[Ailleurs] Quête : Au-delà – Une clairière sans étoiles

[Echo]

Pas de doute, il s'agissait bien d'Angèle, et voilà qu'elle remettait ça avec les leçons de moralité. Elle qui avait hésité à la tuer lors de leur première rencontre par « simple principe ». Le regard ocre de la tieffeline se posa sur elle avec un mélange de colère, de déception et peut-être même de tristesse. Il était étonnant que ses songes lui rappèlent avec exactitude cette femme qu'elle n'avait pourtant connue que brièvement.

- La mort peut être une solution, et vous n'auriez peut-être pas du hésiter à me la donner à notre première rencontre. Si vous aviez su, vous n'auriez pas hésité...

Elle finit par hausser les épaules et s'éloigna d'elle sans attendre une réponse de sa part. Elle se dirigea vers le pylône le plus éloigné, afin peut-être de ne plus croiser son regard. Décidément, cette femme faisait ressortir tous les mauvais souvenirs qu'elle avait passé tant de temps à enfouir au plus profond d'elle-même.

[Althéa]

Angèle resta les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Elle se souvenait de la situation dans ses moindres détails. La stupéfaction et la colère instinctive qu'elle avait ressenties quand s'était dévoilées les cornes de Chance ainsi que son identité. Et son hésitation à laisser les hommes du bouge sordide la mettre en pièce. Mais elle l'avait sauvée !

Et de quoi parlait-elle ? Savoir quoi ? Que s'était-il passé ? Qu'avait-elle fait ? Elle la regarda s'éloigner en direction d'un des piliers totalement décontenancée. Qui était donc Chance, cette ombre dont elle avait dû assurer la protection l'espace d'une nuit ? Pourquoi cette jeune femme réapparaissait-elle tout d'un coup sur sa route ? Ce n'était pas un croisement mais une fin de voyage. Elle faillit la rattraper, essayer de lui parler. Essayer de comprendre. Mais elle se ravisa. A quoi bon ... Elle passait simplement : une simple persistance sur la rétine.

Elle aurait pu répondre qu'elle même était encore ici parce qu'une prêtresse de Baine lui avait refusé la mort alors qu'elle avait emporté deux de ses compagnons dont l'un d'entre eux aurait pu être son fils.

Quelque part, elle comprenait les propos de Chance. Son appétence à la fin qu'elle ne partageait que trop. Elle ne connaissait pas le motif de la tieffeline, mais le sien ... Elle n'avait plus la force ...

Elle se tourna vers Taliesin.

"Écoutez. Je ne prône pas le meurtre. Mais je vous promets que s'il persiste quoi que ce soit de lui sur la surface de Toril, il devra répondre de ses actes devant la justice. Soyez en assuré."

Elle regarda brièvement Mornagest. Pas plus. Elle n'en avait pas le courage.

[Taliesin]

Ainsi donc, l'une des inconnues allait le pousser à agir inconsidérément, tandis que l'autre tenterait de retenir son bras en usant d'arguments moraux. Voilà qui confirmait ce que le barde soupçonnait à propos du songe : entre sa cible et lui se dresseraient une série d'obstacles, des obstacles de nature différente mais avec un but commun : l'empêcher de parvenir à ses fins. Il ne tomberait pas dans le piège, toutefois. Oh non. Il choisirait son moment pour frapper. Le choisirait bien.

-S'il subsiste quoi que ce soit de lui sur Toril ? répéta-t-il, s'adressant à la jeune femme blonde. Et bien, madame, rendez-vous à Melandis : vous y trouverez l'entièreté de sa personne se pavanant dans quelque palais, à moins qu'elle ne soit occupée à tourmenter de malheureuses victimes sans défenses... Néanmoins, si nous étions dans la réalité, et si la chance m'était donnée de croiser ce monstre, croyez-bien que j'opterais spontanément pour la solution que vous prônez : je ne suis pas un meurtrier et, pour moi, la justice ne consiste pas à rendre coup pour coup. Cependant, nous ne sommes pas dans la réalité. Il y a une heure, deux peut-être, je me suis administré un remède à base de lotus noir, pour essayer de combattre le mal terrible qui me ronge et qu'on appelle Feuille Pourrie. Je n'ai pas tardé à sombrer, des souvenirs se sont succédé en mon esprit, de plus en plus rapides, de plus en plus entremêlés. Puis, après ce que je qualifierai de trou noir, voilà qu'arrive... tout ceci. Il ne peut donc s'agir que d'un rêve délirant dont l'étrangeté peu coutumière provient de la drogue que j'ai été contraint de prendre pour tenter de me soigner. Or, si l'on ne peut même plus se permettre en songe ce que l'on ne s'autoriserait jamais éveillé, la vie deviendrait encore plus sinistre qu'elle ne l'est déjà !

L'elfe jeta un regard aux autres occupants de la clairière.

-Cependant, pour aborder un autre sujet... Cela me fait mal de l'admettre mais je suis d'accord avec notre ami le tyran sanguinaire. Cinq personnes, cinq piliers, lesquels émettent un bruit étrange lorsqu'on les touche... Non, décidément, cela me semble bien être la seule solution pour mettre un terme à notre réclusion !

Il se dirigea donc vers le pilier, espérant sans trop y croire que la situation évoluerait dans un sens favorable à ses projets.

-Haut les cœurs ! lança-t-il en posant sa main grande ouverte sur la surface de cristal.

[Lothringen]

Mornagest avait beau s'être exprimé à haute et intelligible voix, les trois autres avaient un bon moment poursuivi leur petite apartée en l'ignorant totalement. Nul doute que le barde tentait de rallier les deux femmes à sa cause - ou plutôt, à ses projets d'assassinat. Le semi-drow hésita alors à intervenir, mais à quoi bon ? "Bornée" décrivait assez bien l'attitude de leur ennemi auto-proclamé, qui partait du principe que puisqu'ils étaient dans un rêve, ni les propos ni les gestes n'avaient d'importance. C'était sûrement faux, et le manostien se tenait prêt à lui faire passer le goût du meurtre gratuit.

Se faisant à l'idée que les messes basses fonctionnant dans un sens marchaient aussi dans l'autre, Lothringen en avait profité pour glisser à mi-voix à son compagnon, sans quitter le groupe des yeux.

► Afficher le texte

"Si j'en ai l'occasion, je m'expliquerai davantage, mais je pense savoir où nous sommes et... je n'y suis pas étranger. Si mon intuition est juste, nous voici dans une sorte de plan d'attente, avant une ou plusieurs mises à l'épreuve. Désolé d'avoir provoqué ça..."

Il observait toujours l'elfe et les deux femmes. Le barde finit par se déplacer pour se diriger vers un pilier et poser la main dessus. Le même phénomène se produisit que précédemment : une légère décharge, un bourdonnement. Lothringen en fit autant de son côté, tout en haussant les épaules : il était impatient de mettre un terme à un huis clos de plus en plus pesant. Le flux de haine de Taliesin était en effet contagieux, et le semi-drow n'aimait pas la colère et la peur qu'il lui inspirait : quand il s'agissait de la vie de son compagnon, si chèrement rachetée tout récemment encore, il se savait capable de n'importe quoi.

[Mornagest]

Le fichier joint mornagest.jpg n’est plus disponible.

Un peu surpris par la révélation de son compagnon, Mornagest resta stoïque et évita de lui répondre. Inutile de prendre le risque de faire peser sur eux deux des soupçons fondés... Au lieu de cela, voyant que Taliesin et Lothringen posaient la main sur un pilier de cristal différent, il réitéra son geste, espérant que cela suffirait pour les sortir de ce mauvais pas. Néanmoins... ne risquaient-ils pas d'être envoyés ailleurs, dans un autre endroit comme celui-ci, voire pire ? Il essaya de se préparer à n'importe quoi, ce qui pourrait leur tomber dessus. Mais comment se préparer à l'inconnu ? En songeant à toutes les situations similaires qu'il avait déjà vécu jusqu'alors. Cela offrait déjà un panorama assez spectaculaire, vu son passif...

[Echo]

A l'autre bout de la clairière, Chance faisait face à son piller et semblait hésiter à le toucher. Et si l'humain avait raison ? Si c'était la clé pour sortir d'ici ? Même s'il ne s'y passait pas grand chose, la clairière était un endroit sûr, enfin pour l'instant ; elle n'avait aucune envie de se retrouver face à une nouvelle statue mouvante au visage d'enfant. Ou pire encore.

Mais elle ne pouvait pas non plus rester ici indéfiniment...

Elle observa les autres, chacun près d'un piller différent. « Respire ». Elle prit une grande inspiration. « Maintenant poses-y ta main ».

Elle avança doucement sa main et le bout de ses doigts entra en contact avec le cristal. Elle frissonna.

[Althéa]

Angèle resta immobile quelques secondes, sonnée par les échanges. Finalement, elle s'approcha du pilier inoccupé. Et que se passerait-il ensuite ? Tout rentrerait-il dans l'ordre ? Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place comme le disait sa mère quand elle était petite. Étrangement, cela ne l'inquiétait pas. Après tout, en ce qui la concernait tout du moins, ce n'était pas vraiment l'inconnu.

Elle avança sa main, respira. Une respiration, une deuxième. Allez, un peu de courage. Elle ferma les yeux. Un visage aux traits familiers se dessina sous ses paupières. Un visage de femme d'un ovale parfait sur lequel commençaient à apparaître des rides de sourire et que ses mains avaient caressé durant presque vingt ans et dont elle avait pourtant peur d'oublier les contours. Certaines nuits à Melandis, elle s'était réveillée, croyant sentir sa présence. Elle avait même crû la voir. Mais ne restait que cette impossibilité et cet immense vide.

Ses doigts rencontrèrent le pilier.

[Lothringen]

Ils touchèrent donc enfin chacun leur pilier tout en retenant leur souffle. Ils ressentirent la vibration et l'électricité dans leurs doigts, mais cela n'eut pas l'effet escompté : il n'y eut pas de de démultiplication de puissance, et rien de plus ne se passa. Manifestement, ils n'avaient pas choisi la bonne combinaison, et les piliers ne correspondaient pas à chacun d'entre eux. Un soupir de déception plus tard, ils retirèrent leurs mains...

[Mornagest]

Le fichier joint mornagest.jpg n’est plus disponible.

Rien. C'était malgré tout décevant, même s'il craignait que c'était trop simple pour permettre de s'en aller de cet endroit. Fallait-il exécuter un ordre précis ? Ou appuyer sur le pilier d'une certaine façon ? Les combinaisons pouvaient être multiples, et ils risquaient de passer beaucoup de temps sans être couronnés de succès. Mieux valait réfléchir.

"Mmh... peut-être faut-il essayer dans un ordre particulier ? Nous ne sommes pas tous arrivés en même temps, est-ce lié ?"

Il espérait que les autres auraient d'autres idées, au cas où la sienne ne fonctionnerait pas. Et il fallait se préparer à une telle éventualité...

[Althéa]

Vibrations analogues des piliers quand ils y posèrent la main et cela dans n'importe quel ordre. Quand ils les touchèrent en même temps également. Le temps passa. Ils étaient toujours là, sous ce ciel d'encre et sans étoiles.

[Echo]

Ce petit jeu commençait à la rendre dingue ! Ils avaient testé toutes les combinaisons qui leur étaient venues à l'esprit mais, à part ce bourdonnement agaçant, rien ne se passait. Chance s'était assise dans l'herbe, résignée à mourir d'ennui lorsqu'elle finit par dire tout haut, sans réellement y croire :

- Peut-être... peut-être qu'il faut qu'on en touche un tous ensemble ? En tout cas, ça mérite d'être tenté...

[Lothringen]

Au point où ils en étaient, ils n'avaient rien à perdre, à part un peu plus de leur temps - et il semblait bien qu'ils ne se réveilleraient pas de sitôt s'ils ne faisaient rien pour quitter cette clairière dont ils avaient largement eu le temps de faire et refaire et refaire et refaire... le tour. Ils suivirent donc la suggestion de Chance, choisissant un pilier au hasard, et le touchèrent tous en même temps. Le pilier devint lumineux et ils se sentirent aspirés par le portail qu'il semblait dissimuler...

Une petite téléportation involontaire plus tard (estomacs retournés, côtes douloureuses, migraines...) ils se retrouvèrent à tenter de reprendre leur équilibre dans un nouveau décor.

Suite :
http://www.baldursgateworld.fr/lacouron ... post316723

[Lothringen]

La clairière était toujours là, inaltérable, sous la nuit d'encre. Rien ne pouvait perturber la rotondité impeccable du cercle des arbres, ni la disposition régulière des piliers tout autour. La pénombre n'avait pas changé de nuance, nulle étoile n'était apparue, pas un brin d'herbe n'avait frémi. L'endroit tout entier était demeuré dans l'attente.

Puis il se passa quelque chose. Une forme humaine se matérialisa sur le sol, précédée de sanglots. Angèle rouvrit les yeux et regarda autour d'elle, pour reconnaître le plan artificiel qu'ils avaient quitté, à cinq, peu de temps auparavant. Tout y était conforme à son souvenir, à une exception près. L'un des piliers de cristal avait pris une teinte sombre, comme s'il s'était imprégné de la nuit environnante.

[Althéa]

Elle resta un long moment sans pouvoir se relever, recroquevillée sur elle-même les yeux fermés, les mains sur les oreilles, secouée de sanglots. Combien de temps encore jusqu'à ce que son esprit comprenne et abandonne ? Pas de plan de fugue. Juste cette sinistre clairière et cette ville maudite. Quelle allait être la prochaine étape ?

Elle sentit la terre humide sous sa main et ses joues. Un sol terreux et non pavé. Mais où était-elle donc ? Elle se laissa aller sur le dos. Un seul regard lui apprit qu'elle était de retour dans la clairière. Mais où étaient les autres ? C'est en les cherchant du regard qu'elle vit le pilier qu'ils avaient touché tous les cinq afin d'avancer. Son aspect avait changé, noirci. Il en restait quatre autres, intacts.

Elle se redressa sur les coudes, s'assit. Elle ressentit une douleur au front, passa machinalement sa main, la regarda poisseuse. Elle se souvint de l'encensoir et du tesson qui l'avait éraflée. Elle fit appel au pouvoir de son dieu pour refermer la plaie. Rien ... Tyr n'était pas ici non plus. Ou peut-être l'avait-il simplement abandonnée parce qu'elle n'était plus rien. Une étape logique. Elle entoura ses jambes de ses bras, le menton posé sur ses genoux et ferma les yeux. Bercée par le silence, elle ne tarda pas à s'endormir.

[Althéa]

En provenance d'ici

Il sentit de nouveau le sol sous ses pieds. Peut-être ouvrit-il les yeux tout de suite, peut-être les garda-t-il fermés quelques minutes. Mais lorsqu'il se sentit prêt, il découvrit un lieu familier. Une clairière bordée de grands arbres. Un ciel d'encre dans lequel chaque étoile était morte et dont la lumière n'était plus qu'un souvenir.

Un peu plus loin, les piliers. L'un d'entre eux avait changé d'aspect. Les autres brillaient dans l'éternelle nuit. Non loin d'eux, une personne assise.


Angèle ouvrit les yeux au moment où le barde se matérialisait dans la clairière. Le corps perclus de douleur et de fatigue. Son regard s'éclaira cependant quand elle le vit.

"Vous êtes revenu" souffla-t-elle soulagée.

Elle regarda autour d'elle, surprise de ne voir que lui.

"Où sont les autres ? Que vous est-il arrivé ?"

[Taliesin]

-Comme vous, j'ai été conduit de force dans un bâtiment, et confronté à un mauvais souvenir, lui répondit-il, amical. Les autres devront subir la même épreuve... Nous les verrons réapparaître quand ce sera chose faite.

Il se réjouissait d'avoir vu juste sur ce point. Mais, à tout prendre, il aurait préféré se retrouver ailleurs que dans cette clairière. Car quatre pilliers restants, cela signifiait quatre épisodes supplémentaires... Au minimum. Car il se pouvait aussi que cet endroit ne soit, au final, que la première phase d'un système plus vaste... Mieux valait, cependant, ne pas trop songer à cela.

Il observa plus attentivement la jeune femme.

-Angèle, vous n'avez vraiment pas l'air en forme. Voulez-vous que j'essaie de vous lancer un sort de soin ? Je sais bien que les effets de la magie peuvent se révéler... imprévisibles, en ces parages. Cependant, je gage qu'il nous faudra bien essayer tôt ou tard. Et si cela pouvait vous soulager...

[Althéa]

Angèle se redressa avec peine, tentant d’occulter les larmes qui menaçaient d’affluer. La vision de la tête coupée de Yorven la hantait. Et avec elle, la culpabilité. Lorsque Taliesin lui proposa son aide, elle manqua lui dire que les soins étaient vains. Et que le corps qu’il désirait soigner n’était plus désormais qu’une enveloppe vide. Néanmoins, elle fit effort pour ne rien laisser paraître. Si elle savait ce qu’il lui était advenu ainsi qu’à Mornagest, il existait peut-être, pour les autres, encore un espoir.

« Je vous remercie de votre sollicitude. Mais j’ai essayé moi-même … Il semble qu’aucun sort ne fonctionne par ici. »

La blessure à son front avait fini par s’arrêter de saigner, ne laissant qu’une éraflure erratique qui disparaîtrait sans mal. Aucune douleur pour le moment. Ne subsistait que la fatigue.

« Il me semble avoir entendu votre nom murmuré à Melandis. Si je ne me trompe pas, vous êtes celui que l’on nommait « le prophète gris ».

[Taliesin]

Le barde grimaça. Ce nom... Quand certains s'étaient mis à l'appeler ainsi, l'infernal engrenage s'était déjà ébranlé.

-Oui, c'est bien moi. Mais, à vrai dire, je n'ai jamais compris pourquoi ce surnom... Quand on a commencé à me le donner, je me contentais de distribuer un peu d'argent aux malheureux de cette ignoble ville, je me rendais utile de ci, de là, pour de petites choses... Je ne prêchais rien, je ne promettais rien. Cependant, je n'avais pas mesuré à quel point ces gens avaient besoin de croire... que la situation pourrait changer. Mes actes insignifiants ont attisé les vents de la révolte, celle-ci s'est déclenchée sans que je l'aie vue venir, et je me suis résolu à la soutenir de mon mieux. Agir autrement aurait été... indigne. Malheureusement, aussi justes soient-elles, les rébellions triomphent rarement, et la nôtre a échoué, comme tant d'autres. Quant au Prophète Gris, ce jeune optimiste persuadé qu'il était possible de changer le monde, pour peu qu'on se retrousse les manches... Il a agonisé dans le désert et trépassé à Luménis, sous les coups de Morféa Nwak. Je ne le regrette pas. Ce que je regrette, en revanche, c'est qu'il ait vu le jour. Si j'avais été plus sage durant mon séjour à Melandis, j'aurais soutenu les opprimés autrement, avec moins d'impulsivité, plus de patience et de discernement... Et tous ces drames auraient été évités.

Il soupira puis, comme pour chasser ces sombres réminiscences, il secoua la tête.

-Si je puis me permettre, seule la magie divine a été testée jusqu'ici, reprit-il, revenant à un sujet moins pénible. Peut-être en va-t-il autrement de la magie profane ? Le mieux est sans doute d'attendre le retour du conseiller Lothringen pour solliciter son avis : en tant que mage, il saura si on peut sans trop de risques faire un essai. Pour le reste...

Il lui adressa un sourire encourageant.

-Ne repensez plus à ce qui vient de se passer, dans ce temple... Ce cauchemar retourne simplement nos mauvais souvenirs contre nous. La chose se reproduira, sans doute, mais il ne faudra pas se laisser prendre, se laisser atteindre. On ne va quand même pas permettre à un simple rêve de nous torturer, non ?

Tenir semblable discours à une figure onirique pouvait paraître curieux. Néanmoins, ce faisant, il essayait aussi de se réconforter lui-même...

[Althéa]

Elle avait dodeliné de la tête en l'écoutant. Oui, elle se souvenait des légendes concernant de Prophète Gris, cette révolte étouffée dans le sang. Et pourtant, lorsqu'on prêtait l'oreille certains espéraient encore son retour.

"Peut-être n'avez vous pas réussi mais au moins avez vous essayé. Vous ne pouviez pas prévoir la façon dont tout cela allait tourner. Melandis ne change pas. Au contraire, c'est elle qui vous change ... "

Le concept d'incertitude s'appliquait fort bien à Melandis. Peut-être même la ville et ses habitants en étaient-ils la personnification. Elle pensa aux trois autres aux prises avec leurs souvenirs.

"C'est peut-être un rêve ou plutôt un cauchemar, souffla-t-elle, j'aimerais qu'il se termine ..."

Une simple constatation. Elle ne voulait plus se souvenir. Simplement trouver la paix dans les derniers moments. Simplement des pas s'effaçant sur le sable mouillé. Une vague et tout était balayé.

[Taliesin]

Melandis ne pouvait-elle vraiment jamais changer ? En tout cas, il espérait que la situation en ville n'aurait pas empiré, quand il y remettrait les pieds, car si aggravation il y avait eu, elle lui serait à coup sûr imputable...

-J'aimerais aussi que ce cauchemar se termine. répondit-il après quelques instants de silence. Malheureusement, je crains qu'il ne se prolonge encore un moment. Il nous reste quatre piliers à activer, et je pense que chacun d'entre eux nous conduira... vers un nouveau lieu. Cependant, il n'est pas impossible que, dans le monde réel, quelqu'un vienne à nous réveiller, interrompant du même coup tout ceci...

En la matière, ses espoirs étaient minces : la dénommée Béryl, à Rivenalis, ne lui avait-elle pas dit que quiconque prenait le remède à base de lotus noir restait plongé dans les limbes plusieurs jours durant ? Toutefois, le temps s'écoulant différemment dans la réalité et dans les rêves. Il n'était pas à l'abri d'une bonne surprise.

Poussant un soupir, il observa à nouveau la jeune femme. Elle n'avait vraiment pas l'air au mieux de sa forme et l'envie de l'apaiser se faisait sans cesse plus pressante. Que risquait-il à tester sa magie ? Les expériences du monde onirique ne pouvaient être mortelles...

[Althéa]

Elle acquiesça en silence. Elle partageait son opinion en ce qui concernait les épreuves. Mais elle était doutait d'un éventuel réveil. Du moins pour ce qui la concernait. Pour les autres ... S'il existait quelque part une possibilité. Peut-être pouvait-elle encore aider un peu. Et pour cela, elle se devait de tenir. Taliesin de par son optimisme l'aidait à garder le cap. Pour ce qui était de sa condition physique ...

"Peut-être avez vous raison pour ce qui est des sorts de soins profanes. Il m'est difficile de l'avouer mais ..."

Nul besoin de s'attarder sur la douleur et la fatigue ressenties. Il les avait perçues. D'ordinaire, elle préférait aider que faire appel aux autres. Mais ici, elle n'avait pas vraiment le choix. Ensuite peut-être irait-elle mieux, ou assez bien pour donner le change.

"Dans tous les cas, je vous en remercie."

[Taliesin]

L'elfe jeta un regard circulaire, en quête d'indices révélant le retour prochain des autres membres du groupe. Mais c'était idiot, puisqu'on arrivait dans cette clairière sans le moindre signe annonciateur : on apparaissait tout à coup en un point qui, l'instant précédent, était totalement désert. Bref, il n'avait aucun moyen de savoir combien de temps encore Chance, Lothringen et Mornagest resteraient absents. Il allait donc devoir prendre sa décision sans avis extérieur.

Il se mordit la lèvre, indécis. Mais Angèle paraissait vraiment trop mal en point pour qu'il puisse accepter de rester à ses côtés sans rien tenter. De surcroît, toujours convaincu qu'il était dans un simple rêve, il pensait réellement ne courir aucun danger. Il avait même l'impression que le cauchemar le poussait à agir. Or, il avait pu constater qu'en ces sinistres parages, tous les efforts pour éviter l'inéluctable se révélaient vains...

-Je vais voir ce que je peux faire, annonça-t-il enfin. Malheureusement, je ne suis en mesure de lancer que des sortilèges de soins légers, si bien que, même si la magie profane fonctionne, je ne puis vous promettre des miracles...

L'instant suivant, il commençait à incanter.

[Althéa]

Il y avait pourtant la sollicitude et la bienveillance du barde, sa volonté de soigner. Mais il ne se passa rien. Pas un crépitement attestant la présence d'énergie magique. La blessure au front resta ouverte. Et la fatigue resta intacte.

Angèle ferma les yeux quelques instants. Elle n'avait pas été inquiète de voir l'effet du sort du barde. Elle savait qu'ils étaient lancés sans malveillance aucune. Donc ils l'aideraient ou seraient sans effet. Elle accueillit la deuxième option sans manifester de déception aucune. Il avait au moins essayé.

"Je vous remercie.", dit-elle simplement.

[Lothringen]

De retour d'ici

C'est à peine s'il eut le temps de se sentir disparaître avant de se rematérialiser, titubant, dans la clairière. Au moins son expérience des téléportations multiples lui épargnait-elle de se déséquilibrer tout à fait pour s'étaler dans l'herbe. Il jeta un rapide regard alentours, à la nuit noire, aux PILIERS, à la clairière, aux deux êtres qui s'y tenaient déjà. Il remarqua aussi que l'un des PILIERS s'était assombri, ce qui laissait une idée assez claire de ce qui les attendait encore. Quatre autres épreuves, et la clairière pour point de repos...

Il jeta un coup d'oeil au barde et à la paladine, qui discutaient. Pas de morts, bien... Mornagest reviendrait bientôt. En quel état ?

"Comme on se retrouve... Heureux de voir que vous vous en êtes sortis."

Mais il n'eut pas le courage d'en dire davantage, et se contenta d'aller s'adosser contre un PILIER de cristal. Il avait besoin de mettre de l'ordre dans ses idées. Qu'avait-on essayé de lui faire comprendre ? Indéniablement, après ce qu'il était arrivé à Angèle, il s'était attendu à se voir confronté à Dorson. Mais il s'était aussi attendu à pire que ce qu'il avait vu. Il avait tellement de sang sur les mains, tellement de souvenirs odieux, pourquoi lui montrer une leçon de divination presque innocente datant de son adolescence ? ça n'avait pas de sens.

[Taliesin]

-Ne me remerciez pas : c'était normal d'essayer, je n'allais pas rester sans rien faire alors que vous êtes mal en point... Je suis cependant désolé d'avoir peut-être fait naître en vous des espoirs de guérison pour aussitôt les décevoir...

Lui-même n'était guère surpris, ayant imaginé que sa tentative se solderait soit par une catastrophe, soit par l'absence complète de résultat. Mais il n'eut pas le temps de ressasser son échec : Lothringen venait de réapparaître brusquement.

-Conseiller, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelles à vous annoncer, dit-il, en manière de salut. La bonne, c'est que vous pouvez incanter sans le moindre risque. La mauvaise, c'est que ça ne donnera absolument rien. La magie profane est tout aussi inopérante que la divine.

[Mornagest]

En provenance d'ici

Le fichier joint mornagest.jpg n’est plus disponible.

Un bref éclair. Une silhouette se découpa dans la lumière, un colosse aux longs cheveux. Mornagest, l'air un peu sonné par ce nouveau voyage astral - du moins le supposait-il - se tint coi un instant. Ce souvenir qui avait resurgi devant lui... plus que jamais, il regrettait son passé. Tout ce qui aurait pu se produire... il s'était rendu compte que chaque période clef de son existence s'était décidée sur une petite chose, qui, si elle ne s'était pas produite, aurait rendu les choses entièrement différentes. La mort de ses parents... la mort d'Helena... sa propre mort... tout n'était que mort. Et désolation. Et seul lui restait, survivait à tout ce cirque sans fin. Il lui fallait aller de l'avant, maintenant. Le passé était immuable, il le savait. Il venait encore d'en avoir la cruelle démonstration.

Il leva les yeux. Ses compagnons d'infortune étaient à nouveau là, eux aussi. Lothringen était présent également. Sa confrontation avec Dorson avait dû être effroyable. Quant aux autres... il ignorait ce qu'ils avaient pu endurer. Angèle devait avoir vécu des choses bien pénibles également. Taliesin et Chance... Chance n'était pas revenue. Allait-elle rester dans la cité ? Ou était-elle simplement retenue un peu plus longtemps, comme il l'avait probablement été lui-même ?[/i]

[Lothringen]

« Merveilleux ! » lâcha le semi-drow, sans préciser s'il réagissait par là à l'annonce du barde elfe ou à l'arrivée de Mornagest. Que la magie soit inopérante ne le surprenait guère ; après l'échec de la tentative de soin de la paladine, il ne s'était pas attendu à autre chose. Même si cela signifiait aussi qu'il ne pouvait rien faire, rien tenter pour les arracher à ce plan, même pas de renouveler l'accident du jardin de la mélancolie.

Il regarda furtivement le guerrier, cherchant à savoir s'il n'était pas trop ébranlé par ce qu'il venait de vivre. Pour sa part, il ressassait. Il ne comprenait pas, et quand Lothringen ne comprenait pas, il appuyait là où ça faisait mal jusqu'à ce qu'un sens veuille bien daigner commencer à se dégager. En réalité, des explications, il lui en venait plusieurs. On avait pu vouloir lui rappeler que le mage drow était aussi à la source de sa puissance actuelle. Ou encore, en lui refusant les scènes qui le hantaient, lui faire comprendre qu'il était trop dur avec lui-même... Plusieurs explications lui venaient, mais aucune ne le satisfaisait vraiment. Il soupira. Il serait heureux le jour où Dorson ne serait plus qu'un théâtre d'ombres sur un mur... Mais l'archimage était bel et bien vivant sur Toril. En attendant, les intentions ou le mode de fonctionnement du plan du Rêve dont ils étaient prisonniers continuaient partiellement de lui échapper.

[Mornagest]

Le fichier joint mornagest.jpg n’est plus disponible.

Il reprit ses esprits assez rapidement. Tout le monde semblait sain et sauf, c'était déjà ça. Quant à savoir où restait Chance...

"Je suppose que vous avez aussi vécu une expérience... pénible. Est-ce que vous avez revu la demoiselle ? J'imagine qu'elle est encore prisonnière de la cité..." Et aucun moyen de lui venir en aide. De toute façon, ils semblaient tous voués à subir individuellement leur épreuve...

Il fut soulagé de voir que Lothringen paraissait avoir conservé son aplomb. Mais la question de la suite se posait déjà : qu'allait-il se passer ? C'est alors qu'il vit le pilier qu'ils avaient touché auparavant, noirci. Les quatre autres les attendaient, semblant les narguer. La suite, elle était là...

"Est-ce que quelqu'un a un début d'explication à tout ceci ?" Il n'avait pas encore la moindre piste sérieuse quant à ce sujet.

[Althéa]

Angèle redressa vivement la tête. Chance n'était pas là. Elle se leva brusquement, saisie par l'inquiétude. Il y avait quatre piliers qui semblaient encore en l'état de fonctionner, et ils étaient quatre présents. Que signifiait cela ? Pourquoi Chance n'était-elle par revenue ? Elle revit la tieffeline angoissée, refusant presque d'avancer ... Que s'était-il passé ? Peut-être s'était-elle réveillée. Mais elle en doutait fortement.

"Non, Chance n'est pas revenue."

Elle essaya de ne pas laisser transparaître son inquiétude. Elle s'efforça d'éviter de faire les cent pas. Cette manie avait une forte tendance à porter sur les nerfs de son entourage et elle devinait qu'ils n'en avaient pas besoin. Elle regarda tour à tour les autres forçats de cette clairière prison. Ils avaient tous l'air éprouvés, tout du moins de se poser des questions. Avaient-ils dû affronter des épreuves similaires à la sienne comme le supposait Taliesin ? Dans quel passage de leur passé était-on allé piocher ? Qu'avaient-ils entendu ? Et d'ailleurs, qui étaient-ils ? Elle ne les connaissait pas.

Feu Mornagest et Lothringen avaient l'air proche, s'adressant souvent la parole. Et le conseiller manostien avait pris sa défense ... Était-ce un signe de la duplicité que soupçonnait son jumeau ? Elle se devait lui poser la question. Même si elle n'était plus en mesure de transmettre la réponse. Elle pensa à Guiguemar. Il arrivait - heureusement très rarement - que l'un et l'autre ressentent les émotions de l'autre et parfois ses sensations quand elles étaient extrêmement marquantes. Caractéristique induite des jumeaux dont ils se seraient l'un et l'autre bien passés. Avait-il éprouvé ce qu'elle avait vécu ? Avait-il compris qu'elle était partie ? Mais il était trop tard pour réfléchir.

[Echo]

Le décor avait changé une nouvelle fois, brutalement. Chance chancela et se laissa tomber lourdement dans l'herbe fraîche de la clairière ; ces changements de décor intempestifs lui donnaient la nausée, faisaient tourner sa tête comme dans une valse folle et grisante. C'est un regard perdu qui tomba sur ses compagnons d'infortune et c'est avec soulagement qu'elle remarqua qu'ils étaient tous ici. Le soulagement fut hélas de courte durée : si elle était revenue ici alors cela voulait dire qu'elle n'en avait pas fini avec ce cauchemar et ses épreuves sadiques. Elle capta un instant le regard d'Angèle et faillit ne pas la reconnaître tant celle-ci semblait lasse et brisée. Inquiète aussi.

- Je vais bien, dit la tieffeline en se massant douloureusement les tempes.

Le capuchon cachant toujours une partie de son visage, Chance se plongea alors à nouveau dans le mutisme. Un pilier avait changé de couleur, les quatre autres semblaient inchangés. Elle avait peur de comprendre ce que cela signifiait. Quatre autres épreuves...

Non. Il en était hors de question.