[Lieu] Combeloup

[Taliesin]

-N'aurait-il pas pu, simplement, t'envoyer ici parce qu'il y possédait la garnison, depuis la mort de son cousin ? Combeloup étant isolé, il aurait pu penser...
Casar s'interrompit brusquement.
-Et là, se pose la question de savoir par quel hasard je me suis retrouvé à Combeloup, moi. Entre tous les villages isolés d'Hélonna, il a fallu que je débouche ici. Peut-être m'en avait-il parlé, au hasard d'une discussion. Peut-être était-ce même sur la fin, quand... Je n'en sais rien.
Il secoua la tête, sourit.
-Pour ça, pour le reste, cela vaudrait la peine que, en partant d'Erhedun, je fasse un petit détour par Luménis pour lui payer une pinte. Je lui dois une... deux fières chandelles.
Il se fit plus sérieux.
-J'espère que, de ton côté, tu ne regrettes pas d'avoir suivi son conseil. Que tu ne le regretteras pas, non plus, quand tu auras pu prendre du recul. J'espère que nous pourrons t'apporter autre chose que des tracas, des chamboulements, des ennuis. Jusqu'ici, ça n'en a pas pris le chemin. Mais qui sait ? Les choses changeront peut-être...

[Galathée]

" Je ne crois pas aux coïncidences dans cette affaire. Alaric avait correspondu avec Ada, il devait savoir que tu étais au village." dit Albérich. " Mais tu pourrais aller le voir, oui. Je suis certain qu'il serait heureux de te revoir... Enfin, je ne sais pas grand chose de lui. Quand nous étions clercs, il était muet. Evidemment, maintenant qu'il est aubemestre, il doit être pris, mais certainement pas assez pour en oublier les saines vertus de l'amitié."
Il se tourna vers la campagne et son regard s'y perdit un instant.
" Quant à moi... Je ne regrette pas d'être venu à Combeloup, de vous avoir rencontrés... Le village n'est pas synonyme de tracas, pas du tout. J'apprends petit à petit à le considérer comme un foyer. Cela prendra du temps. Je le fuis aujourd'hui, j'y reviendrai demain, si tout va bien, si je suis encore de ce monde pour prendre la route du retour... Je sais que toutes les routes y reviendront, tôt ou tard. En même pas six mois... On peut dire, en cela, qu'Alaric ne s'est pas trompé. Mais..."
Il soupira, sourit une seconde à son père, puis s'abandonna à nouveau dans la contemplation du paysage.
" J'aurais préféré venir à Combeloup tel que j'étais avant l'hiver. J'aurais été plus à même de profiter du présent qui m'était fait. Je suis un peu triste, quelque part... Tu ne rencontreras jamais l'homme que j'étais alors. Et j'aurais aimé te le présenter. Il avait une énergie, une confiance en l'avenir, une joie de vivre... qui n'existent plus. Ça, je le regrette."

[Taliesin]

-Je nourris des regrets similaires mais me concernant, répondit doucement César. J'aurais aima que tu me connaisse il y a quarante ans, quand j'étais jeune, plein d'allant, plein d'allure ; j'aurais aimé que tu me connaisse avant mes fuites, mes dérobades, mes lâchetés. Mais voilà : je dois accepter de ne te présenter que ce que je suis devenu, un vieillard fatigué bourré de remords... C'est là la principale différence entre mes regrets et les tiens. Car si je ne pourrai jamais rajeunir, toi... Tu es encore jeune, Albérich. Plus que tu ne le crois ou que tu ne le sens. Et si je ne t'ai pas connu avant l'hiver, je peux percevoir en toi les traces de ce que tu étais alors. Oserais-je dire... les bourgeons ? Car... Tu as changé, déjà. L'Albérich qui quitte aujourd'hui Combeloup n'est plus celui qui y est arrivé cet hiver. Le fait même que tu partes est un signe, à mon sens : tu oses, tu espères, même si tu ne te l'avoues pas. Tu va de l'avant, alors que tu aurais pu t'enterrer ici. Tu vas vers l'inconnu alors que tu aurais pu te contenter de cette "sécurité" qu'offre le village. Il y a là de quoi espérer, sinon croire. Comme il y a de quoi espérer et croire dans tout ce que tu as déjà accompli depuis notre rencontre.
Il sourit.
-Au-delà de mes regrets, j'espère vivre assez longtemps pour te voir t'épanouir à nouveau. Pour voir Bastien et Aubin s'épanouir de même. C'est tout ce que je demande encore à l'existence : vivre assez longtemps. Car je n'ai aucun doute vous concernant. Te concernant.
Il avait prononcé ces derniers mots sans gravité, comme s'il faisait un simple constat.

[Galathée]

Albérich fut touché par les paroles du vieil homme, et pendant un moment, il ne sut que faire sinon sourire, embarrassé.
" Je suis heureux d'avoir fait la connaissance de l'homme que tu es aujourd'hui."
Il n'était pas certain qu'il aurait forcément été très à l'aise avec un jeune gars bravache, impétueux et sûr de lui, mais ça, il n'en dit rien.
" Quant aux années à venir... Si le destin veut bien se montrer clément un moment... La longévité de ta mère devrait être un bon indicateur de ce qui t'attend. Et je m'efforcerai de retrouver quelque chose à faire, de mon côté. Tu as raison quand tu dis que j'espère, déjà, beaucoup plus que lorsque je suis arrivé à Combeloup. Vous m'avez donné cela. La force d'espérer. Les quelques mois à venir seront probablement cruciaux..."

[Taliesin]

-Je ne sais pas si nous t'avons tant donné... J'ai plutôt l'impression que ces choses, tu les a tirées de toi-même. Tu as réagi face aux circonstances... Enfin, peut-être est-ce une combinaison des deux. Peu importe, au fond. Ce qui compte, c'est que les choses se soient déroulées au mieux, et que tu ailles de l'avant.
Il chassa une mèche immaculée tombée sur son front.
-Je te donnerai l'adresse de Renaud et d'Hortense. Il faudra que j'y pense. Ton frère, surtout... Il bourlingue tellement, notamment dan le nord, qu'il pourrait peut-être te donner des pistes...

[Galathée]

Albérich sourit.
" Normalement, mon mentor du Temple devrait avoir des adresses à me suggérer... Je ne suis pas un nomade, je n'ai pas l'intention d'errer longtemps sur les routes, mais si je prends une direction adéquate... Je ne manquerai pas d'aller saluer... mon frère et ma soeur."
Il haussa les épaules, un peu gêné.
" Je n'ai jamais compté avec la famille, tout ceci est nouveau pour moi."

[Taliesin]

-J'imagine... fit-il, quelque peu embarrassé. Mais tu ne dois voir cela que... comme des possibilités. Pas comme une obligation. Il est possible que tu n'aies pas l'occasion, ni l'envie d'aller les trouver dans les mois à venir. Au contraire, à un moment ou un autre, tu pourrais envisager ça comme une piste... Bref, ce sont juste des possibilités. Rien d'autre.
Un sourire presque malicieux revint éclairer son visage buriné.
-Je peux même te donner l'adresse de ta grand-mère... La rencontre serait pleine de surprises, j'en suis certain.

[Galathée]

" Allons-y doucement, veux-tu ?" fit Albérich, avec un sourire presque inquiet. " Son pauvre vieux coeur... Je pense que tu devrais aller la voir le premier. Juste mon opinion, qui vaut ce qu'elle vaut..."
Douce s'ébroua.
" Nous devrions peut-être accélérer un peu... Nous aurons amplement l'occasion de discuter au coin du feu, ce soir..."

[Taliesin]

-Et bien, je te suis... dit le vieillard en adaptant déjà son assise au galop à venir. Je ne sais absolument pas quels toits ou quels lieux de bivouac offre le chemin, mais je te fais entière confiance. Néanmoins, n'ayant pas chevauché de manière prolongée depuis des temps immémoriaux, je ne garantis pas de mon état de forme lorsque je mettrai pied à terre.

[Galathée]

" Je doute que je sois meilleur cavalier que toi. Tu retrouveras sûrement rapidement tes sensations... Par contre, est-ce que tu sais camper ? Parce que moi, pas du tout. Alors si toi non plus... Il faudra vraiment qu'on trouve des fermes pour nous arrêter."
Douce, d'ordinaire si tranquille, commençait à s'impatienter.

[Taliesin]

-Camper ? Aucun problème. Je ne l'ai plus fait depuis un moment, mais autrefois... Tes frères et tes sœurs adoraient ça. J'imagine que c'est un peu le cas de tous les petits campagnards... Enfin bref, il ne devrait pas y avoir de souci. D'autant que le temps devrait se maintenir et de nous offrir une nuit à la belle étoile au sens littéral du terme.
César fut le premier à talonner sa monture. L'instant suivant, tous deux galopaient sur l'étroit chemin de terre.
Malgré ce qu'il avait dit, le vieil homme semblait plutôt à l'aise. A aucun moment, durant leur chevauchée, il ne montra des signes apparents de fatigue ni ne réclama une halte.
Peu à peu, l'après-midi vira au soir, comme le soleil rasait l'horizon, flamboyant. Il était temps de chercher un lieu ou camper. Cela ne serait sans doute pas trop malaisé : les environs semblaient propices.

[Galathée]

Albérich se fia à son père pour leur choisir un site approprié. Il avait mal aux fesses, aux reins, aux épaules et n'était pas certain de pouvoir descendre dignement de sa monture. Aussi, lorsque César s'immobilisa, il demeura encore en selle quelques secondes, le temps de retrouver son aplomb. Douce s'ébroua, comme pour lui signaler qu'il était temps qu'il la soulage, elle aussi. Il glissa à terre avec une grimace et se promit de se reposer à Erhedun pendant au moins une veille avant de reprendre la route. Même si à nouveau, le problème des finances allait se poser...

[Taliesin]

Son père leur avait déniché un lieu sans originalité esthétique mais plutôt fonctionnel : un sol plat et herbeux, une butte modeste pour les dissimuler depuis la route, un ruisselet gazouillant à proximité, assez d'arbres pour espérer du bois mort et même quelques pierres pour entourer le futur foyer.
Sitôt après avoir démonté, il se mit en devoir de préparer le campement.
-Je préfère me débarrasser de ça maintenant.. expliqua-t-il en s'éloignant d'une démarche un peu raide. Parce que quand je serai assis, je ne me relèverai pas.

[Galathée]

" Papa, je peux aller ramasser le bois..." fit Albérich en rattrapant le vieil homme par le coude et l'immobilisant. " Pendant que tu... heu... regardes ce que nous avons à manger, par exemple ?"
Le vieil homme avait l'air vraiment fatigué et le Luménien ne voulait pas l'épuiser davantage. Même s'il le savait bien plus résistant qu'il n'y paraissait. Il n'attendit pas la réponse de son père pour gagner le petit bois et se mettre en quête de branches et de cailloux. Il en émergea d'ailleurs quelques minutes plus tard, chargé comme un baudet, et gagna l'endroit qu'avait choisi César.

[Taliesin]

Le vieil homme n'était pas resté les bras croisés, loin s'en fallait : il avait rassemblé un peu de bois, lui aussi, ainsi que quelques pierres. Et il s'était de plus chargé d'aller remplir d'eau certains des ustensiles qu'ils avaient emportés.
-Bon... fit-il en préparant le foyer. Dans cinq minutes, nous pourrons tous deux nous assoir. Nous n'aurons plus à bouger de la soirée. Juste à nous enrouler dans nos couvertures et à nous étendre quand nous serons trop las pour garder les yeux ouverts...
Les pierres rassemblées en un petit cercle, des brindilles et des branchettes déposées au milieu, César battit du briquet, et il ne fallut guère de temps avant que les premières flammes ne s'élèvent.

[Galathée]

Albérich demeura silencieux un moment, fixant les flammes, immobile, avant de retrouver ses esprits et de se mettre en mouvement. César avait sorti leur pitance du jour, il l'aida donc à la faire cuire sur leur petit âtre improvisé, puis ils mangèrent. La cavalcade les avait fatigués, l'un et l'autre, et ils n'échangèrent pas grand chose ce soir-là. Ils s'emmitouflèrent ensuite dans leurs couvertures et s'endormirent sous la voûte étoilée et silencieuse, bercés par le crépitement du feu.

[Taliesin]

La journée du lendemain fut identique à la précédente, si ce n'est qu'ils chevauchèrent de l'aube au crépuscule et que leurs carcasses s'en ressentirent, l'épuisement et les courbatures leur faisant totalement oublier le repos pris durant la nuit.
Ils se hâtèrent donc de dresser le camp, de s'assoir au coin du feu, pour n'en plus bouger. Ils semblaient devoir se coucher rapidement mais, au bout d'un certain temps, César quitta les sujets badins qu'ils abordaient jusqu'ici.
-Dis-moi, commença-t-il, non sans une certaine gêne. Je me pose une question... Cela fait longtemps que je me la pose, en fait. Tu n'es pas obligé d'y répondre, évidemment. Tu dois me dire si c'est trop indiscret. Mais voilà... Je me suis toujours demandé si... Et bien, si ton enfance au temple n'avait pas été trop austère, trop solitaire. J'y pensais souvent, quand je caressais l'idée de venir te trouver. Quand j'étais petit, à Haradhar, nous ne croisions jamais les novices : ils restaient cloîtrés entre les murs de leurs sanctuaires. Alors... J'ai toujours vaguement pensé que niveau camaraderie et détente, ce n'était pas la panacée...

[Galathée]

" Au contraire." répondit Albérich. " Mon enfance, je l'ai vécue en grande partie dans les rues de Luménis, avant le Temple. J'avais dix ans quand mon... quand Megrall s'est finalement débarrassé de moi. Je ne suis pas très nostalgique de cette enfance sauvage. Mes frères ne m'aimaient pas et ne manquaient jamais une occasion de me tourmenter. J'avais quelques copains dans le quartier, mais ce n'étaient pas de réels amis... D'autant que je n'avais pas vraiment le droit de traîner avec n'importe qui. Je n'étais pas un enfant très solide, maman s'inquiétait, et père... enfin... tu vois ce que je veux dire... Il ne manquait pas une occasion de limiter ma marge de manoeuvre. Bref. J'ai beaucoup lu dans ma chambre. J'ai beaucoup regardé par la fenêtre. Je n'étais pas complètement cloîtré, mais je n'étais pas un gamin populaire avec une bande de potes qui cavalent dans les ruelles du port et sur les quais. Pas ce genre là, non. Tandis qu'au Temple..."
Il demeura silencieux un instant, plongé dans ses souvenirs.
" Au Temple, c'était incomparable. Tout le monde était bienveillant. Les gens avaient leurs humeurs, bien sûr, mais... c'était radicalement différent. C'est vrai que pendant les dernières années de mon enfance, je ne suis pas beaucoup sorti de l'enceinte du sanctuaire, mais... c'était un tel havre. Je ne songeais jamais au dehors. J'étais bien. Je ne me suis pourtant pas lié avec les autres enfants. Nous étions peu nombreux, personne n'avait mon âge... Nous étions bons camarades, mais pas vraiment amis. Et puis il y a eu les classes oecuméniques..."
Il sourit doucement.
" J'ai rencontré des enfants d'autres cultes et finalement, contre toute attente, j'ai aussi eu droit à mon petit gang. Je n'en étais pas le chef, je n'étais pas le plus populaire ou le plus bruyant, mais j'y avais, indubitablement, ma place."

[Taliesin]

Si César l'écouta avec une attention extrême, il n'en fixa pas moins son visage avec intensité, comme s'il cherchait à savoir si Albérich lui offrait une réponse propre à le satisfaire. Et lorsque l'ancien aubemestre se tut, il demeura immobile un long moment, avant d'opiner très lentement du chef.
-D'accord... murmura-t-il. Je t'avoue que je n'ai... que je n'avais pas la moindre idée de la manière dont se passent les choses dans un temple. de comment sont formés les novices. Pour les profanes, les clercs forment un univers étrange et étranger. Au-delà des rumeurs ou des stéréotypes, nous n'en savons pas grand chose. Mais c'est vrai que, spontanément, ce n'est pas le type le plus exaltant d'enfance que j'aurais imaginé... Je suis heureux s'il en est autrement.

[Galathée]

" Je pense qu'à ce stade de ma vie... Vu la manière dont s'étaient déroulées mes premières années... C'était ce dont j'avais besoin. Une sorte de cocon protégé de l'extérieur. Un endroit où des adultes stables et heureux, pour la plupart, se sont souciés de moi et m'ont guidé en tant qu'individu. Ça ne m'était jamais arrivé. J'ai rapidement reçu des responsabilités, minimes, comme tout novice, mais c'était déjà exceptionnel. Bien sûr, l'aspect religion et étude n'était pas secondaire. Mais je n'ai eu aucun mal à m'y glisser. Maman me manquait énormément, mais je sentais... que ce qui m'arrivait au Temple était plus sain, quelque part. Je sais que c'est plutôt moche, mais... l'ambiance à la maison était vraiment destructrice. Personne ne s'y épanouissait. Au Temple... Mon bonheur, c'était comme si c'était la chose la plus importante au monde... en tout cas pour certains... et c'était amplement suffisant. J'étais un gosse extrêmement timide, peut-être anxieux, mais... soudain je me suis révélé avoir des talents valables. A partir du moment où j'ai repris confiance en moi, je me suis complètement... métamorphosé, je dirais. Je n'étais pas un tapageur ni une grande gueule, je n'ai jamais été très démonstratif. Mais j'avais une parfaite conscience de moi-même et de ce que je valais. Ma réserve s'est évaporée. Je suis devenu clerc et je savais que j'étais un bon clerc. Ma foi était pure, réelle, j'étais investi par le dieu que je servais..."
Il se tut brusquement.
" Je ne devrais pas parler de tout ça. Ça ne va pas me réussir."

[Taliesin]

L'attention du vieil homme n'avait pas diminué. Il acquiesça une ou deux fois, mais cela semblait témoigner davantage d'une acceptation des dires de son fils plutôt que d'une compréhension. Comme si ces choses, cette foi, cet épanouissement lui étaient complètement étrangers.
-Excuse-moi... dit-il, en fin de compte. Je savais que ma question toucherait à des domaines douloureux. Peut-être n'aurais-je pas dû la poser. Merci de m'avoir répondu, cependant... Et oui, n'allons pas plus loin sur ce chemin.

[Galathée]

Albérich ressentit l'étrange manque d'empathie de son père et cela l'attrista. Pas qu'il ne se soit jamais retrouvé face à quelqu'un qui ne le comprenait pas, mais autrefois, cela n'aurait eu aucune importance. Aujourd'hui, l'incapacité qu'avait César à appréhender ce qu'avait été le Temple pour lui, reflétait son incapacité à jamais saisir ce qu'il avait perdu. Mais il fit bonne figure.
" Ce n'est pas grave. De toute façon, ce sont des choses qu'il faut que je règle tôt ou tard."
Il avait envie d'être près de Thibault, ou de Graham, près de quelqu'un qui a défaut de l'écouter réellement, ne pourrait que le comprendre. Il songea à nouveau aux déchus que son ancien mentor entendait lui présenter et il eut un frisson.

[Taliesin]

Ils ne parlèrent pas davantage : d'un accord tacite, en prévision de la longue et pénible journée du lendemain, ils s'étendirent tous deux et sombrèrent avant peu.
Grand bien leur en prit : le trajet fut effectivement long et pénible. Ils avaient décidé de rallier Erhedun avant la nuit, ce qui impliquait une troisième étape sans ralentissement, sans trêve. Le temps leur fut favorable, et la route également : ils ne furent gênés par aucun embouteillage, même aux quelques carrefours commerciaux qu'ils croisèrent. Leurs montures ne firent pas de faux pas, eux-même ne faillirent point ; ils purent ainsi, sans autre maux que de la fatigue et des courbatures, atteindre leur objectif dans le délai qu'ils s'étaient impartis.