[SCSA] LÂ’Asperge

[Manfred]

HRP : depuis ici.

Bellatrix fut surprise dans sa solitude par un sommeil aussi inattendu que soudain. Elle piqua du nez d’un coup et se retrouva... dans l’herbe. Oui, dans l’herbe. La voilà au beau milieu d’une sinistre forêt. Ce devait être l’automne à en juger au feuillages jaunissant. C’était aussi le soir. Le soleil mourant, à demi voilé par de gris nuages, offrait au décor des couleurs de feu. Mais sous peu, l’obscurité prendrait le dessus. Un vent lugubre agitait les branches et l’on pouvait se demander s’il n’allait pas bientôt pleuvoir.

La fillette apperçut, non loin d’elle, un tortueux chemin. Elle entendit également, porté par la bise, les sabots d’un cheval et le grincement d’une charrette en train de s’approcher.

[Althéa]

ça, c'était plutôt inquiétant. La charrette n'était pas équipée des "supers roues huilées ergnonomiquement dont le surplus de graisse pouvait aussi servir à cuire les frittes" vendues par Pierre Bellemare. L'idée l'amusa mais en même temps lui fit penser à sa vraie maman. Elle se sentait bien seule dans ce rêve étrange, loin de ses copains. Parce que c'était bien un rêve, non ? La méchante copie de celle qui aurait pu être Morticia l'avait emmenée dans une chambre. Donc ...

Elle ne savait pas vraiment quoi faire face à cette charrette qui approchait. Devait-elle se cacher ? Attendre ? Ce qui était important était de sortir de ce rêve. Déjà, elle n'y était pas entrée de son plein gré. D'habitude, elle arrivait à veiller jusqu'à des heures indues. Elle avait passé son temps à se répéter les noms des monstres qui peuplaient son imagination. Mais sans film, elle avait fini par s'endormir.

Pendant que la charrette approchait, elle dessina très vite un personnage sur son croquis. Il avait un chapeau miteux, de grandes ailes, et des couteaux. De loin, on le prenait pour un épouvantail. Jeepy Creepy, son ami allait la protéger.

[Manfred]

Le dessin de Bellatrix ne sembla pas vouloir s’animer, mais en même temps la fillette ne courait encore aucun danger. La carriole apparut, grinçante, bringuebalante. Elle était tirée, non pas par un cheval, mais par un âne maigrelet. Il n’allait pas vite, c’était le moins qu’on pouvait dire. Sur la charrette, une femme, une vieille femme. D’apparence, elle faisait un peu penser au déguisement qu’avait porté l’Asperge. Ridée et voutée, elle chantonnait un petit air en dodelinant de la tête.

Tout d’un coup, elle sortit de sa rêverie. Elle venait d’apercevoir Bellatrix. Elle l’a considéra un instant de ses yeux fatigués puis lui adressa la parole :
« Ma petite, t’es-tu perdue ? »

[Althéa]

Bellatrix regarda la vieille dame. Franchement, elle ne faisait pas vraiment peur. Même pas du tout. Bien sûr, elle ressemblait à une sorcière mais les monstres, c'était son rayon. Aussi sourit-elle en direction de la vieille dame. Avec un peu de chance, elle pourrait lui dire si elle connaissait le manoir et tout ce qui s'en suivait.

"Ben oui, je suis perdue. C'est une dame qui a voulu que je dorme là. Et vous êtes arrivée."

Elle se sentait un peu bête car si ça se trouvait, la vielle ne comprendrait pas du tout ce qu'elle disait. En plus, elle avait peut-être besoin d'un sonotone.

[Manfred]

La vieille ne semblait pas avoir de problème d’audition. Elle semblait aussi être en pleine possession de ses moyens intellectuels. En fait, elle était sans doute mieux conservée à l’intérieur qu’à l’extérieur.
« Une dame dis-tu ? Rares sont ceux qui viennent ici de leur plein gré. As-tu fait une bêtise ? Enfin, nous verrons ça plus tard. Monte donc. La nuit va tomber. La forêt n’est pas sûre quand l’obscurité gouverne. »
La femme avait une voix un peu chevrotante. De sa main, elle désigna une place libre à côté d’elle.

[Althéa]

La vieille dame avait l'air de savoir des choses. Par contre, le moment ne s'y prêtait pas, elle l'avait bien compris. Elle monta donc dans la charette à coté d'elle. Elle n'en avait pas peur. Certes, elle ne lui faisait pas vraiment confiance parce que dans les films qu'elle regardait, l'horreur pouvait venir de n'importe où.

"C'est la dame qui habite chez les divorcés, expliqua-t-elle, elle a voulu que je dorme dans la chambre."

Elle garda pour elle le fait qu'effectivement, elle avait été punie et le pourquoi du comment. On ne savait jamais.

[Manfred]

« Je vois... je vois... Mme Lenoir a un sacré caractère. »
La vieille dame remit en marche l’âne. A son rythme paresseux, chaotique, la charrette s’avança sur le chemin. Le soleil, peu après, disparaissait. La forêt devint assez sinistre. Sous peu, ce serait la nuit mais la femme, loin de s’en faire, se remit à chantonner. Le voyage prit un certain temps. L’obscurité se faisait presque totale quand, d’entre les arbres la maisonnette apparue. Ce n’était guère plus qu’une ombre entre les ombres.

« Nous y voilà. »
La vieille mit pied à terre. Elle était encore vive malgré l’âge. Elle décrocha l’animal et le mena dans un enclos jouxtant le modeste édifice campagnard. Puis, elle invita la fillette à entrer chez elle. L’intérieur était des plus rustiques, ainsi que d’une propreté douteuse. Un feu moribond brûlant dans la cheminée était la seule source de lumière. La vieille s’employa à le réanimer en y jetant du bois préalablement coupé et mis en tas à côté.
« Quelle est ton nom, ma petite ? » demanda-t-elle, toute absorbée à son travail.

[Althéa]

Bellatrix bien sage se tenait cependant le plus loin possible du foyer. Parce qu'il y avait toujours un monstre capable de lancer les gens dans la cheminée, de les regarder brûler et de les manger parce qu'ils trouvaient ça rigolo. Hannibal Lecter quant à lui aimait mieux le tartare ... Mais il ne lui semblait pas que la vieille dame avait l'air disposée à la manger. Elle devait être trop coriace.

"Je m'appelle Bellatrix. Vous voulez que je vous aide ? Je sais éplucher les légumes."

Elle avait failli ajouter qu'elle savait aussi faire cuire les pâtes mais peut-être que la vieille dame ne savait pas ce que c'était.

[Manfred]

A mesure que la cheminée gagnait en intensité, la pièce était de mieux en mieux révélée. La maisonnette ne devait pas en compter beaucoup. Celle-ci était à la fois la cuisine, la salle à manger, le salon et peut-être également un lieu de travail. Une étagère aussi branlante que miteuse soutenait avec peine quelques gros ouvrages aux pages jaunies par le temps, noircies par la fumée. A côté de ces vénérables grimoires, il y avait une boule de cristal. En face pendait des couteaux de belles taille mais non moins crasseux. Au-dessus de la cheminée était suspendu une grosse marmite, un peu comme celle aperçut plus tôt dans la cuisine de M. Larouge.
« C’est très aimable à toi, ma petite. Ce n’est pas de refus. »
Après avoir allumé une lampe à huile qu’elle déposa sur la table, la vieille prit un sac de patates qui trainait dans un coin et lui fit rejoindre la lampe.
« Et voilà ! Si tes ongles ne suffisent pas, prends un couteau. »
La femme se mit au travail. Elle, elle avait de sacrés ongles. Elle épluchait les pommes-de-terre avec l’expérience de toute une vie. Puis, elle les jetait dans la marmite déjà pleine d’eau.

[Althéa]

Bellatrix ne savait pas peler avec les ongles. Aussi prit-elle un couteau. Un pas trop grand. D'ailleurs, elle n'avait jamais vraiment compris l'intérêt de tous ses chers monstres pour les ustensiles très grands et très coupants. Déjà, c'était assez dangereux de courir avec. Et puis ce n'était pas très maniable, surtout quand la victime ne se montrait pas très coopérative et refusait de se laisser tuer. Manœuvrer un couteau dans un couloir, c'était assez risqué.

Elle pela les patates une par une avec beaucoup d'application. Jusqu'à ce qu'un doute affreux s'immisce dans sa tête. Elle se tourna vers la vieille dame.

"Madame, vous ne voulez pas me mettre dans votre marmite avec vos patates, hein ?"

[Manfred]

La vieille releva la tête, cessant un instant de gratter la pomme-de-terre qu’elle tenait en main. Elle semblait un peu prise au dépourvu. La question était, avouons-le, assez déroutante. Mais la réponse risquait de l’être plus encore.
« Et bien, c’est que je n’ai plus de poulet. Un renard les a mangés et moi, j’ai mangé le renard. »
Ben oui, il fallait de la viande, c’était important pour un repas équilibré. C’était là, d’une façon un peu exagérée certes, l’idée qui se cachait derrière cette réplique dite sans le moindre scrupule.

HRP : je te l’avais bien dit que Bellatrix finirait à la marmite, héhéhéhéhé !

[Althéa]

Bellatrix était restée bouche bée, la mâchoire pendante. Elle aurait gobé une mouche s'il y en avait eu une. Un peu plus et elle aurait éclaté en sanglots en appelant sa maman. Et puis, elle s'était ressaisie.

"Vous savez, vous ne pouvez pas me manger. Parce que vous savez, je ressemble à une petite fille comme ça. Mais en fait, je suis un monstre. J'ai plein de poils, de grandes griffes, des grandes dents. Et c'est moi qui risque de vous manger."

Elle essaya d'avoir l'air convaincante.

[Manfred]

A nouveau, la vieille fut surprise. D’ailleurs, elle le dit. Elle faisait preuve d’un naturel déconcertant en pareille circonstance.
« En voilà une réponse curieuse, ma petite. D’habitude, les enfants veulent s’enfuir quand ils apprennent que je veux les manger. Et puis, des poils, des griffes, des dents... tu en as de l’imagination. »
La femme jeta une nouvelle patate, avant de reprendre.
« De toute façon, les poils, les griffes, les dents, ça importe peu en cuisine. C’est l’intérieur qui compte. »

[Althéa]

Bellatrix haussa les épaules. La vieille semblait disposée à la manger. Elle commençait à avoir un peu peur. En même temps, où irait-elle si elle sortait dehors ? Peut-être pouvait-elle encore la raisonner.

"Mais à l'intérieur, ce sera pire. Vous risquez d'avoir très mal au ventre et même de mourir. Parce que je suis empoisonnée. Et puis, vos cheveux risquent de tomber, et puis toutes vos dents, et votre estomac risque de pourrir. Par contre, si vous ne me mangez pas, je pourrais vous aider."

[Manfred]

Cette fois, la sorcière, car c’en était une, forcément, éclata de rire. Ce n’était pas un rire méchant, sadique ou dément, c’était un rire amusé.
« Et bien, petite, tu n’es pas banal. A quoi donc pourrais-tu m’aider ? »
Il y avait, avoue-on-le, un zeste de curiosité. En attendant, elle se leva pour regarder dans la marmite. Visiblement, il y avait assez de patates.

[Althéa]

Elle gagnait du temps. Peut-être qu'avec un peu de chance, elle pourrait se réveiller. Ou l'un des garçons trouverait une solution et viendrait la chercher. En quoi pouvait-elle l'aider ? Hé bien, elle avait quelques idées.

"Je connais bien les choses qui font peur. Mais vous, là, vous faites plutôt rire. Moi, je connais plein de choses qui font peur. J'aime beaucoup les choses qui font peur. Parce que si vous continuez comme ça, d'autres enfants vont venir, et ils vont vous jeter dans votre marmite. Mais si je vous aide, vous gagnerez à tous les coups."

[Manfred]

« Pourquoi veux-tu que je fasse peur ? Tu voudrais que je sois comme ça ? »
La vieille se tourna vers Bellatrix, fit une affreuse grimace, se mit à sourir, un sourire presque édenté, puis éclata d’un rire diabolique à glacer le sang. Toute la maisonnette en raisonna. Puis, la sorcière retrouva son attitude naturelle.
« Je n’aime pas vraiment jouer la comédie. Enfin, si, parfois c’est amusant. Mais vas-y, montre-moi comment tu fais peur, toi. »

[Althéa]

Bellatrix regarda la sorcière et son horrible grimace. Enfin, horrible. Un gamin normal aurait eu peur. Mais pour une petite fille nourrie au films d'horreur depuis sa plus tendre enfance, hé bien ... Son premier réflexe fut d'ouvrir la bouche, un peu perdue. Puis, sans qu'elle sache vraiment pourquoi, elle éclata de rire. Un rire qu'elle ne put pas contrôler, ni arrêter.

Et quand la sorcière lui demanda de lui faire peur à son tour, elle se mit à rire de plus belle. Tant et tant que les larmes commencèrent à lui venir au yeux.

[Manfred]

« Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? Ho, je sais, tu ne dois pas me prendre au sérieux, c’est ça ? »
La vieille mit les poings sur les anches.
« Tu sais, si je ne cherche pas à faire peur, c’est que je n’en ai pas besoin. Je ne vois pas pourquoi il faut faire tout un cinéma simplement pour manger des gosses. Pour preuve, on n’en fait pas tant pour les poulets ou les cochons. Moi, j’ai passé l’âge de ces enfantillages. »
La sorcière alla décrocher un gros couteau de boucher, sans faire de manière. »
« Mais c’est vrai, je veux bien l’admettre, que parfois faire peur a des avantages. Allez, vas-y dépêche-toi. Si tu es convaincante, j’aurai peut-être une affaire à te proposer. Sinon, à la marmite. »

[Althéa]

Bellatrix cessa de rire quand elle vit le couteau. Là, c'était tout de suite plus convaincant. Et plus drôle du tout. Elle eût presque envie de s'enfuir pour se cacher dans les robes de son papa. Il la protègerait de la méchante sorcière. Mais elle n'avait pas le droit d'avoir peur. Si elle montrait sa peur, elle était perdue. La sorcière saurait qu'elle n'avait aucunement besoin d'elle. Aussi, fit-elle effort pour prendre un ton dégagé, presque enjoué, autant que sa voix un peu tremblante le lui permettait.

"D'abord, il faudrait arrêter d'arriver avec votre charrette qui crisse. Les enfants vous entendent venir de loin. Non, ce qu'il faut, c'est que vous surgissiez de n'importe où, dans leur dos. Que vous leur montriez que vous voulez jouer avec eux avant de les manger."

Elle s'interrompit. Elle n'allait pas dévoiler tout d'un coup. Il lui fallait gagner du temps. Encore un peu.

"Je connais plein de choses. Vous ne ferez pas seulement peur, vous serez effrayante. Et votre affaire, c'est quoi ?"

[Manfred]

« Tu m’as mal comprise. Je ne te demande pas des conseils, je te demande de me faire peur. »
La sorcière remit en place le couteau.
« Mais tu m’as donné une autre idée. Comment pourrais-tu me faire peur, à moi ? Je te demande l’impossible. Or, je pense... oui je pense que tu mérites une vraie chance. Cette nuit, c’est toi la sorcière et moi, je regarde. »
La vieille fit face à la fillette.
« Et puisque tu es une sorcière d’une nuit, il te faut quelques pouvoirs magiques. Quels sont ceux que tu voudrais ? Voler sur un balai ? Transformer les gens en crapauds ? Lire dans une boule de cristal ? Autre chose ? Je t’en accorde un, celui que tu veux. Et après, tu va sortir d’ici, trouver un enfant et me montrer ce que tu sais faire. »

[Althéa]

Bellatrix réfléchit un peu. Un peu mais pas longtemps. Il y avait bien un petit pouvoir qu'elle avait en tête. Et puis, il y avait aussi le fait de sortir d'ici pour ramener un enfant. Peut-être que si elle sortait, elle ne serait pas obligée de revenir. Et si elle revenait, elle aurait un allié. Pour ce qui était du pouvoir, il était tout trouvé.

"Je voudrais avoir le pouvoir de transformer les gens.", dit-elle, le plus sérieusement possible.

[Manfred]

La sorcière claqua des doigts. Quelques étincelles violacées jaillirent de sa main. Puis, elle prit la lampe à huile avant de la tendre à Bellatrix.
« Tiens ! Il fait noir dans la forêt. Maintenant, c’est à toi de jouer, petite sorcière. J’attends ici. Mais je garde un œil sur toi. »
Elle eut un geste entendu en direction de la boule de cristal. Ensuite, elle ouvrit la porte de la maisonnette.

Au dehors, c’était une nuit sans lune. La forêt était des plus ténébreuses. Rien que s’y aventurer demandait du courage.

[Althéa]

Ce n'était pas que Bellatrix avait du courage à revendre mais l'antre de la sorcière et la forêt représentaient un environnement presque familier. Celui de ses films. Certes, ce n'était pas très rassurant. Mais aujourd'hui, comme la vieille l'avait dit, elle était sorcière, du moins pour la nuit. Un monstre, un vrai. Et cela la rendait heureuse. Et elle avait aussi un pouvoir. Bon, elle ne savait pas si elle allait s'en servir mais elle trouvait cela sympathique.

Elle se mit donc en route avec sa lanterne en chantant.

"Je me promène dans les bois. Parce que le loup c'est moi."

[Manfred]

« Bonne chance, petite sorcière ! - fit la vieille, amusée – Offre-moi une prestation digne de ce nom ! »
Elle regarda un moment la fillette s’éloigner puis, elle referma la porte.

Bellatrix marchait donc entre les arbres. Sa lampe grinçait en se balançant au bout de sa main, rythmant sa marche. Dans le lointain, un grondement se fit entendre. Tout était en place pour l’atmosphère horrifique. Hasard ou pas, la sorcière d’une nuit ne tarda guère à rencontrer quelqu’un. C’était un garçon de son âge, un roux à l’air coquin. Vêtu sobrement à la mode campagnard, il marchait d’un pas hésitant, un baluchon sur l’épaule et une lanterne au poing. Dès qu’il aperçut la lumière de l’Asperge, il se d’érigea vers elle et appela.
« Ha ! Enfin, quelqu’un ! Je suis perdu, je cherche le village de Nulpart ! Vous savez où c’est ? »

[Althéa]

Bellatrix regarda le rouquin avec de grands yeux. Qu'est ce qu'il faisait là celui-là ? Et puis d'ailleurs, d'où il venait ? Elle réalisa tout d'un coup que la sorcière l'avait bien eue. Point n'était besoin de sortir du rêve pour rencontrer quelqu'un. Elle était donc prisonnière loin de ses amis. Si elle avait su, elle aurait demandé le pouvoir de quitter le rêve. A coté, son pouvoir lui parut grandement stupide. Mais en attendant, elle était toute seule.

"Le village de Nulpart, je connais pas. Mais pourquoi tu es ici ? Est-ce que tu es en train de rêver ? Tu habites-là ?"

Les questions venaient dans n'importe quel ordre. Elle essayait de se rassurer.

[Manfred]

Le roux sembla tout aussi surpris que Bellatrix. Il posa sur elle un regard qui l’a mis mal à l’aise. Il ne comprenait pas très bien les questions et du coup, il se demandait s’il n’avait pas à faire à une folle.
« Heu... t’es bizarre toi. Bien sûr que non que je rêve pas. Tu vois bien que je suis éveillé. Et j’habite à Nulpart. Y’a pas d’autres villages dans le coin, enfin de c’que je sais. Et toi, tu habites où ? »

[Althéa]

Elle voyait se dessiner sur le visage du rouquin ce qu'elle redoutait le plus : la crainte. Il se méfiait d'elle. Et cela lui fit de la peine. C'était toujours comme ça avec ceux qui ne la connaissaient pas. Pourquoi est-ce qu'ils ne faisaient pas d'effort ? C'était toujours pareil. En même temps, ce soir, elle était une petite sorcière. La vieille serait sûrement contente de voir qu'elle inspirait la crainte. Par contre, le problème était toujours le même. Il lui fallait emmener le garçon. Et bien que peu sympathique, elle n'avait pas très envie de le faire.

"Je suis en vacance chez des cousins à moi. Ils habitent pas loin d'ici. Je sais pas où c'est Nulpart. Par contre, par ici, il y a une sorcière."

Elle avait parlé avec le plus grand sérieux pour qu'il se rende bien compte que ce n'était pas une blague.

[Manfred]

« Une sorcière ? – reprit le garçon, perplexe – Tu te payes ma tête, c’est ça ? Les sorcières, ça n’existe pas. »
On le sentait tout de même peu rassuré, sa présente situation pouvait amplement l’expliquer. Perdu au cœur d’une sombre forêt en pleine nuit, plus d’un enfant aurait paniqué. Mais le rouquin était de ceux qu’on n’intimidait pas comme ça.
« Ils habitent loin tes cousins ? »

[Althéa]

Bellatrix avait hoché la tête. Quelque part, le rouquin lui plaisait. Parce qu'il n'avait pas trop peur. Et que quelqu'un qui n'avait pas peur faisait un bon allié. C'était souvent comme ça qu'étaient les héros dans les films. Au départ, ils n'avaient l'air de rien. Et puis, petit à petit, ils devenaient courageux. Bien sûr, il n'était pas Benny, ni Cricri ni Piotr, mais c'était bien quand même.

"Je sais pas où ils sont, mes cousins. En tout cas, il y a vraiment une sorcière par ici. Si tu me crois pas, tu as qu'à aller voir. Et puis d'abord, pourquoi tu es parti de chez toi. Tu es fou, ou quoi ?"

Les paroles et les pensées s'entrechoquaient dans sa petite tête. Elle espéra que la vieille n'avait pas le son dans sa boule de cristal.