[Everaska] Quête: Racines

[Voyageuse]

Le reste du trajet se passa en silence. L'elfe semblait avoir renoncé à taquiner le rôdeur, et prenait régulièrement de l'avance sur eux, s'arrêtant ensuite fréquemment pour les attendre. Tilmandil, quant à lui, avait besoin de toute sa concentration pour avancer malgré sa fatigue, et était de ce fait beaucoup moins bavard qu'à l'ordinaire.
Le soleil commençait à décliner doucement, s’effaçant parfois derrière un nuage. Le sentier montait lentement mais régulièrement, et le froid devenait plus piquant : les premiers névés n'étaient pas loin. Les pentes douces des contreforts du massif faisaient place peu à peu à une forêt de pics escarpés, au milieu desquels, quelque part, se trouvait la cité d'Everaska. Les chênes et les buis avaient depuis longtemps été remplacés par les bouleaux et les premiers sapins. Et ils continuaient à monter.

L'elfe les attendit au col. Elle ne donnait pas le moindre signe d'essoufflement malgré l'effort qu'ils venaient de fournir. Contrairement à Tilmandil qui ahanait derrière...
Un vaste espace de pâturages s'étendait devant eux, se déployant en terrasses sur les monts avoisinants. L'elfe indiqua plusieurs points du doigt à Kasumi, expliquant :
- Si vous continuez droit devant, en continuant le sentier, vous allez contourner cette montagne-là, par la gauche, et monter ensuite jusqu'à un col nettement plus haut en altitude. Vous y trouverez sûrement de la neige d'ailleurs. C'est l'une des frontières d'Everaska. Maintenant, vous voyez ce petit sentier, là, qui part à droite ? Il monte au-dessus du chemin principal, et rejoint le sommet de la montagne. Mais vous n'aurez pas besoin d'aller si loin, je vous rassure : il y a une cabane de berger à moins d'une demi-lieue d'ici. Vous pourrez y passer une nuit confortable. Il y a ensuite un embranchement qui permet de redescendre sur le chemin principal, juste avant qu'il ne monte vers le col.

[Kasumi]

Le soleil avait décliné plus vite qu’il ne s’y était attendu mais cela n’avait rien de réellement exceptionnel à ces hauteurs. La halte de la soirée n’arrivait pas trop tôt, elle, à en juger par l’état de son demi-frère. Le rôdeur se demandait quelle part était due à la perte de sang et quelle autre l’était au manque d’habitude des longues marches en altitude. Dans un cas comme dans l’autre, une nuit à l’abri des frimas lui ferait le plus grand bien avant les plus hautes altitudes qu’ils devraient affronter le lendemain. Restait à espérer que cette cabane serait en bon état et permettrait de faire un bon feu.

En écoutant les ultimes indications dispensées par la druidesse, Kasumi prit conscience qu’Eärundra allait prendre congé d’eux. Il ne put parfaitement réprimer un petit pincement au cœur à cette idée. Ils connaissaient à peine l’elfe mais elle s’était montrée d’une compagnie à la fois amicale, drôle et rassurante. Le demi-elfe se dit qu’il donnerait certainement suite à son offre si l’occasion s’en présentait. Mais pour l’heure, il était temps de lui dire au-revoir et de la remercier pour son aide :

- Merci pour ces indications. J’imagine que nos chemins se séparent ici… Du moins temporairement j’espère. J’espère que tout se passera bien avec Léo d’ici à notre prochaine rencontre. Mais si vous avez à nouveau besoin d’un demi-elfe pour jouer le rôle de chair à félin, n’hésitez surtout pas à faire appel à moi. J’ai beaucoup apprécié ce que vous m’avez appris à l’occasion de cette première leçon.

[Voyageuse]

L'elfe eut un rire joyeux, puis le regarda d'un air plus sérieux.
- Je pense que nous nous reverrons... fit-elle doucement. J'en suis même certaine. Et ce genre d'intuition me trompe rarement... En attendant, prenez soin de vous. Et de votre frère.
Elle sourit à Tilmandil.
- Et à l'avenir, songez qu'il peut toujours y avoir un fauve juste là où vous venez de faire tomber quelques pierres...
Le barde grimaça, et répliqua d'un ton léger.
- C'est compris... j'éviterai désormais les balades en montagne sauf sous la protection de Kasumi.
- Bon retour chez vous, lança finalement l'elfe avant de s'éloigner en sens inverse, d'une démarche souple et rapide, sans un regard en arrière.
Kasumi resta seul avec Tilmandil.

[Kasumi]

Le sourire de l’elfe était décidément communicatif et la rendait tout à fait charmante. Kasumi se surprit à le lui rendre et avait envie de lui confirmer qu’ils se reverraient. Mais la druidesse tourna les talons juste à temps, le laissant seul avec son demi-frère. Il se réprimanda : que lui arrivait-il ? Les remarques pourtant parfaitement innocentes de Tilmandil l’avait affecté et il avait été à deux doigts de lui donner un nouveau motif pour l’en abreuver copieusement toute la soirée. Après un instant de pause pour reprendre pleinement constance, le rôdeur indiqua le sentier et reprit la parole comme si de rien n’était :

- Evitons plutôt de déranger les cailloux. On ne sait jamais ce qui se cache dessous : la vie réserve des surprises dans les contrées sauvages. Ça va toi ? Prêt pour un dernier effort ? Le sentier n’a pas l’air si raide, courage !

[Voyageuse]

Tilmandil grommela une réponse indistincte, et fit signe à Kasumi de passer devant. Le chemin, une simple sente à peine dessinée, n'était pas raide, effectivement, et la difficulté avec laquelle le barde le gravissait montrait bien l'étendue de sa fatigue. Plusieurs fois, Kasumi dut ralentir pour l'attendre.

Il leur restait encore au moins deux heures de jour quand ils virent apparaître une minuscule bâtisse entièrement en pierres, toute ronde, avec un simple trou au sommet en guise de cheminée. Une porte de bois, légèrement entr'ouverte, en barrait l'accès. Elle dominait les pâturages en terrasse, offrant une vue imprenable sur les montagnes enserrant -et protégeant- Everaska. Le sentier, comme l'elfe l'avait dit, arrivait peu après à un embranchement qui leur permettrait de rejoindre la route principale. Au-dessus, au-delà des pâturages, commençait la sombre forêt de sapins qui leur fournirait tout le bois dont ils auraient besoin.
Tilmandil se laissa tomber plutôt qu'il ne s'assit sur un petit banc de pierre attenant à la maison, face au soleil. Il semblait ne même pas avoir la force d'explorer leur abri.
- Ca ira mieux dans cinq minutes, rassura-t-il son demi-frère avec une grimace.

[Kasumi]

A l’inverse de Tilmandil, la première impulsion de Kasumi fut d’aller vérifier à l’intérieur de la « cabane », qu’ils seraient les seuls occupants en quête d’un abri dans le secteur. Après tout, il y avait une grande chance que ce ne soit pas le cas : si quelqu’un avait pris la peine de construire cette bâtisse, il avait certainement en tête de l’utiliser de loin en loin. Heureusement, la période des alpages semblait être passée mais d’autres que les bergers avaient peut-être pris le relais.

- Bien. Attends-moi juste une minute que j’inspecte notre palais calimshan ! Mais ne t’attends pas à ce qu’il y ait des danseuses. Sauf si tu aimes le type plantigrade !

[Voyageuse]

Tilmandil eut un ricanement un peu pitoyable, mais ne proposa pas de suivre Kasumi à l'intérieur. Trop épuisé certainement.

La porte entrebaillée s'ouvrit sans difficulté, et Kasumi comprit qu'ils ne pourraient de toute façon pas la refermer : le soleil avait fini par voiler le bois. L'intérieur était complètement vide, à l'exception d'un bloc de pierre en guise de table et de pierres plates servant sans doute de sièges. On devinait au centre les vestiges d'un feu, juste au-dessous d'un petit trou dans le toit de pierres plates. Contre le mur ouest, le sol de terre, bien dégagé, était parsemé de quelques restes d'herbes sèche : le couchage, sans doute, pour peu qu'on daigne y installer une brassée de foin.
L'endroit était poussiéreux, envahi de toiles d'araignées, et il était clair qu'il n'avait pas été utilisé depuis un bon bout de temps.

[Kasumi]

On ne pouvait pas dire que c’était le grand luxe, ça non… Mais les lieux étaient inoccupés et secs malgré tout : c’était déjà inespéré et bien mieux que de dormir à la bonne étoile, en tous cas pour Tilmandil. De plus, si le confort était des plus spartiates, il restait au rôdeur plus d’une heure d jour pour aménager au mieux l’abri en dégageant une partie des vieilles toiles, en étendant du foin sec et en y faisant un bon feu. Ensuite, il serait temps de se calfeutrer au mieux pour la nuit autour d’un bon dîner rustique de sa composition. Le rôdeur se fit la réflexion qu’il souhaitait un peu impressionner son demi-frère mais c’était là un jeu bien innocent. Passer une soirée et une nuit à la dure ensemble ne pourrait que resserrer leurs liens, du moins il l’espérait. Toutefois, il n’y avait plus matière à tarder : tout d’abord ramasser un peu de bois dans la forêt toute proche puis le moment d’un nettoyage sommaire arriverait en temps voulu.

- Bon, c’est assez sommaire comme confort et ça demanderait un petit coup de balai. Je vais chercher un peu de bois pour le feu alors si tu préfères attendre dehors qu’on nettoie un peu pour ce soir, je n’y vois pas d’objection, je ne serai pas long.

[Voyageuse]

Le bois ne manquait pas, de toute taille, un peu humide peut-être. Le petit bois sec était plus rare mais Kasumi parvint à en rassembler suffisamment, ainsi qu'un peu de paille pour allumer le feu.
Lorsqu'il revint de sa corvée de bois, il vit que Tilmandil, finalement, n'était pas resté les bras croisés. Il avait, de son mieux, balayé le sol avec une petite botte de grandes herbes soigneusement attachées. Ce simple petit effort l'avais mis en nage, et il salua le rôdeur d'un sourire grimaçant.
- Je n'ai pas l'habitude de faire le ménage, ça doit se voir... D'habitude j'ai des employés d'auberges qui font ça très bien !

[Kasumi]

L’effort était néanmoins louable et l’essentiel du travail avait été fait comme ne manqua pas de le souligner le demi-elfe. Au-delà, il faudrait un renfort de matériel et d’eau dont ils ne disposaient de toute façon pas.

- Oh, tu t’en es très bien tiré. Tu pourras toujours te reconvertir au besoin ou même proposer un forfait spectacle plus ménage dans les auberges ! Je parie que ça n’a encore jamais été fait, tu innoverais ! Il ne manque qu’un feu et un bon repas pour se mettre parfaitement à l’aise. Que dirais-tu de mon célèbre jambon braisé à la mode rôdeur ? Et est-ce qu’il reste du vin de ce midi ? Il y avait quelques œufs et du fromage mais autant les garder pour demain matin…

Tout en plaisantant, le rôdeur commença à disposer son bois au centre de la pièce. Quand il aurait terminé d’animer le feu, il tâcherait de faire l’inventaire de leurs autres provisions histoire d’agrémenter leur dernier dîner sur la route, du moins il l’espérait. Ensuite, il ne manquerait pas d'examiner l'elfe qui semblait sérieusement se ressentir des efforts de la journée. Kasumi espérait que ce n'était pas là un signe de fièvre ou d'infection mais il ne voulait pas alourdir l'ambiance et couper l'appétit de Tilmandil en abordant le sujet maintenant.

[Voyageuse]

Tilmandil mit la main à la pâte, pas aussi efficacement que le rôdeur, certes, mais de bonne grâce tout de même. Kasumi, qui l'observait attentivement, le trouva réellement affaibli. Heureusement, il n'avait pas les yeux brillants qui auraient signifié un état fébrile, ni de rougeur au visage - plutôt une pâleur excessive même pour un elfe. C'était probablement un effet de la perte de sang importante qu'il avait subie, aggravée par l'effort physique inhabituel, mais il était difficile d'en être certain.
Quoiqu'il en soit, il mangea avec appétit - autre signe en faveur d'une absence d'infection-, et félicita son demi-frère avec enthousiasme, promettant de lui trouver un emploi de cuisinier s'il souhaitait demeurer à Everaska.

Après le repas, après la vaisselle, quand il fut temps de s'allonger en laissant le feu mourir de lui-même dans la cheminée, il prit la parole, dans la semi-obscurité, d'un ton plus grave que le babillage léger qui avait émaillé le repas.
- Dis... Je n'ai jamais compris... Pourquoi as-tu quitté Everaska ? Pourquoi là-bas ?

[Kasumi]

Kasumi s’était presque laissé glisser dans un sommeil quand Tilmandil rompit brusquement le silence. Sa question avait de quoi déstabiliser mais il ne pouvait pas lui en vouloir de la poser : les veillées nocturnes se prêtaient extrêmement bien à ce genre de réflexions et demain ils atteindraient leur destination. Le demi-elfe prit le temps de réfléchir à la question, laissant le silence s’appesantir avant de reprendre avec tout autant de gravité que celle de l’elfe :

- Encore aujourd’hui je n’en suis pas certain : je fuyais les épreuves que je venais d’endurer sans doute. Et aussi l’abomination que j’étais devenue, le démon qui m’habitait, au propre comme au figuré. J’étais très jeune aussi donc je suppose que je me cherchais moi-même. Et je ne pouvais pas le faire dans un lieu qui m’était tout aussi étranger que familier. Il me fallait vraiment couper les ponts et quoi de mieux qu’une terre lointaine et sensément partiellement inexplorée pour tout cela ?

[Voyageuse]

- Je comprends...
Tilmandil laissa planer un instant de silence, comme s'il hésitait à poursuivre.
- Tu dis que tu était devenu... une abomination ? Tu veux dire que tu as des choses graves à te reprocher, c'est ça ? J'ai du mal à l'imaginer, venant de toi. Je ne sais pas... en fait, père ne m'a jamais expliqué. Il changeait de sujet si j'avais la malheur de parler de toi. Il m'a juste dit que tu avais cherché à venger la mort de ta mère, ce qui peut se comprendre il me semble. Mais pour que tu aies ressenti le besoin de fuir ainsi...
Il s'interrompit.
- Pardonne-moi, ce sont des questions indiscrètes...

[Kasumi]

Le rôdeur s’empressa de démentir son demi-frère d’une voix calme et posée :

- Non non, ce n’est pas indiscret et c’est moi qui est abordé le sujet. Je n’étais pas une abomination au sens où tu pourrais le croire : j’ai tué bon nombre d’asabis dans le désert, c’est vrai. Mais aucun qui ait été désarmé. Puis, en tant que mercenaire, je n’ai jamais accepté de mission que je jugeais déshonorables. Non, c’était autre chose : une sorte de malédiction héréditaire si tu veux. Du côté de ma mère bien sûr. Elle était en quelque sorte possédée. Rien qui puisse vraiment influencer ses actions mais c’était visible si on savait quoi chercher. A sa mort, son fardeau m’a été transmis. Il était plus visible : tu as déjà entendu parler de la couleur de mes yeux je crois. Mais je ne vais pas t’ennuyer avec mes histoires alors que tu as besoin de sommeil : c’est toi le barde !

[Voyageuse]

Mais Tilmandil ne semblait pas vouloir cesser la discussion.
- Je ne comprends pas... En quoi est-ce un fardeau ? Tu dis qu'elle était possédé, et que toi aussi... mais que veux-tu dire ? Pourquoi est-ce si grave ?
Kasumi l'entendait se retourner dans son lit.
- Et d'ailleurs, pourquoi ils ont retrouvé une couleur normale tes yeux ? Je suis un incorroigible curieux, au cas où tu ne l'aies pas remarqué. Promis, après je ne t'ennuie plus avec mes questions...

[Kasumi]

Kasumi s’en défendit, se tournant sur le dos pour s’étendre plus confortablement et fixant le plafond pour répondre :

- Un de nos ancêtres s’est acoquiné avec un démon pour ce que j’en sais. Et il ne se serait pas acquitter de l’une de ses obligations. A moins tout simplement que le démon ait décidé de ne pas tirer profit de la situation. Je n’en sais pas vraiment davantage de source sûre mais je suis certain que tu sauras combler les trous si tu veux intégrer ça à l’un de tes récitals… Toujours est-il que le démon s’est mis à hanter un membre de chaque génération de la famille, prenant de plus en plus de présence à mesure des « transferts ». Je suis le dernier d’une longue lignée à l’avoir porté dans ma conscience. Cela n’avait rien de physique quoiqu’il intervenait parfois pour guérir mon corps plus rapidement que la normale… C’était plutôt comme une sorte d’impression diffuse comme quand on te regarde par-dessus l’épaule. Mais je le savais présent, comme une souillure sur mon âme. Je ne l’ai « rencontré » que plus tard. Quand j’ai été plongé dans un coma, je crois que c’est le terme employé par les prêtres qui m’ont examiné. Cela s’est passé à la fin de l’occupation de Luménis, dans les derniers instants de la dictature, au Palais.

Il étouffa un bâillement avant de poursuivre :

- Pour faire bref, j’ai pu échanger des mots avec lui. Et je pense avoir fini par le repousser définitivement. Je suis aussi tête de mule avec les démons qu’avec les autres personnes il faut croire ! Après six mois, je me suis réveillé et il était parti. Il n’y en avait plus aucune trace en moi. Et mes yeux avaient repris leur couleur naturelle.

[Voyageuse]

- Étrange histoire en effet... Et tu n'as pas tort, je devrais pouvoir en tirer une belle ballade. Le "Rôdeur aux yeux d'Or". Ça en jette, non ? Mon vieux, te voilà promus héros d'épopée ! Il faut juste me laisser un peu de temps pour la composer... Ce soir je suis trop fatigué. Mais demain soir, promis, tu n'échapperas pas à ton heure de gloire ! je vais commencer à y réfléchir dès cette nuit je pense.
Kasumi devina qu'il étouffait un bâillement. Mais il semblait décidé à luter une dernière fois contre le sommeil.
- On m'a dit que tu avais les yeux d'un loup. Tu crois que ça a un lien avec la louve qui t'accompagne ? Je te promets, c'est ma dernière question, juste pour étoffer ma ballade !

[Kasumi]

Le rôdeur laissa éclater un rire autant amusé que scandalisé avant de répondre sur un ton léger :

- Je te confie des détails personnels et ton premier mouvement est de les mettre en chanson ? J’espère au moins que tu ne citeras pas mon nom sinon tu vas me faire une drôle de réputation ! Bon, puisque ta curiosité est quasiment insatiable, il y a effectivement un lien. Indirect cela dit : au moment de ma transformation, la fibule que portait ma mère a changé pour prendre la forme qu’elle a aujourd’hui. Je pense que le démon et la malédiction s’adaptait à son porteur. Quant à la raison de mon affiliation avec la forme du loup, je ne sais pas trop quelle en est l’origine sinon que j’ai toujours appréciée cette espèce depuis tout petit. Ils sont à la fois solitaires et sociable, rusé et discrets, endurants et rapides. Toutes les qualités d’un bon prédateur. Ou d’un bon rôdeur.

[Voyageuse]

Le barde répliqua aussitôt sur un ton taquin.
- Les qualités d'un rôdeur seraient celles d'un prédateur selon toi ? C'est vrai que tu n'as pas tort, il y a des points communs. Mais je connais une certaine druide qui ne semble pas partager ton avis sur la supériorité comparée des loups et des félins... Dommage pour toi, d'ailleurs, à mon avis ! Mais excuse-moi, j'oubliais que tu restes toujours pur comme un paladin Helmite...
Kasumi devina qu'il souriait largement dans l'obscurité.

[Kasumi]

Pour éviter de s’attarder sur les remarques taquines et provocatrices du barde, le rôdeur fit semblant de ne pas saisir l'allusion et répondit à sa première réflexion :

- Nous sommes avant tout des protecteurs mais parfois il faut savoir pister le gibier ou d’autres engeances jusqu’à leur tanière… La plupart des rôdeurs tiennent un code d’honneur aussi, mais pas autant que les paladins helmites, rassure-toi ! Quoique leur réputation soit parfois surfaite. J’en ai côtoyé plus d’un à Manost et pas un ne se ressemblait.

[Voyageuse]

- Tu as été à Manost aussi ? la cité Helmite , Enfin, ex-helmite plutôt...
Kasumi entendit son demi-frère se retourner dans l'obscurité.
- Il paraît qu'ils sont en guerre, non ? Après la mort de Helm, l'autre cité de l'île, -Mélandis c'est ça?- les aurait attaqués?... Enfin si j'ai bien compris les rumeurs que j'ai entendu es. J'espère que tu n'as pas des amis chers là-bas, ajouta-t-il d'un ton compatissant après un bref temps d'hésitation. Ca doit être difficile de s'inquiéter, sans pouvoir savoir ce qu'ils deviennent...

[Kasumi]

Kasumi s’empressa de rassurer son demi-frère à ce sujet. Oui, il y avait fait quelques connaissances qu’il aimerait revoir si l’occasion s’en présentait. Mais ces dernières avaient toutes la force de caractère de se tirer des mauvais pas.

- Je n’y suis resté que peu de temps en réalité. Mais c’est avec leurs troupes que je suis arrivé à Luménis. C’est donc un juste retour des choses que ma cité ait envoyé un contingent en renfort. Mais aucune des personnes que j’ai connues là-bas n’aurait besoin de moi, c’était tous des femmes sachant se défendre ! Pas plus que l’armée : ils ont envoyé leurs régiments d’élite alors qu’y changerait un rôdeur. Cela dit, quand je rentrerai en Helonna, je pense que les autorités me donneront à nouveau du travail. Avec les régiments partis au combat, nos campagnes reculées seront moins bien défendues et j’y serai plus à ma place. Aux côté de ma compagne, j’espère bien.

[Voyageuse]

- Toutes des femmes, vraiment? le taquina Tilmandil, ne laissant pas passer une si belle occasion. Ah, me voilà rassuré ! J'avais cru pendant un moment que tu ne savais pas profiter des merveilleux plaisirs offerts par la gente féminine...
Kasumi l'entendit glousser.
- j'en déduis donc que ton... comment dire... ta fidélité actuelle envers ta compagne est quelque chose de tout récent ! Peut-être même que tu l'as demandée en mariage ?

[Kasumi]

Kasumi poussa un soupir sonore mais il avait tendu une perche au barde aussi ne pouvait-il pas lui en vouloir de l’avoir saisie. Cherchant ses mots, il répondit d’un ton des plus sérieux :

- Je ne vois pas de quel plaisir tu veux parler ! Mais si ce que je crois, tu sais bien que j’attends le mariage pour cela ! Cela dit, il ne s’est pas passé ce genre de choses avec les femmes en question et je ne le regrette pas. Et pour le reste, je crois bien qu’il est temps de dormir, Tilmy. Le réveil est programmé à l’aube demain : n’oublies pas que je viens de la cité de Lathandre.

[Voyageuse]

- Tu attends... le mariage ? souffla Tilmandil, incrédule, ne sachant trop s'il devait prendre la boutade au sérieux. Non, tu déconnes là... hein ? Dis-moi que tu déconnes ? Kasumi ? Tu dis ça juste pour te débarrasser de mes questions indiscrètes, rassure-moi ! Hey ? Bah, puisque c'est comme ça je te laisse dormir, et je ne t'ennuie plus de la soirée ! Bonne nuit petit frère. Ah, et je préviendrai Eärundra qu'elle n'a aucune chance avec toi, aussi... Pis t'as intérêt à me ménager à l'aube, moi je suis pas du matin... Fichu lathandrite... je te ferais remarquer, aussi, que Lathandre ne se prive pas de ce genre de plaisirs, je connais des dizaines de balades à ce sujet... Pffff... Tout ça parce que tu veux pas me dire si tu es déjà fiancé...
Le barde était probablement plus amusé que vexé par le refus de Kasumi de poursuivre les confidences.

[Kasumi]

Kasumi ne put s’empêcher de rire de la réaction de Tilmandil mais il resta mystérieux sur le point qui l’intéressait :

- Oh, tu peux en parler à Eärundra mais, m’est avis qu’elle prendrait ça pour une approche maladroite de ta part. Tu ne voudrais pas avoir affaire à Léo quand même ? Sans elle pour te soigner en plus cette fois ! Mais il est vrai que les bardes aiment vivre dangereusement. Nous autres rôdeurs nous contentons de jeter à bas des dictatures, défendre des villages assiégés ou dormir dans la tanière d’ours mal léchés. Rien de comparable Allez, bonne nuit !

[Voyageuse]

Le barde grommela une réponse indistincte. Puis finit par dire, d'un ton plus audible.
- Bonne nuit. Mais c'est bien parce que je suis crevé ! Ce n'est que partie remise pour l'interrogatoire....

Le vent s'était mis à souffler au-dehors, annonciateur de pluie. Celle-ci ne tarda pas à se faire entendre, du reste, petite gouttes isolées d'abord, puis plus fortes, au bruit heureusement amorti par le toit de pierre. Ils étaient à l'abri, relativement au chaud, et ne pouvaient que bénir la druidesse de leur avoir indiqué la cabane.

Nul rayon de soleil ne vint filtrer à travers les interstices de la porte de bois au petit matin. La lumière était ténue, et Kasumi entendait la pluie tomber au-dehors. Mais la luminosité grisâtre ne trompait pas : la nuit était terminée. Même si Tilmandil paraissait dormir encore profondément.

[Kasumi]

Le rôdeur n’était pas étonné de se réveiller le premier : Tilmandel avait grand besoin de repos après les péripéties de la veille. Il se leva sans bruit avec l’intention de vérifier si le temps ne perturberait pas leur trajet et renouveler leurs réserves en eau et en bois sec. La première serait certainement bien plus aisée à trouver que le second mais il avait un peu de temps devant lui : ils avaient largement le temps de rejoindre la ville si rien d’autre ne se produisait en chemin. L’elfe pourrait donc profiter de ce délai supplémentaire pour se reposer et reconstituer ses forces en vue du dernier effort. Il serait plus agréable de se réveiller avec un bon feu et une odeur d’omelette agrémentée d’épices. Avec un peu de chance, cela remettrait à plus tard l’interrogatoire qu’il avait réussi à interrompre de justesse la veille au soir. La question qu’il avait innocemment soulevée le turlupinait et il n’avait pas l’intention de s’en ouvrir à son fantasque demi-frère. Pas encore du moins.

[Voyageuse]

La forêt de pins et sapins, non loin, était suffisamment dense pour fournir un abri relatif contre la pluie. Certes, le bois n'y était pas vraiment sec, mais il s'y trouvait également profusion d'aiguilles et de pommes de pins, qui y suppléeraient aisément pour l'allumage du feu. Il fallait juste avoir la patience de faire plusieurs longs voyages jusqu'à leur abri.
Quant à l'eau, bien évidemment, il y en avait partout, tombant du ciel, courant sur les roches, dévalant les pâturages.

La pluie tombait toujours drue, et Tilmandil dormait toujours. Il ne daigna ouvrir un oeil que lorsque son estomac gronda, l'appétit subitement aiguisé par la bonne odeur du petit déjeuner.
Il s'étira.
*- Mmmm... Finalement, ça vaut bien une nuit à l'auberge, ça sent aussi bon au petit matin ! Mais tu aurais pu me réveiller, je t'aurais donné un coup de main !

[Kasumi]

Kasumi répliqua d’un ton qui reflétait entrain et bonne humeur :

- Cela dépend des auberges ! Ou alors tu n’aimes guère ma cuisine ! Je comprends mieux que tu aurais préféré que je te réveille… Et sinon, tu te sens en forme ? Il pleut toujours mais le chemin ne sera pas trop difficile pendant les deux premières heures. Après il faudra passer le dernier col. On fera certainement la pause de midi en chemin en fonction de la difficulté.

En vue de la difficulté, il avait préparé de généreuses portions qu’il répartit équitablement avant de tendre sa part à son demi-frère.