[Bâtiment] La Mélandienne d'Argent : Dar Bella

[Elzen]

Elzen ne répondit pas immédiatement ; cherchant ses mots plus qu'à l'oridinaire.

« La Gaste Grise est le terrain de la Guerre Sanglante ; diables et démons s'y affrontent depuis toujours, comme ils continueront à le faire, peut-être éternellement. L'apparence qui est la vôtre n'y est d'aucune importance : seule compte votre puissance. Si elle est grande, comme l'est celle des princes abyssaux ou infernaux, vous pouvez devenir un seigneur de guerre, et imposer votre règne éphémère sur les êtres plus faibles ; si elle est aussi faible que l'est la nôtre, vous n'avez que deux choix : mourir dans la bataille, au service de ces seigneurs de guerre, ou tenter d'échapper à leur influence et de vous cacher comme vous le pouvez.
Mais le danger de ce monde ne vient pas seulement des créatures qui le hantent : la Gaste Grise est dangereuse en elle-même – ou peut-être les pouvoirs maléfiques qui s'y affrontent empoisonnent-ils jusqu'à l'essence-même de ce monde. Diables et démons y sont insensibles, et leur influence en protège leurs troupes, comme l'héritage que porte notre sang nous en protège également ; mais tous les autres êtres, s'ils demeurent longtemps en ces lieux, perdent progressivement l'esprit.
La Gaste Grise agit sur ceux qui s'y rendent comme votre drogue agit sur les malheureux que nous avons croisé tout-à-l'heure : elle peut, peut-être, sembler stimulante au premier abord ; mais plus les contacts que l'on a avec elle sont prolongés et répétés, plus votre volonté s'y perd et disparaît ; vous n'êtes à la fin qu'une enveloppe vide, sans souvenirs, sans espoirs, sans tout ce qui fait de vous un être capable de vivre. Nous autres tieffelins ne ressentons pour la plupart pas ces effets, mais ceux que leur sang démoniaque, trop ancien, trop dilué dans leur humanité, ne parvient plus à protéger, ceux-là sont condamnés à sombrer peu à peu… »

À la façon dont il prononçait les derniers mots, il était évident qu'Elzen avait connu un être dont il avait été proche, avant qu'il ne soit victime de tels effets ; cela expliquait, sans doute, pourquoi il était si prompt à condamner ceux qui, ayant la chance d'être nés là où ils auraient dû être à l'abris d'une telle menace, décidaient de leur propre chef de s'exposer à la drogue et à la perte de leur volonté.

[Echo]

- Eh bien, c'est sûr qu'à côté, Melandis apparaît comme une ville tout à fait charmante, dit-elle sur le ton de la conversation.

Ce fut la seule chose intelligente qu'elle fut capable de répondre, brisant ainsi le silence de mort qui s'était installé après le récit d'Elzen. Chance observait d'ailleurs ce dernier du coin de l'oeil, comme si elle était soudain très mal à l'aise à l'idée de le regarder franchement.

Elle se redressa soudain et, toujours enroulée dans son drap de satin, s'éloigna du lit. Elle avait la gorge sèche et chercha du regard quelque chose à boire. Elle trouva une bouteille contenant un liquide sombre sur une table basse à côté des fauteuils.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda t-elle tout haut en débouchant la bouteille. Si elle se fiait à l'odeur, cela ressemblait à... Du vin.

Elle resta un instant avec la bouteille entre les mains, ne sachant visiblement pas quoi en faire, puis demanda :

- Vous en voulez un verre ?

Sans attendre sa réponse, elle en remplit deux verres. Ce n'était pas particulièrement un alcool qu'elle aimait consommer, mais pour ce soir, cela ferait l'affaire.

[Elzen]

Elzen s'était tu un moment, comme perdu dans ses pensées ; mais dès que Chance eut repris la parole, la fugitive apparition du jeune tieffelin fragile qu'il avait été s'effaça ; et le masque du barde qu'elle avait connu jusque là reprit sa place.

« Pourquoi pas, oui. Une chambre, une baignoire, un bon lit et maintenant du vin, décidément, celle ville a tout pour plaire… »

Il se leva à son tour et s'approcha de Chance, reprenant l'air amusé qu'il avait eu après l'« explication » du second rêve. Le message était clair : il n'avait pas l'intention de laisser ses mauvais souvenir gâcher l'ambiance agréable de ce lieu de luxe.

« …si l'on excepte la puanteur des égoûts et les têtes qui y volent, bien sûr. »

Prenant le verre que la tieffeline avait servi entre temps, il le porta à ses narines et en huma l'arôme, en essayant de se donner l'air d'un connaisseur – mais il était manifeste, sans doute à dessein, que ce n'était pas le cas. Puis, après un hochement de tête approbateur, il tendit son verre pour trinquer.

« À votre santé, très chère : puisse votre tête à vous rester bien accrochée à vos épaules ; et celle de vos ennemis voler de l'un à l'autre. »

[Echo]

Chance devrait visiblement se passer des autres récits sur la terre natale du tieffelin pour ce soir et c'était bien dommage. Elzen était la seule personne à avoir voyagé dans les plans qu'elle avait rencontrée jusqu'ici, et ce serait peut-être la dernière. Il avait certainement des tas de choses à raconter à ce sujet et la tieffeline l'aurait volontiers écouté toute la nuit. Malheureusement, c'était un enthousiasme qu'il ne partageait pas, aussi décida t-elle de ne plus en reparler.

Elle lui sourit lorsqu'il lui reparla de l'accueil qu'elle lui avait réservé.

- Vous ne devriez pas rire, j'ai été obligée d'arracher la tête de ce pauvre type à mains nues. Quand je vois le peu d'effet que cela vous a fait... Je n'ai même pas eu droit à un sursaut ! dit-elle en faisant mine d'être un peu peinée.

Elle trinqua avec lui, espérant elle aussi que sa propre tête resterait fixée à ses épaules pour longtemps.

- Et puissiez-vous trouver ce que vous êtes venu chercher ici, ajouta t-elle plus bas.

Elle porta son verre à ses lèvres et avala une gorgée de vin.

- Ma foi, il n'est pas mauvais...

Son attention se reporta sur son camarade qu'elle fixait soudain avec sérieux.

- Pourquoi vous faîtes tout ça pour moi ? demanda t-elle brusquement. Est-ce parce que nous sommes de la même race ? C'est peut-être une raison mais ce n'est sûrement pas la seule. Rien n'est jamais gratuit, je ne crois pas que ce soit très différent là d'où vous venez, inutile de vouloir me faire croire le contraire.

Elle dut prendre conscience que ses paroles pouvaient être mal interprétées puisqu'elle ajouta :

- Ne vous méprenez pas, je ne demande pas mieux que de rembourser cette dette d'une façon ou d'une autre. Malgré ça, je comprends pas ce qui vous a poussé à m'aider, je n'en aurais sûrement rien fait à votre place...

[Elzen]

La conversation semblait, une nouvelle fois, changer de cap, ce qui n'était pas pour déplaire au Tieffelin – non pas qu'il n'aurait pas été enthousiaste à raconter d'autres de ses voyages, bien au contraire ; mais ce qui avait trait à son enfance était un sujet qu'il abordait très peu. De tous les plans qu'il avait visité, la Gaste Grise était le seul dont il gardait un souvenir entaché d'autant de tristesse, aussi préférait-il, de loin, évoquer tous les autres.

Il sourit à la réaction faussement – supposait-il – vexée de sa partenaire. Effectivement…

« Ma foi, avoir peur et le montrer sont deux choses différentes ; j'ai la prétention d'être assez bon acteur pour ne jamais faire la seconde. »

Il but une gorgée de vin et, comme si celui-ci avait contenu une sorte de potion de vérité – à moins que ce ne soit là l'effet du regard de Chance ? C'était la première fois de la soirée qu'il touchait à ce vin, après tout –, fut de nouveau prit d'un mystérieux élan de franchise.

« Pour tout vous dire, j'ai aussi… quelques difficultés à ressentir la peur sur l'instant. Elle ne vient qu'après coup. Et je peux vous assurer que, de quelques instants après nos premiers mots jusqu'à ce que je vois votre visage, j'étais terrorisé de savoir ce qui pouvait se cacher sous votre cape. »

Il tâcha de rattraper cet aveu ridicule par un sourire, et se raccrocha à la dernière question de son interlocutrice. Une excellente question, d'ailleurs ; qu'il se posait lui-même depuis un certain temps. N'ayant trouvé encore aucune réponse assurée, il hasarda l'hypothèse qui lui paraissait la plus crédible.

« Je suppose que j'ai très envie de trouver ce que j'étais venu chercher ici, comme vous dites ; et que si ce plan doit être le bon, j'ai envie que mes premiers échanges avec lui, et avec ses habitants, demeurent pour eux comme pour moi un bon souvenir. Vous êtes la première personne que je rencontre sur Toril, aussi me sens-je plus particulièrement en devoir de vous être agréable. »

Et, à la dernière remarque, il afficha une expression amicale, complice, à mille lieu des pensées menaçantes qu'il avait eu quelques instants plus tôt.

« Et ne vous en faites pas : nous vous trouverons certainement, en tant utile, une manière de me rembourser que vous agréerez autant qu'il ne me plaît de faire de vous mon invitée. »

[Echo]

- Vous ressentez la peur à retardement ? s'amusa la tieffeline. Je commence à me dire que c'est vous qui avez eu de la chance - et c'est le cas de le dire (elle eut un rire) – que ce soit moi et non quelqu'un de moins inoffensif sous cette cape.

Lorsqu'elle regarda Elzen, ses yeux étaient rieurs mais il y avait aussi autre chose qui couvait dans son regard, une chaleur indescriptible. Elle ne savait pas très bien si l'attraction qu'elle ressentait n'était qu'une histoire d'aura démoniaque ou de quoi que ce soit ayant un rapport avec leurs origines communes ; ce qu'elle savait en revanche, c'est que c'était à la fois agréable et vraiment effrayant.

Doucement, elle s'éloigna pour prendre place dans l'un des fauteuils face à la cheminée et invita le tieffelin à la rejoindre. Elle ne touchait au contenu de son verre qu'avec parcimonie : elle savait très bien, pour l'avoir expérimenter, qu'elle ne tenait pas l'alcool. Un verre de vin, c'était largement suffisant, en boire plus la mettrait dans une situation ô combien compromettante. Elle ne chantait pas des chansons paillardes en dansant nue sur une table... mais elle n'en était jamais bien loin.

Jamais avare de sourire, elle en adressa un de plus à Elzen lorsqu'elle lui répondit :

- Rassurez-vous, vous m'êtes très, très agréable. Mais j'espère que vous, vous n'êtes pas trop déçu. Faire tout ce chemin depuis les plans pour tomber sur une autre tieffeline... Elle ria. Je n'ai rencontré que des humains ou presque. On croise parfois des nains, plus rarement des elfes, mais les humains, eux, ils sont omniprésents dans cette cité. Et vue la façon dont elle en parlait, côtoyer autant d'humains ne semblait pas vraiment lui plaire.

[Elzen]

Elzen prit un air vexé en entendant la première remarque de la tieffeline ; il prit cependant soin de montrer de façon évidente que ce n'était qu'une façade.

« Jusqu'à présent, j'ai toujours réussi à me défendre, quoi que se trouve sous les capes que je croise. »

Il regarda Chance venir s'installer dans un fauteuil, verre à la main, pensif. Il s'était, certes, attendu à beaucoup de choses ; mais se trouver, avant même d'avoir vu la lumière du jour torilien, dans une chambre d'hôtel, en compagnie d'une jeune femme couverte seulement d'un drap de lit, cela avait tout de même quelque chose d'assez surprenant.
…au moins, elle avait gardé ce drap sur elle en se relevant, ce qui déjà était quelque chose ; ayant vu la promptitude avec laquelle elle s'était dévêtue pour entrer dans l'eau, il s'était presque attendu à ce qu'elle le laisse sur place.

Ne touchant lui-même guère à son vin, Elzen vint s'installer sur le fauteuil libre. Tout comme le lit, il était très confortable. L'établissement était, décidément, d'un grand luxe, à la hauteur du prix qu'il fallait débourser pour la chambre. Il n'était toujours pas du genre à s'habituer à ce genre de vie, mais si les circonstances l'amenaient à devoir reprendre une chambre ici – accompagné ou non –, il n'hésiterait probablement pas.

« Oui, j'ai cru comprendre que les humains étaient, en nombre, les principaux habitants de Toril, hormis dans certaines régions. Cela peut s'avérer intéressant, de mon point de vue : durant mes voyages, il me semble avoir croisé davantage d'autres peuplades – même si j'en ai vu un certain nombre également, bien entendu. »

Il sourit à son tour.

« Mais si mon clan choisit finalement de venir s'installer sur ce monde, ce sera probablement dans un endroit moins fréquenté que le cœur d'une grande ville ; si la compagnie des humains vous déplaît, et que celle des tieffelins vous sied davantage, je pense que vous pourrez venir vous installer parmi nous. Nul doute que vous y serez accueillie… comme l'une de nos semblables. »

Il marqua un court silence, mais repris tout de même avant que Chance n'eut le temps de commenter la proposition.

« Et pour répondre à votre question véritable… c'est agréable, au contraire ; j'ai croisé assez peu des nôtres depuis que je me suis séparé de mon clan. »

[Echo]

Le regard de la tieffeline était rivé sur les flammes qui crépitaient dans l'âtre de l'immense cheminée et l'iris de ses yeux, pareil à de l'or fondu, semblait miroiter plus que d'ordinaire ; à la voir ainsi, il était impossible d'ignorer son ascendance démoniaque.

Elle était préoccupée par ce qu'avait dit Elzen : vivre parmi les tieffelins plutôt que parmi les humains était une idée séduisante. Son antipathie pour la race humaine n'avait cessé de s'intensifier au fil des années dans cette cité. Les mauvais traitements successifs dont elle avait été victime n'y étaient pas étrangers, bien sûr, mais il fallait bien avouer qu'elle n'était jamais tombée au bon endroit au bon moment et qu'elle avait toujours fait les pires rencontres possibles.

Sa dernière mauvaise rencontre en date n'était autre que Jelac, celui-là même qui avait fait entrer la drogue et la dépendance qu'elle entrainait dans sa vie. Il avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais en consommer lui-même ; un trafiquant savait mieux que quiconque les ravages que provoquait la drogue. Malgré une hygiène de vie irréprochable, c'était un homme en proie à de vives crises de colère. Sa peur maladive que quoi que ce soit échappe à son contrôle le rendait extrêmement violent ; dans ces moments là, il était bien plus dangereux et imprévisible que n'importe quel drogué.

Au tout début de leur « partenariat », Chance ne l'avait pas pris au sérieux et s'était même laissée aller à quelques remarques caustiques sur son tempérament enflammé, parfois digne d'un gamin capricieux. Ce jour là, il l'avait mis au sol d'un seul coup de poing, lui fendant la lèvre au passage, puis lui avait brisé les os de la main avec sa botte, les écrasant encore et encore avec une hargne qu'elle n'avait jamais vue. Prostrée au sol, elle avait gémi de douleur, les larmes aux yeux, et s'était bien gardé d'ajouter « Eh, tu vois ? Tu t'énerves vraiment pour un rien ! ». Le ton avait été donné, et cet incident n'avait été que le premier d'une plus longue liste.

Ce souvenir la submergea de haine. Son visage se ferma complétement et ses mains agrippèrent les accoudoirs de son fauteuil comme si elle imaginait tordre le cou de quelqu'un. La prochaine tête qu'elle arracherait d'un corps ne sera pas celle d'un cadavre, mais celle de Jelac, bien vivant, qui la suppliera d'épargner ses souffrances. Ses pensées digressèrent jusqu'à ce qu'elle imagine le genre d'outil qu'elle utiliserait pour séparer sa tête du reste : inutile de prendre quelque chose de très tranchant, une lame émoussée ferait parfaitement l'affaire, il fallait faire durer le plaisir. Peut-être avec une cuillère à soupe...

Elle soupira et porta son regard sur Elzen, ce qui l'apaisa aussitôt. Au moins avait-elle fait une belle rencontre dans cette ville.

- Je suis fatiguée, dit-elle en se levant. Et prise d'un élan d'affection, elle se pencha vers le tieffelin pour lui déposer un baiser sur la joue en murmurant un « bonne nuit ». Tout en se glissant dans les couvertures du lit, elle se dit que ce serait bien de trouver une façon de le remercier un peu plus substantielle qu'un baiser sur la joue, mais pour l'heure, il devrait s'en contenter.

[Elzen]

Chance parut… pensive, au premier abord, pendant qu'elle songeait à sa proposition. Puis, l'expression de son visage changea à chaque fois qu'il posa de nouveau les yeux sur elle. Il y eut de la colère, voire même de la haine. Pouvait-ce être la perspective d'accepter la proposition qui la mettait dans un tel état ? Il paraissait plus raisonnable de supposer que laisser ses pensées dériver avait finit par faire remonter de douloureux souvenirs, comme cela venait d'arriver à Elzen quelques instants plus tôt. Néanmoins, comment en être sûr ?
Plusieurs fois, il failli intervenir, parler, dire quelque chose… mais chaque fois, il referma la bouche sans avoir émis le moindre son. Il ne savait, en fait, absolument pas quoi dire… ce qui, pour un barde, était assez désespérant. Peut-être avait-elle, simplement, besoin d'être seule avec ses souvenirs ?

Elle finit par relever les yeux vers lui, et son regard sembla plus apaisé. La chose était… rassurante, pour le moins. Puis voilà qu'elle se leva et, alors qu'il allait enfin trouver ce qu'il devait dire, déposa un baiser sur sa joue. Soit la dernière chose à laquelle il s'était attendu ; cela lui coupa de nouveau la parole. Il s'entendit, après un bref instant à se demander ce qui venait de se passer, répondre en lui souhaitant une bonne nuit, sans vraiment l'avoir fait consciemment. Il finit par secouer la tête et reprendre le fil de ses pensées, mais le temps qu'il y parvienne, elle était déjà étendue sur le lit.

Cette demoiselle était, décidément, déstabilisante. Ou bien était-ce simplement qu'il était plus fatigué qu'il n'aurait voulu l'admettre, et que ses barrières habituelles ne le protégeaient plus autant du contact des autres personnes ? Quoi qu'il en soit, il y avait en Chance, en sa spontanéité, en sa bonne humeur, en sa… présence, quelque chose d'assez particulier. Il en venait presque à regretter d'avoir, quelques instants plus tôt, envisagé de la découper en morceaux et d'évaluer le prix de chacune de ses parts – presque.
Sourire aux lèvres, il se prit à fredonner, trop faiblement cependant pour qu'elle puisse entendre plus qu'un léger murmure

« ♪♫ D'ailleurs, c'est sa faiblesse : elle tient à ses os, et jamais ne se laisserait couper en morceaux… tout est bon chez elle, y a rien à jeter, sur l'île déserte, il faut tout emporter… »

Amusé plus qu'autre chose de sa propre réaction, il se leva à son tour ; fit de nouveau quelques pas en fixant des yeux la cheminée, laissant ses pensées vagabonder… puis décida qu'il serait bienvenu qu'il prenne, lui aussi, quelque repos. De nouveau, il vint s'allonger sur le lit, prenant garde à ne pas déranger la belle endormie… et finit par se laisser de nouveau gagner par le sommeil ; espérant cette fois que ce serait pour de bon.

[Echo]

Chance avait à peine posé la tête sur l'oreiller qu'elle s'endormit aussitôt. Mais au beau milieu de la nuit, alors qu'il ne restait plus que quelques braises fumantes dans la cheminée, elle ouvrit les yeux dans l'obscurité, éveillée comme jamais. Elle était à l'affut du moindre bruit mais n'entendait que le battement frénétique de son coeur. Lorsqu'elle réalisa qu'elle se trouvait dans la chambre de l'auberge et qu'elle posa les yeux sur Elzen à ses côtés, elle se rendormit presque immédiatement. Le reste de la nuit fut calme ; son sommeil ne fut troublé par aucun rêve, du moins aucun dont elle eut le souvenir.

Les rayons du soleil matinal avait de la peine à percer les épais rideaux de velours et Chance dormait à présent d'un sommeil de plomb. Son oreiller était enlacé amoureusement par ses bras, une légère auréole était apparu sur celui-ci à l'endroit où la tieffeline avait posé sa bouche entrouverte. Elle avait une jambe au dessus de son compagnon de chambre, à savoir Elzen. L'autre, repliée dans une posture qui semblait vraiment inconfortable, pendait lamentablement dans le vide.

Si quelqu'un était entré dans la chambre à ce moment précis, il aurait probablement pensé que la nuit avait été très courte pour les deux tieffelins. A vrai dire, la nuit avait effectivement été courte, mais pas pour les raisons que l'on pouvait imaginer.

[Elzen]

Elzen s'éveilla donc le premier. Il avait, pour sa part, eut l'esprit traversé par quelques ersatz de rêves, mais rien qui n'ait suffisamment de sens ou de consistance pour pouvoir être raconté ici.

La première chose qu'il constata en se réveillant fut que la proximité entre eux deux s'était considérablement accrue. Tellement, en fait, que la jeune femme était même présentement assez proche pour être en partie allongée sur lui.
Détail amusant : cette position aurait tout-à-fait permit à Elzen de se livrer à une petite opération chirurgicale, s'il avait eu une hache à portée de main. Fort heureusement pour l'appendice caudal de Chance, ce n'était pas le cas ; et ça aurait de toute façon manqué totalement d'intérêt. Pas assez amusant.

Après s'être étiré et avoir vérifié à quel point Chance était profondément endormie, le tieffelin entreprit de déplacer aussi délicatement qu'il le put cette jambe quelque peu gênante, histoire de laisser à la tieffeline le privilège d'occuper tout le lit, pendant que lui-même irait se dégourdir les jambes.


Cela ne sembla pas la déranger le moins du monde, aussi Elzen put-il se lever et faire quelques pas. En plein jour, la pièce ne perdait pas de son luxe, bien au contraire ; si l'on évitait de trop regarder la baignoire encore noire des ablutions de la veille, il était très difficile d'imaginer que les hôtes de cette chambre provenaient des bas quartiers.

Elzen n'avait, cependant, plus rien d'urgent à noter, ni plus de feu à contempler. Il pouvait, bien sûr, simplement quitter les lieux, et laisser la demoiselle se faire réveiller par les domestiques lorsqu'ils viendraient nettoyer la chambre ; il fut d'ailleurs tenté de le faire. Cependant, la réveiller lui-même serait sans doute plus amusant. Du moins, il n'avait pas été sans rire des dernières personnes qu'il avait éveillé en sursaut.

Que faire ? Se retournant vers le lit, il observa un instant la dormeuse : dans ses mouvements nocturnes, le drap dont elle s'était couverte avait glissé, et les parties de son anatomie qui, d'ordinaire, étaient couvertes, apparaissaient à présent dans le plus simple appareil. Chose qui, avait-il constaté la veille, ne semblait pas être du genre à déranger la demoiselle.

Il avait plusieurs moyens de procéder, certains moins amicaux que d'autres ; il opta finalement pour le fait d'utiliser sa magie. Dans un crépitement intense, un jet de lumière jaillit au dessus de Chance, la frôlant de juste assez loin pour ne pas la toucher. Peu de gens ayant déjà eu à craindre pour leur vie durant leur sommeil seraient restés sans s'éveiller après un tel événement.

[Echo]

La tieffeline continuait de dormir sereinement, à mille lieux d'imaginer les sombres projets d'Elzen. Sa poitrine se soulevait lentement au rythme de sa respiration et sa queue imprimait un léger mouvement, signe qu'elle était probablement en train de rêver. Le petit tour de magie du tieffelin se révéla diablement efficace et il la tira du sommeil aussi vite que si on l'avait immergée dans une eau glacée. Elle poussa un cri de surprise et tenta de s'enfuir mais se prit les pieds dans les draps et bascula hors du lit. "BOUM", se fut le bruit sourd de la collision entre son front et la table de nuit.

Chance se rassit maladroitement sur le sol et pressa ses mains sur son visage.

- Ouuuuuuilllle..., gémit-elle. Espèce de... !

D'insupportable crétin ! Elle attrapa la première chose qui lui tomba sous la main - en l'occurrence il s'agissait d'un oreiller ; fort heureusement, elle n'avait pas remarqué le grand chandelier sur la table de nuit - et l'envoya valser au visage d'Elzen. C'était donc lui, l'imbécile qui s'amusait à la tirer du lit aussi brutalement ? C'était le genre de chose qui mettait Chance de fort méchante humeur, et il n'allait pas tarder à s'en rendre compte. Elle massa douloureusement son front qui commençait à présenter une grosse bosse.

[Elzen]

La réaction de Chance arracha un franc éclat de rire à Elzen… qui s'estompa lorsqu'il s'aperçu ne pas avoir envisagé la présence de cette table de nuit et les conséquences qui s'en suivraient.

« Oh. Désolé. »

Esquivant partiellement l'attaque – un coin de l'oreiller l'atteignit tout de même à l'épaule, sans évidemment lui causer le moindre mal –, il s'approcha du lit. Pour une blessure sérieuse, il avait encore à utiliser ses mains et son matériel, mais pour la conséquence d'un simple choc comme celui-ci, ses modestes tours de magie suffisaient amplement, aussi s'empressa-t-il de lancer celui qui apaiserait la douleur de Chance et ferait disparaître la bosse.

« Il semble que nous ayons dormi un certain temps ; et il va nous falloir, bientôt, quitter la chambre, à moins que vous n'ayez sur vous de quoi payer une seconde nuit. »

Il n'était resté prêt du lit que le temps de lancer ce sortilège, afin d'éviter une trop brusque contre-attaque. Il était de nouveau à proximité du bureau, ayant ramassé l'oreiller à tout hasard, lorsqu'il ajouta

« Je ne pense pas que vous souhaitiez remettre vos habits dans l'état où ils sont, si tôt après un bain ; et je ne suis pas sûr que conserver ce drap soit la meilleure solution. Puis-je vous confier l'une de mes tenues de rechange ? »

[Echo]

Chance sentit sa bosse disparaître presque instantanément sous ses doigts mais cela n'apaisa en rien son désir de vengeance, et si Elzen croyait s'en tirer à si bon compte, il se trompait lourdement. Alors qu'il s'éloignait d'elle - visiblement, il devait s'attendre à des représailles - elle enroula sa queue autour de son mollet et se jeta sur lui pour le faire basculer. Surpris par son audace, il tomba à la renverse et entraîna la tieffeline dans sa chute. Cette dernière s'installa à califourchon sur lui, victorieuse. Elle n'eut malheureusement pas le loisir de réfléchir à ce qu'elle allait lui faire - lui tordre le cou avait été sa première idée, mais la position dans laquelle ils s'étaient tous les deux retrouvés lui donnait d'autres idées - puisque la porte s'ouvrit brusquement.

L'homme qui était entré dans leur chambre sans y être invité se figea sur place devant la scène puis se tourna vivement face au mur en bafouillant :

- Pardon ! Excusez-moi ! Je ne savais pas que vous étiez encore là ! Je... je venais refaire le lit et...

Il semblait affreusement gêné de les avoir surpris dans cette position très compromettante et, dans sa hâte, il n'avait sans doute pas remarqué que Chance, alors complètement nue, n'était pas vraiment humaine.

- Vous pouvez profiter de la chambre huit heures de plus mais il vous faudra régler le montant directement au guichet...

Il se racla la gorge.

- Je... Je m'en vais !

Il quitta la pièce en tout hâte, très mal à l'aise à l'idée de s'éterniser. Cette interruption avait au moins eu le mérite de couper court à la vengeance de la tieffeline qui, pendant quelques secondes, ne bougea plus d'un poil. Finalement, elle sourit à Elzen en déclarant :

- Sauvé par le gong...

Elle se redressa et lui tendit sa main.

[Elzen]

Trop amusé par la situation, et pas franchement inquiet quand à ce que donnerait la rixe, Elzen ne s'était pas particulièrement débattu lors de l'attaque de la tieffeline. L'irruption du domestique n'avait fait que renforcer encore cet amusement – visiblement, celui-ci avait été trop surpris par la scène pour remarquer que le tieffelin, lui, était entièrement habillé.

Attrapant la main que Chance lui tendait après cette interruption inopportune, il se releva prestement, toujours hilare, et dans le même geste, attira la demoiselle à lui et la bloqua entre ses bras – la force musculaire du tieffelin était loin d'être surhumaine, mais surpassait tout de même largement celle de sa camarade.

« N'espérez tout de même pas que ce soit si facile. »

Il la maintint ainsi contre lui un instant, et profita de sa nudité pour passer le regard sur une zone assez sensible.

« Votre blessure semble en bonne voie de guérison. Prenez tout de même garde à ne pas trop la solliciter dans les jours qui viendront, ou vous risqueriez quelques complications. »

Puis il la relâcha brusquement, reculant hors de portée avant qu'elle ait eu le loisir de se retourner.

« Comme je vous le disais, je crains qu'il ne nous faille vider les lieux – avant que l'un de ses collègues ne revienne, si possible. Désirez-vous vous vêtir, maintenant ? »

[Echo]

La proximité soudaine du tieffelin sembla faire dérailler le cerveau de Chance qui n'eut aucune réaction et se contenta de rester béatement les bras ballants. Il fit quelques commentaires sur sa blessure qu'elle n'écouta guère, sans doute trop perturbée par le contact de ses mains sur sa peau. Cet instant dura l'espace de quelques secondes, mais cela avait été trop long et trop court à la fois. Lorsqu'il finit par la relâcher, elle prit conscience qu'elle avait retenu sa respiration tout le long, et c'est avec déception qu'elle le regarda s'éloigner.

Elle tenta de se mettre à nouveau en colère contre lui en se remémorant les circonstances de son réveil ; sans succès. Pire encore, il lui semblait que sa mauvaise humeur s'était complétement évanouie.

Lorsqu'il lui demanda si elle souhaitait s'habiller, elle réalisa qu'elle était -encore et toujours- nue, même si sa longue chevelure cachait partiellement sa poitrine.

- Je pense que ce serait une bonne idée effectivement. Je crois que le commun des mortels n'est pas encore prêt pour ça. Ça risquerait de les rendre jaloux..., dit-elle avec un sourire.

[Elzen]

« Quelque chose comme ça, sans doute »

S'il avait l'air amusé, Elzen semblait, en revanche, n'avoir pas le moindre début d'idée de l'effet qu'il provoquait sur sa camarade. En fait, il semblait n'avoir pas la moindre once de petit début de réaction appropriée face à la situation – la nudité de Chance, qu'il avait pourtant eu autant qu'il aurait pu le vouloir le loisir de contempler, n'avait semblé ni le perturber, ni attirer son regard. En fait, un témoin de la scène aurait eut toutes les raisons de se demander s'il n'était pas totalement asexué – mais il avait, d'un autre côté, montré jusque là un grand talent pour cacher le reste de ses émotions, aussi était-il tout-à-fait permit de penser qu'il ne s'agissait que d'une façade, d'un masque pudique de l'acteur qu'il était.

Se penchant vers son sac, il en sortit un change complet, qu'il tendit à la demoiselle. Ils n'avaient pas exactement la même carrure, mais sans doute parviendrait-elle à s'en accommoder sans mal – en tout cas, ces vêtements semblaient assez agréables à porter. Sans mot dire, il recula de quelques pas, laissant la tieffeline s'habiller. Quelles pensées se dissimulaient réellement sous ce regard qui semblait rieur ? Était-il lui-même troublé par la présence chaleureuse de Chance, ou ne voyait-il en elle qu'un simple pion à jouer dans quelque partie contre son destin ? S'imaginait-il en train de la cajoler, de prendre soin d'elle, ou réfléchissait-il au contraire aux moyens qu'il aurait de se payer à ses dépends ? Bien malin qui aurait pu le dire.

[Echo]

Toujours aussi peu soucieuse d'être nue devant le tieffelin, Chance prit tout son temps pour se vêtir, à tel point qu'on aurait pu se demander si elle ne le faisait pas exprès. Les vêtements d'Elzen étaient un peu trop amples pour son petit gabarit mais cela aurait pu être pire. Ce qui la dérangeait vraiment, c'était les couleurs. La tenue n'était pas extravagante mais Chance avait toujours été habituée à porter du noir, quelque soit les circonstances, sans doute parce que sa survie dépendait en grande partie de sa discrétion. L'oeil critique, elle se regardait dans le miroir comme si elle n'était pas réellement convaincue par ce qu'elle y voyait. Puis elle commença à se dandiner de gauche à droite, comme si quelque chose la démangeait.

- M'ouais, c'est... c'est différent et je ne me sens pas vraiment à mon aise, il y a quelque chose qui ne va pas. Elle se saisit du coupe papier qui trônait sur le bureau et entailla la pantalon afin de libérer sa queue. Aaaaaah ! Désolée pour le pantalon mais ça m'aurait rendu folle !

Elle profita du miroir pour arranger ses cheveux qu'elle entreprit de tresser en une longue natte afin qu'ils ne la dérangent pas pendant ses voyages. Alors qu'elle bataillait avec sa longue, très longue chevelure, elle demanda à Elzen :

- Alors, quels sont vos projets pour les prochains jours ?

La nuque de Chance découverte, Elzen eut tout le loisir d'apercevoir une marque bleue, semblable à celle près de son oeil, qui s'étalait jusque dans ses cheveux et commençait à doucement descendre le long de sa colonne vertébrale ; apparemment, elle n'avait rien remarqué. Sa blessure à l'épaule était encore douloureuse, et la tieffeline peinait à tresser ses cheveux, si bien qu'elle soupira d'agacement et finit par y renoncer.

[Elzen]

Elzen regarda Chance sectionner ainsi le pantalon, l'air amusé C'est Elzen qui a l'air amusé, hein, pas le pantalon sectionné

« Je vois… Certains s'y habituent très bien ; mais je suppose que cela dépend des gens. Ne vous en faites pas pour ce pantalon ; je n'aurai qu'à arranger ça si je dois le remettre. Il sera plus simple de recoudre ce tissu que votre épaule. »

Achevant lui-même de remettre de l'ordre dans sa tenue – que la proximité de la tieffeline avait tout de même quelque peu froissée –, il sortit de son sac une longue cape sombre, et amorça le geste de la passer sur ses épaules. Il s'interrompit cependant, regardant de nouveau vers Chance, puis après un instant d'hésitation, la lui tendit

« Cette couleur-ci correspondra peut-être davantage à vos activités du moment. »

La cape ne semblait pas réellement noire ; mais sa couleur aurait été indéfinissable. Nul doute que la personne qui s'en couvrait dans l'ombre échapperait bien plus aisément aux regards qu'en n'arborant que les habits à l'aspect plus fantaisiste portés dessous ; et même que des habits ordinaires. C'était une simple cape, aussi innocente que possible, mais pourtant, elle semblait faite pour se fondre dans l'obscurité.

« Mes projets… ma foi, visiter un peu la ville, et faire la connaissance de certains autres de ses habitants. Sans doute trouver un travail, pour quelques jours, afin de nouer quelques contacts. J'ai… un peu de commerce à faire, également. »

Disant les derniers mots, il récupérait l'épée et nettoyait les quelques tâches de boue qu'elle avait collecté dans les égoûts.

[Echo]

- Merci, dit-elle en se drapant dans la cape qu'Elzen lui tendit. Décidément, son ardoise s'allongeait de minute en minute, il fallait qu'elle se débarrasse du tieffelin très vite si elle voulait être en mesure de le rembourser un jour. Nous ferons mieux d'y aller avant qu'ils ne nous facturent une nuit de plus.

Elle jeta un dernier regard vers le miroir, puis rabattit son capuchon sur son visage. L'homme qui avait surgi dans leur chambre quelques minutes plus tôt leur fit un grand sourire lorsqu'il les aperçut, en bafouillant qu'il espérait que leur séjour s'était bien passé et qu'il aurait le plaisir de les revoir un jour. Elle ne savait pas si elle reviendrait dans cet établissement mais ce qui était sûr c'est qu'elle reviendrait hanter les quartiers riches dès qu'elle en aurait l'occasion.

La cité en plein jour était une vision qu'elle n'avait pas eu depuis longtemps, aussi regarda t-elle le quartier comme si c'était la première fois qu'elle y mettait les pieds. A place du soulagement qu'elle aurait du ressentir, elle avait un poids dans l'estomac et un noeud dans la gorge.

Elle se tourna vers Elzen et se força à lui sourire.

- Si vous avez des choses à vendre ou à acheter, vous devriez aller à l'Esplanade Impériale, par là, dit-elle en lui indiquant le chemin derrière lui. Ce n'est pas très loin. Pour le travail, Melandis regorge d'opportunités, ça ne devrait pas être un problème.

Elle sembla hésiter puis ajouta :

- Mais faîtes attention, n'allez surtout pas vous faire tuer.

[Elzen]

Elzen était assez satisfait de quitter les lieux : tout ce luxe avait, certes, quelques aspects plaisants, mais il ne s'y sentait guère à son aise. Ce n'était pas… son élément naturel, sans doute.

Parvenu à l'extérieur, il contempla, pour la première fois, la ville éclairée par le soleil. Melandis avait… un certain charme, trouvait-il. Mais il s'agissait là des quartiers bourgeois ; l'impression serait probablement nettement différente quand il retournerait là où avait eu lieu l'opération de la veille.

La veille seulement… la nuit avait semblé si courte, et pourtant simultanément durer une éternité. Quelques heures plus tôt, il arpentait un autre plan… il était habitué à de tels changements, mais celui-ci avait un aspect particulier. Presque comme s'il venait d'entamer une nouvelle existence. Il sentait, au fond de lui – ou voulait croire, au minimum – qu'il était, cette fois, parvenu au bon endroit. Ce monde serait celui qui formerait leur nouveau foyer. Et, peut-être, Chance les rejoindrait-elle lorsqu'ils seraient établis. Il se demanda un instant ce que sa mère penserait de cette demoiselle.


Les propos de la tieffeline en question le tirèrent de sa rêverie momentanée. Voilà qu'elle lui servait de nouveau de guide, comme au tout début de leur rencontre. Il suivrait son conseil, pour sûr ; vendre l'épée et trouver une autre source de revenus serait assurément une des premières choses à faire avant de commencer à envisager la suite.

Il sourit en entendant la dernière remarque. Comme s'il avait l'habitude de mourir, surtout quand il avait de bonnes raisons de revenir chercher quelqu'un – curieusement, le fait qu'elle ait une dette à régler n'était peut-être plus la principale de ces raisons.

« Je tâcherai d'y veiller. Faites-en de même, d'accord ? Je préférerais ne pas avoir à manier de nouveau les aiguilles avant de pouvoir refaire ceci. »

Et, sans crier gare, il prit Chance dans ses bras et, la serrant tendrement contre lui, déposa un baiser sur sa joue. Puis il s'écarta aussi prestement qu'il avait agit, exerça une parfaite révérence, et tourna les talons sans ajouter un mot, se dirigeant vers d'autres lieux et d'autres occupations.


…avant de disparaître hors de vue, il sembla tout de même, une fois ou deux, se retourner un instant pour la regarder.

[Echo]

Chance savait que c'était les dernières minutes - secondes peut-être - qu'elle passait en compagnie du tieffelin et à mesure que la fin de leur " collaboration " approchait, le noeud dans sa gorge se resserrait davantage ; elle avait apprécié cette pause plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre. Elle le regarda sans savoir quoi lui dire, sans même savoir si elle le reverrait un jour et Elzen mit fin à son tourment intérieur de la façon la plus surprenante qui soit : il la prit dans ses bras et s'autorisa même à l'embrasser sur la joue.

Hébétée, elle n'eut aucune réaction et resta les bras le long du corps. L'étreinte fut brève, et si son corps ne s'était pas enflammé à ce simple contact, elle aurait pu penser l'avoir imaginé. Lorsqu'il tourna les talons, Chance le regarda s'éloigner, elle fut plusieurs fois tentée de le suivre mais n'en fit rien. Elle resta un moment sans bouger, plantée devant l'auberge luxueuse qui les avait accueillis la veille, puis s'éloigna à son tour, dans la direction opposée de celle qu'avait pris Elzen.

La suite allait être beaucoup moins plaisante - trouver son Némésis, le tuer, ce genre de choses - mais pour l'heure, la tieffeline avait gagné le droit de sourire bêtement pendant quelques temps, ce dont elle ne se priverait sûrement pas.

[Claris de Corvimande]

En provenance de

L'établissement était réputé, mais Claris n'y avait pas encore passé la nuit. Normal quand on disposait d'un manoir en ville, ceci dit. Mais ça allait être l'occasion de vérifier si cette réputation était méritée.

Marcher n'était pas l'activité la plus plaisante dans sa situation ; mais sa fierté l'emporta bien vite sur la douleur. De Corvimande affecta de ne pas prêter attention à ses “gardes du corps” tout le long du trajet. Tant qu'ils se taisaient, les ignorer était plutôt facile, finalement.

L'argent dans sa bourse lui permettrait sans doute de se payer la première nuit ; pour la suite, on aviserait. Ayant plus ou moins donné sa parole de ne pas quitter les lieux tant que durerait l'enquête, il lui fallait tout de même se préparer à l'ennui, mais ici, au moins, il y aurait de quoi s'occuper.

[Kasumi]

Les deux gardes entrèrent avec elle dans l’auberge sans un mot sans doute pour s’assurer qu’elle avait véritablement l’intention d’y prendre quartier mais aussi également pour veiller à ce qu’aucune embuscade ne l’y attende. Ils restèrent ensuite près de la porte de la salle commune et laissèrent l’initiative à la jeune femme de prendre ses dispositions. Selon le contrat, ils n’allaient pas tarder à déguerpir. D’autant qu’une elfe revêtant une tenue de servante s’approchait déjà d’elle :

- Désirez-vous un rafraîchissement… messire ?

Derrière elle, venant des alentours de la porte, Claris surprit un bref éclat de rire.

[Claris de Corvimande]

Grmblm. Bon, ces deux-là auraient à subir les conséquences de leur moquerie. Plus tard.

Pour l'heure, la servante elfe était autrement plus intéressante.

« Ma foi, pourquoi pas. J'aimerais également savoir si vous disposeriez d'une chambre pour quelques jours. »

Combien de temps durerait “l'enquête” ? Quand son père reviendrait-il ? Bah, il serait toujours temps d'aviser par la suite. Pour le moment, profiter de la beauté des lieux.

[Kasumi]

La jeune - et plutôt jolie en passant – elfe mena donc le jeune homme jusqu’à une table proche avant de poursuivre :

- Il nous reste encore quelques chambres pour les hôtes de marque, bien sûr. Avez-vous des désirs particuliers ? Pour la boisson comme pour la chambre d’ailleurs ?

Les deux soldats, avisant que Claris était entre de bonnes mains en profitèrent pour s’éclipser avant que leur mission ne prenne quelque fâcheuse tournure. Ils avaient accompli ce qu’on leur avait demandé et n’avaient guère envie de faire du zèle pour une petite donzelle se prenant manifestement pour un garçon en se donnant de grands airs !

[Claris de Corvimande]

N'ayant pas accès aux pensées des gardes, Claris ne put s'en formaliser ; qu'ils les emportent donc pour l'instant. Ils avaient déjà à s'attendre à de fâcheuses surprises même si leur route ne recroisait la sienne : leur peu de considération à l'endroit d'une personne de sang noble n'était pas exactement la meilleure manière qui soit de faire carrière de garde à Melandis, où laisser une mauvaise impression à la mauvaise personne pouvait avoir des conséquences néfastes.

Bref, il y avait des sujets de préoccupation plus immédiats.

« Une boisson fraîche et peu alcoolisée fera l'affaire – j'ai besoin de garder les idées claires. »

Car il y avait beaucoup à penser, assurément. Sa situation présente n'était pas exactement de celles que l'on aborde l'esprit léger – encore moins l'esprit enbrumé.

« Pour ce qui est de la chambre, je me fierai à votre avis : j'ai toute confiance en la qualité de votre établissement ainsi qu'en le jugement de son personnel. »

Claris avait, sur la dernière phrase, gratifié l'elfe d'un sourire cordial. Les bons domestiques méritaient, après tout, une grande considération.

[Kasumi]

La serveuse lui adressa un sourire charmant et un « Vous êtes trop bon messire » avant de s’éclipser en passant entre les tables avec grâce et efficacité. Elle revint moins de deux minutes plus tard en déposant une chope de bière légère et bien fraîche.

- Il nous reste une chambre ayant une vue exquise sur les jardins. J’espère qu’elle sera à votre goût. Je vais m’occuper de vous la faire préparer, elle sera prête dans quelques minutes. Vous n’aurez qu’à venir me trouver quand vous souhaiterez monter.

Elle lui adressa un clin d’œil mais déjà s’éloignait entre les tables affichant une démarche des plus délicieuses à regarder.

[Claris de Corvimande]

De prime abord, l'endroit avait effectivement de quoi plaire ; et le service était pour l'instant irréprochable.

Le regard de Claris s'attarda un instant sur la silhouette de l'elfe. Curieuse démarche… apprenait-on à flatter ainsi le regard, ou était-ce quelque chose qui venait naturellement lorsque l'on était dans les dispositions adéquates ? Claris se demanda soudain quelle impression donnait sa propre façon de se déplacer dans les situations où le genre féminin lui était plus marqué. Quelques temps plus tôt, un garçon de sa connaissance avait usé du qualificatif de « plutôt jolie »… peut-être eut-il fallu lui demander quelques précisions.

De Corvimande, pour l'heure, prit le temps de savourer sa bière. La situation qui était présentement la sienne était assez curieuse ; mais, au moins, certaines choses ne changeaient pas, et changeaient toujours autant les idées. Les siennes dérivèrent ainsi un moment, sans but précis…

HRP : si tu n'as pas prévu d'interruptions, considère que je finis par aller demander à voir la chambre.

[Kasumi]

Si des ennemis l’avaient suivi jusqu’ici ou déjà repérée – ce qui était peu probable, ils ne se manifestèrent pas ou alors cherchaient-ils un moment plus propice à l’action. Un espion pouvait fort bien se cacher parmi la foule somme toute haut de gamme des clients de l’auberge. Claris crut même percevoir quelques regards vaguement curieux quand elle finit par se lever et rejoindre l’elfe qui lui dédia un sourire avant de le devancer dans les escaliers. Elle s’arrêta au premier pallier pour entraîner la noble jusqu’à une porte située au milieu du couloir. Après avoir ouvert la porte pour révéler une chambre simple mais lumineuse et meublée avec goût, l’elfe tendit la clé à la jeune femme mais ne fit pas mine de ressortir :

- Monsieur désire-t-il autre chose ? La Mélandienne d’Argent se fait fort de pourvoir aux désirs de sa clientèle par toute sorte de services.

Elle avait déclamé cette invitation d’un ton relativement las mais non sans un sourire de circonstance, comme s’il reflétait la force de l’habitude.