[Habitation] Demeure d'Arya Du Varden

[Taliesin]

Podrick avait du mal à saisir ce qui était en train de se produire.
Il se voyait glisser hors des couvertures, mais avait l'impression qu'on tentait de l'y retenir. Il voyait la porte aller et venir, poussée, repoussée...
Il ne pouvait toujours ni bouger, ni crier.
C'était peut-être le pire, ce sentiment d'impuissance. Cette impression d'être balloté entre des forces invisibles et contraires dont il ne voyait rien, ou presque. Dont il ne comprenait pas les intentions, surtout...
Non, être impuissant n'était peut-être pas le pire, au final. Le pire, c'était sans doute de en pas savoir ce qui allait se passer, ce qu'on allait lui faire.
Et il ne pouvait esquisser le moindre mouvent... Ne pouvait pousser la moindre plainte...
L'enfant était réduit à attendre...
Il avait presque envie que ce qui devait advenir advienne. Pour être fixé, au moins. Pour remplacer la terreur d'un sort tangible à celle, effroyable, d'un avenir dont il n'avait pas la moindre idée...

[Arya Du Varden]

Après quelques instants où les phénomènes perdurèrent, tout redevint subitement calme. La porte cessa son va-et-vient faisant naître un silence presque plus oppressant que le bruit sourd qu’elle émettait comme une plainte, l’enfant ne pouvait faire aucun mouvement, mais au moins, plus rien ne venait lui donner l’impression de fausse caresse, ni il n’était tiraillé de tous côtés.

Dans la pièce à peine éclairée par le rai de lumière tenue qui s’infiltrait dans le mince entrebâillement de la porte, sans qu’un seul bruit ne vienne à révéler une présence qui pourrait être, Podrick pouvait se rendre compte qu’il était bien éveillé, enroulé dans ses draps et seul.

Mais avant même que ses pensées puissent aller plus loin, la porte s’ouvrit en grand, laissant une grande luminosité pénétrer dans la pièce, les lourds rideaux qui masquaient la fenêtre s’agitèrent comme un frémissement d’effroi, avant que dans un mouvement lent et continu, la porte vienne à se fermer totalement dans un bruit sec faisant disparaître la quasi totalité de la faible luminosité, ne laissant dans la pièce apparemment que les ombres des meubles et des objets qui semblaient se mouvoir.

[Taliesin]

Podrick tenta de faire le point le plus calmement possible, malgré les battements furieux de son cœur, sa respiration haletante, les sueurs froides qui le faisaient frissonner de tous ses membres, malgré la terreur toujours bien présente, poignante.
D'abord, il était bel et bien entortillé dans ses draps. Ce qui expliquait, comme il l'avait tant espéré, cette terrible oppression qu'il avait ressentie, ces impressions de caresses aussi, peut-être...
Ensuite, il était seul. Plus de spectres dansant...
Il avait dû s'éveiller, enfin.
Les rideaux qui bougent, la porte qui se referme, cela pouvait très bien venir d'un courant d'air. La maison était vaste, trop vaste à son goût, et ancienne, aussi. Dans les vieilles et vastes maisons, les courants d'air, c'était presque une obligation.
Quant aux ombres mouvantes... Bah, ça devait venir des rideaux qui tantôt masquaient, tantôt laissaient filtrer la faible lumière du dehors.
Bref : il était réveillé, et tout était rentré dans l'ordre.
Mais ce n'était pas pour autant qu'il allait rester bien sagement dans son lit, ça non ! Il allait se lever, gagner le rez-de-chaussée, se préparer quelque chose de chaud à boire, et s'installer tranquillement devant la cheminée, histoire de retrouver son calme, de s'éclaircir les idées. Peut-être irait-il voir Arya, si elle n'était pas trop occupée à ses expériences. Peut-être...
D'abord, cependant, il fallait qu'il s'assure d'une chose : qu'il était à nouveau capable de bouger. Mais pourquoi ne le pourrait-il pas, puisque tout était rentré dans l'ordre ?
Il tenta donc, avec énergie, de s'arracher à ses draps.

[Arya Du Varden]

La porte de la cave s’était ouverte silencieusement, la magicienne avait laissé quelques instants ses éprouvettes pour se rendre au pied de l’escalier écouter les bruits de la nuit, ou plutôt si une agitation trop habituelle venait de la chambre de Podrick. D’en bas, elle ne pouvait voir la porte qui était maintenant fermée et rassurée du silence qui emplissait la maison, ravie que l’enfant profite d’une nuit sans cauchemar, fort rare et exceptionnel, sans faire plus de bruit qu’une souris, elle retourna à ses expériences et la porte toujours aussi discrètement se referma sur ses pas.

Dans la chambre, Podrick tentait de se sortir de ses draps qui lui résistaient fermement, non qu'une main invisible l'y retenait, mais l'énergie qu'il mettait pour se libérer avait tendance à resserer les tissus plutôt qu'ils ne relâchent leur étreinte. Surtout à toutes les pensées que l'enfant s'obligeait à avoir pour chasser la peur, venait s'opposer une nouvelle réalité, il ne pouvait maintenant plus rien voir, comme si la lumière rassurante que laissait l’elfe s’était éteinte, le rai qui se glissait sous la porte avait disparut et les lourdes tentures maintenant immobiles ne laissaient plus passer la moindre luminosité. La pièce était plongée dans le noir absolu.

Le manque de lumière vint à être appesanti par des sons bien reconnaissables de frottements de tissu, auxquels s'ajoutaient des sensations de frôlement que l’enfant ne pouvait que subir. Dans le silence à peine rompu par les frissonnements de tissu se firent entendre des soupçons de voix sourdes, lentes, moqueuses, menaçantes, pourtant, elles ne prononçaient qu’un seul nom, mais la nuance des sons était indéniablement inquiétante.

Podrick …. Podrick …. Podrick ……

[Taliesin]

Podrick, tentant de museler la panique qui revenait au grand galop, s'efforça de respirer calmement.
Il ne pouvait plus se voiler la face : il se passait vraiment quelque chose,. En revanche, rien ne lui prouvait que ces voix appartenaient à ceux qui peuplaient ses cauchemars : c'était peut-être lui qui les parait, inconsciemment, des traits, des timbres des Gardes Rouges. Il s'agissait peut-être, simplement, des fantômes qui avaient refusé de quitter la cave et qui, pour se distraire, avaient décidé de lui jouer un mauvais tour.
De plus, il avait réussi à bouger, même si, jusqu'ici, ses efforts n'avaient servi qu'à l'entortiller davantage dans ses draps. S'il procédait moins brutalement, peut-être parviendrait-il à se libérer...
Il éprouva toutefois une soudaine appréhension à l'idée de s'en dégager, comme s'ils constituaient un voile, une protection entre lui et ces frôlements... Mais c'était un leurre : jusqu'ici, ils avaient surtout constitué une prison, et si les fantômes voulait les lui arracher, ils le pourraient s'en mal.
Bref : il fallait qu'il quitte son lit, qu'il se lève, et qu'il gagne la porte. Ensuite, tout irait bien...
Avec détermination, le petit garçon tenta aussitôt de joindre le geste à la pensée.

[Arya Du Varden]

L’immobilité soudaine de Podrick sembla réjouir ses agresseurs, certes l’enfant avait découvert une partie de la réalité sur ses visiteurs nocturnes, il s’agissait bien des trois irréductibles fantômes qui n’avaient pu laisser leurs biens alors même qu’ils ne pouvaient leur servire à rien. Mais là où il n’avait pas fait le rapprochement, deux des trois spectres étaient de ses bourreaux qui autrefois n’avaient pas hésité à ne le voir que comme un objet avec lequel ils pouvaient jouer impunément. L’enfant de se faisait pas des idées, il refusait juste la réalité de ce qu’il refusait d’aborder.

Alors que ses efforts pour se libérer de la gangue de ses draps commençaient à porter leurs fruits, aux bruits des tissus, vinrent s’ajouter des sons que Podrick put aisément reconnaître, il s’agissait d’objets qui frappaient sur le bois, ses quelques trésors posés sur le coffre qui garnissait sa chambre et plus inquiétant, le bruit sourd qui ne pouvait provenir que d’un livre lourd et épais que l’on soulevait et laissait retomber lourdement et il n’y avait qu’un tel ouvrage dans la chambre du petit protéger d’Arya. Un beau volume à la couverture épaisse dont le contenu était une merveille d’enluminures, précieux ouvrage emprunté quelques jours auparavant à la grande bibliothèque.

Les voix se firent encore plus présentes et railleuses, l’enfant avait le sentiment qu’on lui soufflait dessus à chaque mot prononcer, il était harcelé de frôlements, de souffles, de sons de voix étranges, sourdes et profondes, angoissantes et lancinantes.

Qui va jeté le pauvre Pod à la rue ?

Tu n’as jamais vu la sorcière en colère ?

Sais-tu ce qu’elle fait dans la cave tous les soirs, ta protectrice ?

Les elfes haïssent tous ceux qui ne sont pas de leur race.

Tu seras le cobaye qui va tester ses expériences.

[Taliesin]

L'enfant s'était immobilisé, les yeux rivés sur le livre...
Puis il se força à s'en détourner. Il ne fallait pas qu'il montre à quel point il craignait de le voir abîmer : ç'aurait été donner trop de prise sur lui aux spectres, les convaincre de réduire couvertures et pages en miettes, pour l'atteindre...
Il savait d'ailleurs qu'il aurait dû pousser plus avant son attitude détachée, leur dire, même, qu'ils pouvaient faire de l'ouvrage ce qu'ils voulaient, qu'Arya croirait à ce qu'il lui dirait, ne lui tiendrait pas rigueur de l'incident, saurait qu'il n'en était pas responsable.
Mais, dans son état, il était incapable de jouer la bravade, le défi... Il avait déjà bien du mal à ne pas craquer, à ne pas céder à la panique.
Tout ce qu'il pouvait faire, c'était essayer de détourner leur attention, pour qu'ils se concentrent sur lui et non plus sur le manuscrit. Et espérer que viendrait une ouverture, qu'il pourrait s'enfuir...
-Que voulez-vous de moi ? finit-il par demander, d'une toute petite voix.
Se montrer soumis, faire ce qu'ils demandaient... Et saisir sa chance quand elle viendrait.
Car elle finirait bien par venir, non ?

[Arya Du Varden]

Cette subite soumission rappela aux spectres concernés la fuite de l’enfant de la maison des rouges et au son ténu de sa voix, un fond de colère sournoise, voire venimeuse émana des deux spectres, le troisième finit par suivre le mouvement sans vraiment avoir compris le fondement de l’acharnement qui semblait maintenant être indéniable alors qu’au départ ce ne fut que pour tenter de combler ce vide éternelle qui les habitait, bien qu'ils savaient parfaitement avoir juré de ne jamais quitté les sous-sols et qu’ils s’étaient autorisés ce petit tour à l’étage malgré les menaces claires et précises de la maîtresse des lieux … mais elle n’était pas présente dans la chambre ! Alors autant profiter de ces instants d’amusement avec lesquels ils n'avaient pas pu se délecter depuis fort lontemps.

Podrick n’avait pas encore réussi à se défaire des draps, alors qu’il se sentit impuissant glisser lentement mais sûrement vers le bord du lit qui s’inclinait de plus en plus, mais pas du côté qu’il aurait souhaité. Sans pouvoir se raccrocher faute de liberté de mouvement, il chût lourdement, presque en silence, sur le plancher du côté opposé du lit par rapport à la porte.

Levant les yeux, le regard horrifié, il ne put faire qu’une seule constatation, au-dessus lui, volait dangereusement l’immense et lourd volume qui s’en alla non choire sur son corps emberlificoté dans les draps qui le maintenaient encore provisoirement à son lit, mais s’en fut s’écraser violemment contre le mur, lançant un profond gémissement alors que l’épaisse couverture se cornait à la rencontre incontournable avec la surface dure.

[Taliesin]

Podrick réprima, à grand peine, un gémissement pitoyable.
Il n'avait pas réussi à les détourner du livre...
Or, il fallait qu'ils arrêtent de l'abîmer. Arya aimait les livres par dessus tout, et il s'était engagé, auprès du bibliothécaire, à le rendre dans l'état où il l'avait emprunté... Il ne voulait pas les décevoir, ne voulait pas trahir leur confiance, ni faillir à sa parole : un chevalier digne de ce nom ne ferait jamais semblables choses...
Il devait s'efforcer de concentrer sur lui toute leur attention, pour qu'ils se détournent du précieux manuscrit. C'était dangereux, sans doute, et il était saisi de terreur rien qu'en imaginant ce qui pouvait se produire. Mais il pensait connaître l'identité de ses tourmenteurs, à présent. Se doutait de ce qu'ils voulaient. Et si les événements se déroulaient comme la fois précédente, ils se contenteraient d'abord de rire, de se moquer de lui. Ils adoraient ça, se moquer..
Mais il ne se laisserait pas atteindre. Les blessures à l'orgueil n'étaient pas les pires, et il savait que leurs mots seraient mensongers. Eux croiraient le blesser, l'humilier... mais ils n'y parviendraient pas, du moins l'espérait-il. Il avait beaucoup changé, depuis leur dernière rencontre. Il était plus fort, ce dont ils ne se doutaient pas. En revanche, eux étaient toujours aussi vils... C'était un atout, en l'occurrence : ils se révéleraient probablement très prévisibles... Alors, il attendrait le bon moment. Et leur fausserait compagnie, comme il l'avait déjà fait.
Restait à les convaincre de sa soumission...
Un vrai chevalier savait aussi user de ruse. Et les bardes n'avaient pas le monopole de la comédie. Pour ça, il était doué, lui aussi !
-Je ferai tout ce que vous voudrez, messires... souffla-t-il, larmoyant. Dites ce que vous attendez de moi, et je le ferai...
Il fallait que les spectres tombent dans le panneau. Qu'ils le croient docile, résigné, convaincu qu'il ne pourrait pas s'enfuir... Si cela marchait, ils commettraient des erreurs qu'ils pourrait retourner contre eux.
Et sauverait ainsi le livre.
Se sauverait lui-même.
Arya serait fier de lui...

[Arya Du Varden]

Dans la cave, des bulles emplies de magie explosaient dans un petit de pétillement qui démontraient que le résultat était atteint et le visage réjoui de la magicienne n’était pas engendré que par la beauté du spectacle, pas plus que par l’air ambiant qui s’emplissait de cette atmosphère qui était familière à l’elfe, c’était simplement par la réussite de son expérience. Ne lui restait plus maintenant qu’à transcrire sur un parchemin les diverses manipulations qu’elle avait faites, ainsi que les calculs précis s’y rapportant. Certes, elle aurait pu le faire sur la grande table de la salle à manger ce qui lui aurait permis d’entendre la faible voix de son petit protéger grâce à son ouie fine, mais la magie qui flottait dans l’air de la cave lui apportait tant de bien-être, d’autant qu’elle était persuadée que Podrick dormait paisiblement, elle préféra se contenter d’un coin de table et d’un tabouret inconfortable pour finaliser ses travaux de la nuit.

Un rire sarcastique éclata dans la chambre de l’enfant, immédiatement suivi par un deuxième, le troisième, moins franc sonnait faux, ce qui ne rendait pas moins terrifiante la situation. Podrick venait de se soumettre tel qu’ils ne l’avaient même pas souhaité et si les rires durèrent un certain temps avant qu’un voix démoniaque s’élève, ce ne fut pour le spectre que le temps de trouvé une idée pour torturé le gamin qui finalement semblait n’espérer que cela.

Si le but de Podrick avait été atteint, le livre chû et resta dès lors immobile, il n’en était pas pour autant sorti d’affaire et il le comprit rapidement lorsqu’il entendit un cliquetis sec, le bruit d’une clef qui se tourne dans une serrure.

La porte de sa chambre venait d’être condamnée à toute fuite possible, alors qu’il se rendait compte que les draps qui encore l’entourait s’écartait lentement, lui offrant une liberté dont il ne pouvait guère profiter et laisser présager de revivre de bien terribles souvenirs encore trop vivaces.

Alors petit morveux, tu veux bien aujourd’hui ?

Surtout que tu ne peux t'échapper de cette chambre.

Les rires redoublèrent moqueurs, infernaux, raisonnant dans la pièce telle une marche funèbre.

[Taliesin]

La bonne nouvelle, c'est qu'ils s'étaient enfin détournés du livre. Ils l'avaient abîmé, bien sûr, un peu, mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'ils auraient pu lui faire... Il expliquerait ce qui s'était passé à Arya : elle comprendrait. Et, au pire, s'il fallait procéder à quelques réparations, il les payerait avec son argent de poche.
La mauvaise nouvelle - parce qu'il y en avait une, et de taille -, c'est qu'on venait de le priver de la voie qu'il comptait emprunter pour s'enfuir.
Toutefois, il en existait d'autres ! Une, au moins : la fenêtre. Il pouvait l'ouvrir, ou briser un carreau, s'ils la bloquaient également. Ensuite, il se laisserait tomber dans le jardin. Il était au premier étage, mais ce ne serait pas son premier saut, il avait l'habitude de ce genre d'acrobaties...
Il se retint, cependant, de regarder dans cette direction. Toute l'attention des fantômes était à présent tournée vers lui, scrutant le moindre de ses faits et gestes. Il ne devait pas se trahir. Se contenter de réfléchir, sans en rien montrer.
Il filerait par la fenêtre, donc... Mais si, par quelque horrible tour de ses ennemis, cela lui était impossible, il devait songer à d'autres solutions. A des objets qui pourraient lui être utiles... Il y avait l'épée de son père, bien sûr. Mais une épée pouvait-elle atteindre des revenants ?
Lorsque ceux-ci parlèrent, l'enfant fut brutalement tiré de ses réflexions et comprit qu'il avait commis une légère erreur, ce qui ne manqua pas de faire croître encore davantage l'angoisse qui l'étreignait douloureusement : il s'était montré trop ouvertement soumis, trop prêt à leur obéir, à devancer, presque, leurs attentes. Cela avait pu les conduire à se méfier encore de lui, à craindre un mauvais tour de sa part... Ce qui expliquait peut-être que la porte soit désormais fermée à clef.
Il devait jouer plus finement. Dire la vérité, ou des semi-vérités, toujours plus crédibles que de purs mensonges...
-Non, je ne veux pas... gémit-il. Mais je n'ai pas le choix...
Il pensa ajouter qu'il était prêt à tout pour ne pas perdre l'amour de sa tutrice, ne pas perdre son foyer... Mais il s'abstint. Dire cela, c'était sans doute le meilleur moyen de les pousser à agir de sorte qu'il perde ce qu'il avait de plus précieux, justement.
En dire le moins possible. Cela lui éviterait de commettre de nouvelles erreurs...
Tout doucement, il se releva, garda les yeux baissés sur la pointe de ses pieds nus. Son pyjama trempé de sueur lui collait à la peau, le faisant frissonner dans l'atmosphère glaciale de la chambre.
Puis il demeura parfaitement immobile, en attente, réfléchissant toujours aux moyens de s'enfuir, aux choses dont il pourrait se servir pour combattre les spectres.
Il avait les yeux débordants de larmes, ne fit rien pour les contenir : cela renforçait le rôle qu'il tentait de se composer. Et, un jour, peut-être, on raconterait l'histoire de Podrick, le pas-encore-écuyer qui avait berné les fantômes des Gardes Rouges.
Ou peut-être pas. Mais que lui importait qu'on narre ses exploits ? La seule chose qui importait, c'est qu'il les accomplisse ! Or, il était bien décidé à le faire. Par-delà sa détresse, sa terreur, il sentait grandir en lui une flamme vive, une détermination sans failles. Il avait triomphé de bien des épreuves, au cours de sa vie, et ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin. Il avait déjà trompé les Gardes Rouges de leur vivant, deux ans plus tôt. Il les tromperait encore, même maintenant qu'ils étaient morts...

[Arya Du Varden]

Courageux et déterminé, l'enfant l'était plus que tout autre, mais dans son âme affligée, il n'avait pas la confiance absolue qu'il aurait dû avoir en celle qui l'avait pris sous son aile. Il craignait de perdre ce qui lui était le plus cher, ce dont il avait le plus besoin, l’amour de sa tutrice et ce sentiment secret qui le faisait avancer lentement vers cet avenir honorable auquel il aspirait était en train de l’offrir pieds et poings liés à ses agresseurs. Il lui manquait encore cette certitude qui lui aurait permis de mettre fin à cette mascarade, voire qu’elle n’eut jamais commencé. Il aurait laissé les fantômes détruire un livre aussi précieux qu’il fut, l’amour inconditionnel que l’elfe lui portait ne l’aurait exposé à aucun reproche, car elle n'aurait en aucun cas douté de ses paroles lorsqu'il aurait narré ce qui s'était passé. Mais il n'était qu'un petit enfant.

Les larmes de Podrick firent naître une liesse d’hilarité chez les spectres, même celui qui n’avait jamais assisté aux jeux mis en scène par les rouges trouvait un plaisir morbide à cette insoutenable torture, il en devint le pire des tortionnaires que l’enfant puisse rencontrer.

Ce fut un tourbillon qui s’éleva dans la pièce d’abord du côté de la fenêtre faisant brutalement grincé la tringle qui supportait les lourdes tentures qui sous l’effet du courant s’entrouvrirent laissant apparaître une autre réalité … il n’y avait qu’un mince filait de lumière qui pénétra dans la pièce, les volets bien fermés barraient cette issue de secours que le petit garçon avait pensé emprunté maintenant que la fuite par la porte lui était impossible.

La bourrasque se mit à tournoyer faisant bouger tous les objets qui se soulevèrent, retombant sur le meuble qui les supportaient avant de choir lamentablement sur le sol dans un bruit qui était amplifié par un fond sonore émis par les spectres. Les vêtements bien rangés sur le dossier d’une chaise virevoltèrent dans tous les sens giflant violemment le gamin à chacun de leur passage.

Le souffle des spectres ne le quittait pas, leurs voix murmuraient à ses oreilles semblant vouloir pénétrer dans sa tête.

Il ne veut pas le grand garçon mais comme il est mignon il va gentiment obéir aux messieurs aujourd'hui.

La tornade qui s’attaqua à Podrick était puissante et le gamin ne put que chercher à s’agripper pour ne pas être happé. Dans ces gestes amples et rapides, il sentit soudain que la veste de son pyjama était tirée et qu’il ne pouvait rien faire pour qu’on ne la lui enlève pas.

Comme dans ces longs mois de souffrance qu’il avait vécus, il allait une fois de plus se retrouver nu par la volonté de ses tortionnaires qu’il ne pouvait contrer.

[Taliesin]

La terreur manqua de peu le submerger complètement.
Les volets... Il avait oublié les volets, à cause de ces fichues tentures qui les masquaient. Détail crucial qui réduisait à néant son principal plan d'évasion : il doutait que les spectres lui laissent le temps d'ouvrir la fenêtre, puis de repousser les lourds battants de bois...
Pris au piège.
Le désespoir le frôla, l'ébranla, et il dut faire d'énormes efforts pour le repousser. Ce qui fut rendu plus difficile encore lorsqu'il sentit qu'on essayait de lui enlever sa veste, sans qu'il pût se défendre...
Ce terrible sentiment d'impuissance, à nouveau.
Comme autrefois.
Le gamin serra les dents. Il s'y était attendu, non ? Il se doutait que les choses tourneraient ainsi. Ils allaient le déshabiller, puis... Rire, rire, et rire encore. Se moquer. Le traiter de fille. Comme à cette époque, probablement surtout désireux, pour certains, de briser son aplomb...
Il en avait été profondément atteint, autrefois. Et sans doute la chose serait-elle rude, aujourd'hui encore. Mais il était allé nombre de fois aux thermes, avec Arya ou sa classe, et jamais personne ne s'était gaussé. Et pour cause : il n'y avait pas de quoi se gausser ! Il était tout à fait normal, et si les Rouges s'esclaffaient, ce ne seraient que pures menteries, pure malice, simple désir de lui faire de la peine...
Il ne se laisserait pas atteindre. Essayerait, du moins. Resterait concentré sur la seule chose qui comptait : leur fausser compagnie... ou les vaincre. La fenêtre était close ? La porte fermée ? Soit ! Il y avait peut-être une clef pour ouvrir cette dernière... Il ne s'en souvenait plus, il était trop troublé, mais cela lui reviendrait peut-être. Et si pas de clef, il recourrait à l'épée de son père et taillerait des croupières à ses cruels adversaires. Elle devait être quelque part, sur le sol...
Et si l'épée ne leur faisait rien ?
Et bien... Il trouverait autre chose.
La tornade qui le secouait avait au moins un avantage : il était obligé de se raccrocher là où il le pouvait. Ses mouvements lui permettaient ainsi de jeter des coups d'œil furtifs autour de lui, et il ne s'en priva pas.
Avec un peu de chance, il verrait un objet auquel il n'avait pas pensé jusqu'ici...
Et s'il fallait forcer la chance, il la forcerait. Les Rouges ne savaient pas à qui ils avaient affaire.

[Arya Du Varden]

A l’étage, derrière la porte close le drame continuait à se dérouler sans discontinuité. Les spectres ne cherchaient pas à faire revivre à l’enfant des souffrances identiques à celles qu’il avait vécues, ils s’amusaient simplement à le voir se débattre inutilement face à leurs farces de mauvais goût, à trembler comme le fond les feuilles sous le vent, à voir ses yeux s’embuer et surtout y observer la peur qu’ils lui inspiraient alors qu’il était totalement impuissant.

La veste du pyjama vola tout à coup, tourbillonna quelques instants dans la pièce avant de venir entourer Podrick l’enserrant fermement, l’empêchant de bouger les bras comme un carcan bien serré et impossible à défaire, mais qui semblait servir de point de départ à un nouveau jeu qui venait de germer dans l’esprit retord de ceux qui n’étaient plus que cela. Comme une marionnette, l’enfant se vit promener dans la pièce, de la porte à la fenêtre, de la cheminée au coffre, du lit sur lequel il fut jeter. Heureusement, le matelas épais lui offrit un impact moelleux alors qu’il sentait à cet instant l’étreinte du tissu se défaire et pouvait constater que la pièce était redevenue totalement silencieuse.

C’est à cet instant, sachant son travail encore long et studieux pour retranscrire sans omettre la moindre manipulation, noter chaque ingrédient, relever chaque calcul avec précision, annoter toutes les étapes de remarques personnelles et qu’elle serait retenue encore un temps certain dans cet endroit clos où l’agitation qui régnait dans la chambre de l’enfant n’arrivait pas à émettre la moindre plainte, où la pierre épaisse et froide de sentiment occultait le moindre souffle des affres que subissait celui qu’elle s’était promise de protéger des douloureuses expériences de son passé, qu’Arya décida de s’assurer que Podrick dormait toujours à poing fermé.

La magicienne ouvrit à nouveau la porte pour écouter le silence de la maison. Tout était calme, aucun bruit ne venait à troubler la paix et la sérénité de la demeure, l’âme libérée par le le silence qu’elle avait observé, l’esprit libre ee continuer son travail, l'elfe ferma soigneusement la porte pour éviter que la magie née de son expérience ne vienne à envahir la maison.

[Taliesin]

Podrick, étendu sur son lit, encore tout désorienté à cause du petit jeu auquel on venait de le soumettre, repoussa d'un geste la veste qui l'aveuglait et battit des paupières.
Plus rien.
Plus de spectres, plus de voix, plus d'objets volant au travers de la pièce.
Ça s'était arrêté.
Les fantômes s'étaient-ils lassés ? Il en doutait. Quelque chose avait dû les déranger, c'était bien plus probable.
Quelque chose ou quelqu'un.
Arya...
Si elle s'était un instant détournée de ses recherches, si elle avait quitté la cave pour s'assurer que tout allait bien...
Rassemblant tout son courage, toutes les forces qu'il lui restait, l'enfant bondit sur ses pieds, et courut vers la porte. Il n'était pas impossible qu'elle soit ouverte, désormais...
Il n'était pas impossible que, dans quelques instants, il puisse se blottir dans les bras de la magicienne...

[Arya Du Varden]

Les espoirs de Podrick disparurent avant même qu’il eut atteint la porte, certes la magicienne s’était bien inquiétée du repos de son petit protéger, mais le hasard, ou plus certainement le destin de l’enfant, l’avait empêchée de découvrir que rien n’était aussi paisible dans la demeure alors que le silence absolu y régnait en maître.

Rompant brutalement l’absence apparente des spectres, comme si tous les vents du monde s’étaient unis, une tornade jaillit de nul part et de partout, l’enfant se vit projeter violemment en arrière, les tourbillons qui l’assaillaient étaient comme mille mains qui pressaient douloureusement son corps, rien ne vint sur son passage pour lui permettre la moindre résistance et impuissant, il atterrit lourdement à côté du coffre. A moitié assommé par sa chute, il chercha pourtant désespérément un objet sans pourtant oser trop bouger. Sous sa main, soudain, il sentit un métal dur et froid alors qu’une voix menaçante et railleuse sortant tout droit d’outre-tombe résonna brutalement, venimeuse et assassine, tintant lugubrement dans la tête de l’enfant comme un tocsin.

Petit morveux, tu voulais encore t’échapper, tu avais pourtant dit que tu te soumettrais. Podrick sentit le souffle des mots sur son visage. Tu ne sortiras pas vivant de cette pièce. La voix se fit plus douce, presque magnanime. N’as-tu pas encore compris que ta protectrice se gausse de toi ? La violence revint avec hargne. Tu ne me crois pas ? Allons réfléchit un peu. Fais travailler les quelques cellules amoindries qui sont dans ta cervelle d’oiseau. Demande-toi la raison de son absence, de son silence. C’est elle qui nous envoie pour que jamais, plus jamais tu puisses nous échapper.

[Taliesin]

Le petit garçon réprima péniblement un sanglot.
Il avait cru son salut proche... et venait d'être cruellement détrompé.
Si les spectres avaient été dérangés, ce n'était plus le cas, à présent, et ils comptaient bien recommencer à le tourmenter.
Mais quoi qu'ils aient prévu de lui faire subir, ce n'était pas le petit discours du défunt Garde Rouge qui allait l'atteindre. Pas sa totalité, du moins : certes, il y avait de fortes chances pour qu'il ne sorte jamais de cette prison qu'était devenue sa chambre, s'il ne trouvait pas une échappatoire ou un moyen de combattre ses bourreaux. En revanche, qu'Arya se fiche éperdument de lui, qu'elle ait volontairement convoqué les spectres, se soit retirée pour les laisser accomplir leur sinistre besogne, il n'en croyait pas un traître mot.
Si elle avait voulu lui nuire, le faire disparaître, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à de tels intermédiaires, et aurait pu le faire bien plus tôt.
C'était là pures mensonges, il ne s'y laisserait pas prendre.
Restait à échapper à la mort qu'on lui promettait...
Il y avait ce métal froid, sous sa main. Malheureusement, s'il s'en emparait trop visiblement, on lui l'arracherait dans l'instant, sans qu'il put résister, comme on lui avait arraché sa veste... Il devait faire comme si de rien n'était, essayer de savoir de quoi il s'agissait tout en détournant l'attention du Rouge...
-Je croyais que vous étiez partis... murmura-t-il, à peine audible. Que je pouvais partir aussi, donc...
Mensonge éhonté... et risible. Mais on le traitait d'idiot, alors, pourquoi ne pas le jouer ?
-Je vous demande pardon... reprit-il sur le même ton. Je ne le referai plus...

[Arya Du Varden]

Le sanglot réprimé de Podrick ne teinta que peu le son de sa voix et s’il eut sut que des larmes allaient désarmés quelques instants les esprits malins, il ne les aurait par retenues pour enfin se soulager un peu et surtout en aurait profiter. Sans le vouloir, sans le savoir surtout, il venait de remporter un premier point. Les fantômes tournoyaient dans le pièce et l’enfant pouvait entendre leurs murmures sans pour autant comprendre ce qu'ils disaient, certains que leurs mots venaient d’affecter profondément le petit enfant, ils discutaillaient pour trouver de nouvelles torturent à lui faire subir.

Un rouge reste un rouge lorsque dans la mort, il préfère s’unir aux biens spolier sous la torture plutôt qu’un mince regret qui lui permettrait de partir et le sort subit autrefois par Podrick vint soudain le rattraper, les spectres n’avaient en l’instant d’autres calvaires à lui faire subir pour égayer leur nuit.

Partis ...
Nous n'oserions pas désobéir à la sorcière
Les foudres magiques tomberaient sur nous
Fini la belle vie
Et nous lui avons promis de s'occuper de toi
De très bien s'occuper de toi

La dernière phrase avait été prononcée avec un sadisme certain, alors que les doigts du petit garçon venaient de reconnaître cette épée familiale qu’il avait emportée des sous-sols uniquement pour ne pas décevoir ce frère aimé, trop tôt parti rejoindre leurs ancêtres, et qu’il refermait la main sur la poignée, il sentit que ses souffrances n’étaient pas à leur point mort alors qu’une force invisible le mettait debout et que son pantalon glissait sur ses jambes dans une hilarité spectrale aussi réelle que celle des êtres humains qu’ils avaient été dans la maison des rouges.

Nous te pardonnons, Nous te pardonnons.

[Taliesin]

Podrick se crut défaillir.
Malgré toute sa détermination a affronter sans ce laisser atteindre ce qu'ils lui imposeraient, il s'était pris à espérer que les spectres avaient oublié les jeux auxquels ils s'étaient livrés de leur vivant, qu'ils en inventeraient d'autres au gré de leur démoniaque fantaisie, comme ils l'avaient fait en l'aveuglant avec sa veste.
Mais à nouveau, il s'était trompé.
La même scène se rejouait, à deux ans d'intervalle. Identique, ou peut s'en fallait...
Ils le déshabillaient en se moquant.
Et quand il serait tout nu... Les moqueries exploseraient.
Il pouvait déjà les entendre. Les mêmes qu'autrefois.
Minuscule.
Une vraie fille...
Oh, ça, ils allaient rire ! Tant mieux, en un certain sens : ils seraient tellement accaparés par leurs plaisanteries douteuses, tellement hilares... qu'ils ne feraient plus vraiment attention à ce qu'il ferait.
C'est alors qu'il devrait agir. Il n'avait pas ramassé l'épée : ses doigts n'avaient pas eu le temps de saisir la garde alors qu'on le soulevait. Tant mieux, la encore : s'ils l'avaient vu avec l'arme à la main, ils l'en auraient privé.
Sitôt qu'ils seraient affairés à s'esclaffer, à le traiter de fille, il se pencherait, récupérerait l'épée... Et leur courrait sus.
Riez, riez tant que vous voulez... songeait-il par devers lui. Rira bien qui rira le dernier.
Il allait les tailler en morceaux. La surprise serait douloureuse... Et sa vengeance terrible.
Si quelqu'un ne devait plus jamais sortir de cette chambre, ce serait eux.

[Arya Du Varden]

Mais les jeux hilares d’hier ne les amusa qu’un instant où fusèrent rirent mauvais et paroles sarcastiques. Mai bien vite, le troisième, celui qui n’avait pas été le bourreau d’autrefois et qui ne s’amusa pas du tout eut une idée qui fit frémire de plaisir moribond les deux aux spectres.

Ce furent des chuchotements peu audibles, mais le peu que compris l’enfant avait de quoi le faire frémir, le terrifier ou le booster à enfin prendre tous les risques.

Je vais …. Sol …. Dague … couper

Un tourbillon se mit à envelopper Podrick dans les oreilles duquel des mots angoissants résonnaient et s’il n’avait pas fait le rapprochement, il ne pouvait maintenant avoir de doute.

Une petite fille
Une adorable petite fille
c’est cela une damoiselle

Dans la cave, la magicienne relisait ses notes, rajoutait ça et là quelques annotations, elle avait bientôt terminé les recherches qu'elle s'était imposées pour la nuit et pourrait dès lors profiter d'un repos bien mérité.

[Taliesin]

Là, s'en était trop.
Podrick s'était dit que les spectres, créatures immatérielles, ne pourraient que se moquer de lui, le frôler, user de pouvoirs pour le soulever dans les airs ou le projeter là où ils voudraient. Il avait oublié un détail : lesdits pouvoirs leur permettaient de se servir d'objets... Et là chose qu'ils évoquaient, plus que tout le reste, le glaça d'effroi.
Il ne pouvait plus attendre, plus guetter une opportunité d'agir. Il fallait qu'il la provoque, cette opportunité. Et ce, le plus rapidement possible. Sans quoi...
Il refusa d'imaginer la suite.
Alors, avec l'énergie du désespoir, il se pencha, saisit l'épée et, la serrant fort dans sa main droite, il bondit à l'assaut, bien décider à faire rendre gorge à ses tortionnaires. Il manquait de maîtrise, certes... Mais ni de volonté, ni de détermination.

[Arya Du Varden]

A la vue de l’enfant brandissant l’air menaçant son épée, tel un preux chevalier, fit rire aux éclats les deux spectres qui avait autrefois été les bourreaux de l’enfant et ceux-ci se mirent à danser sous sa lame, sur sa lame, devenant presque matériel, s’évanouissant pour mieux revenir vers le petit garçon, chevalier en devenir. Danse moribonde de ceux qui ne pouvaient plus être tuer étant déjà morts et qui venaient de trouver un jeu qui les réjouissait sans avoir rien demandé. Podrick leur offrait un plaisir inattendu, mais apprécié à sa juste valeur.

Ce ne fut que le meilleur, le pire arriva vite, trop vite sous l’aspect d’une lueur dansante, brillant de tous ses éclats, dont les reflets apparaissaient et disparaissaient selon la faible lumière qui horrifiée se réjouissait qu’elle ne plus l’éclairer à tous moments. La dague était là et tournoyait autour du petit garçon menaçante.

La magicienne en avait fini avec ses écrits et s’apprêtait à quitter la cave après avoir jeter un dernier coup d’œil pour vérifier que tout était en ordre.

[Taliesin]

C'était la fin.
L'épée était inutile, il se démenait pour rien. Tout ce qu'il faisait, c'était amuser ses tourmenteurs. Et ils n'allaient pas tarder à se lasser...
D'ici quelques instants, la dague passerait à l'action. Sous le coup de la douleur, il s'évanouirait, sans doute. Et s'il se réveillait...
S'il se réveillait, il préférerait certainement être mort.
Une fille...
Il ne pouvait rien faire pour empêcher cela. Il était incapable de se protéger. Comme il avait été incapable de défaire les spectres, de s'enfuir... Il n'avait pas pu s'en sortir seul.
Il ne restait qu'une seule solution. Un infime espoir.
Le petit garçon prit une profonde inspiration... Puis hurla, de toute la force de ses poumons.
-ARYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !
Et il se mit à prier pour que la magicienne l'ait entendu.

[Arya Du Varden]

Ravie du travail accompli, Arya soupira d’aise alors qu’elle rangeait la dernière éprouvette. Des nuits comme celle-ci où elle pouvait travailler sans s’interrompre était trop rares, non qu’elle regretta de passer de longues heures auprès de son pupille pour le rassurer, pour qu’il plonge dans un sommeil apaisant et régénérant, mais simplement qu’elle aimait son travail presque autant que l’enfant auquel elle sacrifiait avec bonheur tout le temps nécessaire.

Satisfaite, la magicienne ouvrit la porte de la cave et nul besoin d’avoir une ouie fine pour entendre le cri désespéré de Podrick. Son visage devint blême, presque transparant, son sang n’eut pas le temps de faire un tour que déjà elle était en haut de l’escalier, tremblante des sentiments qu’elle portait à son pupille, vibrante de l’amour d’une mère qui n’avait guère de doute sur la terreur qui devait empreindre tout son être pour qu’il l’appelle à l’aide. Il y avait aussi La haine pour ceux qui s’était permis de le torturer, sentiment inculquer durant sa vie par les siens, animosité incommensurable pour tout être non elfe, violence meurtrière naissante et bien présente envers ceux qui avaient juré ne jamais quitter les sous-sol et qui avaient failli à leur parole, car dans son âme aucun doute n’existait, ce ne pouvait être que les trois spectres qui n’avaient pu accepter que leurs biens fussent donnés même à des inconnus n’en ayant nul besoin qui s’en était venu s’en prendre à l’enfant.

Une elfe inquiète et en colère gravissant les escaliers, toute précipitation qu’elle eut, ne faisait aucun bruit et lorsque sa main dans le même temps appuya sur la poignée et violemment ouvrit la porte, son intuition devint une certitude absolue, les spectres comprirent, un peu tard et ils n'allaient pas attendre pour que tombe le verdict, qu’il était plus que temps de mettre fin à leur agréable passe-temps.

Le regard d’Arya horrifié les aperçu bien que les éléments changèrent subitement pour que ne se trouve plus en face d’elle qu’un enfant nu et terrorisé vers lequel elle se précipita.

Un seul mot sortit de ses entrailles, violent, aimant, désespéré de ne pas avoir pu empécher ses douloureux moments.

Podrick …

Ses bras enlacèrent le petit garçon, ses lèvres se posèrent tendrement sur sa chevelure, ses larmes ruisselant sur son visage vinrent tomber telles des perles de réconfort sur le petit être qui était enfin libéré du joux de ses tortionnaires.

[Taliesin]

Le gamin, incrédule, resta un instant immobile à battre des paupières.
Il n'arrivait pas à se dire que tout était terminé, que c'était fini.
Et pourtant...
Tout à coup, la pression accumulée au cours des minutes précédentes céda, et le petit garçon éclata en sanglots convulsifs dans les bras de la magicienne.
Longtemps, il fut incapable de prononcer le moindre mot, d'articuler la moindre phrase. Il se contenta de pleurer, niché contre Arya...
Enfin, il se détacha légèrement d'elle, releva son visage blême, ses yeux rougis.
-Ils... ils ont a-abimé le l-livre... murmura-t-il d'une toute petite voix, l'air désespéré. J'ai pas pu les en en-empêcher tout d'suite...
Puis il fondit à nouveau en larmes.

[Arya Du Varden]

Une haine profonde envahissait l’âme de la magicienne tant elle sentait Prodick affecté par les affres que les spectres lui avaient fait subir alors que ses bras l’enserraient tendrement pour tenter de le rassurer, de chasser ses instants douloureux.

Le visage de l’enfant qui se releva marqué par la souffrance vécue, ses yeux profondément imprégné par ces instants douloureux qui se plongèrent dans ceux de l’elfe, sa voix à peine audible qui s’inquiétait pour une futilité firent naître une détermination chez Arya. Non seulement, elle ferait disparaître à tout jamais ceux à qui elle avait donné une chance, mais principalement, le faire de manière à les rendre fous furieux à défaut de pouvoir les faire souffrir.

Serrant un peu plus fort dans ses bras l’enfant qu’elle venait d’envelopper d’un drap pour tenter qu’il ait moins froid, elle lui murmura doucement à l’oreille.

Le livre ne compte pas Podrick. Aucun livre ne peut valoir plus que toi. Ils auraient pu le détruire que cela n’aurait rien changé. Je t’ai demandé de prendre soin de tes affaires, j’aurai dû ajouté que cela ne doit jamais passé avant toi. Ne t’inquiète pas pour si peu de chose. Elle releva doucement son visage. Mais cela n’arrivera plus, tu peux en être certain et je vais m’y atteler dès ce soir.

Dans son regard, il y avait un amour immense et les larmes qui coulaient semblaient vouloir se mêler à la détermination qui s’y lisait mêlant amour et vengeance.

Je ne vais pas les chasser par la force, mais ils ne sont là que par cupidité et égoïsme et la pire des punitions sera de voir leurs biens en d’autres mains avant même qu’ils aient pu quitter ce monde. Des mains qui ne craignent en rien leur présence et qui sauront le leur démontrer.

Je ne doute pas que tu sois fatigué, mais j’aurai souhaité nous débarrassé de ces spectres sur le champ. Bien que cela soit sans danger pour nous, cela risque d’être … difficile … terrifiant pour toi, pourtant la leçon ne leur serait que plus cruelle si tu était avec moi pour leur faire comprendre qu’on ne se frotte pas sans risque aux vivants. Son regard devint plus sombre alors qu’il se perdait dans le vide. Qu’un parjure n’est pas acceptable.

Elle sera longuement le petit garçon contre elle.

Peut-être souhaites-tu me raconter comment tout cela c'est passé. Cela ne pourra que soulager ton esprit de ces moments douleureux. Elle sera plus fort l'enfant contre elle. Je ne comprends pas, j'ai maintes fois tendu l'oreille, mais aucun bruit ne m'est parvenu.

[Taliesin]

-Je vais venir... murmura Podrick. Oh oui, je vais venir, et ils vont voir de quel bois je me chauffe...
La perspective de vengeance l'avait visiblement ragaillardi, mais le récit dont il se fendit ensuite ne fut pas moins difficile.
-Normal que tu es rien entendu... Et pas juste parce que tu étais dans la cave : des fois ils s'arrêtaient, ça devait être aux moments où tu écoutais... Puis ils recommençaient... Et j'ai pas pu appeler, parce que je pouvais ni parler ni bouger, au début. Et après, j'ai voulu leur régler leur compte tout seul... Mais j'ai pas pu...
Il soupira, réprima un sanglot.
-J'ai cru que c'était un cauchemar, d'abord. Y avait les spectres qui dansaient et qui disaient qu'ils allaient m'emporter, j'étais comme... comme paralysé. Puis après, ça a été comme si on me touchait, en même temps que j'avais l'impression d'être serré dans un truc... j'ai cru que c'était les draps, ça. Et les caresses, que c'était toi qui essayait de me réveiller. Après, ça s'est arrêté, et j'étais effectivement entortillé dans les draps, mais tout seul... J'ai essayé de me lever pour sortir, et là... tout à recommencé... Ils m'ont fait tomber du lit... Et ils ont commencé à abîmer le livre. Je voulais pas qu'ils l'abîment, je m'étais engagé, j'voulais pas trahir ma parole... D-Donc j'ai essayé de les détourner, de dire que j'ferai ce qu'ils voudraient... Et ça a marché parce qu'ils ont arrêté, avec le livre. Puis ils ont fermé la porte à clef et...
Il ferma les yeux, poussa un profond soupir.
-Ils se sont amusés avec moi. Je faisais semblant d'être obéissant, pour pas qu'ils se méfient, pour que j'ai le temps de trouver un plan... j'ai pensé à la fenêtre, mais y avait les volets... Alors j'essayais de réfléchir à d'autres trucs... Eux, ils rigolaient, ils disaient que c'était toi qui les avait envoyés, mais je les ai pas cru. Puis ils m'ont enlevé ma veste et me l'ont mise sur la tête, avant de me balader partout dans la pièce et de me jeter sur mon lit... Là, encore une fois ça s'est arrêté...
Raconter son histoire lui était manifestement très pénible, lui coûtait énormément. Mais, une fois n'est pas coutume, il paraissait désireux de la verbaliser en entier, sans rien omettre.
-Comme ils étaient plus là, reprit-il d'une voix tremblante, j'ai voulu partir par la porte, mais... Ils sont revenus... Et j'ai fait semblant d'avoir cru que je pouvais partir puisqu'ils étaient plus là, mais ça les a fait rire... Je voulais toujours m'enfuir, ou les combattre, et j'ai trouvé l'épée par terre... Mais j'ai pas eu le temps de la prendre : ils m'ont remis debout puis ils... ils m'ont enlevé mon pantalon, avec leur force, comme pour la chemise... J'me... J'me doutait qu'ils me mettraient tout nu, parce que je savait qui c'était, mais je m'étais dit que peut-être ils y pensaient pas... Mais ils y ont pensé, et quand j'ai été tout nu ils se sont moqués, comme avant, en disant que j'étais une fille et tout... M'étais préparé, je savais que c'était pas vrai, alors... j'écoutais pas...
Il fut pris d'un tremblement, se ressaisit tant bien que mal.
-Je réfléchissais toujours mais j'savais plus trop quoi faire : j'pouvais pas partir par la porte, pas par la fenêtre. Y avait que l'épée mais je savais pas si elle leur ferait du mal... Je cherchais autre chose, sans trouver... Et là, ils... Ils ont dit qu'ils allaient me couper le zizi pour me transformer en vraie fille... J'avais plus l'choix... Je les ai attaqués avec l'épée, mais ça a rien fait, et la dague se rapprochait... Alors j'ai hurlé pour qu't'entendes...
Il s'essuya les yeux d'un revers de bras.
-Après... ben tu sais, après...
Il se tut un long moment, frissonnant. Pourtant, lorsqu'il releva la tête, son expression, son regard témoignaient d'une détermination sans failles.
-Maintenant, on va aller leur dire deux mots, d'accord ? Et c'est moi qui vais rire, pour changer... J'aurais voulu les chasser tout seul, mais j'ai pas pu... On l'fera à deux... Et comme ça, je serai vengé. Pour ce qu'ils m'ont fait ce soir, et... ce qu'ils m'ont fait avant. Ce sont des Gardes Rouges, tu sais. Ceux à qui j'ai été vendu...

[Arya Du Varden]

La détermination et le courage de Podrick émerveillaient la magicienne qui ne doutait pas qu’il eut du caractère mais les instants douloureux qu’il venait de traverser auraient pu l’abattre ou tout simplement qu’il préfère fuir une nouvelle fureur qui allait s’avérer bien plus puissante que celles auxquelles il avait assister durant sa courte vie.

Son récit des événements firent embués les yeux d’Arya bien qu’elle tentait de rester sereine maintenant que tout était terminé. Mais tant de souffrance émanait de l’enfant qu’il lui était impossible de rester en dehors. Mais pour une fois il parlait, il n’omit aucune des affres par lesquels il était passé et lorsqu’il eut fini, elle le sera longtemps dans ses bras avant de relever son visage et d’une voix émue et aimante lui dit toute son admiration.

Je suis fière de toi Podrick, tu ne t’ais pas laissé faire même si tu n’as pas pu trouver la solution pour t’en sortir. Ils se sont attaqués à toi car ils n’osent pas me défier et savaient que tu étais trop jeune pour pouvoir les affronter. Ensemble, nous allons leur montrer que cette demeure nous appartient et qu’ils ne sont pas les bienvenus. Leur temps ici est terminé, leur temps tout court d’ici peu.

Arya aida l’enfant à s’habiller, en aucun cas elle ne voulait le laisser seul, ne serait-ce qu’une seconde, tant que les spectres seraient encore là, puis, elle l’emmena dans sa chambre, ouvrit le coffre et en sortit le fourreau qui contenait son épée et là passa à la ceinture de Podrick. Si l’arme était inutile, son poids servirait à allourdir l’enfant qui pourrait ainsi mieux résister aux tempêtes de rage qui allaient s’abattre sur eux.

La tienne n’est pas encore remise en état et nous n’avons pas de fourreau, alors je te confie la mienne, non que nous en ayons vraiment besoin, mais ils verront qu’ils ont en face d’eux un futur chevalier et si nécessaire, tu sauras t’en servir aussi bien que moi.

Elle glissa sur ses épaules sa cape, puis passa sa main derrière la tenture et en sortit son bâton de mage. Accessoire dont elle se paraît rarement qui ne pouvait être que pour asseoir sa qualité de mage, ce dont elle n’avait pa besoin, son amnésie l’empêchant de se souvenir du code qui en activait les runes qui l’ornaient majestueusement.

Une fois qu’ils furent ainsi paré, elle se baissa vers l’enfant, rassurante.

Ce sera certainement terrifiant, mais quoiqu’ils fassent, quoiqu’ils disent, il faut que tu restes conscient que rien ne peut t’arriver.

Alors on y va ?

[Taliesin]

Le gamin la dévisagea un instant puis, croisant les bras, il se fendit d'un sourire mutin.
-Tu crois vraiment qu'après leur avoir tenu tête une bonne heure, enfermé dans ma chambre, je vais flipper en allant leur régler leur compte sur leur propre terrain ?
Il secoua la tête.
-Ils ont déjà utilisé tous leurs tours pour me terrifier : alors s'il s'y remettent, ça sera que du réchauffé, ça me fera même pas hausser un sourcil ! M'est avis que c'est plutôt eux qui vont flipper, vu comme j'suis remonté...
Podrick s'était bien vite remis de ses émotions, c'était le moins que l'on puisse dire...

[Arya Du Varden]

Le petit enfant terrorisé et traumatisé que l’elfe avait découvert quelques minutes auparavant dans sa chambre s’était mué en un jeune garçon volontaire et décidé. La magicienne était habituée à ces changements radicaux d’état d’âme de son pupille, mais à chaque fois elle en était surprise, étonnée, émerveillée. Podrick serait un chevalier que l’on admirerait, cela ne pourrait être autrement avec un tel caractère.

Ils prirent donc le chemin de la cave, mais avant de pénétrer dans ce qui, pour quelques minutes encore, était l’antre des fantômes, la magicienne se devait de prendre quelques précautions.

En premier protéger son ouie fine des cris des spectres qui ne pourraient qu’être violents et venir agresser douloureusement ses oreilles. Elle se dirigea vers une étagère, prit une petite boîte et en sortit un morceau de cire molle qu’elle malaxa, puis en fit de petites boules tout en expliquant à l’enfant.

Ils vont hurler cela est certain et je risque d’en être fort incommodée par mon ouie trop sensible et puis pour toi comme pour moi, nulle nécessité d’entendre à grand volume ce qu’ils vont dire. Alors nous allons mettre ces petites boules dans nos oreilles. Evidemment nous ne pourrons pas nous entendre sans hurler, mais je vais utiliser un sort qui nous permettra de nous parler simplement en murmurant.

Arya --- > Message --- > Podrick

L’elfe remua les lèvres, un son non audible sortit de sa bouche, mais l’enfant entendit parfaitement ses paroles.

A toi l’honneur d’activer le passage secret.

L'elfe paraissait calme, pourtant, au fond d'elle tout bouillonnait, ceux qui l'avaient trahie était aussi ceux qui avaient été autrefois les bourreaux de son petit protéger. Ils devaient s'attendre à sa venue, mais certainement pas à la présence de l'enfant et à l'ultime châtiment qu'elle leur réservait.