'était sans doute le mieux. Le meilleur moyen de couper court à ces activités qui ne pourraient rendre la séparation que plus difficile.
Restait à espérer qu'il sombrerait vite.
Mais la ferait son œuvre, il se sentait optimiste en la matière. Et fatigué, il l'était réellement : l'attente du matin, dans l'impasse, les émotions inquiètes qu'elle avait fait naître en lui, avaient toutes prélevé leur tribut. Sans parler de ses inquiétudes pour l'avenir...
C'était peut-être idiot de gâcher cette possible dernière soirée en songeant à se réfugier si vite dans le sommeil. Idiot et lâche, aussi, il en avait conscience. C'était une sorte de fuite en avant, un moyen de ne plus avoir à jouer la comédie, de ne plus avoir à mentir à Victor. Un moyen d'éviter, aussi, de briser la distance à laquelle ils avaient été contraints depuis leur départ de Rohan. Cela ne diminuerait en rien la colère du petit garçon, évidemment. Mais... ils se seraient un peu habitués, comme cela.
D'autant que s'il y avait une chose dont il pensait être sûr, c'était bien la nécessité de laisser le gamin en arrière. Il n'y avait pas d'autre solution. Tout autre choix tiendrait de l'irresponsabilité crasse.

[Galathée]

Au fil de la soirée, la salle commune s'était peu à peu remplie. Les marins arrivaient presque tous seuls et la plupart semblaient capitaines ou seul maître à bord. Souvent, ils se connaissaient, échangeaient des plaisanteries rugueuses avec le tavernier, avant de se couler à table. Certains jouaient aux cartes, d'autres bavardaient sur un coin de comptoir. Tous se montraient curieusement respectueux avec l'elfe, qui se mouvait parmi eux sans aucune inquiétude. Des habitués, des vieux loups de mer, une faune particulière, intoxiquée et tranquille. Personne ne semblait non plus s'offusquer de la présence de Victor et de Taliesin, même si plus d'un regard s'arrêta une seconde sur eux. Davantage sur l'enfant que sur le barde, d'ailleurs.
Alors que Taliesin s'apprêtait à donner le signal du repli, la porte s'ouvrit à nouveau sur un client, un vieillard, cette fois, pourtant encore bien vert, grand, aux gestes fluides. Son arrivée arracha des exclamations, ou des acclamations, à la plupart des personnes déjà attablées. L'homme se fendit d'un sourire, les salua de la main, et mit le cap sur le bar. Malgré la fumée qui bleuissait l'atmosphère, il aurait fallu être aveugle, et Taliesin ne l'était pas, pour ne pas reconnaître le conseiller Théobald Longuehune.

[Taliesin]

Taliesin demeura pétrifié, incapable de dissimuler sa surprise... et sa brusque poussée de désespoir.
Lorsque son esprit voulu bien fonctionner à nouveau, les premières pensées qui lui vinrent furent des chapelets d'injures salées.
Lui, ici ? Tant de déveine, ce n'était pas possible ! C'était de l'acharnement !
Puis, conscient de la gravité du danger, il essaya de retrouver un semblant de calme et, surtout, d'afficher la même mine sereine que quelques instants auparavant. Longuehune ne pouvait pas les reconnaître : lorsqu'il s'était retrouvé en sa présence pour la dernière fois, il avait les cheveux plus longs, d'une couleur différente. Sa physionomie avait dû beaucoup changer, elle aussi, et pas seulement à cause du maquillage qu'il arborait toujours. Quant à Victor... Le conseiller ne l'avait jamais vu. Et l'aurait-il fait ! Roux, défiguré, l'enfant n'avait sans doute plus grand chose en commun avec celui qu'il était autrefois.
Rester calme. Paraître détendu. Réfléchir.
Il aurait voulu regagner leur chambre dans l'instant, mais ç'aurait trop attiré l'attention, probablement. Mieux valait qu'ils restent à leur place encore quelques minutes, comme si de rien n'était. Le vieux marin allait bien finir par s'entretenir avec certains de ses pairs, et ce serait alors le moment de s'éclipser en toute discrétion...

[Galathée]

Taliesin n'eut pas à attendre longtemps : Longuehune semblait être un habitué des lieux et il ne tarda pas à être entouré de plusieurs de ses anciens collègues venus aux nouvelles. Certains étaient même des intimes, apparemment, et la conversation se noua sans attendre, ponctuée d'éclats de rire et de récits intenses. Victor avait perçu la brusque tension de l'elfe et lui jeta un regard interloqué, sans pour autant bouger. Le marin leur tournait le dos, plongé dans ses échanges.

[Taliesin]

Jugeant le moment opportun, estimant que personne ne s'étonnerait de leur départ - après tout, ils étaient sur le point de lever le camp lorsque Longuehune était arrivé - Taliesin se leva.
-Allez, c'est l'heure de filer au lit, bonhomme... dit-il à mi-voix, d'un ton dégagé.
Puis, sans attendre davantage, il se dirigea vers l'escalier, priant intérieurement pour qu'on ne leur prête aucune attention, pour qu'on ne les retienne pas.

[Galathée]

Personne ne les retint et ils regagnèrent leur chambre sans difficultés. Le couloir y menant était silencieux à l'exception d'un ronflement sonore s'échappant déjà d'une des premières chambres, heureusement loin de la leur.
Une fois à l'abri derrière leur porte, Victor plongea ses yeux inquisiteurs dans les siens.
" Pourquoi tu étais stressé ? Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-il sans ambages.

[Taliesin]

Taliesin se laissa tomber sur son lit et poussa un profond soupir.
-Le vieil homme qui est entré... c'était le conseiller Longuehune, fit-il doucement.
Il avait beau se dire que le danger était passé, que le marin n'avait pu les reconnaître, qu'il n'avait sans doute même pas remarqué leur départ, trop occupé à discuter avec ses comparses, il ne pouvait s'empêcher de guetter, presque malgré lui, d'éventuels bruits de pas dans le couloir...

[Galathée]

" Oh..." fit Victor, presque déçu d'avoir manqué le spectacle.
Il s'assit sur son lit, puis farfouilla sous son oreiller où il avait rangé plus tôt sa tunique de nuit.
" Il ne nous a pas vus, de toute façon." fit-il, philosophe.
Le couloir demeurait silencieux, on percevait le murmure des conversations, parfois un éclat de voix, de rire, une quinte de toux. La fumée, elle, imprégnait l'atmosphère, se faufilant au travers des lattes du plancher. Il faisait néanmoins moins étouffant qu'au rez-de-chaussée.

[Taliesin]

-Oui, et c'est une chance...
Le barde soupira à nouveau, puis sourit, dépité, tout en retirant ses bottes. S'il avait escompté s'endormir rapidement, il en était pour ses frais. La surprise avait été brutale ; son contrecoup, ainsi que ses inquiétudes actuelles, bien qu'irrationnelles, le condamneraient à la veille un certain temps... Mais il était encore tôt, se retourner une ou deux heures sous ses couvertures ne signifierait pas forcément une mauvaise nuit, au final.

[Galathée]

Victor se changea rapidement, se glissa sous les couvertures, puis souffla sa bougie. Il était un peu nerveux, se retourna plusieurs fois sous les couvertures, tassa son oreiller, encore et encore, puis finit par s'immobiliser.
" Demain, on va voir les Merlus, ils vont nous aider." finit-il par murmurer.
Ce fut sa dernière phrase car il s'endormit peu après.

[Taliesin]

Le barde l'observa un instant, admiratif. Il enviait son optimisme inébranlable, sa foi dans l'avenir. Sans doute avait-il connu cela, autrefois. Mais c'était bien loin, désormais. Il n'était que doutes, noires anticipations, conviction que quelque chose clocherait, tôt ou tard. Pas aussi pessimiste et fataliste qu'un an plus tôt, alors qu'il partait sur les routes avec l'enfant et sa mère. L'espoir avait retrouvé sa place. Mais... une place ténue.
Taliesin finit par souffler sa propre bougie et, fixant le plafond, essayant de se raisonner, de partager un peu l'aplomb dont faisait toujours preuve Victor, il attendit le sommeil.

[Galathée]

Taliesin s'endormit une heure plus tard, et ne fit aucun rêve.
Au petit matin, les bruits ténus de l'auberge s'éveillant, ainsi qu'un rai de soleil baladeur, finirent par l'éveiller. Victor ronflait comme un bienheureux, à moitié hors de ses couvertures, mais il se redressa d'un bond dès que l'elfe fit un mouvement.
" J'ai faim !" s'exclama-t-il avec énergie.

[Taliesin]

Le barde, encore un peu vaseux, lui sourit néanmoins.
-Moi aussi... dit-il en s'arrachant à son lit.
Un peu moins anxieux que la veille au soir - sans doute grâce aux brumes du sommeil qui engourdissaient toujours son esprit -, il s'habilla et, lorsque Victor fut prêt à son tour, tous deux quittèrent leur chambre pour gagner la salle commune ainsi qu'un petit déjeuner bienvenu.

[Galathée]

Lorsqu'ils parvinrent dans la salle de l'auberge, il n'y restait que deux personnes attablées. L'une d'entre elles se retourna cependant à leur apparition et ils reconnurent Mathieu Merlu, en vêtements de voyage. Son visage rude était tendu, mais il s'éclaira en apercevant les deux nouveaux arrivés. En trois pas, il avait franchi la distance qui le séparait de Taliesin et Victor, et il broya pratiquement le barde dans son étreinte.
" Mielikki soit louée, c'était vrai !" s'exclama-t-il en relâchant l'elfe.
Il se pencha sur Victor, le serra à son tour, mais Taliesin vit son regard se figer une seconde comme il découvrait la mine parcheminée de l'enfant.

[Taliesin]

Plus ému qu'il ne l'aurait cru, vaguement inquiet, aussi, de la réaction du tenancier et de la serveuse - mais de vieux amis qui se retrouvent, ce n'était tout de même pas si suspect ! -, Taliesin lui sourit.
-Heureux de te revoir ! fit-il, d'une voix un peu rauque.
Il se retint de jeter un regard vers le comptoir.
-Nous acceptes-tu à ta table ? ajouta-t-il.

[Galathée]

Mathieu haussa les sourcils, puis hocha précipitamment la tête.
" J'imagine que vous ne voyagerez pas le ventre vide, oui. Dès que vous aurez petit-déjeuné, je vous ramène. Les autres finiront par débarquer, si on ne se grouille pas." dit-il.
D'une main amicale, il ébouriffa les cheveux de Victor.
" Parbleu, si votre amie ne m'avait pas averti, je ne vous aurais pas reconnus."
Il sourit à l'enfant, puis son regard, un peu alarmé, passa sur Taliesin.

[Taliesin]

-Ah ça, c'est fait exprès... souffla-t-il. Enfin, pour l'essentiel.
Il eut un sourire embarrassé, jeta un coup d'œil aux brûlures de Victor, puis refit face à Mathieu.
-Il faudra que nous discutions, reprit-il, toujours aussi bas. Je ne suis pas sûr qu'il soit très prudent que nous venions chez vous.
Puis il se dirigea vers la table.
-Mais d'abord, petit déjeuner ! lança-t-il, plus fort et d'un ton désormais léger. Je suis affamé.

[Galathée]

La serveuse fit signe qu'elle avait entendu et disparut dans la cuisine, tandis que les trois compagnons s'asseyaient. Victor semblait ravi, mais muet de stupeur. Mathieu lui sourit à nouveau.
" Emeraude m'a prévenu que tu ne serais pas chaud, mais vous ne risquerez rien. J'ai pris le chariot pour vous ramener, vous y serez invisibles. De plus... Si quelqu'un surveillait la ferme et ses accès, je le saurais. C'est mon métier de savoir ce genre de choses. J'ai suffisamment de sentinelles à mon service."
L'elfe déposa du pain et de la confiture, du beurre et du fromage, du thé fumant, sur leur table, puis s'esquiva.
" Tu dois nous aider à retrouver Galathée !" finit par s'exclamer Victor, d'une voix un peu trop aiguë.
Puis il fondit en larmes.

[Taliesin]

Taliesin avait failli protester, mais les arguments du rôdeur était imparables, et il demeura muet jusqu'à ce que Victor craque.
Il lui passa alors un bras autour des épaules, anxieux. Il espérait que personne n'avait entendu ses mots... Mais quand bien même : ils n'offraient pas le spectacle d'assassins en train de comploter. Si la serveuse ou le client avaient écouté, s'ils les observaient, ils ne opurraient éprouver que de la compassion, ou s'en moquer, comme ce n'était pas leurs affaires. Mais les chances pour qu'on les dénoncent était faibles...
-Je t'expliquerai tout une fois que nous serons partis... murmura-t-il à l'adresse du rôdeur.

[Galathée]

Mathieu parut embarrassé, mais demeura immobile, laissant l'elfe consoler le petit garçon. Mais Victor sécha rapidement ses larmes dans sa manche et se dégagea du barde.
" J'ai pas faim." grommela-t-il, les yeux baissés.
Le rôdeur pinça les lèvres et acquiesça.
" J'imagine que nous pouvons faire des tartines et vous les mangerez en route." dit-il avec un sourire contraint.
Puis il se leva et alla vers l'aubergiste pour s'entretenir avec elle.