[Bâtiment] Le Stade de Melandis

[Taliesin]

Construit des siècles avant que l'actuelle Melandis ne soit fondée, le stade compte parmi ses édifices les plus anciens et les plus impressionnants de la cité. Parmi les plus courus, aussi, car les spectacle auxquels on peut assister ici sont fort prisés de la population : combats de gladiateurs et chasses aux fauves ou aux monstres.
De forme circulaire, le bâtiment compte deux entrées. La première, monumentale et dotée de grands panneaux sur lesquels est inscrit le programme des attractions du jour, est ouverte au tout venant qui doit faire longtemps la queue avant de pouvoir payer son billet et pénétrer à l'intérieur. La seconde, discrète et bien gardée, est réservée aux privilégiés ; elle permet en outre d'accéder aux sous-sols où l'on peut observer les futurs combattants.
Une fois les portes franchies, des galeries et des rampes permettent de gagner les gradins de pierre encerclant la vaste arène. Les plus bas, qui sont également les plus larges, sont destinés aux patriciens, le premier rang étant même occupé par de luxueuses loges privées. Les plus élevés, qui sont aussi les plus étroits et les plus éloignés de la lice, accueillent le commun des mortels.

[Galathée]

Quête : Les Squelettes du Placard
Chapitre 9 : Sauvetages (suite)

Arrivant du Comptoir des Transparences, Guéric et Taliesin, sous leurs apparences illusoires, parvinrent aux arènes. Comme l'avait prédit Ybarra, les premiers combats du jour avaient débuté et les grands panneaux à l'entrée annonçaient en termes grandiloquents le programme : combats de fauves, affrontement animal / humain, massacre de gnomes, tir aux halfelins, dévoration de vierges et autres batailles rangées s'étalaient en lettres majuscules, avec parfois, quelques fautes d'orthographe. On mentionnait aussi les Grands Duels, pour la fin d'après-midi et quelques noms étaient placardés en lettres rouge sang sur des écriteaux spécialement conçus à cet usage. Kirshook le Demi-Ogre. Devaniel Double-Danse. Maet'tar d'Outreterre. Et le Luménien.
A l'entrée du bâtiment, deux demi-orques en livrée noir et sable filtraient le flux dispersé des visiteurs.
" C't'une pièce de cuivre ! beugla l'un des deux lorsque Taliesin s'approcha. Une pièce d'argent pour la journée."

[Taliesin]

Taliesin adopta aussitôt la mine pincée d'un nanti qui ne supporte pas que de simples gardes osent l'interpeller de la sorte mais qui sait pertinemment que s'offusquer ne servirait à rien.
-Et quel est le tarif si on ne souhaite pas assister aux combats mais juste discuter avec le propriétaire d'une écurie ? s'enquit-il tout en commençant à compter la menue monnaie qu'il avait pris soin d'emporter. J'imagine que c'est le même tarif qu'une entrée simple ?
Cela ferait donc deux pièces de cuivre, s'il ne se méprenait pas.

[Galathée]

" Ce que vous faites à l'intérieur, c'est pas mon problème." rétorqua le demi-orque en s'emparant de l'argent.
Il leur désigna ensuite l'arche de pierre du pouce.
" Grouillez-vous si vous voulez pas manquer le griffon."
Puis ses yeux tombèrent sur Guéric.
" Les armes sont interdites à l'intérieur. Dépose ta hache là-bas."
Et il lui montra une table derrière lui où un homme étiquetait et rassemblait les armes abandonnées. Le nain hirsute jeta un oeil vers l'humain en habits nobles. Ils allaient avoir un problème, car la hache était illusoire, et elle deviendrait petite dague halfeline sitôt déposée sur une table.

[Taliesin]

S'il n'y avait eu que les gardes de la porte, le barde se serait plié à leurs exigences : ils n'auraient pas forcément fait attention au phénomène. Mais puisque quelqu'un s'occupait des armes laissées en arrière par les spectateurs, cette tactique conciliante était inenvisageable. Aussi se para-t-il aussitôt d'une expression de fureur contenue.
-Que vous appliquiez cette mesure aux plébéiens, soit, dit-il d'un ton à la fois hautain et indigné. C'est même tout à fait compréhensible, vu les manières sauvages de ces rustres. Mais que vous me demandiez la même chose, à moi, Peter Baelish, c'est proprement inadmissible ! Exigez-vous cela des Bossuaire, des Vainevie ou même des Gardepont ? Les obligez-vous à se mêler à la lie de cette cité après avoir désarmé leurs gardes du corps ? J'en doute fort. Sinon, vous ne compteriez plus aucun membre de la bonne société parmi votre clientèle !
Il sembla faire un violent effort pour se calmer et reprit, d'une manière un peu plus posée.
-Mais je suis certain que vous ne tenez pas à ce que je tourne les talons pour aller informer mes relations de la manière dont vous m'avez traité... Je suis certain, au contraire, qu'il est possible de s'arranger. Je l'espère pour vous, en tout cas.

[Galathée]

L'explosion de fureur du barde laissa le demi-orque pantois. C'était manifestement la première fois qu'il avait à subir ce type de sortie et il paraissait n'avoir aucune idée de la conduite à tenir. Tout le monde regardait désormais dans leur direction et un homme se détacha de l'arche de pierre pour venir à leur rencontre. C'était manifestement un responsable des arènes d'un certain grade, portant une tenue plus raffinée. Il sourit à Taliesin.
" Messire Baelish, ne vous offusquez pas, vous auriez dû nous prévenir tout de suite de votre visite, fit-il, mielleux. Celle-ci est l'entrée du peuple... Nous avons une porte... réservée aux personnes de votre statut."
Autour d'eux, le flux des visiteurs s'était remis en marche.
" Puis-je vous accompagner dans une des loges ? Qui accompagnez-vous aujourd'hui ?"

[Taliesin]

Visiblement, l'individu s'était mépris ou avait mal entendu sa tirade. A moins que celle-ci n'ait pas été très claire. Quoi qu'il en soit, Taliesin préféra ne pas le détromper d'emblée et répondit d'une manière qu'il espérait suffisamment vague :
-Je vous en saurais gré. J'ai affaire avec messire Pelleas Gargon, mais je ne sais point s'il est déjà arrivé.
Son ton s'était adouci, de même que son attitude. Il se comportait désormais comme un dignitaire qui était soulagé de se voir traité conformément à son rang et qui s'efforçait d'oublier l'indélicatesse d'un garde mal embouché.

[Galathée]

" Messire Gargon est certainement dans les sous-sols avec ses concurrents, fit l'homme en l'entraînant sous l'arche de pierre. Je vais vous conduire à sa loge, si vous le désirez, et je le ferai prévenir de votre présence. A moins que vous ne vouliez aller le retrouver directement en bas ?"
Le portail donnait sur un vaste escalier qui donnait, plus haut, sur l'extérieur. On entendait les cris de la foule.
" Mais vous voulez peut-être placer un pari ou l'autre avant de passer à vos affaires ? Cet après-midi, le Luménien affronte un clerc de Talos et nous avons un illithid en lice contre le Demi-Ogre. Les gains devraient être intéressants, les parieurs ont été très divisés."

[Taliesin]

-Tout cela est fort tentant, je l'avoue. Malheureusement, étant ici dans le cadre de mon travail, je ne puis m'en détourner dans l'immédiat. Nous verrons plus tard, si mon emploi du temps me le permet. Pour l'heure... Je serais ravi de rejoindre messire Gargon dans les sous-sols. Néanmoins, sans doute y est-il fort affairé, et je m'en voudrais de le déranger : ce ne serait guère courtois. Alors, si vous jugez préférable que je l'attende dans sa loge, procédons de la sorte.
Cette option prendrait plus de temps mais lui éviterait de tomber nez-à-nez avec un éventuel compagnon de lutte. Ceci dit, depuis la loge, il risquait d'en voir d'autres dans des circonstances encore plus intolérables. Bref, il s'en remettrait à l'avis de son guide, c'était le plus logique, le plus en accord avec le rôle qu'il jouait.

[Galathée]

" Ecoutez, descendons jusque là. S'il est trop occupé, il vous le signifiera à sa manière inimitable... Vous savez comme il est."
Il fit signe à Taliesin et à Guéric de le suivre vers une porte latérale qui s'ouvrait sur le premier palier de l'escalier monumental. Il s'immobilisa devant la porte pour la déverrouiller, fit signe à un garde qui attendait juste derrière, puis s'engagea dans une volée de marches étroites, éclairée par des lampes tremblotantes. Il faisait frais mais une odeur de sueur et de sang, ténue, flottait dans l'air. Ils arrivèrent bientôt sur un autre palier, l'homme poussa une porte et ils débouchèrent dans un vaste couloir au plafond arrondi. Devant eux marchait un groupe d'une dizaine d'hommes en armure, devisant tranquillement, alors qu'ils étaient couverts de poussière et de sang. Derrière eux, on traînait le corps d'un buffle, remorqué par deux chevaux nerveux. Ils marchèrent quelques minutes dans ce corridor courbe, qui dessinait probablement le tracé du stade, avant de prendre un nouveau couloir, où ils croisèrent plusieurs combattants, certains enchaînés, d'autres libres mais encadrés de gardes, un adolescent qui pleurait, une jeune elfe à la robe déchirée qui paraissait repliée en elle-même. Leur guide ne se surprit de rien, salua des collègues, puis s'immobilisa devant une porte marquée d'un oiseau bleu, et donna deux petits coups.

[Taliesin]

Le barde se rappelait parfaitement de ces lieux : à la tête des insurgés, il s'en était emparé alors que la révolte approchait de son zénith. Cette opération avait alors revêtu pour lui une importance toute particulière, au point qu'il en avait fait une affaire personnelle. Mais la cause lui en échappait, aujourd'hui... Peut-être cette attaque lui tenait-elle tant à cœur parce que le stade constituait un puissant symbole de la tyrannie mélandienne ? Il n'aurait su dire.
Quoi qu'il en soit, ce n'était pas ces souvenirs heureux qui lui peuplaient l'esprit tandis qu'il progressait dans le couloir. Non, il songeait plutôt à tous les malheureux rebelles qui, n'ayant pu fuir à sa suite, avaient été jetés dans ces geôles avant d'être massacrés dans l'arène voisine...
Ne pas penser à eux. Ne pas penser aux actuels prisonniers. Se concentrer sur Deverell et sur ce Peter Baelish qu'il incarnait et qui, sous de fallacieux prétextes, devait œuvrer à la libération du paladin.

[Galathée]

La porte s'ouvrit sur un esclave elfe, la mine soucieuse.
" Messire Baelish est là pour voir Messire Gargon, annonça l'homme qui les avait guidés d'une voix tranquille.
— Messire Baelish ? Qui est messire Baelish ?" répondit l'elfe avec une grimace.
On entendait des bruits de lutte et des conversations provenant de l'intérieur.

[Taliesin]

-C'est moi, annonça l'elfe, s'avançant d'un pas, le port altier et le ton hautain. Je souhaite traiter avec votre maître d'une affaire très importante. Néanmoins, s'il est occupé, je ne voudrais surtout pas le déranger : je peux aller l'attendre près de sa loge.
Et d'espérer que leur guide n'aurait pas l'impression d'avoir été trompé. Mais, après tout, il n'avait jamais dit connaître Pelleas Gargon, ni être connu de lui...

[Galathée]

L'esclave haussa les épaules et lui fit signe d'entrer. Le guide s'inclina servilement et repartit dans le couloir.
La salle voûtée dans laquelle Taliesin et Guéric pénétrèrent était vaste et brillamment illuminée. Elle contenait des cellules de grandes dimensions, aux allures de cages, dont les parois étaient entièrement grillagées, à l'exception de l'endroit où elles rejoignaient les murs de pierre. Il y avait aussi une zone centrale ronde et plusieurs présentoirs chargés d'armes et d'armures. L'elfe fit signe à Taliesin et Guéric de le suivre et ils passèrent devant les deux premières cellules, qui contenaient des combattants fatigués, couverts de poussière, parfois de sang. Dans l'une d'entre elles se trouvait un clerc en aube noire, en train d'incanter à côté d'un homme couché qui gémissait. Dans la cellule suivante se trouvaient deux hommes enchaînés, sur lesquels un forgeron essayait des plaques d'armure, devisant avec son assistant. La quatrième cellule était vide. Ils arrivèrent à la rotonde où deux hommes s'entraînaient sous les yeux de trois autres. Ils étaient à moitié nus et s'affrontaient avec des armes en bois. Le premier était un colosse blond, le second un demi-orque d'une laideur sans nom. Les spectateurs étaient un homme en armure d'une cinquantaine d'années, le visage balafré, et le regard dur, un mage en toge jaune et rouge, très jeune et nerveux, et un noble d'une quarantaine d'années, cheveux noirs et barbe courte, le pourpoint bleu ciel. Ils échangeaient de temps en temps des remarques à voix basse.
Guéric tira discrètement sur la manche du barde comme ils arrivaient près de l'affrontement.
" Au fond à droite." souffla-t-il.
Reconnaître Deverell s'avéra d'une simplicité déconcertante, tant il ressemblait à une version jeune et beaucoup plus athlétique de son père. Il occupait seul la dernière cellule à droite. Vêtu d'une chemise et de chausses tout à fait banales, il était assis sur sa couche, appuyé au mur, et lisait un livre en mangeant une pomme. Il avait l'air complètement indifférent au tumulte ambiant, plongé dans sa lecture. S'il n'avait eu un collier de fer autour du cou et des grilles pour le retenir, il aurait eu l'air d'un jeune homme tranquille profitant d'un moment de répit pour se détendre.
" Messire Baelish désire s'entretenir avec vous." fit l'elfe en s'inclinant devant le noble en pourpoint bleu, rappelant Taliesin à sa mission présente.
Pelleas Gargon tendit une main amicale à l'elfe métamorphosé et lui sourit.
" Vous, je ne vous connais pas, annonça-t-il. Mais si vous êtes arrivé jusqu'ici, c'est que vous avez à me parler."

[Taliesin]

-C'est tout à fait vrai. Je vous présente mes excuses si ma présence est inopportune, et je vous promets d'être aussi bref que possible.
Sans se départir de ses grandes manières, il avait désormais ajouté à son numéro une certaine dose de déférence, comme il convenait à quelqu'un qui, s'il est un membre de la bonne société, reste un prestataire de service et, par conséquent, possède un statut social légèrement inférieur à celui de ses employeurs.
-L'affaire dont je souhaite vous entretenir réclamant la plus grande discrétion, accepteriez-vous que nous nous éloignions de quelques pas ? s'enquit-il après avoir jeté un regard aux combattants et aux autres spectateurs.

[Galathée]

Gargon haussa les épaules et fit signe à Taliesin de le suivre. Il s'éloigna de la rotonde et s'engagea dans l'espace entre les deux dernières cellules. Deverell leva les yeux de son livre, regarda Taliesin sans manifester la moindre émotion, reprit son activité. Sur un geste de l'elfe, Guéric était resté en arrière et feignait de s'intéresser aux deux combattants. La cellule de gauche contenait un barbare qui ronflait et un elfe enchaîné par les chevilles à un anneau au sol, et qui paraissait à moitié fou.
" Alors ? De quoi s'agit-il ? J'ai une journée chargée et je dois avouer que votre nom m'est... complètement inconnu."

[Taliesin]

Le sourire que lui adressa le barde était empli de fierté.
-Je prends cela comme un compliment, messire, car c'est la preuve que je fais bien mon travail ! Mais je m'en voudrais de vous faire perdre votre temps précieux avec de vaines digressions. Aussi irai-je droit au but. Je sous pourvoyeur de plaisir auprès des membres les plus éminents de la bourgeoisie et de la noblesse mélandiennes : je leur fournis, en toute discrétion et sans qu'ils aient à bouger le petit doigt, l'objet de leurs fantasmes les plus fous, que la peur du scandale ou le manque de temps les empêche de se procurer par eux-mêmes. En l'occurrence, la personne qui m'a commandité rêve de passer une nuit en compagnie de votre si célèbre Luménien. Je voudrais donc vous demander si la chose est possible et, si oui, discuter avec vous des diverses modalités de l'opération.
Il avait parlé à mi-voix, pour montrer à quel point le secret lui importait.

[Galathée]

Le visage de Gargon refléta un moment son incrédulité, puis il se mit à rire.
" Vous faites bien de baisser la voix. Il déteste ce genre de tractations."
Le noble s'appuya à la grille de la cellule du paladin, sans se départir de son sourire.
" Bon, soyons clairs. Si c'est une femme, vous pouvez déjà laisser tomber. La seule manière de le faire bander, c'est de le faire boire, de le droguer au lotus noir puis de lui lancer un sortilège de confusion. Ensuite, il est juste bon pour un prélèvement, pour autant qu'on ait un peu de doigté. Et il met trois jours à s'en remettre, ce qui n'arrange pas mes affaires. Si c'est un homme, il y a une série de conditions. Notamment que vous preniez à votre charge les frais de clerc pour me le retaper ensuite. Et il faut que votre client sache qu'il ne sera pas consentant. Pour rien. Mais si c'est le genre d'étreinte brutale qui plait à votre commanditaire, alors c'est organisable, sans soucis. Mais je demande cher, et je prends une caution."

[Taliesin]

-La personne qui m'a commandité, et dont je ne peux malheureusement révéler le sexe puisque ce serait contraire aux closes de confidentialité, est prête à mettre la somme nécessaire, ainsi qu'à assumer tous les frais annexes, répondit-il, assuré, comme s'il s'agissait là de simples broutilles. Verser une caution ne posera pas davantage problème. Reste à déterminer où la "rencontre" pourrait avoir lieu : la personne pour qui je travaille tient à n'être vue d'aucun témoin.

[Galathée]

Gargon croisa les bras.
" Je veux savoir de qui il s'agit. Il y a beaucoup de trop de personnes qui veulent me l'abimer pour que je prenne le risque de le livrer sans garanties. Je comprends parfaitement que votre commanditaire ne veuille pas être connu, mais il devra faire une exception pour moi. Je peux promettre de n'en toucher mot à personne, cela dit. Et ça peut se faire ici : il y a assez de chaînes pour maîtriser n'importe qui. Si votre commanditaire a besoin d'une couverture, mon mage peut s'en charger, moyennant supplément."
Derrière Gargon, Deverell avait posé son livre et les regardait à présent, l'expression furieuse.

[Taliesin]

Il parut embarrassé, fronça les sourcils sous le coup de la concentration et reprit, encore plus bas.
[color=#FFFFF66]-Le problème, quand on est tenu comme moi par le secret, c'est de donner des indications sans trahir sa parole... Hum, alors comment vous expliquer... Disons que quand j'ai affirmé que mes clients comptent parmi les plus éminents personnages de la cité, ce n'était pas une exagération. Quand il s'agit de nobles, ce ne sont pas de simples chevaliers ou de petits barons, loin s'en faut. Quand il s'agit de bourgeois, leur seul problème concernant l'argent est de trouver des lieux assez vastes pour l'entasser. Dans les deux cas, si ce type de personne se déplaçait dans ces sous-sols, ce que leur statut ne leur permet pas vraiment, ils seraient accompagnés de dizaines de gardes du corps et d'autant de serviteurs. Vous comprendrez donc que je ne puisse passer outre mes engagements de confidentialité. Et pas uniquement par crainte de perdre ma réputation, si vous voyez ce que je veux dire...[/color]

[Galathée]

" Je suis désolé, mais même si vous représentiez l'Empereur, je voudrais le savoir. Si ces locaux ne conviennent pas, nous pouvons en trouver d'autres, mais il n'est absolument pas question que mon meilleur combattant aille se faire mettre sans que je sache où...
— Ne me vends pas, Gargon." intervint Deverell, d'une voix sourde.
Le Luménien s'était approché et se tenait juste derrière son maître, les bras croisés, le dominant presque d'une tête.
— Tu permets, ce sont mes affaires.
— Je laisserai le Talosien prendre le dessus.
— Ne sois pas ridicule, tu veux.
— Je te jure que je le laisserai prendre le dessus.
— Si tu le laisses prendre le dessus, tu pourrais ne pas pouvoir renverser le cours du combat."
Deverell eut un sourire tranquille, défiant.
" Tu te crois intouchable, mais tu vas finir par mordre la poussière.
— On parie ?
— Je vends ton cul si j'ai envie de vendre ton cul, tu ferais bien de t'en souvenir. Vu ce que ça va me rapporter, je peux me permettre de perdre un peu sur ce combat.
— Ne fais pas ça, Gargon."
Le noble lui décocha un sourire mauvais puis se tourna vers Taliesin.
" Où en étions-nous ? Ah oui... Le lieu."
Deverell jeta un regard meurtrier au barde.

[Taliesin]

Au cas où la rebuffade de Deverell ait fait oublier au Mélandien son désir de connaître à tout prix le nom de son prétendu client, Taliesin choisit de poursuivre la négociation comme si de rien n'était.
-Oh, je suis certain que nous pourrions facilement nous mettre d'accord sur un lieu qui conviendrait à la fois à mon client et à vous-même. Cependant, je m'en voudrais que cette transaction vous amène à perdre de l'argent lors des combats du jour : j'ai à cœur de satisfaire toutes les personnes avec qui je travaille... C'est pourquoi, si vous m'accordez le privilège d'échanger quelques mots en privé avec votre esclave, je me fais fort de le convaincre non seulement de triompher du Talosien, mais également d'accepter avec enthousiasme la "rencontre" dont nous parlons.

[Galathée]

" Non, dit simplement Gargon, soudain méfiant. Il est à moi. Il n'a pas son mot à dire. Si je décide que votre commanditaire peut avoir accès à lui, je le décide. S'il veut se venger, c'est entre lui et moi. Vous n'entrez pas en ligne de compte. C'est la limite à ne pas franchir."
Deverell paraissait suspicieux, lui aussi, dévisageant Taliesin avec une forme de dégoût.
" Je ne serai jamais enthousiaste à l'idée d'être touché par une racaille mélandienne." fit le paladin d'une voix dure, avant de cracher par terre.
Cela fit immédiatement sourire son propriétaire, ravi.

[Taliesin]

Mais le prétendu Peter Baelish ne souriait pas, lui. Il était visiblement furieux et, ignorant superbement Gargon, il alla se placer tout contre le grillage et darda un regard mauvais sur Deverel.
-La personne qui m'a commandité te veux consentant, et tu seras consentant, dit-il d'un ton aussi froid que venimeux. On me dit que rien ne te fait bander ? Moi, je sais que c'est faux. Vous autres Luméniens vous érigez en parangons de vertu, mais c'est uniquement pour mieux dissimuler vos désirs secrets. Or, je sais déceler ce genre de choses rien qu'à la physionomie des gens...
Il le dévisagea avec insistance puis se fendit d'un sourire empli de malveillance.
-Toi, tu adores transmettre ton savoir, et pas seulement en matière de combat. Ton truc, c'est de... débourrer les jeunes étalons. Oh oui, tu adores ça. Tes supérieurs s'en doutaient-ils, quand ils t'ont nommé instructeur ? Non, tu le leur avait caché, j'imagine, et tu as dû beaucoup t'amuser ! Malheurusement pour toi, je suis plus sagace qu'eux. Et tu sais quoi ? La personne pour qui je travaille compte, parmi ses esclaves, deux petits Luméniens. La fille, Noéline, ne t'intéressera en rien. Mais le garçon, Loukian... Tu vas l'adorer ! Fougueux comme tu les aimes, au point que, dans la maisonnée, on le surnomme Furieux... Quand tu le verras, tu supplieras à genoux qu'on te le prête, et on te le prêtera. Mais seulement après que tu te sois offert à mon commanditaire. Et tu t'offriras.

[Galathée]

Le discours de Taliesin avait d'abord rempli le Luménien de fureur mais ses dernières paroles le frappèrent comme une gifle et il fit un pas en arrière, sous le coup de l'émotion, le visage déformé par l'angoisse.
" Non..." gémit-il.
Taliesin n'eut cependant pas le temps de pousser son avantage car Gorgan surgit entre l'elfe et les barreaux de la cage, et le saisit par les revers de la veste.
" Non mais, vous êtes complètement fou ?! Comment osez-vous lui parler de la sorte ? Qui vous a envoyé ?! Est-ce la nouvelle méthode pour casser les combattants adverses ? DEHORS ! Vous avez de la chance que je ne vous arrange pas le portrait ici et maintenant ! Max ! Fais sortir ce crétin immédiatement, avant que je lui arrache les yeux !"
Le Max en question était le guerrier qui observait les combattants dans la lice intérieure et il s'approcha du barde, la main sur le manche de son épée, le regard mauvais. Guéric s'était approché mais le demi-orque avait délaissé son adversaire pour le rejoindre. Gorgan était en train de déverrouiller la cage du paladin pour se porter à son chevet.

[Taliesin]

Mais le barde, loin de se soumettre, parut entrer dans une fureur noire.
[color=#FFFFF66]-Arrête, imbécile, ou tu condamne ton maître à mort ![/color] hurla-t-il au guerrier.
Puis, se tournant vers le Melandien :
-Gargon ? reprit-il, doucereux. Si vous ne revenez pas immédiatement sur votre décision, avant que midi ne sonne, un décret impérial ordonnera la saisie de tous vos biens et de votre personne. Avant ce soir, vous vous retrouverez dans l'arène, face au Luménien, qui sera désormais la propriété de mon commanditaire. Celui-ci ne nourrissait aucune intention malveillante à votre encontre, il ne comptait pas vous priver de votre poulain, d'autant qu'il se soucie comme d'une guigne de ces stupides histoires de combats. Mais il ne tolèrera pas qu'on traite avec tant de mépris son envoyé. J'ai été patient, je vous ai expliqué posément la situation, j'ai même essayé, tout à l'heure, de vous mettre en garde en laissant entendre que je ne travaillais pas pour n'importe qui. Vous n'en avez eu cure et, à présent, ma patience est épuisée : cédez aux exigences de mon maître, ou mourrez. De la main même de votre si cher Luménien. Vous vous croyez puissant ? Vous n'êtes rien, comparé à ceux que je sers. Reste à savoir si vous avez assez de jugeote pour le comprendre tant qu'il en est encore temps.

[Galathée]

Le silence s'était fait dans la salle, tout le monde s'était figé, du vétéran à l'esclave elfe, de Gargon à son paladin. Même Guéric, sous sa barbe naine, était stupéfait. Le noble mélandien se raccrocha aux barreaux de la cage de Deverell, lequel dévisageait Taliesin, le souffle court.
" J'irai avec lui." dit finalement le paladin à voix basse, d'un ton résigné.
Gargon secoua la tête, comme s'il était dans un mauvais rêve. Il était probablement conscient d'avoir perdu tout pouvoir de négociation.
" Je ne peux pas te laisser aller sans savoir...
— Tu n'as pas le choix."
Mais Gargon se redressa, épousseta son pourpoint qui n'en avait nul besoin, et refit face à Taliesin. Il tenta de garder un ton égal.
" Quelles garanties me proposez-vous ?"

[Taliesin]

De tous les occupants de la salle, l'elfe n'était pas le moins surpris de ce qui s'était passé. A vrai dire, il n'en revenait pas d'avoir réagi ainsi. Était-ce à cause de la fatigue ? A cause de la peur d'avoir tout gâché ? Ou bien, simplement, n'avait-il pas supporté d'être congédié avec tant de brutalité ? Il ne savait pas. Ce dont il était conscient, en revanche, c'était de s'être comporté à peu près comme avec Sedanius : il avait, à nouveau, tenté le tout pour le tout. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, cette manœuvre suicidaire avait fonctionné. Toutefois, à tenter ainsi les diables, il finirait par le payer...
Bien sûr, il ne laissa rien voir de son trouble et au masque de la fureur succéda celui, calme et courtois, qu'il avait arboré précédemment.
-Et bien, il y a la caution, déjà, même si je suis conscient que cela ne vous rassurera guère, puisque vous savez que l'argent n'est pas un problème pour la personne qui m'a commandité, répondit-il comme si aucun incident ne s'était produit. Nous pouvons cependant discuter de l'endroit où se déroulera la rencontre et, si vous trouvez cela insuffisant, envisager d'autres modalités que vous jugerez propres à servir de garanties.

[Galathée]

« Vos maîtres ont bien de la chance s’ils ont tant d’argent. Moi je dois m’assurer que s’il lui arrive quelque chose, mon manque à gagner ne sera pas trop énorme… » fit Gargon avec un sourire peu assuré.
Pendant que le noble réfléchissait, Taliesin put jeter à nouveau un œil en direction du paladin et constata que son masque de tranquillité retrouvée s’était à nouveau fissuré et qu’il paraissait déboussolé. Malheureusement, sa mine défaite n’échappa pas à d’autres spectateurs, à savoir les combattants de la cage d’en face.
« Regarde, Ned, il a compris que ce coup-ci, les Mélandiens allaient le mater. »
L’elfe avait parlé juste assez fort pour être entendu du paladin et celui-ci leva les yeux.
« Ça n’a rien à voir. Il anticipe le p’tit cul qu’on lui a promis. » répondit le barbare, assis sur sa couche.
Deverell s’était approché, la fureur déformant ses traits.
« Je n’ai jamais posé la main sur un enfant, lâcha-t-il d’une voix sourde.
— Oh, tu as touché une corde sensible, Ned !
— Y’a pas de soucis, mon gars, moi je comprends ça.
— Je n’ai rien avoir avec votre engeance… »
L’elfe rit comme une crécelle.
« Les Mélandiens vont te faire plier, tu sais ça, n’est-ce pas ? Ils vont te déculotter et…
— Tu as de la chance que nous ayons le même maître, Vipère…
— Je t’offre un second sourire quand tu veux, Lathandrite de mon cœur… »
Mais ils n’allèrent pas plus loin, car un coup de fouet claqua dans l’air, touchant les doigts de l’elfe repliés sur un barreau et l’avant-bras du paladin. Ils reculèrent l’un et l’autre tandis que le guerrier aux cheveux gris, Max, les tançait vertement, les renvoyant dans le fond de leur cellule. Deverell resta debout, face tournée vers le mur du fond, la respiration saccadée. Gargon semblait n’avoir rien entendu de l’échange, plongé dans ses calculs.
« Je veux quatre mille pièces d’or de garantie, finit par dire le noble. Votre commanditaire les récupérera bien sûr quand le Luménien me sera retourné, avec les soins dont nous avons parlé. Pour le prix du service en tant que tel… Combien de temps votre maître veut-il en profiter ?
— Je peux te parler un instant ? demanda alors le guerrier en posant la main sur l’épaule du noble.
— Je suis à vous dans une seconde. »
Les deux hommes se retournèrent et devisèrent à voix basse. Une oreille humaine n’aurait certainement rien entendu, mais sous ses atours, Taliesin demeurait un elfe.
« Tu dois arrêter de le vendre, Pelleas. Tu sais qu’il ne le supporte pas. Regarde dans quel état il est, à nouveau.
— Je dois lui rappeler de temps en temps qui est le maître !
— Il y a d’autres moyens de ramener un esclave dans le rang ! Attache-le davantage, prive-le de certaines faveurs, mais ceci doit cesser. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. C’est ton meilleur combattant et il remplit parfaitement sa part du contrat, chaque jour. Tu trouves qu’il te manque de respect ? Mais qu’espérais-tu, au juste ? C’est un paladin luménien que tu gardes en cage depuis plus d’un an. Sa force de caractère est ce qui lui permet de gagner. Tu l’as déjà brisé une fois. Si tu le brises une seconde fois, il n’en restera rien.
— Ce n’est pas exactement comme si j’avais le choix, je ne sais pas si tu as noté…
— Ça doit être la dernière fois, Pelleas. Il te rapporte déjà bien assez d’argent comme ça. »
Gargon se retourna vers Taliesin et sourit.
« Donc ? Une heure ? Une nuit ? »