[MP] Histoire : Armand

[Smidge]

Émile empoigna le chandelier et quitta rapidement la cuisine par le petit couloir latéral, qui menait directement à la bibliothèque. De loin, il entendit l'écho de la voix de mademoiselle Stoän, vraisemblablement toujours prise de panique. A vrai dire, il pouvait la comprendre...

La porte de la bibliothèque, à sa grande surprise, était déjà ouverte... Le tonnerre au dehors avait cessé, et seul le son apaisant et continu de la pluie emplissait l'atmosphère. Émile s'avança le plus discrètement possible, puis passa prudemment la tête dans la pièce.

Personne... Seuls les livres dormant paisiblement dans leurs étagèrent occupaient les lieux.

"Décidément, cette nuit nous joue tous des tours...", soupira-t-il.

Le bureau était juste derrière la porte en face. Émile en tourna la poignée, puis entrebâilla la porte.

"Il y a quelqu'un ?..."

Non, décidément, c'était vraiment son imagination.

Ou peut-être pas...

A la lueur des bougies, il découvrit le bureau dans un désordre inimaginable, des feuilles de papier le recouvrant dans le chaos le plus complet, jusqu'au tapis sur le sol. On aurait dit qu'on s'était battu ici.

Par réflexe, Émile inspecta rapidement les coins de la pièce, puis se relâcha : il était seul.

Suspendu au mur près de la fenêtre, le boitier en bois laqué du téléphone, muni de son haut parleur argenté, l'attendait patiemment.

[Armand]

Emile s'attendait à voir des espions sortir de chaque mur, il tourna la tête à plusieurs reprises puis se tourna finalement vers le cadran. Il décrocha l'embout du haut parleur puis commença à tourner la manivelle. Il ne saurait pas trop dire pourquoi mais il avait le sentiment qu'il y allais avoir un problème.

[Smidge]

Plusieurs légers crépitements laissèrent planer un doute... De longues secondes silencieuses s'écoulèrent, à peine perturbées par la pluie sur les vitres.

Puis une voix féminine grommela dans l'écouteur :

"Allo, ici la centrale... Vous demandez quel numéro ?"

Au moins, le téléphone fonctionnait...

[Armand]

Emile se racla la gorge avant de reprendre d'une voix forte.

"Je voudrais rentrer en contact avec la police, c'est pour signaler... Ce serait pour signaler un homicide"

Inutile de raconter un roman, les policiers aurait bien le temps de se rendre compte une fois sur place. Le comte était mort, on ne savait encore trop comment ou pourquoi mais les faits semblaient indiquer que quelqu'un avait mis fin à ses jours. Etre sobre, solennel avec éventuellement un soupçon d’émotion dans la voix, on ne lui en aurait pas demandé plus de toute manière. Parfois le mieux était d'aller droit au but.

[Smidge]

"Oh, répondit la voix, tout à coup plus effrayée, et plus douce. Je vous passe le commissariat tout de suite..."

De nouveau crépitements remplacèrent son interlocutrice, puis, quelques secondes plus tard, il avait en ligne un officier du commissariat de Villeneuve, à qui il présenta sobrement les faits. Quelques brèves explications plus tard, le policier lui donna quelques instructions.

"Très bien, ne bougez pas, et surtout que personne ne sorte de chez vous. Nous allons envoyer quelqu'un sur-le-champ aussi vite que possible."

Voilà. C'était chose faite.

Il pouvait à présent aller porter la nouvelle aux invités.

Ou peut-être pas...

[Armand]

Emile était tenté de faire un détour par le bureau du comte, avec un peu de chance et s'il touchait juste une somme rondelette devait encore s'y trouver. Mais ce n'étais guère prudent après tout et puis il suffisait qu'on découvre sa manoeuvre pour que... Non le mieux était de laisser les choses comme elles étaient, le gout de la vengeance n'avait pas de prix. Les policiers voudrait surement mettre le nez dans les affaires du comte et là... Oui là, une phrase maladroite, un regard fuyant en parlant de quelque chose et oui là ils auraient certainement envie de fouiller plus avant.

Emile jeta un oeil autour de lui pour être sur que personne ne se trouvait dans les parages avant de partir en direction du grand salon. Un petit détour n'engageait à rien, les vestiaires n'étaient qu'à quelque pas.

[Smidge]

Dans le meilleur des cas, la police serait là dans un quart d'heure. Au pire une demie. Il avait par conséquent tout son temps pour "remettre les choses à leur place".

Émile s'empara de son chandelier, et ouvrit les portes du grand salon. Le feu était définitivement éteint à présent, à défaut d'avoir été correctement alimenté. Seules quelques braises rougeoyantes éclairaient la sournoise tête de serpent en pierre sur le linteau.

Émile tendit l'oreille en direction des portes de la salle à manger. Oui, il n'avait pas rêvé, il connaissait cette voix. Yvette était revenue de l'aile Nord, ainsi certainement que Marie-Madeleine. A priori, tout le monde se trouvait dans la salle à manger, en cet instant précis. La voie était libre.

Le plus discrètement possible, il emprunta le couloir latéral. Même éclairé, ce couloir ne lui inspirait guère confiance... Mais ce soir, ce soir si particulier, il lui paraissait encore plus menaçant... Et ce n'étaient pas ses frêles bougies qui allaient l'en protéger...

Un courant d'air glacial sortit de nulle-part balaya soudainement ses jambes, et souffla d'un seul coup toutes les mèches du chandelier.

L'obscurité la plus totale enveloppa tout à coup ses sens... Ainsi qu'une très légère sensation de panique...

"Émile..."

Quelqu'un ?

Il avait entendu chuchoter son nom. Il en était sûr.

Qui d'autre pouvait bien se tenir dans ce couloir ?...

[Armand]

Oh non il y avait quelqu'un, emile tu avais bien choisi ton moment pour jouer les aventuriers... Il farfouilla dans ses poches à la recherche de son briquet; rien dans les poches intérieur ni dans celle du pantalon. Oh zut de zut, où est-ce qu'il l'avait mis ? Ah oui il était juste là, il suffisait de le declipser et...

Dans un mouvement brusque le briquet lui échappa des mains et un résonnement métallique ne tarda pas à se faire entendre. Ca allait être de plaisir de se mettre à le retrouver dans cette obscurité. Il tenta timidement un :

"Ouuiii....?"

[Smidge]

Pas de réponse.

Le chuchotement s'était évanoui de la même façon qu'il était apparu. Le froid mordant soudain se dissipa rapidement, et Émile perçut de nouveau le lointain brouhaha venant de la salle à manger qui résonnait confusément dans le couloir.

D'une main tremblante, il récupéra son briquet, et ralluma les mèches éteintes de son chandelier.

Quelle expérience étrange... et angoissante...

Vraiment, il détestait ce couloir.

Le majordome poursuivit son avancée d'un pas à peine plus pressé, jetant quelques coups d'oeil méfiants aux bustes et visages déformés qui ornaient les colonnes, puis quitta finalement le couloir pour le hall d'entrée.

Direction, le vestiaire, où il pourrait enfin...

Il s'arrêta brusquement.

Un mouvement ?

Émile déglutit. Il sentait une présence. "Quelque chose", à défaut de quelqu'un... Il balaya la pièce du regard, sa main se portant imperceptiblement en direction de l'arme sous son plastron.

Cette armure, là... Était-elle vraiment à sa place ? Ou... avait-elle tourné dans sa direction...

[Armand]

Son imagination devait lui jouer des tours, il était pourtant habitué à ces longs couloirs silencieux, aux grincements de la toiture qui résonnait de ci de la et aux visages disséminé contre les murs et les dallages du bâtiment qui semblaient vous scruter lorsque vous aviez le dos tourné. Le dos tourné ? Il fit volte face explorant l'autre pan de mur à l'aide de sa chandelle. Il allait finir par croire que le manoir devenait vivant s'il ne se dépêchait pas de rejoindre les invités. Le vestiaire, de quel coté c'étais déjà ? Ah oui il fallait reprendre du coté l'armure. Il se retourna de ce coté ci, tendant sa chandelle...

[Smidge]

Non... rien d'autre ne bougeait... A priori.

Ne tournant que le moins possible le dos au mur, Émile glissa jusqu'au vestiaire. Enfin, il y était...

Il tourna la poignée du placard, qui manqua de glisser sous ses doigts transpirants. Les manteaux étaient toujours là. Émile tira le cintre portant le long manteau bleu marine du banquier, et glissa discrètement l'arme dans la poche extérieure d'où il l'avait empruntée.

Il referma le battant, et posa son front sur le bois vernis. C'était enfin fait, tout était revenu à sa place, en temps et en heure.

[Armand]

Il n'y avais plus qu'à repartir du coté de la bibliothèque. Sans trop se faire remarquer dans la mesure du possible.

[Smidge]

Bienheureusement, la trajet du retour se déroula sans encombre. Émile eut beau scruter attentivement les visages de pierre déformés, mais aucun clin d'oeil déplacé, aucun chuchotement inopportun, ne vint perturber son trajet. Il traversa de nouveau le grand salon, puis rouvrit la porte du bureau.

Le même capharnaüm inexpliqué y régnait.

[Armand]

Emile traversa le bureau d'un pas plus assuré, son inquiétude n'avait pas lieu d'être en fin de compte. Puis il repartit innocemment vers les cuisines.

[Smidge]

Il n'y avait plus âme qui vive dans l'arrière cuisine... Il ne restait que le corps du maître, pétrifié pour l'éternité dans son propre sang.

Quelques bruits de vaisselle tintèrent plus distinctement de la cuisine mitoyenne, tandis qu'une voix familière parvenait à ses oreilles. C'était Yvette, les bras chargés d'assiettes et de bols, qu'il entraperçut par la petite porte en face.

[Armand]

Emile regarda yvette avec un brin d'inquiétude, cela devait faire beaucoup d'émotion pour elle.


"Yvette ?" Il l'interpella avec autant de douceur qu'il le pouvait. "J'ai prévenu la police, elle ne devrait pas trop tarder. Comment se passe les choses de votre coté ?"

[Smidge]

Le visage joufflu de la cuisinière s'étira de surprise à l'instant où il prononçait le mot "police".

"Oh ! La... la police va venir ici ?"

Émile devina un soupçon de panique dans son regard. La cuisinière se ressaisit rapidement, et plongea les assiettes qu'elle tenait dans les mains dans l'eau bouillante devant elle.

"C'est..., reprit-elle, un trémolo dans la voix, c'est Marjorie... Cette petite devient de plus en plus insupportable, je n'arrive plus à lui faire entendre raison !"

Les disputes étaient monnaie courante entre la mère et la fille. Et cela n'allait certainement pas aller en s'améliorant...

"Quand je pense à tout ce que j'ai fait pour elle... c'est vraiment..."

Elle ne conclut cependant pas sa phrase, interrompue par plusieurs bruits sourds et brefs, qu’Émile ne put que reconnaître aussitôt : quelqu'un toquait à la porte.

Mais contrairement aux précédents de la soirée, il s'agissait de la porte du hall central.

[Armand]

Yvette était confuse, comme tout le monde ce soir d’ailleurs et c'étais bien normal. Cependant Emile trouvait que ça prenait des proportions un peu trop importante; en tant de guerre seul comptait sa propre survie. Enfin c'est ce qu'on disais... Cette nuit avait déjà était particulièrement pénible pour lui et il sentait que ça n'étais pas prêt d'être terminé, le comte même mort saurait semé la rancune, la colère et la jalousie dans les coeurs.

"Je crois que nous sommes tous un peu nerveux ce soir yve..."

Entendant frappé, il s'interrompit. Le hall central ? Quelqu'un était entré ?

"Excusez moi yvette, je crois que..."

Il s'élança à la rencontre de cet intrus.

[Smidge]

La cuisinière leva un sourcil interrogateur tandis qu'il s'éclipsait prestement.

"Émile ? Que... ?"

Pas le temps de répondre. A contrecoeur, il fit demi tour en direction de l'arrière-cuisine, évitant soigneusement de s'approcher de nouveau du cadavre, puis tourna à droite dans le couloir semi circulaire. Émile tira sa montre de sa poche d'une main, l'autre serrant toujours le chandelier, et en inspecta les aiguilles à la lumière flageolante des bougies. Dix heures et demie, déjà ! C'était peut-être la police... ? Mais pourquoi diantre ce policier entrerait-il par la cours ? Il ne se posa pas davantage de questions, et accéléra le pas jusqu'au maximum que son éclairage le lui permettait. La réponse arriverait bien assez vite, de toute façon. Il traversa derechef la bibliothèque, le bureau, le grand salon, puis bifurqua enfin en direction du grand hall central.

Le majordome saisit la poignée de la lourde porte, et fit pivoter le battant principal.

Il y avait bien quelqu'un, face à lui, oui. Une femme. La quarantaine, grande, très mince, les cheveux châtains coupés au carré.

Qui était-elle ? Et que faisait-elle là en cette heure si tardive... ?

[Armand]

Quand il disait que la nuit n'en avait pas fini d'être pénible... Emile sourit à la jeune femme et lui dit d'un ton egal :

"Oui madame ? Vous êtes...?"

[Smidge]

Elle leva son bras droit en dévoilant une plaque métallique dans sa main.

"Gabrielle Lemaçon, lieutenant de police, déclara-t-elle d'une voix lasse. Vous êtes Émile Martineau n'est-ce pas ? C'est vous qui avez appelé au sujet du meurtre ?"

Il inspecta plus en détail la plaque. C'était bien la police, à sa plus grande surprise. Une femme, lieutenant de police ? C'était pour le moins inhabituel.

Elle toussota discrètement et fit un pas en avant.

"Puis-je.. ?"

[Armand]

Masquant sa surprise comme il le pouvait, Emile la fit entrer. La police devait vraiment être débordé pour avoir envoyé une femme mais admettons, il était tard après tout.

"Oui je vous en pris, rentrez."

Il l'invita d'un geste à franchir le seuil l’accompagnant jusqu'au hall sud; la faire bifurquer par le petit salon serait toujours plus discret... Il eut un petit temps d'arrêt avant de reprendre.

"Veuillez excusez ma surprise, je ne vous attendais pas aussi tôt... Les choses se sont enchaînés tellement vite, nous somme tous un peu bouleversé."

[Smidge]

"Je comprends très bien", compatit-elle.

Tous deux bifurquèrent sur la gauche dans le grand salon, empruntant le couloir latéral. Émile dût à plusieurs reprises attendre la policière, celle-ci ralentissant à la vue du spectacle inévitable qu'offrait les lieux pour tout nouveau-venu.

Le majordome se tendit quelque peu lorsqu'ils traversèrent le couloir, scrutant attentivement les visages surplombant les colonnes... Mais aucun chuchotement suspect ne parvint à ses oreilles cette fois-ci non plus. Seul le brouhaha de la salle à manger se répercutait jusqu'ici dans un chaos incompréhensible de voix mêlées.

Ils débouchèrent enfin dans le hall sud, et aux vestiaires.

"C'est vous qui avez retrouvé le corps ?, demanda-t-elle enfin. Et c'était en quel honneur, cette petite réception ?"

[Armand]

Emile pâlit légèrement, il hésitait un peu à dire la vérité au lieutenant mais en définitive il ne voyait pas très bien quoi dire d'autre.

"J'ai été alerté par les cris de mademoiselle stoän, l'une des invités. Je l'ai rejoint précipitamment et je l'ai retrouvé en compagnie de Marjorie, toute deux dans l'état que vous imaginez."

Réalisant que ses propos pouvait être un peu trouble, il reprit.

"Marjorie est la femme de chambre, elle aide sa mère à l'intendance. Je vous prie de m'excusez mais peut être pourrais-je vous debarasser ?"

Il tendit la main, indiquant le vestiaire.

[Smidge]

La policière fouilla les poches de son imperméable et en retira sa plaque, un trousseau de clés et un paquet de cigarettes, qu'elle glissa dans celles de son pantalon.

Tandis qu’Émile tenait la penderie ouverte, elle en inspectait simultanément l'intérieur. Enfin, elle retira son manteau, et le lui tendit.

"Et où le corps a-t-il été retrouvé ?", lança-t-elle.

Il allait falloir entrer dans le vif du sujet, tôt ou tard. Du hall sud, il était toujours possible de passer par l'autre couloir latéral pour arriver directement dans l'arrière cuisine, et au corps du maître. Ou plus directement, entrer dans la salle à manger, informer enfin les invités de la présence de la police.

[Armand]

Emile enfila prestement le manteau sur un cintre avec son agilité habituelle. Dans l'idéal il préférait retarder au maximum le moment de la confrontation entre les invités et la lieutenant. Enfin dans le même temps si les invités finissaient par découvrir la présence du lieutenant au hasard et dans la précipitation cela n'étais pas forcément bon non plus...

"Le corps a été retrouvé dans la cuisine. Je suppose que tout s'y est déroulé là bas...."

Emile eut un petit frisson qui lui remonta le long de l’échine.

"Je... Je vais vous y conduire. Si vous le permettez j'aimerais que nous fassions un petit détour par la salle à manger afin de prévenir les invités de votre présence."

En énonçant ces derniers mots il ne put s'empêcher de réfréner un léger soupir.

[Smidge]

Il n'avait qu'à peine terminé sa phrase que les murs et le plafond se mirent soudainement à grésiller.

En une poignée de secondes, les luminaires reprenaient vie, baignant la pièce d'une lumière neuve et crue.

[Armand]

Emile avait levé les yeux au ciel et venait juste de les reposer sur le lieutenant. C'étais à croire qu'un mauvais sort agissait sur cette maison et avait décidé de les faire disparaître un à un. Dans tous les cas si ça continuais, il allait finir par avoir une attaque.

"Bien si le ciel nous accorde un instant de répit, je vais peut être pouvoir vous y conduire." dit-il d'un air faussement détaché.

C'étais certes encore imperceptible mais la main droite d'emile tremblait légèrement...

[Smidge]

Émile toqua instinctivement à la porte du salon avant de l'ouvrir, puis s'avança dans la lumière et salua discrètement l'assemblée.

"Mesdames, messieurs, annonça-t-il en désignant leur nouvelle hôte, mademoiselle Lemaçon, lieutenante de police."

La policière s'avança à la vue de tous. Tandis que quelques invités se tournaient dans sa direction, elle balaya la pièce du regard, plissant légèrement les yeux à intervalles réguliers.

"Bonsoir à tous, lança-t-elle d'une voix forte. Je sais que vous êtes tous bouleversés par les évènements et qu'il vous tarde de partir d'ici...

Elle marqua une petite pause, le temps d'être sûre d'avoir capté toute l'attention, et reprit.

"Mais personne ne quittera les lieux avant que j'ai le fin mot de cette histoire. Naturellement, j'aurais des questions à poser à chacun d'entre vous, je compte donc sur votre entière coopération dans cette enquête."

Cela l'impliquait dans le lot, cela ne faisait aucun doute... Émile poussa un léger soupir.

Un brouhaha de plus en plus net s'éleva.

"Avant de les interroger, ajouta-t-elle plus discrètement à son attention, j'aimerais voir le lieu du crime."

S'extirpant des invités, Louis Marquand s'avança en direction de la lieutenante.

"Bonsoir !, lança le notaire. Ravi d'apprendre que vous êtes arrivée ! Je me présente, Maître Marquand, notaire."

Il s'inclina bassement.

"Comme je le disais tantôt, j'ai personnellement demandé à ce qu'on appelle la police... Lucien... pardon, Le Comte de Rochebois avait rédigé un testament, et - paix à son âme - il nous faut la présence d'un officier de police et du notaire pour procéder à sa lecture officielle... Pour le notaire, il n'y avait aucun souci !, s'esclaffa-t-il, il ne restait plus que vous !"

Il marqua une pause, effaré de sa propre audace.

Émile pensa au testament dont il parlait... Le maître en avait déposé un exemplaire dans son coffre-fort. Il le savait; il l'avait même vu, étant donné qu'il en connaissait la combinaison. Ou plutôt qu'il avait dérobé la combinaison... Il eut une pensée soudaine pour l'argent qu'il lui escamotait secrètement dans ce même coffre, mais se rassura aussitôt. L'argent n'avait pas d'odeur, pas plus celui du maître que celui des autres. Et cela n'était pas non plus totalement improbable qu'un majordome se voit confier ce genre de petits secrets par son employeur. C'était même plutôt courant, à y réfléchir. Cependant, il n'avait jamais osé lire ledit testament, et ainsi briser le sceau de cire qui lui était apposé.

"Enfin, ce n'est pas ce que je voulais dire..., se rectifia maladroitement le notaire, mais, enfin, tout le monde est là à présent. Mais... (il se tourna vers les autres) il se fait tard, et je proposais justement à ces messieurs dames d'aller tous nous coucher, et de voir ça demain... ?"

Il régnait à présent un silence de plomb dans cette pièce si vaste.

"C'est vous qui décidez, bien sûr", ajouta-t-il prestement.

[Armand]

Emile souriait intérieurement : à avoir vécu par et pour l'argent le comte ne récoltait que ce qu'il méritait. Il reporta son regard sur la lieutenante, guettant sa réaction.