Quête : Le Poing Levé / Guerre des plaines brûlantes : à Graëlon

[Dhast]

Brus écouta l'avis du guerrier avec attention. Son analyse lui semblait très plausible et cela également parce que ça le rassurait de savoir que l'arme était peu dangereuse en elle-même. Il se contenta de hocher la tête. Il penserait à demander l'avis de Lothringen lorsqu'il en aurait l'occasion. Quant à l'homme, si c'en était un, qui la lui avait donnée, Brus rassembla ses souvenirs à son sujet et en fit un rapide exposé à Hugues :

"Il a dit s'appeler Lektharin, Lekhtarin Cinéwalke, ou Sinealwek, enfin quelque chose comme ça. Un grand type avec une voix sifflante, et puis tout caché sous sa robe et sa capuche, un mage je crois, en plus! Il n'a pas dit grand chose sur la dague, à part qu'ça v'nait d'une mine et qu'ça concernait l'bien d'Manost. Reconnaissez qu'on fait difficilement plus louche..."

[Mornagest]

La description était sommaire, mais laissait effectivement penser qu'il s'agissait bien de quelqu'un de particulier. Une capuche pour masquer ses traits non humains, ou au contraire se faire passer pour tel ? Aucune certitude à se faire sur ce point. Mais la prononciation sifflante lui rappela l'homme-lézard de Melandis, Led Shark, l'herboriste. Se pouvait-il ? Il ne pouvait évidemment pas évoquer cette hypothèse, mais se promit d'en savoir plus, si cela lui était possible.

"Honnêtement, je doute que ce soit très important, mais... mieux vaut avertir le conseiller. On ne sait jamais. Les risques sont grands, et en ne négligeant aucune menace potentielle... c'est curieux qu'il ait évoqué le bien de Manost, par exemple. Cela peut évidemment vouloir tout et rien dire..."

Il s'en tint là, pour l'heure.

[Dhast]

"C'est ce que je pense aussi."

Brus conclut sur un haussement d'épaules et repoussa légèrement son assiette vide. Le conseiller avait en effet réponse à beaucoup de choses et peut-être aurait-il réponse à celle-ci. A cette idée, le voleur faillit interroger Hugues sur le contenu de son futur entretien avec Lothringen, mais comme il devinait déjà la réponse, il s'abstint. Dehors la journée se poursuivait, et on devinait à la rumeur des rues que la fin du marché relâchait son flux d'habitants dans les artères vides de la ville. Finalement une seule question persistait encore dans l'esprit du jeune, c'était la façon dont il allait occuper son après-midi.

[Lothringen]

Brus ne put bénéficier de la compagnie de Hugues beaucoup plus longtemps, car celui-ci fut appelé pour prendre son tour de garde tandis que Lothringen recevait tour à tour chacun des deux autres membres de la garde blanche, sire Rowan, puis Hadlis. Mornagest les vit entrer d'un pas mal assuré dans les appartements du conseiller, puis ressortir, peut-être une demi-heure plus tard. Il était difficile de déchiffrer l'expression de son capitaine mais Hadlis, en sortant, lui avait souri avec un air manifestement soulagé. Aucun d'entre eux ne fit de commentaire, néanmoins.

Il s'écoula ensuite un petit moment qui lui parut très long avant que Lothringen ne réapparaisse à la porte, demandant à voir... Brus, cette fois. Hadlis alla le chercher dans le dortoir où ce dernier avait choisi de s'offrir une petite sieste, le temps de décider quoi faire de son après-midi.

Lothringen le reçut sur le pas de la porte, et fut assez concis. Il lui faisait la grâce d'avoir trouvé pour lui.

"Ah, Brus. Je vous demande de vous rendre sur les quais pour attendre l'arrivée des trois navires luméniens d'avant-garde. Quand ils seront visibles en mer, vous avertirez le gouverneur : mais revenez avec lui ensuite lorsqu'il viendra les recevoir. Je n'assisterai pas à leur arrivée, mais je souhaite entendre votre récit ce soir."

[Dhast]

L'idée de cette petite sieste postprandiale s'était finalement imposée d'elle-même à Brus. Aussi, lorsqu'Hadlis l'en tira, dut-il prendre quelques secondes pour ouvrir tout à fait les yeux et comprendre ce qu'on lui demandait. Le voleur remercia le garde puis se mit sur pieds pour rejoindre le bureau du conseiller, curieux des raisons de cette convocation et plutôt enthousiaste : quoi que le conseiller lui demanderait ce serait sans doute plus constructif que ce qu'il avait imaginé jusqu'à maintenant. Il écouta donc attentivement ce qu'on attendait de lui et hocha fermement la tête.

"Bien m'sieur Lothringen. J'essaierai d'être aussi précis qu'possible. Y a-t-il quoi qu'ce soit qui vous intéresse plus particulièrement? Des faits sur le voyage? Les personnes présentes? D'autres informations?"

Brus avait bien d'autres questions quant à l'objet qui avait occupé une partie de la discussion qu'il avait eue avec Hugues, mais cela pouvait bien attendre le soir.

[Lothringen]

"Toute information utile sur les trois navires et leurs occupants, ce qu'ils auront dit du reste de la flotte luménienne, leurs échanges avec le gouverneur. S'ils n’en parlent pas d'eux-mêmes, demandez-leur si des conseillers luméniens ont accompagné l'armada, et lesquels. De même, quels généraux. Vous pouvez d'ailleurs discuter avec de simples membres de l'équipage, histoire de compléter vos impressions... Je souhaite en savoir le plus possible sur nos alliés, leurs dispositions d'esprit, leur organisation lors du départ. N'en faites pas trop non plus. Inutile de leur donner l'impression qu'on se défie..."

Est-ce qu'il se défiait ? Pas tout à fait. Il faisait juste ce qu'il avait toujours fait, considérant que toute connaissance était bonne à prendre. D'autant que le conseil luménien avait été très évasif sur certains points. S'il pouvait réfléchir à certains éléments dès ce soir plutôt que de se laisser surprendre le lendemain, lors de l'arrivée du gros de la flotte, ce serait un avantage utile.

[Dhast]

Brus opina du chef et, après avoir souhaité une bonne après-midi aux quatre autres, tourna les talons en direction du port. Finalement, l'après-midi promettait d'être captivante et le voleur se demandait bien à quoi ressemblait la flotte luménienne. Sans doute un ensemble de galères blanches comme de l'albâtre, avec sur chacune, une elfe jouant de la harpe pour cadencer les rameurs. Ou peut-être pas... Même si Athkatla était une cité portuaire, Brus n'avait qu'une faible expérience de l'océan et de son univers, en fait celle-ci tenait surtout aux récits des marins de la Bonté Marine et leur fiabilité était à l'image de la bière non filtrée qu'on servait là : trouble.

[Lothringen]

Tandis que Brus s'en retournait vers les quais vérifier la validité de ses intuitions, Lothringen se retournait vers les gardes. Il venait de recevoir sire Rowan et Hadlis, c'était donc logiquement le tour d'Hugues Montfort, qu'il avait gardé pour la fin. Le Conseiller espérait avoir bien préparé ses arrières, et pouvoir bénéficier de plusieurs heures de paix avant qu'on n'estime leur entrevue anormalement longue. Après tout, il était de notoriété commune que le guerrier avait été recruté pour les informations qu'il détenait plutôt que pour ses seules compétences martiales...

Lothringen se tourna vers le garde, et, tout en se rangeant pour le laisser entrer, eut un bref sourire.

"Bien, c'est à nous. Sire Rowan, l'entrevue pourra se prolonger : veillez à ce qu'on ne nous dérange pas sans urgence. Compte tenu de l'importance des sujets abordés, la porte sera du reste fermée de l'intérieur, et je prendrai certaines précautions magiques."

Le capitaine de la garde opina du chef. Il était habitué à ce genre de précautions, et du reste, avait lui-même poussé le semi-drow à en adopter certaines.

[Mornagest]

L'attente prit fin, et il en fut soulagé. Deux semaines entre ce petit moment d'intimité, et leur dernière conversation du même tonneau, à Medann, c'était long. Bien plus que ce qu'il ne s'était imaginé de prime abord, malgré le fait qu'il avait tenté de s'y préparer... Il entra dans le bureau sans mot dire, gardant son attitude neutre et son air sérieux jusqu'à ce que la porte fût refermée par le semi-drow. Il soupira doucement alors, puis sourit.

"Tu comptes me garder prisonnier et exiger une rançon ?" fit-il, tout bas, n'étant pas certain qu'il ne fût pas entendu. "Comment te sens-tu, depuis tout à l'heure ?"

La tension avait été forte, et il ne parvenait pas totalement à s'ôter de l'esprit les risques qu'ils avaient subis, surtout Lothringen, durant cette... opération. Que ce serait-il passé s'ils n'avaient pas trouvé les mots ? Si son compagnon n'avait pas gardé sur lui la missive et la lamelune de Ravestha ? Seraient-ils seulement encore en vie, à l'heure qu'il était ? D'autant que sire Rowan et Hadlis n'avaient pas été difficiles à convaincre. Mais s'ils étaient tombés sur des fanatiques, ou des ennemis de Manost...

[Lothringen]

Il avait poussé les verrous et s'était retourné vers Mornagest. Sa question lui fit baisser les yeux.

"Un instant..."

Il piocha dans une poche de sa cape des composants qu'il tint dans sa paume - des coquilles d'oeufs de petite taille - et incanta.

Lothringen ==> lien télépathique de Rary

Quelques instants plus tard, il parlait à nouveau, mais directement dans l'esprit de Mornagest. Ses lèvres ne remuaient même pas.

"Voilà... désolé, mais je ne me fie qu'à moitié à la sécurité des lieux. Comme cet endroit était un lieu de séjour très prévisible, je ne voudrais pas qu'on nous surprenne par la magie et qu'on entende ton nom... Comment je vais ? Mal."

Il alla s'adosser au bureau, le temps de reprendre ses idées. La pièce était un petit bureau de travail, dotée d'une grande fenêtre avec vue sur le port. Sur l'autre mur, une porte entrouverte laissait deviner la présence d'autres pièces derrière celle-là.

"Nous sommes passés très près de la catastrophe, et je pressens que ce n'est pas fini. Oh, ça ne viendra sans doute pas de mes gardes du corps. J'ai sondé sire Rowan et Hadlis, tout à l'heure, je pense qu'ils ne poseront plus de problèmes. Mais les remarques qu'ils ont faites, les accusations qu'ils ont formulées, d'autres les feront. D'autres que la loyauté envers le Grand Emissaire n'étouffera pas, et qui ne seront peut-être pas helmites..."

Il se tut à nouveau. Il avait eu très peur, et il avait un peu honte du rôle qu'il avait joué. S'il avait pu se battre, ç'aurait été différent...

[Mornagest]

Son visage redevint sérieux. Son compagnon paraissait réellement inquiet, et il en comprenait les raisons. Les risques étaient de plus en plus grands à mesure que les heures passaient, et l'arrivée des luméniens allait occasionner un beau fatras qui s'ajouterait à la confusion déjà établie. Comment distinguer les éventuels assassins dans une foule de plusieurs milliers d'hommes ? Sans parler des tueurs supposés loyaux au conseiller et qui n'attendaient qu'une occasion pour le faire passer de vie à trépas. Le choix était vaste...

"Il y a des chances que d'autres... tentatives se produisent encore. Et des gens moins raisonnables que nos deux helmites seraient encore plus dangereux. Il faut trouver une solution pour empêcher que ce genre de situations arrive à nouveau..."

Plus facile à dire qu'à faire, évidemment. La garde blanche était déjà supposée être composée de membres triés sur le volet, et cela n'avait pas suffit à provoquer une quasi-catastrophe. Lothringen ne pouvait décemment pas rester sous protection magique en permanence, à supposer que ce fût seulement possible... et quand bien même, la magie se contrait, il le savait.

"Il y a peut-être quelques pistes à explorer. Ne rien prévoir, comme ce passage à Graëlon. Évidemment, il fallait venir à la rencontre des luméniens, mais à l'avenir, tes déplacements seront guidés par les événements, il y a sans doute moyen d'éviter de les rendre trop prévisibles... est-ce que ta magie ne peut rien faire contre une attaque directe ? Dans ce cas-ci, nous avons été surpris parce que la menace venait des gardes, mais quelqu'un d'extérieur provoque forcément plus de suspicion."

Il soupira tout haut, songeant aux autres implications que les accusations des deux helmites pouvaient avoir. Là... il ne voyait aucun échappatoire.

"Quant à leurs soupçons de trahison... effectivement, s'ils les ont eus, d'autres les ont ou les auront. Il me paraît illusoire de tenter d'empêcher de telles rumeurs de circuler au sein de la troupe. Qu'est-ce qui pourrait les faire taire à coup sûr ? Une victoire rapide face à l'ennemi ?"

[Lothringen]

« Ma mort ? »

Et encore. On salirait sa mémoire quelques temps encore, avant de l'oublier. Il était un semi-drow renégat, et partant... Il étouffa un soupir, tâchant de s'extirper de ses pensées négatives et d'appliquer sa réflexion aux remarques de son compagnon.

« Je peux user et abuser des téléportations, des changements d'itinéraires, et des protections contre la divination. La guilde m'en a donné quelques parchemins et j'en ai préparé moi-même... Mais pas de permanence, cette fois. Un mage de mon niveau peut me traquer et se téléporter à son tour... Je peux... détecter les pensées superficielles d'un visiteur, je le fais quelquefois. Pas toujours. De toute façon, si je veux être tout à fait en sécurité, je n'ai plus de contact nulle part et je ne sers plus à rien. Je ne reçois déjà plus personne de nouveau sans fouille préalable et la présence d'un garde. Mais la trahison est à la mode. Je... »

Il haussa les épaules.

« Souviens-toi de ton accession au Conseil de Melandis... nous sommes, finalement, si faciles à tuer. »

Peut-être une victoire contre l'ennemi découragerait-elle certaines tentatives côté manostien... à moins qu'elle ne dissipe les derniers scrupules en laissant apercevoir la possibilité d'une issue heureuse quoi qu'il arrive ? Oh, qu'il en avait mal au crâne.

« Je regrette de ne pas faire meilleur visage. Cela fait quinze jours que j'attends ce moment, tu sais ? Te retrouver. Enfin seuls. »

Lothringen força un sourire. Il avait imaginé mille façons beaucoup plus théâtrales et drôles de recevoir son compagnon, mais les événements de la matinée avaient tout balayé...

[Mornagest]

Mornagest fit grise mine. Parler de mort ne lui faisait guère plaisir, surtout lorsque cela les concernait tous les deux. Il se souvenait parfaitement des divers attentats dont il avait lui-même été la cible. Tous déjoués, pour finir entre les griffes d'une créature contre laquelle il ne pouvait rien... cela se produirait-il avec Lothringen ? Il en doutait : même un vampire, à supposer qu'une telle engeance souhaitait sa mort, ne pouvait le frapper suffisamment pour l'empêcher de s'enfuir grâce à la magie... non ?

"Je suis certain que nous nous en sortirons. Ensemble, nous l'avons toujours fait, n'est-ce pas ? Ce sera pareil maintenant." Croyait-il ou non en ses propos ? Oui, sans doute. La naïveté pouvait parfois apporter une note d'espoir bienvenue.

"Ne t'inquiète pas pour ton aspect. Je serais bien plus préoccupé si tu balayais les événements de ce matin d'un revers de la main..." Cependant, ils auraient tort de ne pas profiter de ce répit : rien ne disait que le prochain serait pour bientôt. S'approchant du semi-drow, il lui saisit les mains. Il répondit à son sourire, de façon plus franche. Abordait-il les choses avec tant de candeur ? Ou souhaitait-il rassurer son compagnon ? Il ne le savait lui-même.

"Ça a été difficile, pendant tout ce temps. Je n'imaginais pas que nous aurions si peu d'occasions de nous voir en privé... même si j'ai eu l'occasion de souffrir physiquement pendant cette attente", grimaça-t-il en repensant à l'entraînement intensif qu'il avait suivi depuis Medann. "ça n'a rien à voir avec l'impatience qui me grignotait."

[Lothringen]

« En temps ordinaire, ce n'aurait pas été si difficile. Je t'aurais convoqué, ou j'aurais utilisé la magie... mais en temps ordinaire, je ne passe pas la nuit à la fraîche, et je n'ai pas une dizaine de gardes extrêmement vigilants qui me tournent autour en permanence. Je préfère ne pas imaginer le beau théâtre d'ombres que nous aurions joué sur la toile de ma tente ! »

Il sourit à cette idée. La tension accumulée s'effaçait peu à peu, à mesure qu'il parlait, ou plutôt, murmurait entre leurs deux esprits. C'était autant l'effet de l'optimisme de son compagnon que de pouvoir être simplement en sa compagnie, sans avoir à jouer le rôle qu'ils tenaient en permanence aux yeux des autres. Lothringen ne s'était jamais senti vraiment à sa place en pleine lumière, dans la peau de l'unique et dernier responsable, et la situation lui pesait...

« ça m'a vraiment fait plaisir de te savoir si proche tout ce temps, mais j'imagine que ça n'a pas été aussi facile pour toi d'accepter de jouer les gardes du corps, et que ça a dû te demander beaucoup de patience et d'humilité...»

Il leva la main, toujours prise dans celle de son compagnon, vers une entaille à peine cicatrisée qu'"Hugues" arborait désormais au cou, derrière l'oreille, et l'effleura du doigt.

« Mhh. On dirait que tu as commencé d'apposer ta griffe sur ce nouveau corps...»

[Mornagest]

Un couple enlacé en guise de spectacle pour la troupe ? Ç'aurait été cocasse... malheureusement, il doutait que la nature de leur relation plairait aux helmites, sans parler de sa réelle identité, évidemment.

"L'humilité et l'obéissance ne m'ont pas dérangé. À vrai dire, j'ai pris l'habitude, en restant anonyme, à Manost. Mon amnésie m'a aidé, alors, et depuis, ma survie, également. Mais... l'attente fut longue, je ne peux pas le nier..."

Il frémit imperceptiblement au léger contact du doigt de Lothringen sur sa peau. "Les autres gardes n'y vont pas de main morte, lors des entraînements. J'ai beaucoup appris, en peu de temps... j'espère tout de même qu'ils me laisseront en un seul morceau. Je ne voudrais pas te présenter de la balafre sur toutes les parties de mon corps..."

Il avait peut-être déjà d'autres cicatrices. Sur le torse, à l'endroit où l'assassin l'avait frappé, pour commencer... et lors des entraînements. Il n'avait pas gardé que des contusions et des douleurs musculaires...

"Tu ne te sens pas trop seul ?", lui demanda-t-il soudain. S'il pouvait bavarder avec quelque camarade, ou Brus, qu'il connaissait déjà un peu mieux, son compagnon n'avait sans doute guère l'occasion de parler autrement que pour planifier tel déplacement ou recueillir des nouvelles en provenance des espions de l'armée.

[Lothringen]

Le semi-drow était une fois de plus surpris par l'ampleur de l'évolution de son compagnon, depuis sa résurrection. Il était déjà bien loin le temps où Mornagest préférait risquer sa vie à la chancellerie que de renoncer à cette satisfaction d'orgueil... Et à présent, cela ne le dérangeait pas de vivre en anonyme, d'enchainer les nuits de veille et les entraînements douloureux simplement pour rester dans son ombre ? Lothringen était surpris... mais il aimait ce qu'il voyait.

« Je me sens plus souvent trop entouré que pas assez », répliqua-t-il en hochant la tête. « Au moins, si j'étais réellement seul, je pourrais penser à Leo... ou à toi... sans être constamment dérangé de ma rêverie. Mais il y a tant à faire que je n'ai même pas cette consolation. A quoi bon vous aimer si je ne peux ni vous le dire, ni vous en faire profiter ? Si ma fille me déteste à force de ne pas me voir ? Si tu en es réduit à collectionner les cicatrices pour tromper ton ennui ? » Il pressa les doigts de Mornagest. « Une pauvre entrevue de loin en loin... Je voudrais pouvoir te donner davantage. A présent que nous y sommes enfin, je ne saurais rien te refuser. Et ce ne sera jamais assez, bien sûr, quoi que tu dises... »

Il aurait pu lui parler de beaucoup d'autres choses, des mouvements de troupe, de l'arrivée des luméniens, de l'état de l'armée, de la guerre en somme, mais ce n'était pas son esprit qui décidait de l'ordre des priorités.

[Mornagest]

"Les nécessités sont ce qu'elles sont... avec un peu de chance, ce conflit sera bref, et nous pourrons disposer de bien plus de temps qu'à présent." Évidemment, rien ne disait qu'une guerre brièvement menée tournerait à l'avantage des manostiens et luméniens... l'optimisme restait cependant de mise. "Si j'étais à ta place, j'agirais de même. Tu es le seul, sans doute, à pouvoir mener les troupes jusqu'à la victoire. Qui d'autre pourrait le faire, désormais ? Un haut prélat ? Un étranger à Manost ? Tu es probablement celui qui fédérera le mieux l'armée. Et tu le sais... alors, ne t'excuse pas de manquer de temps. Même si c'est difficile... c'est nécessaire." Sur cette dernière phrase, sa voix se déforma quelque peu. Sa gorge s'était serrée... oui, c'était difficile. Oui, il craignait pour leur avenir, leur survie. Oui, il avait follement envie d'emmener Lothringen avec lui, loin de cette folie. Mais qu'y pouvait-il ?

"Mais si je ne peux pas me défendre par la parole..." fit-il en souriant timidement, désireux de penser à autre chose, "laisse-moi le faire par les actes." Il saisit le semi-drow par la taille et le rapprocha de lui, délicatement, et déposa ses lèvres sur les siennes. Il gardait en mémoire leurs premières étreintes, maladroites en grande partie de son fait, car il manquait d'expérience, de l'habitude de la tendresse. Désormais, il était plus assuré et surtout, évitait d'étouffer son compagnon en le serrant trop fort entre ses larges bras. Au contraire, ses mains glissèrent sur les reins de Lothringen, et il continua de l'étreindre, toujours avec douceur.

Les mots étaient inutiles. La situation extérieure... il voulait l'oublier, ne fût-ce qu'un seul instant. Trop d'attente. La dernière chose qu'il désirait était de perdre du temps à se torturer les méninges sur quelque supputation stérile et défaitiste. Non, ce qu'il voulait, c'était profiter ; quand aurait lieu leur prochain rendez-vous badin ?

[Lothringen]

L'humeur de Lothringen n'était sans doute pas tout à fait au badinage ni à la légèreté, mais il ne demandait pas mieux que de refermer une brève parenthèse sur les problèmes en cours ; aussi laissa-t-il son compagnon agir comme il voulait. D'une manière générale, il avait apprécié de le voir s'enhardir au fil des mois, multiplier les initiatives et se dépouiller peu à peu de sa maladresse. Il y avait un certain plaisir à se laisser surprendre...

Attrapant à la hâte les avant-bras de Mornagest, il ferma à demi les yeux tandis qu'il répondait à son baiser, et comme ce dernier se prolongeait un peu, creusa inconsciemment le dos sous la caresse de ses mains. Leurs torses se serrèrent l'un contre l'autre, leurs chaleurs se mêlèrent, leurs bas-ventres se rencontrèrent, se pressèrent, et le semi-drow lâcha un gémissement involontaire qui fut fort opportunément couvert par le cliquetis des mille mailles de l'armure et l'entrechoc sonore de la garde d'une épée et d'un manche de hache. Quand il rouvrit les yeux, il lui sembla qu'il devait avoir le visage en feu, et que son sang n'affluait pas sans autre intention que de le dénoncer : la trahison s’amplifiait à chaque pulsation.
Renonçant à nier, le manostien sourit, un peu penaud, tout en passant les doigts dans les cheveux de son compagnon qu'il ne laissait qu'à regret s'éloigner de ses lèvres.

« Tu te défendrais de manière beaucoup plus convaincante encore si tu déposais les armes... Qu'en penses-tu ? »

[Mornagest]

Les yeux fermés, il profitait d'autant mieux de ses autres sens, ressentait de la chaleur, de l'émotion, de la tendresse... son cœur s'emballait, sa peau picotait par endroits, son esprit s'évadait... tout cela durant les quelques instants de leur étreinte, si courte, mais si rafraîchissante... le bruit du métal contre le métal vint désagréablement le ramener à la réalité. Baissant les yeux vers son épée, il ne vit pas immédiatement l'embarras de Lothringen. Il ne songeait pas l'avoir mis dans pareil état en si peu de temps, à dire vrai. Il se contenta de sourire à sa suggestion, puis ajouta :

"Oserais-je ? Et si tu en profitais pour m'assaillir et me défaire ?" Il déboucla son ceinturon, déposant sans bruit, autant que faire se pouvait, son épée. "Et que devrais-je penser, si ensuite tu me demandais de retirer également mon armure ? Devrais-je m'inquiéter ? Ôte-moi d'un doute..." Il se remémora un court instant les trop rares fois où ils avaient pu se retrouver de la sorte, insouciants du monde extérieur, ne songeant au présent... comme maintenant.

[Lothringen]

Pour faire bonne mesure, le semi-drow déboucla à son tour sa ceinture à laquelle pendaient les gaines de ses haches. En dépit de leur splendide apparence et de la magie divine qui les imprégnait, elles ne l'avaient pas beaucoup aidé, ce matin-là... Sa force était dans sa propre magie, et sans elle, il ne valait rien. Il déposa l'ensemble sur le bureau, en évitant de le faire tinter.

« Ma foi, il serait raisonnable de douter de mes intentions, et de trembler pour ta vertu... Mais je crois me rappeler quelqu'un qui me disait, il n'y a pas si longtemps que cela, que l'obéissance ne lui posait pas de problèmes », le taquina-t-il.

Il penchait la tête de côté, tout en détaillant cette nouvelle apparence qui était désormais celle de son compagnon. Toujours un peu troublante, mais somme toute, l'imagination palliait assez aisément la désorientation des sens, comme il venait d'en avoir la preuve un peu trop tôt. Il commençait d'ailleurs de lui être un peu difficile de soutenir la conversation. L'attente avait été bien longue, il s'en rendait compte à présent... Abandonnant sa contemplation, il se rapprocha à nouveau du guerrier, prêt à l'aider à défaire les attaches de cuir de sa cotte.

[Mornagest]

"Ciel... flagrant délit d'insubordination. Je plaide coupable, mais... à ma décharge, je ne puis me débarrasser seul de cette armure..." Il se laissa aider, enlevant les parties d'armure à mesure que les sangles étaient détachées. Un travail minutieux pour éviter un vacarme assourdissant qui se répercuterait sans nul doute à merveille dans une salle pareille. La tension montait davantage à chaque seconde qui passait, et il fut soulagé d'enfin quitter sa carapace en métal à laquelle il s'habituait assez peu, finalement. Les vêtements simples étaient bien plus seyants. Et ne masquaient plus certaines émotions dont il était lui-même la cible depuis plusieurs minutes.

Dédaignant les mots, Mornagest appréhendait malgré lui la suite des événements. Il ne maîtrisait pas encore certaines choses dans sa nouvelle apparence... se mettre la pression était évidemment une erreur, mais il ne parvenait pas à se délester de cette interrogation : comment allait-il réagir ? Pour l'heure, il n'avait encore remarqué aucun changement important par rapport à autrefois. Les plus infimes détails s'étaient échappés de sa mémoire, mais le reste était bel et bien présent, et... le désir était intact.

[Lothringen]

Lui prenant les mains, le semi-drow l'entraîna jusque sur le seuil de la pièce adjacente, qui était la chambre d'apparat de l'hôtel de ville. Même selon les critères du Palais des Murmures, elle était immense. Une belle hauteur de plafond, un parquet ciré, des lambris, des moulures d'un blanc éclatant, de grandes fenêtres protégées par d'épais voilages, un tapis de laine écrue et une cheminée bien alimentée constituaient l'essentiel de la décoration. Et puis il y avait le lit à baldaquin, bien sûr, qui trônait au centre de la pièce. Quand il l'avait découvert, quelques heures plus tôt, Lothringen avait calculé avec amusement qu'il devait bien faire deux Ravestha de long et presque autant de large. Le Grand Émissaire avait-il apprécié, lors de sa venue, six ans plus tôt ? C'était un véritable encouragement à inviter du monde, sous peine de se perdre tout seul sous les draps comme le petit pois de la fable. En tout cas, cela les changerait avantageusement des chambres d'auberge un peu exiguës dans lesquelles ils avaient coutume de se retrouver.

Ils s'étaient arrêtés sur le pas de la pièce pour découvrir les lieux. Se tournant vers son compagnon désormais si proche de lui, Lothringen, cédant à une impulsion soudaine, l'adossa doucement mais fermement contre le bois de la porte. Tout en le pressant de son corps, il lui prit le menton et entreprit à son tour de l'embrasser avec autant de tendresse que d'impatience. Il ne put empêcher la rencontre de leurs entrejambes, rendue plus explicite encore par la disparition de la cotte de mailles. Le souffle court, il attira sur lui la main du guerrier, et ferma les yeux.

[Mornagest]

L'hôtel de ville disposait de ressources insoupçonnées. Mornagest n'était même pas certain d'avoir vu une chambre aussi immense au sein de l'antichambre du conseil mélandien ; ses appartements d'alors, même s'ils étaient grands, restaient plus fonctionnels que fastueux. Un lit à baldaquin... ce serait la première fois qu'il en occuperait un, même s'il n'était pas sûr qu'il y attacherait beaucoup d'attention. Cette dernière était toute dirigée vers son compagnon, qui, dans un état d'excitation aussi intense que le sien, l'embrassait maintenant avec fougue. Il lui rendit son baiser avec autant d'entrain, lorsque leurs intimités se retrouvèrent en contact indirect mais appuyé. Il émit un gémissement étouffé mais tint bon, se défendant avec ardeur face à l'assaut empressé de Lothringen.

Néanmoins, il dut baisser sa garde et trahir son état lorsque le semi-drow dirigea sa main vers sa taille. Ses doigts explorèrent le terrain, désireux de reprendre un contact délicat avec son anatomie. Délicatement, il glissa sa main sous la tunique de son compagnon, le saisissant, lui imprimant légères pressions et mouvements réguliers.

Sous ses pieds, le plancher grinça. Il ne s'en aperçut aucunement, tout affairé à s'occuper d'eux. Le cadre fastueux était déjà loin ; ils partaient en voyage vers d'autres contrées...

[Lothringen]

Lorsque son compagnon s'était emparé de lui et qu'il avait senti le contact de sa paume sur son intimité, peau contre peau, Lothringen s'était raidi, frémissant. Il avait commis une erreur, bien sûr. Jamais il n'aurait dû lui offrir si tôt pareil avantage. A présent il respirait au rythme des légères pressions de ses doigts, sans même plus tenter de dissimuler les soupirs et les râles sourds que lui arrachaient des vagues de plaisir intenses. Heureusement pour leur discrétion, la porte se trouvait du côté des fenêtres, et non du couloir...

S'il avait eu d'abord l'intention de rendre les caresses, voire de traiter le guerrier de la même manière, le semi-drow avait dû rapidement renoncer à cette idée. Il lui était tout simplement impossible de concentrer son attention suffisamment longtemps sur autre chose que sur les gestes de Mornagest. A mesure que la torture se prolongeait croissait en lui la certitude que le guerrier pouvait à présent faire de lui, hé bien, ce qu'il voulait. Désireux de se gagner au moins un court répit, Lothringen le ceintura, tout en lui enserrant la taille entre ses cuisses. Il en profita pour l'embrasser fiévreusement, mais le véritable objectif était ailleurs. L'autre Mornagest n'aurait sans doute même pas été déséquilibré par son contrepoids, mais il comptait que le nouveau n'aurait bientôt d’autre choix que d'aller le déposer sur le lit. Il aurait ainsi gagné quelques précieuses secondes, le temps, peut-être, de recouvrer ses esprits – il l'espérait.

[Mornagest]

Désormais dans l'impossibilité de poursuivre son exploration, qu'il aurait de toute manière laissée inachevée à dessein, Mornagest réagit au baiser fougueux du semi-drow, tout en le maintenant au-dessus du sol. Il avait conservé sa force après sa résurrection, mais son équilibre était différent, de par sa taille et son poids sensiblement plus petits. Aussi, il ne pouvait pas tenir très longtemps sans craindre le tour de reins... malgré cela, il détourna le travail de ses mains en les positionnant sur les fesses de son compagnon, ce qui avait le double avantage de l'aider à le porter et de lui permettre de l'attaquer sous un autre angle.

Mais tous ses efforts ne purent l'empêcher de devoir se rendre vers le lit : Lothringen déséquilibrait le couple enlacé, et s'il voulait éviter qu'ils tombassent tous deux sur le plancher, il n'avait d'autre choix. Et vite, encore.

Arrivé sur place, il déposa Lothringen sur le bord du lit et l'allongea de force sur le dos, tandis qu'il suivait le même chemin. Il continuait à l'embrasser, malgré les secousses, mais désormais, ses mains le soutenaient pour éviter d'écraser son compagnon, qu'il frôlait à peine du ventre.

[Lothringen]

Lothringen avait pu reprendre son calme et c'est d'un visage plus serein qu'il regarda son compagnon s'étendre au-dessus de lui et l'assaillir de ses baisers. Tout en y répondant de son mieux, il laissa ses mains glisser progressivement sur les reins, puis plus bas. La position l'aidant, il retroussa la tunique et glissa ses mains sous le linge, tantôt effleurant légèrement le fin duvet de ses fesses, tantôt les empoignant au contraire avec vigueur, au gré de leurs embrassements. Ses mains se rapprochèrent peu à peu de la fente, puis ses doigts la parcoururent, allant et venant avec insistance, jusqu'à l'humidifier. Des frissons traversaient le guerrier, perturbant peu à peu ses projets.

Les yeux mi-clos, le semi-drow jubilait intérieurement, car il avait sa revanche. Pour ce qui était des réactions physiologiques en tout cas, Mornagest n'avait guère changé. Impatient de pousser plus loin son exploration, puis sa conquête, Lothringen s'interrompit néanmoins temporairement ; il était temps de se débarrasser de leurs frusques. Il tira la tunique de Mornagest vers le haut, l'aida à la retirer, et marqua un temps. Il contemplait son torse mis à nu. Différent, plus étroit et plus glabre, mais non moins désirable, à sa façon... et ce regard, au-dessus, rivé sur lui, affamé, intense et fixe. Il l'aurait reconnu sur un visage de semi-orque... Il leva la main vers la joue de son compagnon, la caressa légèrement, et sourit.

[Mornagest]

À demi nu, il se dégageait tant bien que mal du reste de sa tunique, tandis qu'il frissonna au contact doux et contrasté des doigts de Lothringen sur son visage. Une frénésie s'était emparée d'eux, et ce bref moment de répit sonnait comme une prise d'élan pour mieux sauter ensuite... Désormais entièrement nu, Mornagest considéra un instant son compagnon, qui, entièrement habillé, le narguait tandis qu'il apposait ses mains en des endroits très stratégiques. Nerveusement, le guerrier entreprit de débarrasser le semi-drow de ses encombrants vêtements. Évidemment, le fait qu'il était allongé sur le lit n'aidait en rien... il se laissa glisser sur le côté et attira Lothringen vers lui, pour lui ôter plus facilement sa propre tunique, tâche qu'il s'empressa d'accomplir.

À armes pratiquement égales, désormais, le combat pouvait se poursuivre. Ses mains parcoururent la peau moite du semi-drow, détaillant ses muscles, ses cicatrices, l'histoire qu'elle racontait, la douceur qu'elle offrait...

[Lothringen]

S'il en était moins couturé que Mornagest peu de temps avant sa mort, Lothringen avait son lot de cicatrices. Il y en avait que ce dernier reconnaissait, comme cette longue entaille au flanc, souvenir de leur combat contre les elfes à la fontaine d'Inselwenn, ou cette vaste griffure en travers du torse, laissée par un tigre dans le jardin de la mélancolie. D'autres, plus effacées, plus anciennes, rappelaient que Lothringen avait un temps vécu une vie de mercenaire... Et d'autres encore témoignaient d'une vie prolongée sous terre, tels ces longs sillons qui formaient à peine des vagues sous ses doigts, quand il les passait sur le dos de son compagnon. Lothringen lui en avait parlé autrefois : des coups de fouet, destinés à tuer ; Dorson l'avait racheté au beau milieu de l'exécution. Les doigts de Mornagest buttèrent sur les vêtements du bas, que le semi-drow portait encore. Quelques mouvements de part et d'autre, et ce ne fut plus le cas. Ses caresses descendirent sur l'aine. La cuisse gauche était marquée, elle aussi. Il se souvenait. Une charge de gobelins, dans des caves abandonnées...

Lothringen le laissait poursuivre son examen. Il aimait se laisser imprégner de la chaleur de son compagnon, et du désir un peu fébrile qui lui faisait trembler les mains. S'il avait eu honte autrefois de son passé, ce n'était plus le cas. Mornagest connaissait son histoire. Il était bien le seul... Quant au semi-drow, il avait fini par accepter ce qui ne pouvait plus être changé, et décidé d'aller de l'avant. La roue tournait bien vite, sous le sourire de Tymora... Il regardait Mornagest, un peu ému. Il était son aîné, et il ne ménagerait pas ses efforts pour lui épargner d'avoir à subir davantage qu'il n'avait déjà enduré, et qui allait bien au-delà du fardeau d'une vie ordinaire. A son insu, ses étreintes devenaient protectrices. Il attira son compagnon vers le centre du lit, pour leur épargner les affres de la chute sur le bord, et, le prenant par surprise, l'enjamba pour basculer dans son dos. Afin de l'empêcher de se tourner à son tour, il s'empara d'une main de sa virilité. Alors il s'allongea, les lèvres contre sa nuque, les tétons contre les homoplates, le ventre contre les reins, son sexe contre les fesses, et la cuisse passée sur celle de son compagnon. Tout en l'embrassant doucement au creux de l'épaule, il entreprit de flatter son membre du bout des doigts, comme l'avait fait le guerrier pour lui un peu plus tôt.

[Mornagest]

Allongé sur le côté, Mornagest tenta un instant de résister vainement aux assauts tactiles de son compagnon, mais jeta l'éponge rapidement, laissant tomber sa tête sur le matelas, tentant de détendre ses muscles pour profiter au mieux du traitement prodigué. La douceur des caresses contrastait avec le feu intense qui couvait en lui, lui rougissant les joues, aiguisant ses sens, concentrant son attention sur cette main inquisitrice mais délicate. C'était à son tour de se retrouver à la merci de son compagnon, mais il ne parvenait pas à trouver cela désagréable. Son membre dressé et humide en était une preuve irréfutable...

Presque incapable de réagir autrement qu'en étouffant de plus en plus ses gémissements univoques, Mornagest finit par tenter de se retourner, d'abord imperceptiblement, puis en insistant un brin. Il atteignait progressivement un niveau pratiquement insupportable de plaisir, et craignait que cela allât trop loin, trop vite. Il voulait savourer, faire savourer... Doucement, il saisit la main de Lothringen et l'écarta de son sexe. Le désir était à son paroxysme. Et... il finit par oser faire ce qu'il n'avait jamais tenté auparavant, craignant la réaction de son compagnon. Ou la sienne ? Jamais il n'était parvenu à comprendre pourquoi, mais, cette fois, le cœur agité tant par l'excitation que par la peur, il murmura :

"Lothringen... j'ai envie... de toi..."

Les dés étaient jetés.

[Lothringen]

Le semi-drow rougit instantanément des pommettes jusqu'à la pointe des oreilles. Un pareil accès de pudeur en un pareil moment, qui l'eût cru ? Il retint sa main et laissa le guerrier achever de se retourner, marquant un temps de silence au terme duquel il l'embrassa doucement sur les lèvres.

"Je comprends."

Il baissait les yeux, embarrassé. C'est qu'il entendait la demande derrière la déclaration...

"Nous en avons déjà parlé, te souviens-tu ? A Melandis. La dernière fois."

Il conservait du reste un souvenir doux-amer de cette soirée, marquée par l'incompréhension et par l'échec. Si cela allait se reproduire ? S'il allait encore le décevoir après lui avoir laissé espérer... Ce serait pire que tout, et il craignait à la longue d'exaspérer la patience de son compagnon. Ils se traînaient ce problème, ce non-dit, depuis de nombreux mois déjà. Si ce n'était qu'une question de volonté, ce serait déjà de l'histoire ancienne. Mais la volonté ne faisait pas tout, avec un passif tel que le sien... Il reprit difficilement sa respiration. Il avait peur, tout simplement.

"Je ne demande pas mieux que de te satisfaire, Mornagest. Mais... tu dois m'aider. Et, par pitié, si tu commences, va jusqu'au bout."

Ses mains tremblaient légèrement. Pourquoi Mornagest avait-il été lui en parler avant ? Cela ne faisait que prolonger l'appréhension.