[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Voyageuse]

Quête : Racines


Chapitre 2 : Ayahuasca, Haute-Forêt

Ils quittèrent instantanément les magnifiques sommets des montagnes entourant Everaska, et la lumière dorée s'estompa. Ils se trouvaient maintenant dans une clairière, en bordure d'une rivière au débit impressionnant.
- On y est...
Cinia dégagea sa main et fit aussitôt un large pas de côté. Au même moment, le lion se mit à secouer sa tête, désorienté, cherchant à s'arracher à la poigne de Eärundra.
- Aidez-moi à le maintenir... Tenez-le là. Je vais lui parler...

[Kasumi]

Le rôdeur s’exécuta instantanément : les précédents voyages avec Nilrem l’avaient habitué à encaisser le choc consécutif à la désorientation. Posant une main ferme mais apaisante sur la crinière du lion, il s’entendit parler avant même de formuler ses pensées et de les envisager, comme par instinct. Paroles se voulant apaisantes pour Léo mais lui révélant ce qu’il ne s’attendait pas à éprouver à des années de distance :

- Bienvenue chez moi !

[Voyageuse]

La druidesse chantonna une étrange mélopée dans une langue inconnue de Kasumi, et le lion se calma instantanément. Bon, peut-être les paroles de Kasumi y étaient-elles également pour quelque chose... mais c'était peu probable.
Les mille et un petits bruits de la jungle les assaillirent, cris d'animaux, sifflements d'oiseaux, vent dans les feuillages loin au-dessus de leurs têtes. L'endroit où ils étaient arrivés était relativement clair et dégagé, mais la rivière courait plus loin, en amont comme en aval, dans un sous-bois sombre, si dense qu'il en paraissait impénétrable.
- Je pense que vous n'avez pas besoin de moi davanta... Ah, une araignée !
Le cri avait jailli, spontanément, de la bouche de Cinia, tandis qu'elle bondissait de côté, atterrissant malencontreusement de tout son poids sur le pied de Kasumi.
Tilmandil éclata de rire... un rire quelque peu crispé, à la réflexion.

[Kasumi]

Kasumi aurait également ri de bon cœur devant la frayeur de la mage pour un si petit animal. Mais sa couleur rouge vif annonçait sans conteste une espèce venimeuse, désagréable plutôt que mortelle. Et qui plus est, si dame Cinia n’était pas massive, même pour une elfe, elle avait atterri juste au bout de son pied, lui arrachant une grimace de douleur.

- N’ayez crainte : elle n’est pas très dangereuse. Par contre, si vous pouviez juste lever votre pied droit que je vérifie si j’ai toujours le mien…

Puis, après un instant d’hésitation il ajouta d’un ton contrit :

- Et un grand merci pour votre aide, dame Cinia. A dans une veille pour prendre des nouvelles et même plus tôt je l’espère !

[Voyageuse]

- Je déteste les araignées, marmonna l'elfe en fixant la bestiole d'un air aussi indigné que si elle l'avait gravement offensée. Je les hais, ajouta-t-elle farouchement, pour faire bonne mesure.
Eärundra, qui se retenait pour ne pas rire, récolta un regard noir. Tilmandil, lui, fixait la bestiole avec presque autant de méfiance que la magicienne.
- C'est pour ça que tu me conseillais, le chapeau si je comprends bien, fit-il en sortant immédiatement le couvre-chef de ses bagages. Un immense chapeau de paille...

La magicienne recula d'un pas.
- Je vous souhaite bonne chance dans votre expédition. Il est certain que je préfère ma place à la vôtre... Mais si vous n'êtes pas revenu, je vous contacterai dans une veille. N'oubliez pas, vous aurez droit à trente mots seulement dans votre réponse...
Sur ce, elle se mit à incanter et disparut dans un tourbillon de lumière dorée.

- Bon... Nous y voici. Alors, vous nous faites visiter votre chez-vous ? questionna la druidesse d'un ton léger.

[Kasumi]

Le rôdeur afficha un sourire radieux à ses deux compagnons elfes, tout à fait à son aise dans ce milieu depuis le début de son voyage entamé tout près de Luménis. D’humeur légère, il se tourna vers l’arbre le plus proche et déclama d’un ton pédant :

- Commençons la visite par ce spécimen tout à fait remarquable de sequoia. Il mesure près de vingt mètres ce qui est dans la bonne moyenne de ce secteur. Et juste derrière lui, comme vous n’aurez pas manqué de le constater, se développe un réseau de fougères à l’histoire tout à fait singulière… Mais je vous ennuie peut-être ? On me dit que j’aurais quelques défauts des bardes parfois. Il faut nous rapprocher de la rivière où nous pourrons admirer des concrétions calcaires tout à fait étonnantes !

[Voyageuse]

Eärundra leva des yeux amusés au ciel, et Tilmandil rit.
- Taratata... un vrai barde, il ne se contenterait pas de donner le nom du l'arbre. Il raconterait aussi les féées qui s'y réunissent à la tombée de la nuit, complotant pour attirer dans leur filet l'innocent aventurier. Les assemblées secrètes de druides nus... Oh, pardon, dame Eärundra.
- Il y a des légendes qui ont la vie dure apparemment...
- Il chanterait ensuite comment un jour un vaillant chevalier y conta fleurette à une princesse transformée en grenouille... Ou peut-être l'inverse. Bref, il aurait mille et une anecdotes croustillantes ou farfelues à conter ! Non, Kasumi, tu n'es pas plus barde que je suis rôdeur... décréta-t-il pompeusement.
- Ce qui n'est pas peur dire ! Mais nous ferions mieux de nous mettre en route. Je vous laisse nous guider ? Ces bois ont l'air sombres et inquiétants... exactement comme certains druides les aiment ! Pour ma part, je préfère la montagne...

[Kasumi]

Le rôdeur, loin de se sentir vexé, rebondit sur la remarque de son demi-frère d’un ton scandalisé que démentaient ses paroles :

- Hey ! J’ai prétendu n’avoir que les défauts des bardes : être bavard, parfois un peu pompeux et peut être un ou deux trucs supplémentaires. Et en aucun cas les qualités comme les tiennes : aimer s’écouter parler, savoir mentir, subjuguer les foules même avec un chapeau en paille un peu ridicule, ce genre de choses. Mais nous ferions mieux d’écouter la voix de la sagesse en la personne de notre druide des montagnes. C’est par ici, comme je le disais tantôt. Le passage est un peu difficile, surtout pour Léo et nous ne pourrons pas passer tout de suite sur l’autre rive si je me repère bien. Mais cela s’améliorera dans une heure ou deux si nous avançons bien. Marchez dans mes pas !

Aussitôt, il entraîna la petite troupe vers la forêt plus dense en semblant se jouer des fourrés et des buissons d’épine sans qu’ils le ralentissent.

[Voyageuse]

Il apparut bien vite qu'Eärundra, bien que se qualifiant elle-même de druide des montagnes, était également parfaitement dans son élément dans les bois. Elle se glissait entre les arbustes en se jouant des ronces, souple et leste, de sa démarche féline et silencieuse. Léo, en revanche, n'appréciait guère ce nouveau terrain d'aventure. Certes, en tant que félin, il pouvait se glisser aisément entre les arbres, mes les ronces et autres épines traîtreusement placées sur sa route l'agaçaient prodigieusement. Son malaise était visible : il marchait quasiment sur les talons de la druidesse.
- Il n'est pas rassuré, expliqua Eärundra en se portant à la hauteur de Kasumi. Il y a trop d'obscurité, trop de taillis bas où pourrait se cacher un prédateur, trop d'obstacles qui entraveraient sa course s'il devait fuir, ou qui l'empêcheraient de prendre en chasse une proie. Ce n'est pas son milieu, et il le sait très bien. Il ne s'y sent pas en sécurité. Il se rapproche à moi tant qu'il peut.... Il se défie encore un peu de vous, car vous êtes loup et lui félin. Mais tout de même, il sent qu'ici, c'est davantage votre domaine que le sien et que peut-être vous pouvez le protéger...
Quant à Tilmandil... Il s'épuisait en jurons, grognements, colères contre ces stupides moustiques qui le harcelaient, il trébuchait trop souvent sur une racine ou une branche basse, et maudit une vingtaine de fois l'idée lumineuse qu'il avait eue de suivre ici son demi-frère.

La rivière, large et au débit impressionnant, était bordée par endroit de buissons infranchissables -sauf peut-être par Eärundra mais on pouvait la soupçonner d'user de magie druidique-, les obligeant à d'incessants détours. Ils finirent néanmoins par arriver, comme Kasumi l'avait prédit, à un endroit ou le cours d'eau était moins profond, et où de nombreux rochers permettaient un passage à gué -peut-être un brin acrobatique. L'eau, claire et fraîche, abritait de nombreuses espèces de poissons, certaines très rares.
- C'est là que tu veux qu'on traverse ? lança Tilmandil, dubitatif. Je tiens à préciser, si c'est un piège pour me faire prendre un bain, que je me suis déjà lavé ce matin !

[Kasumi]

Le rôdeur tenait à rester près de la rive même si la végétation ou la présence d’un trou d’eau au sol spongieux les menaient régulièrement plus loin dans le cours d’eau. Il sentait que le lion n’appréciait guère ce terrain non plus mais peut-être un peu plus que le sous-bois précédent. L’autre rive n’était pas beaucoup plus praticable d’après ses souvenirs alors il n’était pas vraiment utile de prendre le risque de traverser ici. L’idée lui traversa toutefois l’esprit, juste pour taquiner un peu plus Tilmandil. Mais risquer d’épuiser l’elfe dès le premier jour n’était pas à proprement parler un motif de plaisanterie aussi répondit-il honnêtement :

- Non, tu m’as mal compris tout à l’heure : nous quittons l’une des zones les plus difficiles mais nous ne traverserons pas la rivière avant quelques heures. Du moins, si on continue à cette allure ! Tu devrais économiser un peu ton souffle et profiter du paysage : regarde ces jolis poissons ! Nous avons trouvé notre menu de midi !

[Voyageuse]

Tilmandil écarta les bras en signe de reddition.
- Je t'accorde que le paysage est bucolique à souhait. Magnifique, oui. Parfaitement ombragé pour nous épargner la chaleur des rayons du soleil de midi. Il y a juste quelques... invités de marque... qui me hérissent, acheva-t-il en se donnant une claque spectaculaire. En vue certainement d'écraser l'un des nombreux moustiques qui semblaient apprécier particulièrement sa peau.
- Mais je t'avoue que les poissons vivants m'ont rarement donné faim... Ils m'inspireraient plutôt des ballades sur la beauté de la nature, l'eau vive et claire, la rivière sauvage qui file à travers le sous-bois, l'aventure du saumon qui tente de remonter le courant... Mais voir bouger ce que je vais devoir manger juste après,... ça me coupe plutôt l'appétit !
Eärundra partit d'un grand éclat de rire.
- Il va pourtant falloir vous y habituer, lança-t-elle, saisissant un bâton qu'elle épointa rapidement.
D'un geste vif, elle parvint, du premier coup, à le piquer sur un poisson de taille raisonnable.

[Kasumi]

Kasumi adressa un sourire rayonnant à son demi-frère qui tentait manifestement de faire étalage d’un échantillon de ses qualités de baratineur en se livrant à une représentation privée tout à fait improvisée. Il observa ensuite, non sans une pointe d’admiration, l’habileté de la druidesse à improviser une arme efficace et son adresse à s’en servir. Avisant qu’un seul poisson ne constituerait pas un repas très copieux, et peut-être un peu soucieux de ne pas être laissé en reste, il dégaina son arc avec souplesse, encocha une flèche dans un même mouvement, prit le temps de viser pour ne pas rater une seconde victime située à quelques pas et relâcha la tension de la corde, envoyant sa flèche cueillir leur repas.

- Evidemment, cela manque un peu de poésie et peut être aussi du petit côté chasseur sauvage d’Eärundra mais d’habitude j’ai une louve qui les attrape pour le décorum.

[Voyageuse]

- Ah, oui, avec la louve qui pêche pour toi... ça doit valoir le coup d'oeil. Si un jour tu me laisses contempler ce spectacle je le mettrait peut-être même en chanson !
- Bah... Moi je n'ai besoin d'aucune louve pour chasser à ma place, protesta Eärundra. Et il est hors de question que je laisse un jour Léo chasser pour moi ! Je tiens à garder la fierté de savoir me nourrir seule...
Léo, quant à lui, observait la rivière et ses poissons d'un oeil dubitatif, sans la moindre envie de pêcher. Il préférait certainement le gibier bien saignant.
- En revanche, je crois qu'il me faudra chasser pour lui d'ici ce soir. Si vous voulez m'y aider, ce ne sera pas de refus... Mais goûtons d'abord ces poissons, il peut bien attendre un peu !

[Kasumi]

Kasumi ne put s’empêcher de ressentir une pointe de vexation à la remarque de la druidesse même si elle n’avait certainement pas pensé à mal. Il crut néanmoins bon de remettre les choses au point d’un ton léger sans qu’il sache vraiment pourquoi c’était important :

- Les loups chassent en meute. C’est là une chose normale qu’un membre chasse parfois pour les autres. Je lui rends parfois la pareille quand j’attrape quelque lièvre ou oiseau. Mais les chasses les plus grisantes sont celles que nous accomplissons à deux.

Puis, se tournant cette fois vers son demi-frère, il ajouta une nouvelle pique joyeuse :

- Je suis certain que Tilmandil se fera une joie de participer, tout comme moi. Il pourra toujours tenter de rabattre le gibier avec sa musique ou, soyons fou, de le charmer avec ses histoires. Une nouvelle preuve de l’utilité supérieure des bardes !

[Voyageuse]

Tilmandil lui tira la langue et répartit aussitôt :
- Ce sont les druides qui charment les animaux. Peut-être même les rôdeurs, parfois. Nous autres bardes préférons charmer les jeunes femmes, ajouta-t-il avec un clin d'oeil appuyé à l'adresse d'Eärundra.
- Oui, mais les druidesses ne se laissent pas séduire ainsi par des paroles de bardes, qu'elles soient en langue humaine ou elfique, rétorqua celle-ci avec bonne humeur.
Elle se tourna vers Kasumi.
- Puisque vous êtes un habitué de la chasse en meute, je compte sur vous pour la diriger. Nous autres lions chassons plutôt seul, d'ordinaire...

[Kasumi]

Kasumi leva un sourcil en constatant une fois encore l’effronterie et la légèreté dont son demi-frère faisait preuve à l’égard des femmes. Toutefois, il était bien normal que Tilmandil contre-attaque à ses multiples piques et il devait reconnaître s’en amuser. A tel point qu’il n’hésitait pas à alimenter la discussion. Mais, cette fois, il se concentra sur la réponse à donner à Eärundra et sa proposition flatteuse :

- Ainsi vous vous considérez comme lionne vous-même ? Je dois dire que je suis rassurée que vous ayez un point moins de dents et de griffes que l’idée que je m’en faisais ! Mais soit, je coordonnerai l’opération. Pas ici néanmoins : la végétation est trop dense au bord de la rivière pour qu’un animal de taille suffisante vienne s’y abreuver. Mais nous n’allons pas tarder à rejoindre une zone où trouver un endroit sec où nous régaler de ces poissons. Il devrait y avoir plus d’opportunités de chasser un gibier acceptable. J’espère juste que nous trouverons avant la nuit sur ce dernier point sinon nous serons obligé de laisser Léo dévorer notre cher barde !

[Voyageuse]

- Bah, il n'aimerait pas, rétorqua Tilmandil sans s'offusquer le moins du monde. Je n'ai que la peau sur les os, ça manque de steak juteux à souhaits. Toi, en revanche, avec ton torse d'athlète...
Il le détailla ostensiblement des yeux en prenant un air affamé, ce qui fit rire Eärundra.
- Non mais il est hors de question que Léo prenne un jour goût à de la viande humaine ! Sinon il dévorera tous les elfes qui viennent régulièrement le consulter, et je vais finir complètement solitaire et oubliée de tous au fond de ma montagne. Je préfère encore le nourrir de... poissons, tiens !
Elle apporta sa prisa à Léo, qui la flaira consciencieusement avant de détourner la tête, l'air dégoûté.
- Voyons Léo... Il y a des félins qui aiment, je t'assure... Que tu es donc difficile... Mais soit, je vais jouer mon rôle de mère nourricière puisque tu y tiens temps. mais pas tout de suite...
Elle se tourna vers Tilmandil et Kasumi.
- Nous ferions mieux de nous remettre en route avant que ce festin potentiel se devienne trop odorant... Sinon il n'y a pas que Léo qui refusera d'en manger.

[Kasumi]

Kasumi se laissa porter par la légèreté du moment. Elle l’éloignait un instant de ses inquiétudes pour son père. Il n’était pas impossible que cet aspect motive également Tilmandil, à moins qu’il cherche simplement à faire bonne figure. La remarque d’Eärundra et l’échange avec son lion le firent sourire également et il la choisit pour cible d’un ton tout sauf sérieux :

- Oui, allons-y ! Et je trouve que ce serait très dommage que vous finissiez isolée dans les montagnes… Dommage pour ces elfes qui vous rendent visite, j’entends. Je suis certain qu’ils seraient très malheureux. Mais remettons nous en route avant de prendre racine : il ne s’agirait pas de gâcher ces poissons et de faire attendre Léo.

Le rôdeur suivit aussitôt son injonction, prenant la tête de leur petit groupe.

[Voyageuse]

Ils marchèrent encore une heure, Kasumi en tête, Eärundra fermant la marche, Tilmandil un peu plus silencieux que d'ordinaire, concentré sur ses pas et sur les pièges de la végétation. Puis, presque subitement, la végétation s'éclaircit, la forêt sombre et touffue faisant place à une zone plus aérienne, avec des arbres immenses, plus espacés, et un sous-bois quasiment inexistant. La rivière y courait, plus paisible et plus large aussi. On devinait, un peu plus loin, à l'écart de la rivière, la luminosité d'une clairière.
Léo, soulagé, put enfin s'écarter un peu du groupe pour vagabonder entre les troncs centenaires, sans ronces griffues à craindre. Il regardait de tout côté, s'arrêtant parfois subitement, prêt à bondir, lorsqu'il voyait un mouvement, à l’affût d'un gibier potentiel.
- Doucement, mon grand... ta blessure est trop récente encore, tu ne peux pas courir trop...
Eärundra se tourna vers Kasumi.
- Je crois qu'il a très envie de participer à la chasse malgré son état... Idéalement, il faudrait que nous puissions attirer le gibier vers lui pour qu'il n'ait plus qu'à l'attraper, si vous pensez que c'est possible. Mais ça attendra que nous nous soyons sustentés !

[Kasumi]

Kasumi était quelque peu soulagé de constater que ses souvenirs ne lui avaient pas fait défaut. La nature du terrain leur permettrait maintenant de progresser au sec, ce qui signifier aller plus vite et, élément à prendre en considération, fournir moins de motifs à Tilmandil de se plaindre ou, au contraire, de s’enfoncer dans la morosité.

- Rejoignons la clairière : nous y mangerons puis nous ferons en sorte que Léo ait de quoi se rassasier, y compris pour ce qui est de ses instincts de chasse. Il y a beaucoup de daims dans ces bois et je sais comment détecter leur piste : ce sera sans danger et tout à fait à son goût, je parie.

[Voyageuse]

- Va pour un daim alors ! Peut-être qu'il nous en laissera un morceau pour nos futurs repas. Tilmandil, je suis sûre que vous allez adorer la viande de daim !
Le teint du barde virait au verdâtre.
- Ça m'étonnerait, marmonna-t-il sans la moindre trace de légèreté dans la voix.
Il était certainement en train de visualiser l'animal déchiqueté par le fauve...

La clairière était accueillante, illuminée par un rayon de soleil, qui, comble de chance, avait faire pousser quelques fraises des bois le long d'un buisson. Il y avait quantité de menus branchages pour y faire un feu, et même quelques champignons sauvages pour agrémenter leur festin. Tout était parfait. Léo s'installa à l'endroit le plus ensoleillé, sur un tapis d'herbe rase, et eut un bâillement impressionnant avant de fermer les yeux, paisible.

[Kasumi]

Kasumi goûta la sérénité de l’environnement. Il se sentait parfaitement dans son élément aussi prit-il naturellement la direction des opérations, s’occupant d’aligner des pierres en cercle pour y allumer un feu en toute sécurité. Ce faisant, il prit le temps, en allant chercher quelques branches de bois, d’examiner le sol à la recherche de la trace du passage de gibier ou des signes secrets que laissaient parfois les protecteurs de la forêt.

- Tilmandil ? Sais-tu reconnaître les champignons ? Sinon tu pourrais peut être nous préparer le dessert, dit-il en désignant les plants de fraisiers chargés de fruits appétissants.

[Voyageuse]

Bientôt le feu flamba joyeusement. Eärundra avait vidé les deux énormes poissons, Tilmandil s'était révélé plutôt bon observateur pour les champignons, et une magnifique provision de fraises des bois n'attendait qu'eux. Les oiseaux pépiaient joyeusement, ajoutant à l'enchantement du lieu.
Kasumi avait trouvé des traces de gibier récentes, de nombreux animaux allant s'abreuver à la rivière. Des biches, des daims, des chevreuils, renards et autres sangliers. Mais les traces humaines étaient, elles, bien plus rares. Il y avait quelques cairns discrets, quelques branches pliées ou disposées de façon très particulières, mais rien de récent. Les seuls signes exploitables indiquaient qu'il fallait suivre la rivière, ce qu'il savait déjà.

[Kasumi]

Un fumet de poisson rôti ne tarda pas à éveiller les appétits de la petite troupe, Léo faisant exception. Kasumi tenta de démontrer tous ses talents de cuisinier pour agrémenter cette petite pause sereine avant de reprendre la route. Il ne manqua pas pour autant de faire le point avec ses compagnons :

- Nous nous dirigeons dans la bonne direction d’après les symboles que j’ai relevés. Si mes estimations sont bonnes, il ne nous faudra pas beaucoup plus que l’après-midi et une courte partie de la matinée pour rejoindre le campement. A moins que vous vous sentiez particulièrement en forme pour pousser de nuit. Nous aviserons en soirée. Auparavant, nous allons rendre hommage à Léo et récompenser sa patience. Tilmandil, tu pourras te poster à la lisière de cette clairière et t’assurer que les animaux qui passeront ici ne chercheront pas à prendre la fuite vers la rivière. Eärundra, je pense que votre place est toute désignée, près de votre lion dans la clairière. Moi je me contenterai de débusquer un ou deux proies et les rabattre vers vous.

[Voyageuse]

Eärundra acquiesça, en mordant à belles dent dans un morceau de truite cuit à point. Elle avait cueilli quelques herbes aromatiques qu'elle avait confiées à Kasumi pour mieux l'agrémenter, et les champignons l'accompagnaient parfaitement.
Tilmandil, qui, contrairement à ses prévisions, dévorait avec appétit, ne put se retenir de hausser un sourcil dubitatif.
- Empêcher que les animaux ne prenne la fuite par là... Et je fais comment ? Je hurle très fort pour tenter de leur faire peur ? Je tente un rugissement de fauve en rut ? Je bouge dans tous les sens ? Si tu veux, je peux même user de mes sorts de barde pour faire apparaître des illusions lumineuses, remarque ! Ce n'est pas très orthodoxe j'imagine... Excuse-moi si ma question est stupide mais je n'ai jamais chassé de ma vie...
Eärundra affichait un sourire moqueur.

[Kasumi]

Kasumi passa son regard de Tilmandil à Eärundra, échangeant un sourire entendu avec cette dernière avant d’éclater de rire sans pouvoir se contrôler.

- Tu as d’excellentes idées ! Je regrette de ne pas être là pour assister à ce spectacle édifiant. Aussi je compte sur vous pour tout me raconter en détail, Eärundra ! Mais plus sérieusement, contente-toi de te montrer, de faire du bruit en tapant dans tes mains. Ecarte-toi simplement si je débusque un blaireau ou un sanglier : ces animaux là n’ont pas une grande sensibilité artistique.

[Voyageuse]

Le repas fut rapidement expédié, et Tilmandil admit qu'une partie de chasse était un bon stimulant à la digestion... Il se posta donc là où son demi-frère le lui avait indiqué, debout, raide comme un piquet, un peu anxieux peut-être. Eärundra était bien entendue la plus à son aise : elle s'installa contre un arbre, accroupie, parfaitement immobile, Léo à ses pieds.
Kasumi s'éloigna un peu, suivant quelques traces. Mais leur repas joyeux avait dû s'entendre à des milles à la ronde, et le gros gibier semblait avoir disparu. Peut-être caché, peut-être enfui. Il lui fallut du temps pour débusquer enfin une première proie : une famille de sanglier, qui ne partit pas dans la direction escomptée - heureusement pour Tilmandil sans doute. Un peu plus tard, la chance lui sourit : un troupeau de daim broutait paisiblement, dans une autre clairière, pas trop éloignée heureusement de ses coéquipiers. Ils prirent la fuite en tout sens, mais deux d'entre eux semblaient partir dans la bonne direction. Peu après, il entendit des cris et vociférations et reconnut la voix de Tilmandil.

Lorsqu'il rejoignit les deux elfes, Eärundra était paisiblement assise sur ses talons, observant Léo qui déchiquetait consciencieusement le daim qu'il avait égorgé.
Tilmandil, lui, était débraillé, ses vêtements terreux et même un peu déchirés, et il semblait blanc comme un linge, évitant soigneusement de regarder Léo.

[Kasumi]

Kasumi adressa un sourire joyeux à la druidesse après avoir constaté que leur objectif avait été atteint. Mais immédiatement après, il s’inquiéta de ce qui avait bien pu arriver à son demi-frère. Il s’approcha de lui, les sourcils froncés, en cherchant à repérer un éventuel danger qui pourrait menacer l’elfe et expliquer son état. Il vérifia qu’il n’était pas blessé avant de demander d’un ton plus ou moins inquiet :

- Rassures-moi : la harde de sanglier ne s’est pas enfuie dans cette direction, tout de même ?

[Voyageuse]

Tilmandil ne répondit pas immédiatement, semblant rassembler ses idées.
- Non. Enfin, si. Ils sont arrivés par-derrière...
Eärundra vint à son secours.
- Il y a deux sangliers qui sont venus de la rivière, droit sur nous. Vous n'y êtes pour rien je pense. Ces bêtes-là n'ont guère de cervelle... C'était juste après que Léo ait égorgé le daim, donc il n'y a même pas fait attention. mais eux, quand ils ont senti l'odeur du lion, ils ont voulu faire un détour et ont brutalement changé de direction, en accrochant Tilmandil au passage.
- Rien de grave, je te rassure, je suis juste tombé dans des ronces en voulant les éviter, je ne me suis pas assez méfié...
Léo, grogna légèrement, d'aise, en arrachant un énième morceau de viande sanguinolente à la carcasse. Tilmandil paraissait au bord de la nausée et évitait soigneusement de le regarder.

[Kasumi]

Kasumi avait perdu toute envie de sourire, s’inquiétant véritablement de ce que Tilmandil avait été en danger. Il répondit d’un ton contrit tout en examinant soigneusement l’elfe, à la recherche d’une blessure cachée :

- C’était surtout stupide de ma part de vous laisser sans protection ici. Non pas que je remette en cause votre vigilance ou vos talents mais un arc est la seule chose qui puisse tenir ces animaux têtus à l’écart. Je te prie de m’en excuser, grand frère. Tu veux prendre le temps de te débarbouiller ? De te changer aussi peut être ? Parce que dans cet état, tu ne pourras séduire aucune des jolies rôdeuses et druidesses du campement !

Il avait prononcé cette dernière phrase d’un ton plus léger mais avec un certain manque de spontanéité qui indiquait qu’il s’en voulait sincèrement de ce qui était arrivé.