[Lieu] Dansedunes

[Galathée]

Albérich s'en détourna sans un regard. Il préférait bafouer la tradition et encourir les moqueries des villageois en se révélant incapable d'attraper dix grenouilles que d'aller farfouiller dans le sac d'un autre, même si celui-ci avait pris un million de batraciens. Il devait bien rester des animaux quelque part. Il prit donc la direction des profondeurs du marais, redoublant de prudence.

[Taliesin]

A force d'efforts, il parvint à dénicher une autre grenouille. Mais une seule, malheureuse, égarée...
Devant lui, la chasse battait plus que jamais son plein. Il semblait que toute la famille de Thibault, au comble de la détermination et de l'amusement - à en croire les rires et les clameurs bien plus nombreux qu'auparavant - se soit donné rendez-vous dans ces profondeurs boueuses, truffées de pièges avaleurs de bottes, d'inextricables forêts lacustres, d'étangs de plus en plus grands...
Et d'un panier.
D'un panier identique à celui qu'il avait croisé plus tôt.
Dont émanait le même concert de croassements.
Il était au milieu d'un bouquet de roseaux, comme si on avait voulu le dissimuler aux regards sans vraiment en prendre le temps.

[Galathée]

Albérich était loin d'être suffisamment désespéré pour se laisser tenter par ce second panier. Il le dépassa en lui accordant à peine un regard et s'enfonça plus avant dans le marais. Il préférait de loin perdre ses bottes et revenir trempé des pieds à la tête que de chaparder son quota. Même si cela faisait partie du jeu. Il ne savait même pas à qui il serait en train de voler une grenouille. Peut-être un gosse qui fondrait en larmes. Sans compter qu'avec son effroyable dextérité, l'ensemble des animaux prisonniers prendrait la poudre d'escampette dès qu'il soulèverait le couvercle. Non, au pire, il ramènerait quelques escargots. Avec de l'ail, ce n'était pas mauvais non plus.

[Taliesin]

Peu à peu, Albérich se rapprocha du gros de la troupe. Et put constater que nombre de ses membres s'étaient détournés de la chasse. Il commança par passer à quelques encablures d'un bouquet touffu de joncs d'où émanaient des gémissements suspects. Une centaine de mètres plus avant, il dut effectuer un crochet pour éviter d'être pris dans une bataille de vase entre adolescents. Un peu plus loin encore, il découvrit un groupe de gamins se baignant dans un étang fangeux, sous la surveillance d'un duo d'adultes qui, outre les marmots, protégeaient leurs affaires, pour éviter les chapardages.
Les grenouilles étaient plus nombreuses, ici. Mais, malheureusement, plus convoitées aussi. Plus d'une lui passa sous le nez, happée par de plus lestes chasseurs. Il parvint cependant à en capturer deux supplémentaires, au prix de crapahutages des plus salissants - mais comment faire autrement, au cœur des marais ? -, ce qui porta le total de ses prises à neuf.
Neuf. Plus qu'une, et il se serait acquitté de son initiation.

[Galathée]

Albérich était devenu beaucoup plus attentif à qui s'approchait de lui et pour quoi faire. S'il ne se sentait pas d'humeur chapardeuse, il n'avait aussi aucune intention d'être à nouveau victime d'un rapt grenouiller. De toute façon, le baume d'Aidan était arrivé au bout de ses forces : les courbatures avaient refait leur apparition, menaçant de le réduire bientôt à l'état de vieillard boiteux. Il essayait cependant de ne pas prêter attention aux élancements qui lui couraient dans les jambes, ni à la tension douloureuse qui lui reliait les épaules. Mais si ses grenouilles lui échappaient à nouveau, il déclarerait forfait. Tant pis s'il devenait réprouvé, s'il perdait le droit de jamais remettre les pieds à Dansedunes. Il n'avait jamais eu l'intention d'y rester, ni de participer à cette chasse aux batraciens. Il était fatigué, légèrement malade, et avait l'impression qu'il existait au moins mille activités plus agréables qu'il aurait pu être en train de faire à cet instant précis. Un citadin, avait dit quelqu'un. Exactement, un citadin. La broussaille, oui, mais pas à trop fortes doses. Il continua à avancer dans le marais, tâchant de s'écarter des endroits trop fréquentés, à la fois pour augmenter ses chances de trouver la grenouille manquante mais aussi pour éviter les mauvais plaisantins.

[Taliesin]

Alors qu'il s'éloignait justement d'un secteur par trop périlleux, à cause des jeunes chasseurs qui y sévissaient, il s'engagea sur un étroit passage entre deux étangs : recouvert de hautes herbes, boueux à souhait, celui-ci paraissait néanmoins relativement digne de confiance. Et, surtout, de l'autre côté, les coassements étaient prometteurs. De quoi conclure l'expédition sans grande difficulté...
De fait, ses bottes ne furent pas happées par la boue. Mais elles heurtèrent un objet dissimulé dans la végétation. Déséquilibré, Albérich évita pourtant la chute, et, lorsqu'il baissa les yeux, il découvrit, entre les herbes, les contours d'un panier renversé.
Son couvercle s'était ouvert, libérant une nuée de batraciens qui s'empressaient déjà de filer vers des cieux plus cléments.
-Mes grenouilles ! lança, furieuse, une voix de femme.

[Galathée]

Albérich s'agenouilla rapidement pour refermer le panier, mais il était conscient que le mal était fait. Il en restait peut-être une ou deux à l'intérieur... Des dizaines s'étaient évadées. Et le ton de la chasseresse était sans équivoque : il allait passer un mauvais quart d'heure. Même en offrant ses neuf bestioles à l'inconnue, il serait encore bien loin des fruits de sa pêche. Il se redressa sans dissimuler son soupir : qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter cette expédition ? Il se languissait d'un âtre, d'un bon livre, d'un bon thé. A la place, il était debout, crotté, dans un marais puant et bourdonnant, prêt à subir l'ire d'une cousine au hasard.
" Je suis désolé." annonça-t-il. " Je n'avais pas vu votre panier."

[Taliesin]

A l'autre extrémité de l'étroite bande de terre, une jeune femme avait fait son apparition. Grande, élancée, ses cheveux blonds noués en une longue tresse lui battait le dos, elle devait avoir moins de trente ans et possédait un minois des plus charmants, que l'expression de colère dont il était paré ne parvenait pas à enlaidir. Bien au contraire.
Elle rejoignit Albérich en quelques enjambées et se planta devant lui, les mains sur les hanches. Ses chausses et sa tunique légères étaient relativement préservées de la boue, nota-t-il.
-C'est ce qu'il disent tous ! s'exclama-t-elle, d'un ton inchangé. Ils n'ont pas vu, ils n'ont pas fait exprès... La bonne blague ! Ils sont juste jaloux que je sois meilleure qu'eux !
Elle le dévisagea sans aménité.
-Que vous a-t-on promis en échange de ce forfait ? A moins... A moins que vous en soyez le seul initiateur ?

[Galathée]

" Je crains d'avoir agi seul... et sans le faire exprès, je vous assure." reprit l'ancien clerc, embarrassé. " Je n'ai vraiment pas vu votre panier..."
La demoiselle était charmante mais sa colère semblait authentique. On aurait dit une copie plus jeune et féminine de Thibault, aussi sanguine qu'il l'était. Ce qui augurait du pire.
" Je peux vous donner mes grenouilles, mais je crains que cela ne remplace qu'une infime partie de celles que je vous ai fait perdre... Je suis loin d'être de votre niveau." ajouta-t-il avec une grimace. " Je peux aussi vous prêter main forte pour en rattraper... même si je risque de vous retarder plus qu'autre chose... Je peux... porter votre panier ? De cette manière, plus personne ne le renversera... que ce soit par mégarde ou jalousie."
Pourquoi fallait-il qu'ils prennent tous cette chasse au sérieux ? Il était maintenant certain qu'il ne remplirait jamais ce fichu quota.

[Taliesin]

-Vous croyez vraiment que je vais accepter ça ? fit-elle, tranchante. Je ne suis pas si stupide ! Vous en profiteriez pour me jouer des tours pires encore... Non, messire, gardez vos trompeuses propositions pour les bécasses ingénues. Moi, ce que je vais faire, c'est aller trouver Meera et lui signaler que vous avez enfreint les règles : s'il les mauvaises blagues sont tolérées, c'est à condition de ne pas se faire prendre. Et priver un chasseur de toute sa récolte est formellement interdit. Avec semblable méfait à votre actif, vous n'êtes pas près de quitter le marais ! Pas avant, en tout cas, d'avoir capturé une centaine de grenouilles.
Elle le toisa de la tête aux pieds.
-Oui, vous resterez au moins deux jours dans les marais, ce qui ne sera que justice. Mais...
Son regard se mit à briller d'une étrange lueur. De la malice, peut-être.
-Il existe peut-être un moyen de nous arranger à l'amiable, à la réflexion.

[Galathée]

Albérich goûtait de moins en moins à l'escapade. Il était presque vexé qu'on ose le suspecter de prendre part aux querelles ridicules qui opposaient les chasseurs de grenouilles. Il avait envie de demander à la jeune femme si elle croyait vraiment qu'il n'avait rien de mieux à faire de sa vie que de vider des paniers. Mais il se contint. Ces gens étaient ses hôtes. Il se devait de rester civil.
" N'espérez pas que j'aille saboter un de vos concurrents." lâcha-t-il cependant. " Si vous devez aller vous plaindre à Meera, faites-le. Et je voudrais bien voir que quelqu'un m'empêche de quitter ce marais quand ça me chante, grenouilles ou pas grenouilles."

[Taliesin]

Elle se fendit d'un sourire amusé.
-Vous êtes plus farouche qu'on ne le croirait de prime abord... Tant mieux, ça n'est pas pour me déplaire. Et détrompez-vous : je n'avais pas l'intention de vous envoyer ennuyer les autres. Oh non...
Elle croisa les bras, mi mutine, mi provocatrice.
-A quelques pas d'ici, au milieu des roseaux, se dresse un tertre herbeux des plus confortables. Si nous nous y rendions de concert, nous serions... à l'abri des regards indiscrets.

[Galathée]

Albérich demeura bouche bée.
" Vous plaisantez..." souffla-t-il.
C'était fatalement une boutade supplémentaire. Si ce n'était pas le cas, la technique d'approche était la plus originale qu'il ait jamais rencontrée.
" Je ne vois pas en quoi cela va vous faire récupérer vos grenouilles."

[Taliesin]

Le sourire de la jeune femme s'élargit.
-Suivez-moi, et vous verrez si je plaisante. Quant aux grenouilles... Bah, la déception de ne pouvoir battre mes cousins trop vantards pourrait être compensée, et qui sait, avantageusement, par le plaisir partagé avec un partenaire changeant radicalement de l'ordinaire.

[Galathée]

L'inconnue ne manquait pas de charme et Albérich se sentait seul depuis longtemps. Mais il avait rêvé d'un corps aimé contre lequel se blottir à la nuit noire, pour repousser le froid des petites heures, pas d'une étreinte en plein air, en pleine journée, à deux pas d'une cohorte de chasseurs de grenouilles. Evidemment, elle était séduisante, et sa proposition était des plus... curieuses. C'était fatalement un piège. Elle était beaucoup trop jeune et beaucoup trop belle pour s'intéresser sérieusement à lui. Ils ne s'étaient jamais rencontrés. Il avait renversé ses grenouilles. Elle allait attendre qu'il soit nu pour s'enfuir avec ses vêtements, et il se retrouverait dans le plus simple appareil au coeur des marais. L'humiliation serait totale, sans parler de la réputation de chaud lapin qu'il se récolterait au passage. Si on ne le virait pas du village à coups de bâton. Il ne pouvait pas faire une chose pareille à ses hôtes, alors qu'on l'avait si bien accueilli.
" Je pense qu'il vaut mieux que je récolte cent grenouilles." fit-il finalement, le souffle un peu court, mais convaincu de la nécessité de refuser.

[Taliesin]

La jeune femme haussa les sourcils.
-Serait-ce que vous les trouvez plus mignonnes que moi ? fit-elle. Ou que vous préfériez les hommes ?
Elle fit un pas vers lui.
-C'est vrai que vous êtes un ami de Thibault... Mais je pense avoir des attraits que ni lui, ni les grenouilles n'ont.
Elle avança à nouveau, jusqu'à presque le frôler, son regard rivé dans le sien.

[Galathée]

Il fit un pas en arrière et sentit son pied s'enfoncer un peu trop profondément dans la boue.
" Je n'en doute pas. Mais je n'ai pas vraiment l'habitude de... m'allonger avec quelqu'un dont je ne connais même pas le nom... chez des gens qui m'accueillent en ami de la famille... quelqu'un qui passe de la colère noire à un sourire inquiétant en quelques secondes... alors que je suis boueux, passablement nauséabond et passé ma prime jeunesse..."
Il se fendit d'un sourire désolé.
" Je me méfie de vos réelles motivations."

[Taliesin]

La jeune femme fit la moue.
-Je peux comprendre votre méfiance... Et vos réticences. Pour celles-ci, je pourrais répondre que les habitudes sont faites pour être changées, que mon nom, il vous suffit de le demander, que connaissant Thibault, vous devriez savoir que notre famille n'est pas du genre pudibond et que, quand bien même le serait-elle, je suis adulte... Je pourrais aussi dire que la boue ne gêne en rien quelqu'un qui vit près des marais, que votre âge est un attrait supplémentaire, puisque je n'aurai pas à vous apprendre le b-a-ba de la chose... Je pourrais dire tout cela.
Elle sourit à nouveau.
-Mais vous ne me croiriez pas. Alors, point de mots. Mais des preuves concrètes.
Et, sans autres formes de procès, elle fit passer sa tunique par dessus sa tête, dévoilant ses seins fermes à la pointe saillante. Le vêtement tomba aux pieds de l'ancien aubemestre, comme la main de sa propriétaire s'avançait vers les lacets de ses chausses.

[Galathée]

Cette fois-ci, Albérich faillit tomber à la renverse. Il attrapa le poignet de la jeune femme avant qu'elle ne mette sa menace à exécution.
" Pas ici, vous êtes folle ou quoi ?" s'exclama-t-il à mi-voix, jetant un regard circulaire autour d'eux. " Je ne sais pas quel genre de moeurs vous avez ici, mais vous pourriez, je ne sais pas... respecter la pudeur des étrangers."
Il sentait que la situation était à double tranchant : ou il serait incapable d'éprouver quoi que ce soit, ou il risquait de bientôt perdre tout contrôle de lui-même. Mais il n'était pas de marbre, et même les yeux fermés, il comprit qu'il était trop tard pour réprimer son émotion.
" Si vous espérez vraiment que mon âge soit gage d'expérience, vous allez être bien déçue." souffla-t-il.

[Taliesin]

-La pudeur des étrangers ? fit-elle, mutine. Pour arriver ici, vous avez dû croiser nombre de baigneurs et de baigneuses fort peu vêtus. En avez-vous été choqué ? Je pourrais, simplement, être l'une d'entre elles...
Libérant doucement son poignet des doigts de l'ancien clerc, elle se pencha et ramassa sa tunique.
-Mais ce n'est pas le cas... Je respecterai cependant votre pudeur pour encore quelques instants. Jusqu'à ce que ce prometteur "vous allez" soit en passe de se réaliser... Quant à être déçue, ma fois... Vous ne pouvez pas avoir moins d'expérience que certains de mes amants passés.
Elle recula d'un pas.
-Suivez-moi. Ce n'est pas très loin. Et personne ne nous verra.

[Galathée]

La mort dans l'âme, il lui emboîta le pas. Son corps et son esprit lui dictaient des conduites complètement opposées. Le premier était recru mais plutôt impatient, l'ancien clerc sentait en lui une tension qui ne demandait qu'à croître puis se décharger. Le second lui énumérait les mille raisons pour lesquelles il était en train de commettre une grave erreur. On ne pouvait pas coucher impunément avec une inconnue, au milieu d'un marais surpeuplé, d'une colonie de moustiques avides, sans savoir ce qu'elle voulait, ce qu'elle espérait, ce qu'il en résulterait. Il allait le regretter, c'était clair comme de l'eau de roche. Mais c'était un peu trop tard, peut-être.
" Je dois trouver une grenouille, ma dernière grenouille..." fit-il subitement, en s'immobilisant à quelques pas du but.

[Taliesin]

-Oubliez donc un moment ces grenouilles... lança-t-elle par dessus son épaule. Quand nous en aurons terminé, je vous en trouverai autant que vous voudrez...
Elle lui fit signe de le suivre. Quelques mètres plus loin, au-delà d'un épaisse barrière de roseaux, s'élevait effectivement un petit tertre herbeux dont on n'aurait pu soupçonner l'existence. Nimbé de soleil, dénué de toute flaque, de toute trace de boue, il était également protégé des regards indiscrets, comme l'avait annoncé sa guide.
Celle-ci, sans perdre de temps, laissa choir sa tunique avant de se débarrasser de ses bottes et de ses chausses. Enfin, elle se tourna vers Albérich, offrant à ses regards, sans la moindre gêne, sa complète nudité.
Elle était belle. Très belle, même. Mince, élancée, la taille fine, les seins ronds, le pubis ourlé d'une blonde toison bouclée...
-Va-t-il falloir que je vous déshabille ? murmura-t-elle, souriante.
Impatiente.

[Galathée]

Le Luménien rougit et entreprit de se déshabiller. Ses vêtements étaient raides de boue et il rencontra des difficultés pour s'en extirper. Quand il fut enfin nu devant elle, il constata qu'il était aussi sale qu'il l'avait craint. Il se félicita cependant d'avoir conservé le pansement, même défraîchi, qui lui protégeait l'épaule marquée. Il eut de la peine à lever les yeux vers elle. Elle était si belle, resplendissante de santé, d'énergie; il se sentait usé. Il ne pouvait cependant dissimuler le désir qu'il avait d'elle, à la fois embarrassant et flatteur, probablement, même si une fille aussi superbe ne devait pas manquer d'amants éperdus.
" Me direz-vous votre nom ?" demanda-t-il finalement, osant à peine croiser son regard.

[Taliesin]

-Judith... souffla-t-elle en le dévorant des yeux.
Elle s'approcha, l'enlaça sans tergiverser, se serrant contre lui, chaude, douce. Ses lèvres, bientôt, frôlèrent les siennes, comme ses mains se mettaient à courir sur sa peau.

[Galathée]

Albérich fut pris au dépourvu par l'enthousiasme de sa partenaire improvisée. Il lui rendit ses caresses, puis son baiser, sentit ses sens s'embraser, son corps se plaquer contre le sien, et il réalisa qu'il n'était pas certain de pouvoir tenir longtemps avant de craquer. Elle était douce, dégageait un parfum de sueur, de désir, enivrant, qui exacerbait son envie de la coucher dans l'herbe, de la prendre, vite, et complètement. Ils s'allongèrent. Elle lui toucha le dos, lui embrassa la nuque, frôla ses reins, lui saisit une fesse et il se raidit brusquement, le souffle coupé.
" Non, je vous en prie..." souffla-t-il. " Ne me... je suis désolé..."
Un grand frisson l'ébranla des pieds à la tête, et il demeura pétrifié, secoué par une vague de terreur brute, douloureuse, qui manqua le renverser.

[Taliesin]

Sans se détacher de lui, Judith se redressa quelque peu, afin de le dévisager.
-Vous n'allez quand même pas me faire une attaque... murmura-t-elle. A moins... A moins que ce ne soit votre première fois ? Je n'en avais pourtant pas l'impression, jusqu'ici...
Sa voix était emprunte de perplexité. Mais pas pour autant dépourvue d'une certaine sollicitude.

[Galathée]

Albérich relâcha sa respiration.
" Non, non, je vous en prie, ne vous... ne vous en faites pas..." souffla-t-il. " Juste... Si vous pouviez... ne pas me toucher... là..."
Il avait conscience du ridicule de sa demande, il ne pouvait pas vraiment se l'expliquer... La peur qui l'avait terrassé quelques secondes plus tôt reculait doucement, son excitation était toujours présente, en dépit de cet instant de rupture. Il l'embrassa à nouveau sur les lèvres, saisit un de ses seins et en effleura le mamelon du bout des doigts, espérant qu'elle parviendrait à retrouver l'élan qu'ils avaient partagé jusque là.

[Taliesin]

Elle haussa les sourcils.
-Oh... Et bien... Chacun ses points sensibles, n'est-ce pas...
Elle retira sa main, mais seulement pour la glisser entre les cuisses de l'ancien clerc, le caresser, du bout des doigts...
-Moi, tant que je peux vous toucher là... souffla-t-elle.

[Galathée]

Il frémit et manqua lui jouir entre les doigts. Mais il se retint in extremis et l'embrassa de plus belle. Il échappa à ses mains caressantes en glissant doucement entre ses bras jusqu'à poser les lèvres sur l'aréole sombre de son sein gauche. Du bout de la langue, il lui titilla le mamelon, dressé, sensible, et le sentit durcir dans sa bouche tandis qu'elle se cambrait en lui agrippant les épaules. Il grimaça lorsqu'elle enfonça les doigts dans sa cicatrice, mais le désir était beaucoup plus impérieux que la douleur, et la sensation s'effaça en une seconde, avalée par son envie d'elle, de sa peau, de son corps. Elle était vive, sauvage, comme indomptable, terriblement attirante, l'électrisait tout entier. Il avait envie de la pénétrer, tout de suite, résister devenait de plus en plus difficile, et tout en continuant à lui sucer le téton, il glissa une main dans les replis de son ventre, avide de savoir s'il pouvait couper court aux préliminaires pour la posséder.

[Taliesin]

Elle était humide, et le gémissement que lui arracha la caresse était tout aussi explicite quant à son état d'excitation. Cependant, quand Albérich se mit en devoir de la posséder, elle le repoussa doucement.
-Nous pourrions être un peu moins... conventionnels, non ? murmura-t-elle.
J'ai toujours préféré une autre position...
Et de le faire doucement basculer sur le côté, puis sur le dos, avant de le chevaucher, crânement.
-Et ne te retiens pas... Nous aurons du temps pour recommencer...