[Bâtiment] Les entrepôts

[Galathée]

" Othilie nous sert de relais avec le fort, oui. Si vous pouviez prendre un peu de temps avec elle, ce serait vraiment utile." dit Seskan. " Notre objectif est, à terme, qu'il n'y ait plus personne à aller chercher."
" C'est beau l'espoir." railla Constance.
" Il est souvent la seule chose qui nous reste." rétorqua le rouquin.
Mais son regard était déjà tourné vers Valaellyn.
" Pendant ce temps, peut-être daignerez-vous me parler de votre métier ?" fit-il.
Gauthier leva les yeux au ciel et Constance secoua la tête.
" Surveillez votre amie." dit-elle à Taliesin.
" Tout de suite !"
" Avec plaisir." trancha Valaellyn.
" Vous trouverez Othilie au coin du feu."

[Taliesin]

Taliesin leur sourit - il ne s'inquiétait pas pour Valaellyn - puis, se levant, il quitta la petite pièce pour gagner la salle principale et le coin de l'âtre où se trouvait effectivement Othilie, la femme au regard très noir qui l'avait coudoyé alors qu'ils soupaient.
-Me revoici... dit-il, amical. Malheureusement, je préfère être honnête : je ne sais pas grand chose.

[Galathée]

" Tout ce que vous savez nous intéresse. Surtout si vous savez où et comment les contacter. Où ils opèrent. Par quelle filière..."
Elle s'interrompit et le dévisagea.
" Je me souviens de vous." dit-elle alors. " C'est cruel que vous deviez retourner à Mélandis, y libérer à nouveau un esclave. J'imagine que la perspective ne doit pas vous ravir."

[Taliesin]

Surpris, ne sachant que répondre, le barde demeura silencieux quelques instants, dévisageant son interlocutrice, tentant en vain de se rappeler de ses traits.
Puis il se reprit. Après tout, il avait eu un semblant de notoriété, à Luménis, alors qu'il apparaissait encore comme le chef des esclaves en fuite. Othilie pouvait l'avoir vu, de loin, à bien des occasions...
-C'est surtout que... j'ai d'autant plus peur pour ma compagne que je connais Mélandis, murmura-t-il. Que je sais comment on y traite les esclaves. Et... Je crains d'y être reconnu, évidemment. Mais grâce à votre organisation, les chances que cela arrive seront moins grandes. C'est une aubaine de vous avoir trouvés.

[Galathée]

" Je connais bien Mélandis." répondit Othilie. " J'y étais esclave. J'ai traversé un désert en votre compagnie. Ne dites rien. Je vous dois tout. Ne soyez pas étonné de ne pas vous souvenir de moi. Nous étions si nombreux. J'étais différente, sèche, usée, brisée... J'étais méconnaissable. A présent, je suis à nouveau moi-même. Pour la première fois, en réalité. Mais je ne pourrais plus jamais retourner à Mélandis. Rien que d'y songer, je sens cette terreur... Nous avons tous tellement souffert pour gagner cette liberté... Remettre les pieds dans ce cloaque..."
Elle frémit.
" Je fais ce que je peux, à partir d'ici. Nous avons déjà ramené plus d'une centaine de Luméniens. Ce n'est pas grand chose à l'échelle des déportations... Mais ces gens... A cause de Morféa..."
Elle secoua la tête, un peu émue.
" Vous avez fait beaucoup de bien, Taliesin. J'espère que vous retrouverez votre amie."

[Taliesin]

A nouveau, il ne sut que dire. Depuis le coup d'État de Nwalk, lorsqu'il repensait à son séjour mélandien, à la révolte des esclaves, il ne voyait que la défaite, la débâcle, la terrible fuite à travers le désert, les espoirs brisés du havre luménien...
Or, c'était la première fois, depuis la fin de la guerre civile, depuis qu'il n'était plus le monstre, qu'il croisait l'un des esclaves rescapés. L'une des rares personnes pour qui les choses n'avaient pas mal tourné.
C'était étrange de se dire que tout ne se résumait peut-être pas à un fiasco.
Etrange et déroutant...
-Merci, murmura-t-il simplement. Je suis heureux que... vous ayez trouvé votre place, ici. Et... Vous avez bien du courage de continuer à œuvrer pour cette cause. Pour ma part, sans cet enlèvement, j'aurais préféré oublier tout ceci...
Peut-être ne tiendrait-il plus tant à oublier, si daventure il découvrait que d'autres, comme Othilie, étaient parvenus à s'en sortir.
Enfin, c'était sans doute bien trop tôt pour le dire.
Bien trop étrange, bien trop déroutant.

[Galathée]

" Certains Luméniens se sont montrés tellement accueillants... Il aurait été inhumain de les abandonner lorsque les choses se sont détériorées... Même aux pires jours de la dictature, tous ne nous ont pas condamnés. Au contraire..."
Elle sourit, un sourire privé, un souvenir.
" Mais je ne devrais pas vous ennuyer avec ça. Nous en reparlerons un jour, si vous le voulez, lorsque vous reviendrez."
Elle prit un parchemin.
" Maintenant, racontez-moi."

[Taliesin]

-Nous en reparlerons, oui... murmura Taliesin, pensif.
Il se demandaient ce qu'étaient devenus les autres. Les enfants, les vieillards, les malades hébergés dans cet entrepôt des quais, non loin d'ici, où il allait se réfugier, parfois, lorsque la tension était trop grande dans le campement dressé au milieu des Taudis. Ceux auprès de qui il se ressourçait, qui se montraient toujours bienveillants à son égard, amicaux, imperméables aux manigances de Nwalk. Ceux auprès de qui il avait finalement envoyé Lorghar et Charis, pour les protéger, comprenant que le pire se produirait bientôt.
Et ils s'était produit.
Qu'étaient-ils devenus, tous ? Avaient-ils été tués ? Avaient-ils pu s'enfuir ?
La dernière fois qu'il s'était posé cette question, ce devait être dans sa geôle, au Grand Fort...
Les derniers mots d'Othilie le ramenèrent à la réalité, et il fit un effort pour se concentrer à nouveau.
-Oh, je... Pour trouver ces esclavagistes-là, il faut aller à Pend-les-Phoques, à la taverne du Court Bouillon;, commander deux whiskys et attendre. Si un intermédiaire est présent, il viendra. Voilà tout ce que j'ai pu obtenir comme informations...

[Galathée]

" C'est déjà beaucoup. En y envoyant des hommes, les autorités luméniennes pourront peut-être faire main basse sur l'un des derniers bateaux à profiter de cet odieux commerce." fit Othilie avec un sourire. " La Réunion n'aspire qu'à disparaître, mais le jour n'est pas encore venu..."
L'ancienne esclave rassembla ses parchemins et les glissa dans sa besace.
" Lorsque vous reviendrez, si vous êtes d'accord, je vous emmènerai voir d'autres réfugiés qui se sont intégrés à la vie luménienne. Ils seront heureux de vous revoir. De pouvoir vous remercier en personne."

[Taliesin]

Taliesin opina lentement du chef.
-Je ne suis pas sûr que je mérite de remerciements... murmura-t-il. Mais c'est bien volontiers que je les rencontrerai. Je n'ai aucune idée de ce qu'il est advenu de la quasi totalité des réfugiés, et les rares pour lesquels j'ai eu des nouvelles ont généralement connu un triste destin. Alors, oui, je rencontrerai volontiers ceux pour qui cela s'est bien passé...
Il sourit, un peu perdu, et fouilla ses poches à la recherche de sa pipe.

[Galathée]

Othilie sourit, un peu embarrassée, consciente du trouble qu'elle avait suscité chez son interlocuteur. D'une main maladroite, elle lui pressa l'avant-bras, puis se leva.
" Merci pour ces informations. J'espère que nous pourrons vous aider." fit-elle.
Puis elle le salua de la tête et sortit de la pièce. Quelques minutes plus tard, Seskan entra et vint s'affaler sur un fauteuil voisin, avant de soupirer.
" Votre amie est montée se coucher. Je passe le message." annonça-t-il simplement.

[Taliesin]

-Merci pour l'information Je ne vais pas faire de vieux os, moi non plus : fe finis ça, puis je monte... dit-il en montrant sa pipe.
Il exhala un rond de fumée bleutée, puis sourit.
-Si j'avais pensé... Une organisation, un bateau, un abri, des alliés... murmura-t-il, comme pour lui-même. J'étais loin d'imaginer ça, ce matin, moi qui voulais aller directement questionner ces esclavagistes... Ah ça, je ne m'attendais vraiment pas...
Il secoua la tête. Il n'avait guère bu, ce soir là, et pourtant, il se sentait dans un étrage état, mélange d'irréel et d'incrédulité, d'optimisme et d'enthousiasme...

[Galathée]

" Les déportations ont été si nombreuses pendant le règne de Nwalk... Il fallait bien d'une manière ou d'une autre que les gens s'organisent... La solidarité est venue ensuite, naturellement... Parmi ceux qui ont beaucoup perdu, la Réunion est une manière de donner un nouveau sens à leur vie... Quant à ceux qui ont eu la chance de retrouver leurs aimés... Certains ont eu envie ou besoin de contribuer à la lutte à leur tour... Chacun des nôtres a sa propre histoire, un chemin qui l'a mené à des convictions fortes... Et la Réunion grandit... Il y a six mois, nous n'avions qu'un bateau, qu'un équipage. A présent... Dès qu'il fera meilleur, nos quatre voiliers seront en mer."
Il sourit et s'étira.
" Notre réseau est mieux connu, nous commençons à être aidés par des mécènes, à recevoir du ravitaillement via des sources qui désirent rester anonymes... En même temps, il nous faut rester modestes... Si les Mélandiens en viennent à avoir vent de nos activités, ils finiront par essayer de nous coincer sur place."

[Taliesin]

-Oh oui, ils ne sont pas vraiment du genre à tolérer ce type d'activité... Le chaos ambiant est assez important pour que chacun puisse mener ses petites affaires sans être inquiété. Mais prendre trop d'empleur, oublier la discrétion... cela n'amène jamais rien de bon.
Il parlait d'expérience : personne ne l'avait inquiété, jamais, alors qu'il arpentait les bas-fonds de la cité, dispensait de l'aide comme il le pouvait... C'était après que les choses avaient dégénéré.

[Galathée]

" C'est pour cela qu'il vous faudra procéder avec circonspection, une fois sur place. La tentation d'agir avec précipitation, d'aller arracher des informations aux coupables, puis son aimé aux griffes de celui qui le retient est grande... Mais elle est promesse d'échec dans bien des cas. Notre équipe sur place vous expliquera tout ça. A moins que... à moins que la personne que vous recherchez soit déjà hors d'atteinte de tous, vous la ramènerez. J'en suis convaincu."
Il sourit.
" Je pense que la Liberté lèvera l'ancre d'ici peu. Constance ne craint pas la tempête et les vents sont favorables à cette période de l'année."

[Taliesin]

Taliesin, qui décida sciemment de ne pas se concentrer sur la possibilité que Galathée soit hors d'atteinte, tapota sa pipe au dessus de la cheminée afin d'en déloger les cendres.
-Oh, ce n'est certainement pas moi qui me plaindrai d'un départ rapide. Mais s'il faut attendre quelques jours que le temps soit propice, ce n'est pas non plus un problème. De toute façon, je n'aurais jamais imaginé pouvoir partir si vite..
Il préférait tout de même que l'expédition prennent la mer au plus tôt. L'attente, il n'y avait rien de pire que l'attente.
Ah,, ça te va bien de te plaindre de l'attente... songea-t-il. Pense à Victor, à Mathieu. Ce n'est pas quelques malheureux jours qu'ils vont devoir attendre, eux...

[Galathée]

Seskan sourit.
" Je suis heureux si nous répondons à vos besoins. La route est encore longue et les périls nombreux, mais pas à pas, les choses sont en marche."
Il se leva.
" Je vais vous souhaiter bonne nuit. Le dortoir n'est pas exactement un quatre étoiles, mais la chaleur humaine fait des miracles. Puissent vos rêves se teinter d'espoir."
Sur ces belles paroles, il salua le barde et quitta la pièce.

[Taliesin]

Taliesin le salua, demeura assis quelques minutes supplémentaires près du feu, afin de mettre un peu d'ordre dans ses pensées, dans ses émotions, puis il se leva à son tour et gagna le dortoir où il se faufila à pas de loup, rejoignant son lit le plus discrètement possible. Il n'était pas certain qu'il s'endormirait dans l'instant, mais, au moins, ce qui le gardait éveillé, ce ne serait pas des idées noires, mais plutôt une excitation enthousiaste, chose qu'il n'avait plus connue depuis bien longtemps....

[Galathée]

L'ambiance dans le dortoir n'était pas propice au sommeil pour qui avait du mal à le trouver : ronflements, grincements de sommier, plic-ploc d'une goutte qui fuit du toit, sifflement du vent dans les tuiles, Taliesin était renvoyé aux temps moins heureux de son séjour au pénitencier de Gargouille. Mais il finit par glisser dans l'inconscience.
Il fut réveillé une première fois bien avant l'aube, alors que quelqu'un secouait Valaellyn, en dessous de lui. Il ne comprit pas exactement ce qui s'échangeait, mais la prêtresse se leva : c'était sans doute le départ des exercices de la Liberté. Il sombra à nouveau. Plus tard, le restant des résidents du dortoir se leva, cette fois sans grande discrétion. Des bruits de cuisine venaient déjà de l'étage inférieur, et Taliesin fut embauché à la tambouille. Le cuisinier, un halfelin vénérable, le déclara préposé au gruau, et ils firent une entrée triomphale dans la salle à manger.
Ensuite, l'elfe se retrouva assis parmi les gens de la Réunion et les autres voyageurs qui comme lui attendaient le départ. Tous étaient humains. Il y avait un couple déjà âgé mais qui semblait encore vigoureux, manifestement mari et femme. Deux jeunes hommes dont la ressemblance trahissait les liens de parenté, roux et sombres, le regard dur. Puis un autre couple, mal assorti, une jeune fille aux yeux humides, inquiète, et un homme plus âgé, taciturne. La table était plus taiseuse, à la fois car il y manquait de nombreuses personnes, mais aussi parce que la plupart des convives étaient encore au stade du réveil.

[Taliesin]

Taliesin n'avait jamais été très matinal : guère étonnant, quand on passe sa vie à animer les soirées des tavernes ou des châteaux. La cohabitation avec Victor, plein d'énergie dès l'aurore, ou son expérience de bagnard n'y avaient rien changé... C'est donc l'esprit encore vaguement embrumé qu'il commença à déjeuner, ce qui ne l'empêcha pas de se montrer jovial et chaleureux. Il n'eut pas besoin de se forcer : le réveil au sein des locaux de la Réunion, la vue de ses membres avaient confirmé son optimisme de la veille, et l'elfe se sentait plein d'entrain.
Ne pas lutter seul... Cela changeait vraiment beaucoup, beaucoup de choses.

[Galathée]

Il s'avéra rapidement qu'il n'y avait pas de programme établi pour la journée, qui s'annonçait sèche mais froide. Un petit vent pernicieux s'était levé, sifflant autour de l'entrepôt qui révélait sa mauvaise isolation. Il faisait bon près du feu. La Liberté était en mer, avec ses cinq membres d'équipage et Valaellyn. Certains des membres de la Réunion étaient affairés dans une partie du bâtiment qui servait encore de hangar, où ils triaient le contenu de caisses. Parmi les éplorés en partance, la tendance était à l'apathie, à l'exception du couple plus âgé qui décida d'aller se promener sur les quais.

[Taliesin]

Quant à l'elfe, que l'inactivité entraînait toujours vers la songerie, puis vers les doutes et finalement l'inquiétude, il préféra ne pas s'y laisser aller. Se promener ne le tentant guère, il gagna la zone servant d'entrepôt et proposa son aide aux personnes s'y activant déjà. Il y aurait sans doute de quoi lui occuper les mains et l'esprit en attendant le retour de Valaellyn... Et quand l'elfe serait rentrée de sa petite excursion en mer, ils réfléchiraient au moyen de faire parvenir quelques informations rassurantes à la ferme.

[Galathée]

L'elfe fut accueilli avec chaleur. Les caisses contenaient diverses fournitures que des sympathisants avaient envoyé à la Réunion, et il fallait faire un tri entre l'utile, le nécessaire, ce qui partirait sur la Liberté et ce qu'on revendrait pour acheter des choses plus opportunes. Taliesin fut étonné de découvrir qu'on leur faisait don de tout et n'importe quoi : vieux livres, bouteilles de vin, couvertures neuves, meubles usés, tableaux passés de mode ou saucissons secs, c'était un vrai bazar hétéroclite. Mais Seskan lui expliqua qu'il arrivait que certains esclaves rapatriés n'aient plus ni toit, ni mobilier, et qu'il leur était alors bien pratique de pouvoir puiser dans leurs réserves pour le dépanner un moment. Le rouquin proposa à l'elfe de concentrer leurs efforts sur les provisions pour la traversée, tandis que d'autres passaient en revue deux caisses pleines de bottes et chaussures, espérant parvenir à reconstituer quelques paires.
Les victuailles ne manquaient pas et certaines paraissaient même dignes des meilleures tables de la ville. Le périssable était cependant problématique : une partie servait à l'équipe, une autre pourrait survivre aux premiers jours de traversée, le reste serait redistribué dans les taudis. Et apparemment, ils recevaient environ dix nouvelles caisses par semaine : c'était un travail à temps plein.
Le bateau ne revint qu'à la mi-journée. Valaellyn était épuisée mais ravie, le teint rougi par les embruns. Elle avait la mine un peu ivre des gens qui ont pris un bon bol d'air et elle se laissa tomber sur un banc près du feu avec un soupir ravi.
Constance arriva derrière elle et sourit au barde.
" Bonne pour le service !" déclara-t-elle, avant de faire signe à Seskan et de l'entraîner à l'écart.

[Taliesin]

Taliesin adressa un sourire amical à Constance puis, quand elle se fut éloignée, en dédia un plus chaleureux encore à Valeallyn.
-Content de voir que notre capitaine t'a engagée, même si je n'en doutais pas un seul instant dit-il, joyeux. Mais raconte moi donc tes impressions... Est-ce un bon navire ? Pas trop vieux ? Pas trop petit ? L'air solide ? Du genre qui ne donne pas trop le mal de mer ?

[Galathée]

La prêtresse sourit.
" Je ne suis pas vraiment experte... pas avec quelques heures de voile. Mais j'ai l'impression que le bateau est en bon état. Il n'est pas très grand, le dortoir n'est pas exactement luxueux, et il n'y aura pas vraiment d'intimité possible, mais il est propre, l'équipage m'a l'air enthousiaste et compétent..."
Elle bâilla et s'étira.
" Bon sang, je suis déjà moulue. Je ne suis pas taillée pour ce genre d'exercices physiques ! Je vais devoir m'endurcir."
Son regard vert revint sur le barde.
" Mais ça secoue. Rien à voir avec le gros bateau d'Haradhar. C'est un petit navire nerveux, celui-ci."

[Taliesin]

-Il n'en sera que plus rapide, et plus court notre trajet... Sans parler du fait qu'il est plus facile de dissimuler un petit navire... Non, la Réunion ne laisse pas grand chose au hasard.
Il observa les flammes, un instant, puis revint à la prêtresse.
-Allez, courage, tu vas bientôt pouvoir aller te reposer un peu... Auparavant, je voudrais juste te demander... Penses-tu utile que nous envoyons une lettre aux autres ? Pour leur dire que nous ne sommes plus seuls ? Et surtout, connais-tu un moyen de la leur faire parvenir ?

[Galathée]

Valaellyn grimaça.
" J'imagine que... ça pourrait être une bonne idée. Je peux ensorceler un animal pour qu'il porte un message pour nous jusqu'à la ferme. Enfin, il faudrait que je dorme dessus, tu sais ce que c'est... Mais c'est une possibilité. Sinon, j'imagine que nous pourrions trouver un courrier en ville. Mais c'est sans doute moins sûr et nous n'avons peut-être pas les moyens de nous payer quelqu'un de rapide et recommandable. Avais-tu une idée ?"

[Taliesin]

-Non, pas vraiment... fit le barde. N'ayant aucune idée de vos échanges éventuels avec Luménis, je me demandais si vous n'y aviez pas des contacts, des connaissances... Mais oui, le mieux serait un animal, sans doute. Et comme nous ne partirons pas aujourd'hui, visiblement, tu auras le temps de préparer ça... Enfin, c'était juste une possibilité, une proposition. En rien une obligation.

[Galathée]

" C'est toi le chef d'expédition !" rétorqua Valaellyn avec le sourire.
Autour d'eux, la salle à manger commençait à s'animer. On apporta des assiettes, des bols, une odeur entêtante commença à flotter dans l'air, s'échappant de la porte de la cuisine. Les marins de la Liberté, les autres membres de la réunion, puis les voyageurs s'attroupèrent petit à petit autour de la table. Cependant, avant que le service ne débute, Seskan se leva en bout de table.
" Je ne vais pas vous déranger longtemps. Je ne me fendrai pas non plus d'un long discours."
Des yeux se levèrent vers le plafond, signe que les habitués n'en croyaient rien.
" Constance et son équipage viennent de rentrer. La Liberté a chevauché les vagues avec sa morgue habituelle. Nous sommes prêts pour les premières expéditions de cette année. Il y a neuf mois, dans la chaleur de l'été, nous avons lancé notre premier navire vers Melandis. Nous avons arpenté pour la première fois ces rues immondes où de trop nombreux Luméniens, de trop nombreux êtres, quelle que soit leur race, d'ici, d'ailleurs, peinent et triment sous le joug infâme d'un peuple sans morale. Nous sommes partis, nous sommes revenus, puis repartis encore. Et demain, la Liberté prendra la mer pour effectuer une fois de plus cette traversée de l'espoir. Je sais qu'il nous faudrait cent navires, mille soldats. Et je crois en Luménis, je suis persuadé que viendra un jour où la marine voguera vers la cité du chaos pour venir au secours de nos parents et amis dont la vie a été brisée. Mais en attendant cette aube féroce, à notre échelle, nous faisons notre possible. Ensemble. Demain, à nouveau."
Il baissa les yeux sur les visiteurs.
" La Liberté partira demain à l'aube. Je vous conseille de profiter du temps qu'il vous reste pour vous imprégner de la cité que vous quittez. Si vous avez des adieux à faire, des images ou des sons à emporter... Le voyage sera long et périlleux. Nul ne sait quand vous reviendrez. Lathandre vous guidera jusqu'à nous, j'en suis convaincu, mais emportez un peu de lumière. Ce soir, vous serez invités à une petite réunion pour présenter chacun vos disparus à vos compagnons de route. D'ici là, terminez vos sacs et préparez-vous."

[Taliesin]

Taliesin sourit. Seskan ne manquait ni de verve ni d'enthousiasme, mais il en fallait pour diriger une telle organisation, pour insuffler la flamme à ceux qui y œuvraient. Pour qu'ils ne se découragent pas, aussi, face aux épreuves auxquelles ils avaient été, auxquelles ils seraient confrontés.
-L'aurais-tu cru, franchement, que nous partirions si vite ? murmura-t-il en se penchant vers Valaellyn. Que nous aurions un bateau, des alliés ? Je suis souvent trop pessimiste, je le sais bien, mais... Je n'en reviens toujours pas.