[Lieu] Mersant

[Taliesin]

Taliesin, pas mécontent du petit effet produit par son annonce, espérant bien qu'elle contribuerait à donner du courage à Valaellyn, sourit largement.
-Nous venons de terres où l'esclavage est interdit. L'idée qu'on puisse traiter les êtres pensants comme... une sorte de marchandise, en leur retirant leur libre arbitre, en en revendiquant la propriété, nous est odieuse. Nous retrouver confrontés à cette réalité commune dans l'Empire Mélandien est forcément, chose révoltante, douloureuse. Alors... Savoir que vous serez libre, désormais... Cela nous met un peu de baume au cœur. Et nous en sommes heureux pour vous.

[Galathée]

L'elfe parut ne pas comprendre, mais releva les yeux, pour quêter un peu de sens sur le visage de son interlocuteur.
" Je ne vous connais pas." murmura-t-il.
Valaellyn était revenue en face de lui et elle lui dénoua les mains, puis les prit dans les siennes. Cette fois, il ne les lui reprit pas.
" Ce n'est pas nécessaire." fit-elle. " Nous apprendrons à nous connaître. Notre coeur peut saigner pour le mal déjà fait à quelqu'un qui, immanquablement, est des nôtres."
L'elfe paraissait toujours interdit, mais la prêtresse lui sourit.
" Viens, nous avons à faire." lui dit-elle simplement, glissant un bras dans le creux de son coude, et l'entraînant à nouveau vers l'auberge.

[Taliesin]

Taliesin n'ajouta rien. La jeune femme saurait, mieux que lui, trouver les mots, les gestes. Il savait à quelle point le sort de Dix-Sept lui importait, et il ne voulait certainement pas s'interposer, interférer. Elle avait besoin de cela... Et le réconfort, l'optimisme qu'elle trouverait peut-être dans cette libération, dans ce destin tout neuf qui s'ouvrait, pourraient l'aider à affronter la menace qui, à chaque instant, se faisait plus proche.
Il les suivit, restant proche sans les talonner, se concentrant déjà, à nouveau, sur les préparatifs de la bataille à venir.

[Galathée]

Même s'il n'avait traversé Mersant que sous l'orage, Taliesin lui trouva un air abandonné lorsqu'il reprit le chemin de l'auberge. Il n'y avait personne au dehors, juste des mouettes criardes et la silhouette des bateaux, la galère mélandienne, le voilier luménien et deux petits chalutiers, flottant sur les vagues légères. Les vestiges du phare avaient arraché une partie de la jetée et trônaient désormais en travers de l'embouchure du port. Les plus gros blocs affleuraient à la surface, piégeant irrémédiablement le passage. Il semblait cependant qu'une barque aurait pu se frayer un passage entre eux. Mais l'elfe devina des tourbillons créés par le mouvement des vagues et la masse des rochers, rendant probablement toute progression hasardeuse.

A l'auberge, la salle avait changé de physionomie, transformée en semblant de hangar. Dès qu'ils entrèrent, Benoît vint à leur rencontre, suivi d'une gamine de son âge, rousse et fluette, qui salua Valaellyn comme si elles se connaissaient depuis toujours. La prêtresse indiqua la salle de réunion à Taliesin, sans lâcher pour autant le bras de Dix-Sept.

[Taliesin]

L'elfe sourit à celui qui ne serait bientôt plus un esclave.
-Je serai vite de retour, m'est avis.
Le rassurer était peut-être inutile. Néanmoins, il préférait le faire, comme Dix-Sept avait insisté pour rester à ses côtés.
Il jeta un regard à Benoît, que la compagnie d'un autre enfant ragaillardissait sans doute. Même s'il aurait mieux valut pour la fillette qu'elle se trouve ailleurs, au-delà des mers...
Enfin, il franchit la porte derrière laquelle devait se trouver Sullyan.

[Galathée]

Il trouva effectivement Sullyan dans la petite salle. Elle était accompagnée de Rutger et Constance. Lorsque Taliesin entra, elle lui désigna une chaise, devant laquelle étaient posées une assiette et des couverts, ainsi que du pain, du fromage et de la charcuterie.
" Restaurez-vous, vous devez crever de faim." fit la Manostienne.
Le capitaine de la Liberté terminait de manger, elle aussi.
" Bien." fit Sullyan. " Je vous ai rassemblés par vous serez mes relais auprès des autres. Je ne sais pas quand et si nous aurons encore l'opportunité de nous rassembler de la sorte..."
Elle croisa les bras.
" Comme vous l'ignorez peut-être, les bateaux du Squale se sont mis en mouvement. Un seul gros tonnage est demeuré devant le port, les cinq autres navires sont en train de contourner l'île. Ils seront en position d'ici deux heures environ. A partir de ce moment-là... Tout peut arriver."
Elle dévisagea Taliesin.
" Je ne sais pas s'ils attaqueront de nuit. Vous êtes huit à voir dans le noir. Pas plus."

[Taliesin]

-Ce n'est déjà pas si mal... répondit-il, plein d'allant. D'autant que le Squale n'aura pas que des non-humains à sa disposition, ses forces en seront d'autant réduites. Et s'il utilise des torches, ça nous arrangera...
Il se tut, visualisant mentalement la plage et ses abords.
-Nous pourrons positionner deux guetteurs au nord du défilé ; quatre au sud. Et deux de part et d'autre du défilé lui-même. Outre canarder les assaillants, ils pourront indiquer aux nôtres quand faire débouler pierres et rochers.
Il songea au phare effondré.
-Un pourrait éventuellement suffire, si vous pensez qu'il faut quelqu'un pour surveiller le port.

[Galathée]

" J'ignore de quoi sont faites les troupes du Squale." dit Sullyan en secouant la tête. " Il n'existe pas de survivants pour en parler, pas à ma connaissance."
Constance croisa les bras.
" Ne devrions-nous pas carrément préparer de grands brasiers sur la plage ? Les allumer en cas de débarquement ? Même si un quart de ses troupes est non-humaine, cela fera déjà près de cinquante hommes... en imaginant qu'une partie d'entre eux sont des demi-orques..."
" Qu'en pensez-vous ?"

[Taliesin]

Le barde fit la moue, pensif.
-L'accès à la plage est déjà condamné ; néanmoins, il serait possible d'y accéder par les rochers au sud du défilé. Le principal souci serait donc d'amasser suffisamment de combustible pour que les brasiers éclairent assez, et assez longtemps. Je ne sais pas si nous en aurons la latitude d'ici le débarquement. Et quand bien même l'aurions-nous : cela ne nous avancerait guère, à mon avis. Nous ne nous battrons pas sur la plage ; nous sommes trop peu d'archers pour que voir l'entièreté de leurs troupes change la donne en la matière...
Il jeta un œil à son assiette : ce n'était point encore temps d'y songer.
-Au besoin, nous pourrions préparer des torches pour que les personnes chargées de lancer des pierres dans la passe voient ce qu'ils font. Des feux, peut-être, du côté des terres. Sans servir nos ennemis, ils nous éviteraient d'être plongés dans le noir lors de notre repli. Nous permettraient peut-être aussi de concentrer nos forces un moment pour empêcher les pirates de sortir du défilé, de franchir un passage particulièrement étroit...
Il dévisagea ses interlocutrices.
-Néanmoins, ce ne sont là que des propositions. Si vous pensez que les brasiers sur la plage pourraient être utiles, je ferai en sorte d'en préparer.

[Galathée]

" Non, nous n'avons plus le temps." fit Sullyan, se rangeant à son avis. " Mais il faudra que vos archers y voient quelque chose, cependant... Si ces flèches pouvaient être enflammées, ce serait déjà quelque chose..."
" Nous n'aurons pas une infinité de munitions." dit Rutger. " Les chargements d'armes sont partis la semaine dernière, tu le sais."
" Je sais. Mais Noéline était à pied d'oeuvre et nous avons quand même de quoi tenir une nuit pour commencer. De toute façon, si nous alignons dix personnes, ce sera déjà un exploit."
Elle soupira.
" En fait, avant toute discussion plus avant, je voudrais vous parler d'une chose importante. Une question de philosophie, dirons-nous. Nous devons décider si nous allons nous défendre... en attendant des renforts. Ou bien si nous allons attaquer. La distinction entre ces deux options n'est pas anodine, si nous échouons. Si nous nous contentons de nous défendre et que le Squale prend l'île, il nous massacrera tous... presque tous, probablement, car certains... certaines trouveront un usage, pendant un temps. Si nous attaquons... Il en fera une affaire personnelle... et s'il prend l'île... Le massacre risque de prendre une autre tonalité."

[Taliesin]

Taliesin fronça les sourcils. A terme, le résultat serait le même, excepté quelques transitions douloureuses auxquelles, néanmoins, il restait possible de se soustraire.
-Pardonnez-moi, mais je ne suis pas sûr de vous comprendre... fit-il. Car, comme je vois les choses, nous n'avons pas le choix : nous ne pouvons que nous défendre. Attaquer... Est impossible. Si ses navires étaient passés près des côtes, j'aurais pu tenter d'incendier l'un d'entre eux. Mais ça n'est pas le cas. Et sur la plage... On pourrait passer par les grottes pour lancer un assaut, mais nous sommes si peu et eux si nombreux que ce serait du suicide. Le mieux que nous ayons à faire est de profiter des défenses naturelles que nous avons tenté de renforcer. Et donc d'attendre. De simplement nous défendre. Mais... Peut-être ses méthodes d'invasion sont-elles particulières, nous laissant le choix de l'attitude à adopter, au final ?

[Galathée]

" Le problème est un peu que nous ne pouvons pas présumer des opportunités qui, peut-être, se présenteront." dit Sullyan. " Nous ne savons pas grand chose du Squale. Il ne laisse pas de survivants. Nous ne pouvons donc qu'imaginer... et craindre."
" La seule chose que l'on sait de lui, c'est qu'il ne respecte rien. Aucune convention. C'est le message derrière son drapeau blanc marbré de sang."
" La légende veut qu'il a été autrefois trahi par la marine... luménienne ou manostienne, chacun se renvoie la balle. Qu'il a fait confiance à un drapeau blanc et que les militaires ne l'ont pas respecté. Depuis, il n'a plus de limites."
" C'est une légende."
" Mais elle est tout ce que nous avons pour anticiper ses intentions."

[Taliesin]

Difficile d'élaborer des plans quand on ne savait rien ou presque de son ennemi.
Mais le presque faisait toute la différence. Car ce qu'ils savaient, c'est qu'il ne laissait pas de survivants.
-Je crains qu'il ne nous faille, dès lors, nous montrer du pragmatisme le plus froid qui soit, dit-il doucement. Puisqu'il y a de fortes chances que nous périssions tous, autant ne nous priver d'aucune opportunité. S'il y a des moyens de l'affaiblir, saisissons-les sans hésiter. Qu'il fasse ou non une affaire personnelle de la prise de Mersant, son but ne changera pas : nous tuer. Mais il sera moins fort, ce qui accroîtra nos chances de succès.

[Galathée]

" Je suis de votre avis." fit Sullyan. " Nous perdrons de toute façon ce que nous avons de plus cher."
Rutger grimaça et se carra sur son siège, mais ne dit rien.
" Dans ce cas, je pense que nous devrions en avertir une partie des autres." dit alors Constance. " Et nous assurer que personne ne soit pris vivant."

[Taliesin]

L'idée avait évidemment traversé l'esprit du barde avant sa dernière tirade. Il l'avait écartée. Provisoirement.
Plus provisoirement qu'il ne l'aurait cru.
-Il doit être possible de préparer des doses de poison, dit-il, se concentrant à toute force sur les faits plutôt que sur leur signification profonde. Si nous n'en avons pas assez... Il faudra les distribuer à ceux qui ne se pensent pas capables de s'occire autrement.
Dits comme ça, froidement, désincarnés, les mots ne paraissaient pas si terribles.
Il fallait juste ne pas songer à leur application concrète. Juste écarter toute image.

[Galathée]

Constance et Sullyan se dévisagèrent, puis revinrent à Taliesin.
" Ce sera une option, oui." dit la Manostienne, puis un sourire encourageant revint sur ses traits. " Mais concentrons-nous sur la nuit à venir. Il est peu probable que les pirates lancent leur offensive au crépuscule, même s'ils auront le soleil dans le dos et donc seront en position de force. Par contre, ils pourraient profiter de la nuit. Je pense que vous devriez rassembler les elfes et demi-elfes et aller prendre quelques heures de repos. Vous serez sur le pied de guerre aux petites heures et je devine, à votre mine, que vous n'avez pas bien dormi. D'ici là, nous terminerons les préparatifs et nous vous réveillerons au besoin. Constance, tu seras en charge de ce côté de l'île. Un guetteur devrait suffire, mais tu seras chargée de la coordination avec ceux qui se reposent, et l'auberge, où Rutger demeurera. J'irai sur la plage, et Belenn me secondera en temps utiles."
Le Capitaine avait l'air un peu déçue de la position qui lui était dévolue, mais elle opina du chef sans se plaindre.

[Taliesin]

-Très bien... dit-il. J'avale ça et je file au lit.
Il devrait auparavant récupérer son propre équipement, afin de l'avoir à portée de main. Puis rassembler la petite troupe des oreilles pointues pour les inviter à profiter du confort des chambres de l'auberge.
Cela ne serait guère long.
Il engloutit donc son repas avec célérité - et appétit - puis se leva, déjà prêt à quitter la pièce.

[Galathée]

Il retrouva Valaellyn et Dix-sept dans la salle de l'auberge. L'esclave semblait légèrement ailleurs tandis que la jeune femme conversait avec Katja. Lorsque le barde les rejoignit, Dix-sept s'inclina poliment et la prêtresse lui décocha un sourire confiant. Benoît et sa petite camarade avaient disparu. La salle semblait très calme, presque trop. Une dizaine de personnes y étaient disséminées, bavardant ou transportant des objets, flèches, tables, victuailles. La plupart portaient des manteaux et se préparaient à sortir.

[Taliesin]

-Nous avons pour consigne de prendre du repos, expliqua-t-il à Valaellyn et Dix-Sept lorsqu'il les eut rejoints. Nous ferons les guetteurs, cette nuit. Autant être aussi frais et dispos que possible à ce moment là.
Il sourit à la prêtresse.
-Cela te laissera le temps de préparer des sorts...
Puis, après avoir jeté un coup d'œil à Katja, il continua, à l'intention de Dix-Sept :
-Et il va sans dire que vous aurez droit à une vraie chambre, cette fois...
Taliesin se passa une main sur le visage. Oui, il était fatigué.
-Bon, je vais transmettre nos ordres aux autres...
Il se rapprocha alors de Saõ et Rémiel, qu'il avait aperçus dans un coin de la pièce. Il leur tint le même discours qu'aux précédents, excepté qu'il leur demanda s'ils étaient d'accord pour aller d'abord chercher les deux courtisans demeurés près de la plage.

[Galathée]

Rémiel accepta de se charger de la course, tandis que Saõ suivait Valaellyn et Dix-sept vers les étages. Katja avait mis tout l'établissement à leur disposition, mais l'esclave ne semblait pas bien savoir ce qu'il pouvait réellement faire, son statut demeurant imprécis, et la prêtresse le prit en charge. Taliesin, de son côté, eut tout le loisir de récupérer son équipement, que Gauthier avait fait entreposer dans un coin de la salle, avant de gagner à son tour les étages. Sa chambre était plongée dans la pénombre, grâce aux volets fermés, et son lit avait été refait.
Le barde put gagner rapidement ses couvertures et tenter de s'endormir. Cependant, il dérivait à peine que des éclats de voix lui parvinrent du couloir. Deux personnes, ou plus, s'apostrophaient avec virulence. Et l'une d'entre elles était, à n'en pas douter, Valaellyn.

[Taliesin]

Avec un grognement de colère - et quelque chose qui était plus qu'un mauvais pressentiment -, le barde s'arracha à son lit.
Avant de quitter la pièce, il prit cependant le temps de ceindre son épée. S'il en se trompait pas, si l'un des protagonistes était bien Valaellyn, il croyait savoir qui étaient les autres. Mieux valait, dans ce cas, pouvoir leur en imposer. Or, une épée au côté était souvent un argument de poids...
Et, brusquement tiré du sommeil, il pouvait avoir cru que les pirates avaient fait leur apparition...
Une fois prêt, il sortit dans le couloir.
-Que se passe-t-il ici ? lança-t-il d'une voix forte.

[Galathée]

Il y avait quatre personnes dans le couloir : Valaellyn et Dix-Sept, le plus jeune des deux Mélandiens et Katja, qui venait d'arriver en haut de l'escalier, probablement attirée par l'esclandre. La prêtresse s'était interposée entre l'esclave et son maître. Ce dernier avait l'air furieux.
" Il est à moi !" répéta-t-il avec véhémence. " A moi ! J'en dispose comme je l'entends !"
L'elfe était pétrifié, pareil à un animal aux abois. Valaellyn ne semblait pas prête à céder le moindre pouce de terrain.

[Taliesin]

-Je dois être devin... songea le barde.
Sans tarder, il s'approcha.
-Messire... commença-t-il, courtois, affable. Je crois deviner la nature de votre requête, mais je crains qu'elle ne puisse obtenir satisfaction. Tous les elfes et demi-elfes ont reçu l'ordre formel, de la part de Sullyan, de sursoir à toute activité pour se reposer jusqu'à la nuit. Disposant de l'infravision, nous allons être affectés au guet sur les falaises, afin de prévenir les débordements ennemis. Il est donc nécessaire que nous soyons en forme, d'autant plus que nous sommes peu nombreux à bénéficier de ce don. Si l'un d'entre nous venait à s'endormir ou même, simplement, à baisser sa vigilance, toutes les personnes présentes sur Mersant en subiraient sans tarder les conséquences. Ou la conséquence, plutôt : à savoir une prompte exécution par les pirates.

[Galathée]

Le Mélandien croisa les bras et lui décocha un regard acéré, cessant subitement de tenir compte de la présence de Valaellyn.
" Je n'en ai que pour un quart d'heure." fit-il. " Cette situation n'était pas prévue et... nous n'avons pas pris toutes nos dispositions. Un quart d'heure, il aura tout le loisir de dormir ensuite."
Katja s'était appuyée au mur et suivait leur échange sans intervenir, attentive.

[Taliesin]

Taliesin s'interdit d'imaginer à quoi il voulait occuper ce quart d'heure et répondit, toujours sur le même ton.
-Je vous crois volontiers, messire. Mais un quart d'heure ou une heure complète, il n'y a malheureusement pas de différence : vous donner satisfaction, et soyez assuré que je le voudrais, serait enfreindre les ordres que nous avons reçus. Si vos impératifs exigent sa présence, ce que, une fois encore, je crois volontiers, la seule solution serait que vous alliez demander une dérogation à Sullyan. Elle est la seule à pouvoir vous accorder ce que vous sollicitez.

[Galathée]

Le Mélandien vira au cramoisi.
" Cet esclave m'appartient !" s'exclama-t-il. " Je décide de ce qu'il advient de lui ! Pas vous ! Et pas elle ! Pour qui vous prenez-vous ?"
Il ne fit cependant pas un pas de plus.
" Mais puisqu'il faut que j'aille vous chercher un ordre, j'y vais de ce pas !" clama-t-il.
Et sans attendre, il fit volte-face, dépassa la tenancière de l'auberge, et sortit. Cette dernière dévisagea Taliesin avec une légère grimace, puis emboîta le pas du Mélandien. Dix-sept se laissa aller contre le mur. Valaellyn se tourna vers Taliesin avec un sourire soulagé.
" Merci de ton intervention." fit-elle, reconnaissante.

[Taliesin]

-Ne crions pas victoire trop vite... soupira l'elfe, saisit d'une brusque vague de découragement. J'en ai appelé aux ordres de Sullyan pour lui refuser ce qu'il demandait, mais si elle donne son accord, nous devrons nous soumettre.
Il se tourna vers Dix-Sept.
-J'ai fait ce que j'ai pu. Mais si elle ordonne qu'il soit satisfait, nous n'aurons pas le choix : nous sommes sous son commandement, tous. Je suis désolé.
Il se demandait s'il n'avait pas commis une erreur en mécontentant le Mélandien. Mais sans doute aurait-ce été une erreur plus grande encore de lui céder. Valaellyn lui en aurait voulu, à coup sûr ; Dix-Sept se serait certainement senti trahi... Et cela, il fallait absolument l'éviter, s'ils voulaient pouvoir compter sur lui au cours de la bataille à venir.

[Galathée]

" Vous n'auriez pas dû vous interposer." murmura finalement l'elfe, davantage à Valaellyn qu'à Taliesin. " Je lui appartiens, il avait le droit d'exiger que je le suive."
La prêtresse lui jeta un regard noir et il baissa les yeux.
" Ça suffit. Je ne veux plus entendre ces sornettes. Va dormir dans la chambre de Belenn, ça évitera qu'il débarque à nouveau pour te chercher." ajouta-t-elle d'une voix qui ne tolérait aucune contradiction.
L'esclave ne répondit rien, demeurant figé contre le mur. La prêtresse, quant à elle, disparut dans sa propre chambre. Du Mélandien, aucune trace.

[Taliesin]

-Venez... souffla l'elfe, vaguement en colère contre la prêtresse. Nous avons déjà assez perdu de temps, et chaque minute qui passe est une minute de sommeil en moins.
Il le précéda jusqu'à sa chambre, referma la porte derrière eux, puis jeta un regard à la pièce. Il aurait bien proposé à Dix-Sept de partager la couchette avec lui, mais il craignait que celui-ci y lise quelque sous-entendu malvenu.
-Prenez le lit, fit-il. Moi, je vais me trouver un petit coin... J'ai déjà connu pire que le plancher, croyez m'en !
Et, joignant le geste à la parole, il récupéra son manteau et entreprit de le plier en manière d'oreiller.

[Galathée]

" Non." fit l'elfe en posant la main sur le bras du barde.
Qu'il retira aussitôt, empourpré.
" Pardonnez-moi." murmura-t-il. " Mais... Je vous en prie, prenez le lit. Je peux dormir par terre, j'en ai l'habitude..."
Il anticipa la protestation de Taliesin.
" Ne m'en demandez pas trop, pas trop vite. Je veux bien croire... ce que vous m'avez dit. Je veux bien vous faire confiance... Mais laissez-moi le temps. Je ne peux pas... Si vous me laissez le lit... Que vous dormez par terre... Je ne pourrai jamais m'endormir. Est-ce que vous comprenez ?"