[Lieu] À Aigues-Douces (RP : l'inattendu)

[Lothringen]

La pluie tambourinait inlassablement contre les vitres, les tuiles ; un brouhaha confus montait de la salle commune de cette auberge ; le crépitement du feu aurait fait croire à la proximité des Enfers - mais Lothringen n'entendait que le discret silence qui s'immisçait entre eux, et qui d'instant en instant s'alourdissait de gêne et de non-dits. Le dîner vint à point nommé empêcher ce silence de s'installer et fournir un nouveau sujet de préoccupation aux deux guerriers. Mais ce n'était que partie remise...

L'aubergiste et son assistant faisaient le tour des tables, servant assiette après assiette le plat du jour fumant : du sanglier rôti, bien sûr, qu'accompagnaient, selon les desiderata des clients, chou, fèves ou lentilles. Lothringen huma longuement le fumet si fortement prononcé du gibier, avant de se décider à manger de bel appétit. Finalement, Mornagest avait eu raison de lorgner la pièce de sanglier sur sa rôtissoire : avec la sauce dont elle était accompagnée, elle valait le détour. Tout en mangeant, le semi-drow laissa à nouveau ses pensées suivre leur cours, pouffa légèrement, et mit quelques instants à reprendre son sérieux avant de s'expliquer :

« Je nous imagine, grelotant sous la pluie battante et le vent violent, en train d'arracher des dents quelques lambeaux de viande crue aux reliefs de notre repas de midi, puis de nous préparer à une nouvelle nuit d'insomnie glaciale... L'envers de l'aventure. Au fond, je ne suis pas fâché de renouer de temps en temps avec les sédentaires. De temps en temps... Et pour un temps limité.»

Il redevint rêveur. Chercha ses mots.

« A... à trop s'installer on s'attache à son quotidien, à ses habitudes, à ses biens, et l'on oublie que l'on n'est que de passage en ce monde. J'ai, plusieurs fois déjà, tout perdu : je ne le sais que trop. Il faudra que je quitte Manost, quelque jour. Je ne sais quand, ni pour quelle destination. Mais la route... bien qu'inconfortable, me semble aussi plus vraie. »

[Mornagest]

Il branla du chef, tout en appréciant la saveur du gibier en sauce que l'on avait servi. Délicieux. Effectivement, s'installer quelque temps présentait des avantages : être au sec, au chaud, avec de la nourriture en suffisance et préparée avec soin... le guerrier comprenait cependant le point de vue de son compagnon. Voyager, découvrir, prendre quelques risques, aussi... n'était-ce pas là ce qu'ils faisaient, eux deux, depuis leur enfance ?

"Plus vraie ? Je suppose que cela dépend des rencontres que l'on fait. J'ai eu ma part de déconvenues... à l'aventure, ou en ville. À moins que je ne saisisse pas bien ce que tu entendais par là ?"

Il comprenait cela comme une propension des voyageurs à être authentiques, à ne pas calculer. Mais peut-être se trompait-il.

[Lothringen]

"Hum, je ne parlais pas des gens. Les voyageurs ne sont pas toujours meilleurs que les sédentaires. Le fait de n'avoir rien à perdre et de se sentir plus vulnérables peut même les rendre bien plus agressifs, à l'occasion... Non, je raisonnais plutôt par rapport au sens de l'existence..."

Il sourit d'un air embarrassé, suspendant sa fourchette.

"Un bien grand mot, pour une philosophie de salle d'auberge. Je vais essayer de faire court : chercher à s'installer, à bâtir des murs, des certitudes, des lois, une histoire, une communauté, une famille, en bref, des repères rassurants, c'est chercher à bâtir un semblant d'éternité : essayer à toute force de nier le pouvoir destructeur du temps. C'est nier la mort avec des simulacres. Tout peut vous être repris, d'un instant à l'autre, et vous n'y pouvez rien. S'attacher à cela qui ne nous appartient pas, faire dépendre son bonheur de ce dont la pérennité ne dépend pas de nous... Je pense que c'est une erreur."

Et il savait, au fond de lui, que Tymora ne désapprouverait pas ce discours.

[Mornagest]

Il réfléchit aux propos de Lothringen. C'était un point de vue qu'il avait souvent abordé lui-même, au gré de ses pérégrinations sur le continent, dans le nord, à Melandis... vivre au jour le jour, profiter au maximum du temps imparti, car il finissait toujours par vous rattraper.

Mais lui-même avait oscillé entre plusieurs autres... philosophies de vie, si l'on pouvait nommer cela ainsi. Il se mouvait selon des principes qui lui étaient propres, et pourtant si classiques... la haine, le désespoir, revenaient le plus souvent, mais c'était avant qu'il ne rencontrât Lothringen. À présent, il paraissait judicieux de percevoir son existence autrement. Et pourquoi pas revenir à ce précepte simple mais efficace ? Cependant, on ne changeait pas d'attitude si facilement. Il devait se donner du temps.

"Je comprends ce que tu veux dire. J'imagine que ton... passif doit y être pour quelque chose. Je pense que je pourrais moi-même adhérer à cette position", acheva-t-il en souriant. Pour reprendre, quelques instants et une bouchée après : "Est-ce la seule raison qui te pousserait à quitter Manost ?" Il savait que le semi-drow ne partageait pas les mêmes opinions que tous les dirigeants de la cité helmite, en partie à cause de la théocratie qui régnait, sans doute. Mais y avait-il un autre motif ?

[Lothringen]

La question prit Lothringen au dépourvu. A ses yeux, c'était une raison suffisante ; il se savait parfaitement capable de se réveiller un matin comme les autres pour décider tout à coup que son séjour à Manost avait assez duré, et qu'il était temps pour lui de gagner de nouveaux horizons, sac au dos, poussière aux pieds.

Qu'est-ce qui pourrait le faire partir, sinon ? Il réfléchit à la question tout en avalant quelques bouchées supplémentaires.

« A priori ma position en ville est fermement établie, du moins autant que peut l'espérer un paria de ma race. Je bénéficie de la protection du Grand Emissaire et même les plus bornés de nos fanatiques ont fini par se lasser de s'en prendre à moi... On n'est néanmoins pas à l'abri d'un retournement de situation, même dans la cité de Helm. Et si simplement les circonstances devaient changer, et que je sois obligé de faire ce que je n'ai pas envie de faire, je démissionnerais, bien sûr. »

Il releva la tête, dévisageant son interlocuteur. Il parlait encore qu'il se demandait déjà si ce dernier pourrait constituer un jour un motif de départ. Il sentait bien que sa relation avec Mornagest était la pierre de taille où sa belle logique achoppait : il s'était attaché, à nouveau, à quelqu'un qu'il allait peut-être perdre, comme Gythris ou sa mère, ou qui, peut-être, trahirait sa confiance, comme Dorson ou Seina avant lui... Et pourtant, il ne souhaitait pas que cela finisse ; il devinait que c'était beaucoup plus qu'une aventure improbable, et que quelque chose qui déciderait du reste de son existence se jouerait là.

Il regardait le guerrier qui mangeait. Est-ce qu'il pourrait partir pour lui ? Pour l'instant... pour l'instant c'était un non-sens. S'il partait le rejoindre, ce serait pour gagner Melandis, et c'était une cité où il ne souhaitait pas s'attarder. Où il serait réduit à l'impuissance. Et en même temps... Il fallait bien avouer que Manost avait perdu beaucoup de son charme à ses yeux, depuis qu'il connaissait Mornagest.

Histoire de mettre fin à cet embarrassant silence, il livra le résumé de ses réflexions.

« Pour l'instant, malgré ma conversion, je me sens encore plutôt bien là-bas... Du moins, tant que je ne suis pas en train de me demander ce qu'il se passe ailleurs. »

[Mornagest]

Il sourit à demi à cette dernière phrase. Sans savoir ce qui se tramait de l'autre côté de la clôture, comment savoir si l'herbe y était plus verte ? Cependant, il pouvait se poser la même question. Avait-il lui-même envisagé de quitter Melandis ? Pour l'instant, pas le moins du monde... il en aimait l'ambiance, la façon d'y vivre, les gens eux-mêmes. Mais cela n'était peut-être qu'éphémère, également. Et à ce moment ? Quitterait-il la cité pour Manost ? Partiraient-ils tous deux à l'aventure, sans but fixe, sans foyer ? Pourquoi pas, après tout ? Mais il sentait qu'il voulait rester encore un peu quelque part, fixé, dans cette sécurité du connu, du familier, et ce, de façon incompréhensible eu égard à son lourd passif d'indépendance.

"Non que je cherchais à te pousser à partir maintenant, tu sais. Je me posais juste la question..."

Il réprima une envie de lui serrer la main. Les autres convives ne pourraient manquer le geste, et les conséquences... il préférait ne pas y penser. Il voulut replonger son attention dans son assiette, pour se détourner, mais elle était vide, tandis qu'il sentait qu'il était repu, et bien repu.

Dehors, la pluie s'était amoindrie, mais le vent continuait de souffler, laissant présager un éventuel retour de l'orage. Et l'obscurité procurée par les nuages gris avait laissé la place au crépuscule naissant. Inexorablement, le jour de leur séparation approchait...

"Tu as fini ? Je pense qu'ils ont des fruits et de la tarte pour dessert. Pour ma part... je vais passer, je crois. Ce sanglier était délicieux, mais je suis à bout de forces."

[Lothringen]

Lothringen haussa un sourcil incrédule. Mornagest, à bout de forces quand il s'agissait de manger ? Réprimant cette plaisanterie facile qui lui chatouillait les lèvres, le semi-drow se contenta de sourire.

« Espérons que je n'aurai pas à te porter dans l'escalier. »

Il avait fini son assiette un peu avant le guerrier et ressentait une même satiété satisfaite, ce qui le dissuada de demander un dessert. Sans compter qu'ils n'étaient pas les seuls à parvenir en fin de repas, et que l'air commençait à se charger de vapeurs de fumée et d'alcool... N'ayant jamais apprécié trop longtemps ces ambiances trop animées, trop sonores, trop nombreuses, Lothringen ne se fit pas prier pour se retirer en un lieu un peu plus calme. Il paya la note à l'aubergiste et tous deux remontèrent vers les chambres. En passant devant une fenêtre, sur le palier, le semi-drow eut un aperçu de ciel anthracite et menaçant. Ils avaient bien fait de se préparer à passer la nuit ici, décidément... D'autant que leur chambre devait être agréablement chauffée par le feu, désormais.

[Mornagest]

Le feu crépitait doucement dans l'âtre, à leur arrivée. L'air était humide de l'eau qui s'était échappée de leurs vêtements désormais presque secs, mais il leur suffirait d'aérer un moment pour éviter la sensation de se trouver dans un four ; Mornagest s'empressa de mettre à exécution ce plan de survie. Il fut accueilli par l'ondée qui chassait vers la fenêtre, et se décida à ne laisser l'ouverture qu'à peine entrebâillée.

Lassé, malgré la journée paisible qu'ils venaient de passer, le guerrier avait les paupières qui se fermaient toutes seules. Le repas bien copieux qu'il venait de faire y était probablement pour beaucoup. D'ici quelque temps, il serait de nouveau attentif, mais en attendant... il s'assit sur le lit et posa son menton au creux de ses paumes, les coudes sur les genoux.

En bas, on entendait à peine, sourdement, les conversations bruyantes qui provenaient de la salle commune. La soirée risquait d'être longue, les gens ne souhaitant pas retourner dehors par un temps pareil, à moins d'y être forcé à cause de l'heure tardive ou d'une épouse trop acariâtre pour oser la braver.

"Un peu de calme, ce n'est pas de refus. Je pense que je comprends ton point de vue, quand tu dis que tu aimes la solitude. Mais de temps en temps, être proche des autres, c'est... instructif."

[Lothringen]

Lothringen, était en train de déplacer les vêtements mis à sécher pour libérer un peu d'espace, mais en entendant ces mots il suspendit son geste. Cependant, il n'osa regarder son compagnon.

« Instructif, oui... C'est le mot. Mais à quel prix ? »

Sa voix grinçait comme une crécelle, prenant une tonalité aiguë qui ne lui était pas ordinaire. Quelque part en lui, des ongles grattaient nerveusement la chair, jusqu'au sang : il pensait à Dorson Jaell'ym.

« Tu oublies que je ne suis le bienvenu nulle part, que toute aide est intéressée, que tout refuge est éphémère. A ce prix-là, est-ce que ça en vaut la peine ? Ou bien ne devrait-on aller vers les autres que pour faire semblant, sacrifier à une apparence de sociabilité qui ne conduit à rien, où l'on n'échange rien que des banalités parce que l'on s'est abstenu d'y croire ? S'il y a une juste distance, hé bien... je ne l'ai pas vraiment trouvée. »

Prenant son inspiration, il s'assit à son tour sur le lit. Abattu...

« Je suis désolé. Je ne parle pas de toi, bien sûr. Ta compagnie m'apprend beaucoup, que tu le veuilles ou non. Et j'espère... j'espère ne pas me montrer trop distant. Mais tu le vois bien, je ne suis pas encore prêt à étendre cette faveur au reste du monde... »

[Mornagest]

Le guerrier baissa la tête avant de s'excuser à son tour.

"C'est moi qui suis idiot. Je... je me place dans ma propre peau, je peux aller partout sans être regardé de travers, sans être pourchassé ou rejeté, et... c'est difficile de me mettre à ta place, mais je pense comprendre ce que tu dis."

L'ironie de leur situation n'était-elle pas délicieuse ? C'était lui l'assassin, la brute, toujours prompt à tuer si la colère lui venait, qui était accueilli à bras ouverts simplement parce qu'il était humain, et c'était Lothringen le pondéré, le juste, le défenseur, à qui l'on jetait presque des pierres pour s'en débarrasser, comme s'il était porteur d'une maladie contagieuse, sinon pire.

"Tu n'es pas distant vis-à-vis de moi. Pas vraiment. Je pense que cela fait longtemps que tu considères comme acquis que je suis... différent, sous bien des aspects. Et c'est mutuel. Malheureusement, je crains que les gens ne soient que rarement de mon avis..."

Son ton était pessimiste, et il s'en rendit compte au moment même où il prononçait ces mots. Pour réconforter son compagnon, il n'aurait pas pu mieux faire.

"Ah, écoute. Pas besoin d'être constamment en relation avec les autres, après tout... nous pouvons nous en passer." Il dit cela avec une note plus joyeuse, aussi parce qu'il savait qu'il pourrait s'accommoder d'une vie plus isolée.

[Lothringen]

Lothringen hocha la tête d’un air songeur. Son compagnon semblait oublier qu'il jouissait lui aussi d'un peu de sa marginalité...

« J’espère bien. Car je doute qu’eux s’accommodent facilement de notre relation : j’entends presque autant de préjugés haineux sur … les couples d’hommes… que sur les drows., mais avec encore moins de raison, à mon sens. Ces hommes-là ont-ils massacré, pillé, réduit en esclavage ? Ils se contentent de vivre leur vie et voilà qu’on va les accuser de détourner la nature, de défier l’ordre divin, de pactiser avec les démons… la nature !… »

Il se mit à sourire, plus franchement amusé cette fois.

« C’est pourtant la nature qui m’a fait, et c’est quand je m’efforce de contrôler mes paroles, mes gestes et jusqu’à mes regards que j’ai le sentiment de lui porter atteinte. Alors, oui, je préfère être seul avec toi que de subir tant de contraintes. Au moins puis-je te parler à cœur ouvert…»

[Mornagest]

"Comme tu le fais en ce moment... oui, c'est certain. Pour avoir fréquenté les gens depuis un bon moment maintenant, je me rends bien compte qu'il est difficile de passer outre leurs préjugés. Et... cela me frappe d'autant plus depuis que je te connais, en fait. Sans doute n'y prêtais-je guère attention, avant."

À vrai dire, il ne prenait pas grand-chose en compte. Ni l'avis des autres, ni la vie des autres.

"Mais nous pouvons difficilement nous passer totalement des autres. Garder un contact... j'ai passé un peu de temps seul, étant gamin, mais la plupart du temps j'étais en compagnie de gens. Peu importait qui, au fond. Il fallait que je voie du monde, pour m'éviter de... disons de devenir fou, même si ce n'était pas exactement cela."

Il se sentait, peut-être bêtement, le besoin de se justifier sur ses goûts en la matière. Comme si Lothringen lui en tiendrait rigueur...

"Bref... tu voulais me dire quelque chose ?" Il avait cru remarquer une expression triste sur le visage de son compagnon, lorsqu'il évoquait les discussions à cœur ouvert. Ou peut-être n'était-ce que son imagination.

[Lothringen]

Un peu surpris de la question, Lothringen prit le temps de dévisager son compagnon avant de murmurer :

« Rien de particulier, et tout à la fois. Toutes les paroles que je retiens en public, tous les gestes manqués : et rien que tu ne saches déjà. L'essentiel, mes avertissements, mes craintes pour l'avenir, tu les as déjà entendus, déjà ignorés... Que te dire de plus ? Qu'un sentiment me dévore de l'intérieur, qu'il me tue si je dois le taire ? Tu le sais déjà, même si tu dois le sous-estimer. »

Il dodelina de la tête, comme s'il luttait encore contre sa propre incrédulité. Sa main serra cependant celle de son compagnon, avec une fermeté qui ne se retrouvait pas dans ses paroles toujours plus décousues.

« Je me dis toujours que tu réagirais autrement, si seulement tu savais à quel point... Je me trompe, sans doute. Je ne veux plus en parler. A quoi bon ? Je veux juste... Te garder avec moi, le plus longtemps possible. Partager avec toi, le plus possible. Tu as raison, la solitude ne te vaut rien. Je crois que je pourrais t'aider, te donner tellement plus que quelques brèves rencontres entre de longs mois de séparation... Une oasis, un refuge, un vallon au cœur du Bosquet... Je pourrais l'être, je le serai, sans doute... Mais ce n'est pas ce que je veux... Je veux le reste du voyage. Je veux le chemin et chacun de ses creux, de ses orties, et toutes ses ornières... Et aussi le réveil comateux du petit matin humide... Mais je t'ennuie », remarqua-t-il enfin sur un sourire de dérision.

[Mornagest]

L'ennuyer ? Alors qu'ils allaient bientôt se séparer, pour un temps indéfini, infini sans doute ? Au contraire, il buvait chacune de ses paroles, comme s'il craignait de ne plus jamais le revoir ; et malheureusement, c'était plausible...

"Pas du tout", s'étonna-t-il. "Pourquoi m'ennuierais-tu ? Je t'ai posé une question, tu m'y réponds... si cela m'ennuyait, je ne t'en aurais pas parlé. Je n'ai pas l'habitude de parler par simple politesse, tu sais. Et je n'ai pas tant peur de toi pour ne pas oser te dire si quelque chose n'allait pas", acheva-t-il avec un sourire malicieux sur le visage. Sa timidité était grande, mais il parvenait quand même à la surmonter dans ce genre de situations, très rares, du reste.

Il comprenait ce que souhaitait Lothringen ; l'avoir entièrement pour lui, et non de façon épisodique, alors que le danger rôdait à tout moment, que les intrigues politiques se nouaient autour d'eux. Et au fond de lui, que voulait-il, lui ? Encore ces questions sans réponses... ou alors, qui variaient à chaque fois qu'il reconsidérait la situation.

"Non, tu ne m'ennuies pas du tout", trancha-t-il finalement. "Au contraire... tu me donnes un souffle, une raison de profiter de ma vie, comme je n'en ai jamais eu auparavant."

[Lothringen]

Une vague de chaleur soudaine se diffusait dans le torse du semi-drow. C'était le genre de propos que Lothringen redoutait d'entendre ; ceux qui lui donnaient de l'espoir, qui lui faisaient souhaiter de continuer, alors même qu'ils lui confirmaient aussi que Mornagest ne voulait pas l'entendre.

« Quand tu te mets à parler ainsi, prononça-t-il d'un ton rêveur, j'ai beaucoup de peine à m'imaginer que tu es l'homme qui a commis les actes dont tu parlais tantôt. Et plus encore, que es devenu l'un des chefs des mélandiens et que l'acceptes. C'est comme si tu étais capable d'osciller d'un extrême à l'autre, à tout instant. Que tu avais plusieurs visages. C'est moins spectaculaire que quand j'ai perdu l'esprit devant Terenas, j'imagine, mais tout aussi inquiétant à long terme. Tu es imprévisible, et moi, je serai loin...»

Il effleura du bout des doigts le visage de son compagnon. Il avait des traits durs, marqués par la rudesse des vents du grand nord. Et en même temps, si jeunes... Mornagest était comme lui, quinze ans plus tôt, un jeune homme malléable prêt à se livrer à la première influence qui saurait profiter de son désarroi. Cette pensée fit frissonner le semi-drow.

« Tes choix... Tes choix ne sont pas encore faits. Prends soin de ta vie, assure-toi que personne ne les fait pour toi, c'est tout ce que je te demande. Quant à moi... »

Il le serra dans ses bras.

« Je tiens à toi quoi qu'il arrive, mais il y a des choix que je pourrai pas accepter... Sois ma fierté, toujours.»

[Mornagest]

Le guerrier lui rendit son étreinte, doucement, fermant les yeux à demi, repensant à ce que Lothringen venait de lui dire. Le rendre fier... il avait souvent des difficultés à comprendre ce que le semi-drow pouvait lui trouver, mais il savait qu'il ne servait à rien de se poser la question. Rester lui-même était le mieux qu'il avait à faire, et c'était du reste ce que désirait son compagnon.

"Je n'ai pas de raison de faire des choix... déshonorants. J'essaierai d'agir en connaissance de cause. Je te le promets."

Que pouvait-il faire d'autre ? Il ne pouvait pas l'assurer pleinement. Qui pouvait dire de quoi son avenir serait fait, à Melandis ? Qui tirerait les ficelles, qui lui imposerait certains choix, et surtout, lesquels ? Dévierait-il ? Résisterait-il ?

En tous les cas, il ne résisterait pas très longtemps à la fatigue ; il ressentait lentement la torpeur de fin de journée, même s'il pouvait encore veiller un bon moment. Seulement... il ne savait que dire de plus pour tenter de rassurer Lothringen. Le pouvait-il ? Sans doute pas ; apaiser de telles craintes n'était possible qu'en éliminant leur source, or, sa décision était l'origine de tout cela. Il s'en voulait, mais paradoxalement il voulait également vivre cela, cette expérience folle, dangereuse, mortellement dangereuse... un vrai toxicomane en manque de sensations nouvelles, somme toute.

Il resta silencieux, se contentant de passer ses doigts dans la chevelure du semi-drow, le long de son dos.

[Lothringen]

A son tour, Lothringen fermait les yeux à demi, laissant sa tête reposer contre l'épaule beaucoup trop haute de Mornagest. Plus que l'assoupissement, le désespoir, l'accablement n'étaient pas loin ; à quoi bon l'avoir sauvé de Terenas, s'il devait en venir d'autres du même acabit ? A quoi bon être devin, si ce n'était que pour voir venir les catastrophes d'un peu plus loin ? Et à quoi bon l'aimer, s'il ne pouvait se tenir à ses côtés, partager son destin, ni même le protéger des dangers les plus élémentaires ?

Dire que lors de notre première séparation, je redoutais seulement qu'il ne m'oublie.

Il brassait ces idées toutes plus lugubres les unes que les autres et ne trouvait aucune porte de sortie. Dans cette affaire, il ne serait qu'un témoin impuissant, celui qui n'apprend les événements qu'en différé, l'oublié de l'histoire - il fallait l'accepter, ou partir : comme s'il avait le choix. Comme s'il pouvait partir.

« Je... » commença-t-il. Sa voix tremblait avec les larmes qui gonflaient ses paupières. Il les essuya hâtivement ; se reprit.« Tu n'as pas pu dormir correctement, la nuit dernière. Il n'est vraiment pas tard, mais si tu souhaites te reposer... »

Il n'acheva pas. Quelle que soit la réponse de Mornagest, il savait bien que lui ne trouverait pas de sitôt le sommeil, de toute façon.

[Mornagest]

Il raffermit son étreinte, tandis que Lothringen se lovait contre lui. Tant de douceur, de la part de deux guerriers qui avaient connu, toute leur vie, l'horreur, la conspiration, la solitude, la haine... c'était quelque chose d'inattendu, presque grossier face au reste. Mais le réconfort était chose si importante, vitale. Comment avait-il pu passer toute son adolescence seul, sans quiconque à qui se confier, à qui ouvrir son cœur ? Et ce n'était pas fini ; même s'il l'ignorait, leur relation n'en était qu'à ses balbutiements.

"Je n'ai pas vraiment sommeil. Enfin... pas envie de dormir. La tête trop pleine de pensées." Il ne développa guère. Lothringen était bien placé pour savoir ce qu'il voulait dire par là. "Mais je ne suis pas seul à décider, tout de même !", poursuivit-il en l'interrogeant du regard. Après tout, le semi-drow avait lui aussi besoin de repos, ne serait-ce que pour mémoriser ses sortilèges. Les surprises qu'ils avaient vécu ces quelques jours montraient, s'il le fallait encore, qu'il valait mieux parer à toute éventualité. "Nous repartirons demain matin. Il... ne nous reste plus beaucoup de temps, autant le passer à nous deux." Mentalement, il s'imagina le sablier s'écouler, inexorablement, impitoyablement, même.

[Lothringen]

Lothringen força un sourire.

« J'espérais que tu me ferais cette réponse, à vrai dire. Je ne suis pas près de dormir, moi non plus. Je brasse trop de choses... Si nous repartons demain... » Il hésita. Ils n'avaient pas vraiment parlé du terme de leur séjour sur Helonna, jusqu'à présent, mais le semi-drow sentait qu'il valait mieux ne pas trop le prolonger. D'une part parce que le monde continuait de tourner, à Melandis comme à Manost, et que, pour un chancelier nouvellement nommé, le moment était mal choisi pour être porté disparu. Et puis, il y avait une raison moins avouable... Lothringen n'aimait pas l'état de faiblesse qui était le sien en ce moment-même, ni que son compagnon en soit témoin. Demain, oui... Faire durer les adieux ne les rendrait que plus pénibles.

« Si nous repartons demain, il faudra que je mémorise deux téléportations. Mais j'ai la paresse de faire cela ce soir. Ce soir, j'ai seulement envie de profiter de ta présence, de m'y baigner jusqu'à l'ivresse. Ne m'en veuille pas de toujours te demander avant toute décision : je redoute de t'imposer quelque chose que tu ne désires pas vraiment. Oui, je sais : tu me le dirais. »

Il inclinait la tête avec une moue moqueuse qui prouvait qu'il n'en était pas tout à fait persuadé.

[Mornagest]

Il était heureux de savoir que Lothringen souhaitait lui aussi prolonger un peu leurs derniers moments d'intimité. Même si leur séparation restait inéluctable, il n'y avait pas tant de mal à vouloir préserver cet instant de quiétude.

"M'imposer... hum, ça dépend uniquement de ce que tu veux me demander. J'espère ne pas être si craintif que cela, tout de même..."

Il regardait son compagnon, dont les yeux rougis par les larmes étouffées restaient brillants, noirs, beaux. Son visage était quelque peu crispé, sans nul doute à cause de l'approche de la fin de leur séjour, et de tout ce qu'ils ne s'étaient dit, à cause de ce que cela provoquerait entre eux, à cause de sa stupide volonté de relever le gant empoisonné qu'on lui avait jeté en pleine figure.

Malgré cela, Lothringen était beau. Terriblement beau, en réalité. Tant de rudesse apparente, masquant une tendresse et une sensibilité hors du commun, c'en était presque insensé.

[Lothringen]

« Craintif, non... Ce n'est pas la question. Disons plutôt... que tu me rappelles par moments les contes de mon enfance. Le Prince Indolent, la princesse Nonchalante... Tu es quelquefois mon prince Indolent, qui se rallie aux propositions d'autrui faute de savoir ce qu'il veut. Et je ne veux pas t'entraîner... Il sourit. C'est plutôt moi qui crains de t'abîmer. Je viens d'un autre monde, Mornagest, et aucun mélandien ne s'y sentirait à l'aise. L'esprit humain me semble parfois bien mystérieux. Là, par exemple, je me demande vraiment à quoi tu penses... »

Remarque qui était amenée par le regard étrangement fixe et doux qu'avait pris son compagnon, tandis qu'il le dévisageait. Rêverie ? Désir ? Fatigue ? Si difficiles à décrypter...

[Mornagest]

Il détourna soudain les yeux, comme pris la main dans le pot de confiture, puis rougit légèrement, avant de répondre, rêveur :

"À plein de choses. À toi, à moi, à nous deux, dans toutes les situations que nous avons connues ces derniers temps, au hasard incroyable qui nous a fait nous rencontrer, nous connaître, nous aimer... quelle probabilité y avait-il que cela se produise ?"

Il avait cessé de rougir, pour sourire à Lothringen. Ses yeux... il ne pouvait pas en détacher le regard.

"Mais je mentirais en omettant de préciser que je pense à nous deux, dans une étreinte passionnée, la plus longue possible. J'espère que ce n'est pas trop grave" fit-il d'un ton faussement timide.

[Lothringen]

Lothringen sourit en retour. Mornagest en train de rougir et de s'excuser, c'était un mammouth disant « pardon, madame » avant de céder le passage à une simple fourmi. Et à chaque fois, ce numéro-là faisait mouche, l'attendrissait et le rendait joyeux.

Leur rencontre, leur histoire étaient improbables, quasi miraculeuses, mais il n'avait pas assez de recul pour penser au passé en ces termes. Il pensait au présent, à l'avenir si compromis déjà. Au présent. A la fixité de son regard. Au grain de sa peau. Au murmure de sa voix... Une bonne idée ? Trop tard pour y penser. Trop tard pour penser. Ne plus penser à rien, justement... Quel soulagement ce serait.

Lothringen passa lentement sa main dans les cheveux de son compagnon. Il avait oublié de sourire, redevenant sérieux, comme toujours quand il pensait à eux, parce que c'était un sujet, justement, qui lui semblait aussi sérieux qu'un destin. Et grave, sans doute...

« ça l'est, murmura-t-il enfin. Sache qu'il n'y aura jamais de pardon. »

Il embrassa son compagnon, légèrement, en effleurant à peine les lèvres. Puis se recula sans s'expliquer, le temps de se débarrasser de cette tunique incommode que l'aubergiste leur avait prêtée. Torse nu, il se rapprocha de nouveau de Mornagest. Pencha la tête. Cligna de l'œil.

« Montre-moi. »

[Mornagest]

Lentement, sans mot dire, le guerrier étreignit Lothringen, doucement d'abord, l'embrassant presque timidement, pour s'enhardir ensuite et le serrer contre lui, prenant garde à ne pas l'étouffer. Leur baiser se prolongea quelques instants, et lorsqu'il s'acheva, Mornagest avait les paupières closes, savourant davantage la douceur des lèvres de son compagnon. Il rouvrit les yeux, les laissant glisser sur les muscles fins mais fermes du semi-drow, depuis les épaules jusqu'à l'abdomen, avant de faire suivre le même chemin à ses mains.

"Qu'est-ce que tu en penses ? Que je mérite un châtiment sévère ?", glissa-t-il alors qu'il laissait ses mains posées sur les cuisses de Lothringen. La sensation était délicieuse.

[Lothringen]

Lothringen savourait ces instants l'un après l'autre, en connaisseur, en proie, comme à son ordinaire, à mille sentiments confus. Il aimait sentir le regard de désir que Mornagest posait sur lui, sentir ses mains redessiner son corps. Dire qu'il avait craint, un temps, à voir la réaction du guerrier après leur première nuit ensemble, que ce dernier n'ait tout simplement aucune affinité avec ce type de sexualité... On en était loin. Et une petite voix criarde, dans un recoin de son esprit, ricanait, vengeresse : oh oui. Fais lui connaître ce qu'il va perdre, qu'il s'en souvienne, qu'il en crève de rage. Le simple contact des mains chaudes sur ses cuisses lui fit perdre le fil de cette pensée-là, et l'amertume partit comme elle était venue, le souffle court. Il avait envie de donner tout ce qu'il avait, et même ce qu'il ne savait pas détenir, mais que seul Mornagest serait capable de révéler.

L'esprit embrumé, le semi-drow revint provisoirement au présent, à la question posée. Le guerrier paraissait d'humeur joueuse, décidément.

« Pas encore. » suggéra-t-il à l'oreille de son compagnon. « Pas assez... »

[Mornagest]

Cette fois, le mélandien resta silencieux, préférant conserver toute son attention sur l'instant présent, en capter toute l'intensité, profiter de chaque geste, chaque sensation. Ses doigts en collectaient une quantité impressionnante, glissant tantôt sur la peau d'ébène de son compagnon, douce et chaude, tantôt sur du tissu, pour dévoiler le trésor qu'il couvrait d'une fausse pudeur. Lothringen se retrouva bientôt entièrement nu, tandis que Mornagest portait encore ses frusques informes et malpratiques, qu'il s'empressa alors de quitter.

Assis côte à côte, les deux guerriers offraient un spectacle peu commun. Les liaisons amoureuses entre hommes étaient rares, mais celles entre hommes de différentes races étaient aussi fréquentes que le sentiment de pitié chez les prêtresses drows. Les a priori avaient la vie dure, et ils auraient tout intérêt à se cacher des autres pour vivre tranquillement leur relation. Mais pour l'heure, la question ne leur venait pas à l'esprit. Ils étaient seuls, nus, dans une chambre douillette, et ils avaient tant à découvrir...

[Lothringen]

Ils demeurèrent un moment immobiles, comme intimidés par leurs propres apprêts, à s'observer dans le silence. Le clair-obscur hésitant du foyer conférait à la peau de Mornagest des reflets orangés, accrochait des éclats dorés dans ses cheveux et faisait danser les ombres dans ses yeux.

Qu'il est beau sous cette lumière.

Lothringen l'invita à se déplacer vers le centre du lit, où ils s'assirent face à face, les jambes pêle-mêle. N'y tenant plus de le contempler, le semi-drow posa des mains avides sur la taille de son compagnon. Elles glissèrent bientôt dans le creux de ses reins, tandis que Lothringen étreignait Mornagest, pressant son torse contre le sien, jusqu'à sentir se mêler leurs chaleurs et leurs cœurs battre l'un près de l'autre. Dehors, par-delà la pluie battante qui tambourinait sur les tuiles, le tonnerre gronda. Le semi-drow ramena ses paumes sur l'abdomen de son compagnon et c'est quand l'une de ces dernières enveloppa sa verge qu'il chercha à l'embrasser.

[Mornagest]

Leur nudité ne leur donnait pas vraiment froid. Le feu dégageait une chaleur agréable, et leur étreinte procurait des vagues réconfortantes dans leur corps en émoi l'un pour l'autre. Frémissant doucement sous les caresses de Lothringen, Mornagest retint sa respiration lorsque son compagnon l'empoigna délicatement. Le contact était presque étranger pour lui, envoûtant, agréable. Il ne parvenait pas à reporter son attention sur autre chose, et il fut reconnaissant au semi-drow de l'embrasser à ce moment, le ramenant à des sensations qu'il maîtrisait un peu mieux.

Ses craintes étaient latentes, et une once d'inquiétude sourdait en lui à l'idée de faire l'amour avec Lothringen. Mais la partie la plus majoritaire de son esprit, et surtout, consciente, lui hurlait de poursuivre, de se laisser guider, de s'abandonner aux attentions de son compagnon. Et c'est ce qu'il fit, contre toute attente, contre ses a priori, contre tout ce qu'il avait pu vivre jusque là en matière de relations amoureuses. Ses souvenirs étaient balayés, anéantis par le délicieux tact de Lothringen, qui prenait le temps et les précautions nécessaires pour ne pas le brusquer.

Cherchant à rendre à son compagnon ce qu'il lui offrait, Mornagest s'essaya aux caresses, sur la nuque, les épaules, pour redescendre sur les fesses, la taille et le bas-ventre de Lothringen. Hésitant, il effleura sa virilité, quelque peu fier de provoquer chez lui un tel effet ; puis il se fit plus hardi et entama un lent mouvement de va-et-vient de la main.

[Lothringen]

Lothringen fermait à demi les yeux, goûtant les caresses au point d'émettre un sourd grondement de fond de gorge dont il n'était pas seulement conscient. Sous les attentions de Mornagest, ses sensations s'éveillaient l'une après l'autre, avec une rapidité qui ne laissait pas de le surprendre après tant d'années d'abstinence : c'était comme si elles étaient demeuré longuement en sommeil, n'attendant que cette rencontre, que cette chaleur, que ces mains-là. Mais toutes furent comme éclipsées par le frisson général qui s'empara de lui au moment où son compagnon se saisit de sa virilité et où il dut retenir son souffle, en attente. Et ce mouvement... Un peu maladroit, certes... Mais l'intention y était et encourageait plus que jamais le semi-drow à poursuivre, d'autant que dans un recoin de son esprit se lovait depuis plusieurs jours déjà la crainte inavouée de voir son compagnon redouter davantage la seconde fois que la première, ce qui n'avait rien de flatteur pour lui.

Lentement, dominant ses sens, il revint au présent : c'était enivrant, certes, mais il ne souhaitait pas laisser Mornagest prendre durablement un tel avantage sur lui. Confiant en la pédagogie de l'exemple, il entreprit bientôt de montrer à ce dernier comment lui s'y prendrait. Lentement, d'abord. Puis un peu plus vite.... Le placement rapide et précis de ses doigts rappelait l'habileté d'un barde jouant de son instrument favori. Cherchait-il à pousser Mornagest à bout ? A ce jeu-là, l'un d'eux devrait bientôt céder, et, à en croire le sourire qu'il allait cacher dans la gorge de son compagnon entre deux caresses et deux baisers fiévreux, le semi-drow ne doutait pas de l'issue.

[Mornagest]

Peu habitué à ces sensations, Mornagest se rendait vaguement compte qu'il ne résisterait pas longtemps à un tel traitement de faveur. Il tentait de résister, soupirant, haletant, mais c'était plus qu'il ne pouvait en supporter. Il implora Lothringen de l'épargner, ce dont il ne se fit pas prier ; ce serait gâcher le plaisir que de mener tout droit à une conclusion trop hâtive.

Il se sentait bien, ne nourrissait plus aucune crainte quant à ce moment tant attendu, et tant redouté à la fois. Il restait néanmoins sur un terrain pratiquement totalement inconnu, et il ne savait guère comment se déroulerait la suite des événements. Maladroitement, il embrassa à nouveau son compagnon, avant de l'interroger du regard. Une fois de plus, il avait besoin de lui comme guide...