[Bâtiment] Le Comptoir des Transparences

[Galathée]

Fulgence regarda l'humain en nobles habits qui lui faisait face comme s'il venait de débiter l'énormité la plus monstrueuse qu'il ait jamais entendue. Ses yeux s'emplirent de larmes.
" Pourquoi vous dites des choses comme ça ? hoqueta-t-il. Vous croyez que c'est pas assez difficile comme ça, déjà ?
— Je vais chercher Ombeline, murmura Calliope en abandonnant le barde avec l'enfant en pleurs.
— Vous croyez que je sais pas les inventer aussi, moi, les histoires ? Avec le bateau qui vient la nuit pour m'enlever ? Et le chevalier qui punit Cudron et Verwen pour tous les sales coups qu'ils m'ont joué ? Et le rayon de soleil qui brûle le maître ? Vous croyez que je suis complètement bête ? Pourquoi vous racontez ça, pourquoi vous vous contentez pas de me faire travailler, hein ?"

[Taliesin]

Il voulut tendre la main pour la pauser sur son épaule mais il se ravisa : le gosse aurait pensé qu'il voulait le frapper.
-Je t'ai dit la vérité, Fulgence, répondit-il doucement, presque solennel. Mais je comprends que tu ne puisses pas le croire. Alors... Tu n'auras qu'à regarder, qu'à écouter. Tu te rendras vite compte que ce bâtiment n'est pas une filature, qu'on n'y force aucun enfant à travailler, que les gens qui sont là ne sont pas des Mélandiens.
Tout cela suffirait-il à le convaincre ? L'elfe ne savait pas. Quoique, une fois apaisé par Ombeline, l'enfant envisagerait sans doute les choses plus sereinement. Cependant, il ne s'imaginait pas demeurer silencieux en attendant l'arriver de la prêtresse. Aussi, et même s'il savait les mots inutiles, il dit ce qu'il avait sur le cœur :
-Mais avant tout... Je te demande pardon pour t'avoir contraint à te déshabiller devant nous. Malheureusement, je n'avais pas le choix : je jouais un rôle, j'avais raconté à la Mère que j'étais venu pour t'acheter et te donner à un autre maître, et si je voulais qu'elle me croie, j'étais obligé de faire semblant de... de vérifier que tu n'étais pas trop mal en point. Comme font les gens quand ils achètent des esclaves. On doit toujours raconter des histoire et jouer la comédie, quand on va sauver des gens. La, l'histoire et la comédie ont marché, Je suis juste désolé d'avoir dû t'infliger ça.

[Galathée]

L'enfant le dévisagea avec morgue, mais il avait l'air trop fatigué... et trop jeune, aussi, pour rétorquer quoi que ce soit. Il se contenta de soupirer, un soupir qui avait des allures de sanglot, et qui ébranla sa carcasse tout entière. Ombeline venait de paraître et elle sourit à Taliesin avant de s'accroupir devant le petit garçon.
" Bonjour, murmura-t-elle avec douceur. Je suis Ombeline. Je suis une prêtresse d'Ilmater. Tu as peut-être entendu parler de ce dieu, déjà ?"
Il opina machinalement du chef.
" Comment te sens-tu ?
— Pas très bien, gémit-il.
— Est-ce que tu as mangé ce matin ?
— Oui. C'était... c'était pas bon."
Elle sourit.
" Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?"
Il se mit simplement à pleurer et elle pinça les lèvres.
" Il est très fatigué, fit-elle en se relevant à hauteur de Taliesin, un bras passé autour de l'enfant. Peut-être faudrait-il attendre plus tard pour l'entretenir de nos projets ?"

[Taliesin]

La dernière tirade de la prêtresse le laissa bouche bée. Le croyait-elle à ce point insensible ?
-Mais je n'avais aucune intention de l'embêter avec ça... protesta-t-il. Ce pauvre gosse à besoin de manger, de se reposer, et on a encore deux jours devant nous...
Il soupira. Cette expédition à la filature et la sordide comédie qu'il avait dû jouer l'avaient mis à cran. Il se sentait sali et aurait donné cher pour pouvoir, dans l'instant, abandonner les oripeaux de son sinistre rôle. Malheureusement, il lui faudrait encore les supporter jusqu'au soir...
-Je te laisse t'occuper de lui,reprit-il finalement, s'arrachant un sourire. Je pense qu'il vaut mieux qu'il n'ait plus Baelish sous les yeux avant un certain temps.
Et de se diriger vers le comptoir tout en fouillant dans sa poche. Il n'avait pas l'intention de rentrer immédiatement à l'intérieur, non : il avait envie de fumer.

[Galathée]

Ombeline rentra à l'intérieur avec l'enfant tandis que le barde commençait à fumer. Guéric tenta de venir lui tenir compagnie mais fut rapidement remis au travail par Constance qui n'entendait pas qu'il profite de leur escale mélandienne pour commencer à tirer au flanc. Elle finit aussi par revenir vers Taliesin, qu'elle sentait probablement tendu, pour lui proposer de les aider jusqu'au retour de Kerun. Il fallait repeindre une partie de la coque, nettoyer le dortoir, vider intégralement la cuisine, remplacer deux lattes de plancher du pont, recoudre plusieurs voiles... Guéric lui suggéra d'être un peu moins disponible à l'avenir, s'il voulait conserver quelque liberté.
Le travail permis cependant à Taliesin de se changer les idées, même s'il dut prendre garde à ne pas effectuer de travaux trop salissants, ses vêtements illusoires semblant se comporter comme de réelles nippes. Les effluves de la Houleuse semblaient réagir au soleil printanier en se montrant de plus en plus répugnantes, aussi Constance ordonna-t-elle une pause en fin de matinée. Tous trois avaient un léger mal de tête, un peu inquiétant, qui se leva cependant rapidement lorsqu'ils eurent regagné l'intérieur.
Comme les autres n'étaient pas rentrés, le barde fut alors embauché en cuisine, où Aliosha lui confia une sauce et une salade, sans davantage d'instructions. Il fut libéré par le retour de Kerun et Perceval, qui le firent appeler dans la salle à manger.
Ils avaient déployé une carte sur la table, représentant toute la cité, de manière relativement imprécise. Kerun ne posa aucune question sur l'enfant mais Calliope se trouvait dans la pièce, aussi Taliesin comprit-il que le message était déjà passé. Ybarra les avait rejoints.
" Bon, fit le Luménien. Gargon va partir de sa demeure, qui se trouve en périphérie du Havre, ici. Si nous l'entraînons dans les bas quartiers ou vers le port, il se méfiera et risque de gonfler son escorte, notre meilleure zone est donc l'esplanade impériale. Elle est davantage patrouillée la nuit, à cause des commerces, mais nous pouvons aisément créer une diversion, assez loin du parcours, pour y drainer une partie des gardes de la ville. Il faut éviter, reprends Perceval si je me trompe, cette boutique-ci, cette zone-là, et la guilde ici..."
Il plaça des morceaux de verre polis, colorés en rouge sur les endroits qu'il citait.
" ... car elles sont gardés par des milices privées, qui ne bougeront pas. Pour éviter d'attirer les regards, Gargon n'utilisera pas un des chariots prisons dont il use pour trimballer officiellement ses combattants. Il prendra son propre coche qui pourra abriter son poulain des regards, mais qui a le défaut d'être relativement large, ce qui va le cantonner aux artères principales. Cela simplifie la prédiction de son parcours, mais l'embuscade... Cependant, si on le force à passer dans cette rue-ci, nous avons deux bonnes voies de retraite, une bonne zone de guet, trois endroits où cacher nos hommes, et ce canal devrait également nous aider.
— Tu n'as toujours pas mentionné les lieux, dit Ybarra.
— J'y viens. Pour forcer le passage dans cette allée, nous avons quelques lieux en bout de course... Deux magasins dont nous pouvons éventuellement payer les patrons pour qu'ils nous louent une salle à l'étage... en imaginant qu'il y ait une chambre dans le tas... Il y a les Thermes de la Rose Fanée, qui offrent apparemment quelques chambres, mais peut-être est-ce trop couru pour notre commanditaire ? C'est certain que l'arrivée de Gargon n'y passera pas inaperçue, mais ça pourrait aussi nous offrir des témoins du bon déroulement de la nuit. Il y aussi un établissement plus petit, juste ici, qui s'appelle la Triste Amoureuse, je ne sais pas si c'est plus approprié, mais c'est un hôtel de passe, entre nous."

[Taliesin]

Il avait froncé les sourcils, concentré.
-Pas simple de décider... Les magasins sont les lieux les plus discrets et les moins sulfureux, mais il faudrait sans doute en démarcher plusieurs avant d'en trouver un louant une chambre, ce qui rendrait la figure de Baelish très connue dans le secteur. Sans compter que les propriétaires pourraient être curieux, voire mal intentionnés : surprendre une rencontre galante entre des gens distingués, c'est un bon moyen de les faire chanter. Il n'y aurait pas ce problème avec la Triste Amoureuse. Si une luxueuse maison de passe veut continuer à attirer de riches clients, ses propriétaires doivent assurer la discrétion des rencontres, veiller à ce que rien de ce qui se passe entre leurs murs ne filtre à l'extérieur. Cependant, si le statut du commanditaire l'empêche d'aller dans les geôles du Stade, est-ce que cela ne paraîtra pas étrange à Gargon qu'il se permette de fréquenter un établissement de ce type ? Quant aux thermes... Ils sont très fréquentés mais comme tu le disais, la présence de témoins pourrait jouer en notre faveur. De plus, même s'il est notoire que tout le monde ne vient pas uniquement pour s'y baigner, c'est malgré tout le cas de certaines personnes : ainsi, le commanditaire ne se déshonorerait pas en s'y rendant, et j'imagine qu'ils ont... des portes et des couloirs de communication discrets entre les thermes proprement dits et les chambres. Ce qui m'ennuie, c'est qu'il y a un gosse à sauver, là-bas. Il faudrait donc soit agir de sorte à ce que l'opération qui nous occupe présentement ne compromette pas la suivante, soit... mener les deux de front.

[Galathée]

Kerun opina du chef.
" Je pense qu'il faut laisser Thadée pour l'instant, fit-il. Ce ne sera pas le plus difficile à racheter : n'importe client peut se laisser séduire par un gosse mignon et il suffirait d'y envoyer quelqu'un pendant quelques jours pour le justifier. Je trouve cette intervention déjà suffisamment compliquée comme ça, je dois dire... Même si la partie dans les Thermes sera la plus simple, à mon sens."
Il pinça les lèvres.
" Le commanditaire arrivera le premier. Penses-tu que Baelish soit le genre à réserver une chambre et organiser les détails pratiques ? Si c'est le cas, je te conseillerais d'y aller immédiatement. Nous n'avons pas besoin de grand chose : discrétion, espace, tranquillité. Tu y trouveras assurément ton compte.
— Laisse donc Taliesin manger." railla Aliosha, dans son ombre.
Kerun haussa les sourcils, sourit, reprit aussitôt.
" Si Baelish a un employé pour ce faire, j'imagine que quelqu'un avec du bagout... comme Meloenn, serait tout indiquée.
— Meloenn est une personnalité publique, elle ne peut pas jouer ce genre de rôle, intervint Ybarra.
— Bon, dans ce cas, Baelish devra s'en charger. Une fois la chambre réservée, il ne restera plus qu'à prévenir Gargon et définir nos horaires. Je pense raisonnable d'exiger que le paladin soit mené à son rendez-vous galant quand il fait encore jour. Cela rassérénera Gargon, à mon avis, de pouvoir traverser l'esplanade alors qu'il fait clair, d'être vu aux Thermes, aussi. Il craindra moins que ce commanditaire qui a pu le menacer de mort lui joue un mauvais tour. Avec un peu de chance, cela allègera l'escorte du retour... peut-être d'un mage ou d'un clerc, ce qui ne sera pas du luxe."

[Taliesin]

-Bonne idée, d'autant que vu l'impatience du commanditaire, vu qu'il loue les services du paladin pour toute la nuit, ça paraîtra logique qu'il veuille l'avoir sitôt le soleil couché. Bon, je m'occuperai de ça tout de suite après manger, et j'enchaînerai avec l'expédition au Stade, pour les papiers. A ce niveau, je ne sais pas quoi faire si Gargon exige que Baelish lui donne son adresse : je vois mal un tel entremetteur livrer celle de son domicile, puisqu'il y garde sans doute des registres compromettants ; cependant, il doit bien être possible de le contacter quelque part... Enfin, j'espère que Fulgence et Thadée ne viendront pas à se croiser : s'ils ont été déportés ensemble, ils doivent se connaître, et si le second appelle le premier par son vrai prénom, en présence du Mélandien, celui-ci risquerait de se poser des questions, comme le petit est censé s'appeler Loukian.

[Galathée]

" A priori, les risques sont peu élevés. Ils ne sont pas partis sur le même bateau, et Fulgence est fils de clerc, tandis que Thadée est le fils d'un commandant de cavalerie. Cependant, je pense qu'il est sage que nous dissimulions le petit aux regards. Une cape suffira.
— Nous disposons de deux adresses fictives, reprit Perceval. Je crois que celle de Cristobald Dervan devrait faire l'affaire. C'est un écrivain public qui a ses contacts et qui sert de secrétaire à de nombreuses personnes... Elliot étant à nouveau parmi nous, nous pouvons le réactiver.
— C'est une bonne idée, je crois aussi que ça conviendrait. L'adresse est dans l'esplanade, je vais te la donner, dit Ybarra.
— Et maintenant... A table !" railla Aliosha.

HRP : si tu as tout réglé, tu peux poster ton repas, ton départ, et je te réceptionnerai aux Thermes (avec Calliope, je présume).

[Taliesin]

L'elfe se révéla peu disert pendant le repas. D'abord parce que s'échiner sur le bateau lui avait ouvert l'appétit et que ce n'était pas poli de parler la bouche pleine, ensuite parce qu'il préparait soigneusement les discours qu'il devrait tenir aux Thermes et au Stade : arguments, détails, mieux valait que tout soit en ordre dans sa tête et prêt à être débité avec le plus grand naturel qui soit. Avec un peu de chance, ni l'une ni l'autre démarche ne serait longue ou émaillée d'incidents, et il pourrait être de retour au Comptoir en milieu d'après-midi, pour prendre un repos bien mérité et surtout réfléchir à l'opération cruciale du lendemain.
Sitôt que Calliope et lui furent sustentés, ils saluèrent la compagnie et, sortant par une issue discrète, prirent la direction des Thermes de la Rose Fanée.

[Taliesin]

Sitôt refermée la porte latérale qu'ils avaient atteinte au terme de leur long périple depuis le Stade, Taliesin poussa le profond soupir de soulagement qu'il réprimait depuis une bonne heure au moins.
-Enfin rentrés !lança-t-il, joyeux.
Il baissa les yeux sur ses mains, sur sa mise luxueuse, et une grimace déforma brièvement ses traits.
-J'espère que Lena est ici... reprit-il. J'ai hâte que Baelish soit remisé au placard jusqu'à demain soir !
Il sourit à Calliope puis, d'un pas léger, prit la direction de la salle à manger. L'excursion au stade, le détour par les arènes : tout s'était passé on ne peut mieux. Il se réjouissait et avait hâte d'en informer ses compagnons. De plus, il était heureux de ne plus devoir, pour une grosse journée au moins, incarner le sinistre entremetteur dans la peau duquel il s'était glissé depuis le matin.

[Galathée]

Lena était absente mais pas Aliosha et elle se chargea de lever le sortilège pour Calliope et Taliesin. Les deux elfes retrouvèrent donc leur forme originelle avec soulagement. Ybarra vint s'enquérir de leur après-midi et informa Taliesin que la caution avait été préparée. Cela représentait une quantité importante de pièces, mais une partie étaient en platine, ce qui faciliterait leur transport. Sedanius rentra peu après, des arènes lui aussi, et paraissait complètement épuisé. Il ne demeura d'ailleurs pas longtemps dans la salle commune et s'esquiva vers les étages. Constance et Guéric étaient manifestement encore à bord de la Liberté, avec Perceval.
La porte s'ouvrit bientôt sur Ombeline et le petit Fulgence qui, changé, propre, et manifestement en meilleure santé, avait l'air nettement plus détendu que le matin même. Il ne manifesta aucune crainte en apercevant Taliesin et Calliope puisqu'il ne les avait jamais rencontrés.

[Taliesin]

Le barde salua chaleureusement les nouveaux venus. Mais si voir le gamin en meilleure forme lui fit du bien, car s'était la preuve tangible que leurs efforts n'étaient pas vains, cela le mit aussi très mal à l'aise, car lui revinrent aussitôt à l'esprit Baelish et ses sordides manœuvres. Alors, puisqu'il avait fait son rapport à Ybarra, puisque Kerun n'était pas encore là pour l'entendre, Taliesin ne tarda guère à se lever et à sortir pour se diriger vers la Liberté. Il était trop nerveux, trop éprouvé pour réfléchir posément aux opérations du lendemain. L'effort physique l'aiderait assurément à y voir plus clair et, par conséquent, à être plus utile lors des débats du soir. Pour ne rien gâcher, se dépenser faciliterait son endormissement, le moment venu. Or, il aurait besoin de toutes ses forces et de toute la sérénité possible lorsque sonnerait l'heure de gagner les Thermes et leur fameuse Chambre aux Nénuphars.

[Galathée]

La Liberté retrouvait peu à peu une allure convenable et lorsque Taliesin fut rappelé à l'intérieur pour le dîner, il avait la satisfaction d'avoir bien travaillé, en sus d'une saine fatigue physique. Il comprit cependant immédiatement que l'oisiveté de l'esprit prenait fin : une carte était déployée en travers de la table et Kerun était déjà en pleine discussion avec Sedanius, Lena et Abel. Lorsque le barde entra, l'agent luménien lui décocha un large sourire et l'invita à s'approcher.
" J'ai appris que toutes tes entreprises avaient été couronnées du succès, mes félicitations, commença le Luménien. De mon côté, j'ai besoin de savoir combien de personnes il te faut aux Thermes. L'embuscade n'ayant lieu que le matin, il est possible que certains entrent et sortent, sauf si ça te parait trop suspect."

[Taliesin]

-On ne va faire que discuter, et il y aura seulement deux hommes de Gargon. Alors, on n'a sans doute pas besoin d'être très nombreux. Baelish, l'un ou l'autre de ses gardes du corps, quelqu'un pour jouer le commanditaire, éventuellement un second garde pour celui-ci... Je ne sais pas s'il faut être davantage. Enfin, déjà, je vais te décrire la configuration des lieux : ça te donnera une idée des possibilités qui s'offrent à nous...
Et de dire tout ce qu'il avait noté sur le plan, tout ce que lui avait expliqué l'employée des Thermes.

[Galathée]

" Je vais aller reconnaître cette cour... Peut-être y aura-t-il moyen d'y entrer et d'en sortir facilement. Sinon, choisis ton équipe. Laisse-moi Sedanius, Lena et Calliope, a minima. Si je le peux, je viendrai pour vous informer des dernières dispositions dans le courant de la nuit. Il faut songer au fait que le sortilège de métamorphose de Lena ne tient que 12 heures et qu'elle ne peut transformer que quatre personnes. J'imagine que Fulgence peut garder son apparence, mais ça limite le nombre de personnes que tu peux prendre avec toi."

[Taliesin]

-Ça ferait donc Baelish, le commanditaire et deux gardes. Ou bien un garde et un barde ? Gargon a dit que si on voulait effacer la mémoire de Deverell, nous devions un choisir un bon qui ne fasse pas n'importe quoi. Meloenn serait donc tout indiquée, d'autant qu'elle est connue, mais ce ne serait sans doute pas une bonne idée que le Melandien sache qu'elle a, peu ou prou, été liée à cette histoire. Pour le reste, je dirai qu'au moins certains membres du groupe devraient savoir se battre, au cas où les deux gardiens du Luménien viendraient à nous causer des problèmes. Mais il n'y a aucune raison que ça arrive... Bref, je crois que le mieux est que tu choisisse tous ceux dont tu as besoin, afin de composer une équipe optimale. Nous, on se débrouillera quoi qu'il advienne : comme je le disais, on ne fera rien d'autre que bavarder.

[Galathée]

" Très bien, nous verrons. Je ne suis pas certain que nous devons impliquer toute l'équipe si ce n'est pas nécessaire... Si les choses devaient tourner mal, pour une raison ou une autre, avoir une base de repli pourra être utile."
Il croisa les bras.
" Sinon, j'ai réfléchi à cette histoire de minimiser les recherches entreprises pour retrouver le Luménien, une fois qu'il aura disparu... Et je pense que la meilleure solution est radicale."
Il jeta un oeil à ses interlocuteurs.
" Nous devons tuer Gargon dans l'échauffourée."

[Taliesin]

Il grimaça.
-Tu ne crois pas que ça ferait trop de bruit en ville ? C'est quand même une personnalité, son meurtre ne passera pas inaperçu, sans compter sa famille et ses amis qui risquent de remuer ciel et terre pour retrouver les assassins... Ne serait-il pas préférable de nous en tenir à ce que nous avions prévu ? L'un des hommes de Gargon a dit que leur fiacre était souvent bombardé, tant les gens haïssent le Luménien et, par ricochet, son propriétaire. Or, aujourd'hui, après que Cyd, la Fureur Mélandienne ait été proprement massacré, Deverell, le Luménien, à écrasé ses adversaires de manière spectaculaire. Ça va accroîtra encore la fureur populaire et ce ne serait pas très étonnant que certains éléments particulièrement énervés surveillent la maison et les déplacement de Gargon et de son combattant, guettant une opportunité de s'en prendre à ce dernier. M'est avis que, même s'il survit à l'embuscade, notre homme tournera ses soupçons dans cette direction.

[Galathée]

" Taliesin a raison. Gargon n'est pas un noble de premier plan, mais son meurtre ferait quand même beaucoup de bruit, dit Sedanius.
— Il peut être maquillé en accident assez facilement...
— Mais même un accident au cours d'une embuscade est assimilée à un meurtre.
— Si personne n'en réchappe, il n'y aura pas d'embuscade.
— C'est... radical.
— Les grands maux appellent parfois les grands remèdes."
Kerun soupira.
" Ce qui m'ennuie, dans votre histoire, c'est que je crois qu'il va remuer ciel et terre pour le récupérer. Nous avons mal joué, je le vois à présent. Nous aurions dû le garder pour la fin. L'enlever, prendre la mer immédiatement après, les risques auraient été moindres. Mais c'est trop tard. D'accord. Nous nous contentons du Luménien."

[Taliesin]

-Si vous arrivez, durant l'assaut, à vous faire passer pour des gens que les victoires du Luménien dégoûtent et qui n'ont apparemment pour dessin que de l'emporter pour le tuer, Gargon pourrait perdre énormément de temps à chercher dans une mauvaise direction, voire renoncer. De plus, la ville est vaste : comment pourrait-il nous retrouver, s'il ne découvre aucun lien entre les agresseurs et le Comptoir ? Enfin, en cas de besoin, Baelish serait susceptible de réapparaître, de dire que son commanditaire, se sentant partiellement responsable, est prêt à lui fournir un peu d'aide. Excellent moyen pour le pousser à se fourvoyer encore davantage.

[Galathée]

" Oui, nous nous débrouillerons. Bon. Je pense que dans ce cas, nous avons plus ou moins tout en main. Je vais aller reconnaître cette cour immédiatement.
— Je viens avec toi, proposa Lena.
— Non, je vais emmener Calliope."
La drow grimaça mais ne dit rien. Meloenn venait de faire son entrée, minaudant. Elle ne chercha cependant pas, pour une fois, la compagnie de son homologue.
" Briefing des lanceurs de sorts quand je rentre, il faut que vous prépariez les formules adéquates. Taliesin, je pense qu'Abel et Guéric sont potentiellement tes gardes du corps nains... Choisis ton commanditaire, en fonction de ce que tu veux en exposer. Meloenn peut faire l'affaire si elle doit rester masquée, mais je ne serais pas contre avoir un barde avec moi. Sinon tu peux prendre Perceval, éventuellement, même si c'est un piètre comédien.
— Ah ben c'est gentil.
— Je ne cherche pas à être gentil."

[Taliesin]

-Comme j'ai insisté sur le fait que le commanditaire tenait au secret le plus absolu concernant son identité, il devra tout faire pour ne pas être reconnu non seulement durant ses déplacements, mais également si les gardes veulent fouiller la suite : il devra donc porter un masque et une robe à capuchon assez ample pour qu'on ne puisse déterminer si c'est un homme ou une femme, s'il est gros ou maigre... Ensuite, la nécessité ou non de jouer la comédie, la longueur et la crédibilité de cette éventuelle comédie, tout cela dépendra de l'endroit où attendent les hommes de Gargon : si c'est devant la porte de la suite, on n'aura pas grand chose à faire. Si c'est dans l'une des pièces de la suite, ce sera un peu plus compliqué. Néanmoins, dans les deux cas, ils ne verront pas ce qui se passera dans la chambre.

[Galathée]

" Bon... Soit Perceval, soit Meloenn, soit Elliot, dans ce cas. Mais ce dernier n'est pas très vaillant. Je l'aurais bien laissé en stand-by avec Ombeline ici. Je veux avoir un oeil sur Arion et les lanceurs de sorts me sont trop utiles. Je te laisse faire ton choix. Tu peux éventuellement voir avec les principaux intéressés."
Il se leva.
" Je vais voir cette cour. N'oublie pas de briefer Fulgence, aussi. Je pense que personne n'a encore osé lui parler du programme."

[Taliesin]

Il grimaça.
-Ce serait peut-être mieux de ne lui en parler que demain matin. Sinon, il risquerait de s'inquiéter et de mal dormir. Ce serait vache de lui gâcher sa première nuit confortable et tranquille depuis des lustres... Sinon... Et bien, Meloenn et Perceval ont chacun des atouts qui pourraient être utiles... Est-ce que l'un d'entre vous est particulièrement tenté par cette opération ?
Il s'était évidemment adressé aux intéressés. Le guerrier pouvait être utile en cas de grabuge, la barde en cas de négociation où s'il était besoin de lancer des sortilèges. Difficile de choisir, donc. De plus, il ne voulait vexer aucun des deux. D'où sa tentative pour recourir au volontariat...[/color]

[Galathée]

" Je crois que je me sentirais mieux dans la rue, fit Perceval. Je dois dire que jouer les nobles mélandiens, ça n'est pas trop mon truc... Si on me pose une question, je ne saurai même pas quoi répondre...
— Je viendrai prendre livraison de ce bel étalon luménien, dit Meloenn avec un clin d'oeil. Ai-je le droit d'en profiter un peu avant que nous lui révélions la vérité sur nos intentions ?
— Meloenn !
— Tu as raison, suis-je bête, je pourrai en profiter autant que je voudrai une fois qu'il sera ici."

[Taliesin]

L'elfe s'efforça de demeurer impassible, bien qu'il regrettât déjà de ne pas avoir choisi Perceval : le guerrier, au moins, n'était pas fantasque, il n'était pas du genre à faire des blagues au mauvais moment... Mais il était trop tard pour l'enrôler, désormais et, si elle savait s'en tenir à sa mission, Meloenn serait très utile : elle saurait pourrait convaincre, créer des sons illusoires, se rendre ou rendre quelqu'un invisible...
-Bon et bien, je crois que nous sommes parés. Il reste juste à définir la manière dont nous nous rendrons aux Thermes avec la caution., dit-il, essayant de faire oublier la sortie de sa consœur.

[Galathée]

Ce point fut rapidement réglé car la Réunion disposait d'un unique fiacre de belle facture sans être tape à l'oeil, qui conviendrait parfaitement pour l'occasion. Il avait été récemment repeint, Aliosha s'était proposée pour en terminer les finitions dans la matinée, Calliope était prête, malgré les souvenirs difficiles, à l'épaule pour y installer des rideaux. Guéric pourrait faire le cocher, Abel le valet de pied, et Baelish y prendrait place avec son mystérieux commanditaire. La question des chevaux se règlerait facilement car il y avait plusieurs loueurs en ville.
Taliesin s'attarda ensuite, malgré sa fatigue, pour attendre le retour de Kerun. Ce dernier reparut une bonne heure plus tard, satisfait de ses investigations. Il assura le barde qu'il viendrait les voir en cours de soirée pour organiser directement l'intervention avec Deverell. Il faudrait notamment trafiquer ses fers pour qu'il puisse s'en débarrasser seul pendant l'intervention.
Puis ils parlèrent sortilèges. La force de frappe de la Réunion avait le mérite d'être éclectique, même s'ils manquaient de clercs. Ce qu'ils avaient en nombre leur manquait en puissance, cependant, car seuls Lena et Sedanius semblaient réellement expérimentés. Mais Kerun parut satisfait, donna ses instructions sans que personne (à l'exception d'Arion qui grommelait dans un coin) ne s'en offusque, puis envoya les gens au lit comme s'ils avaient été ses subordonnés. L'agent luménien retrouvait manifestement ses marques.
La nuit n'apporta rien de particulier. Taliesin dormit longtemps mais d'un sommeil agité, peuplé d'images confuses, indéfinissables, ce n'était pas la première fois. Kerun le réveilla malgré lui en quittant la chambre le matin et le barde eut le temps de procéder à quelques ablutions avant de rejoindre la salle à manger où se trouvaient les habituels matinaux. Après un petit déjeuner un peu éclaté, chargé d'une tension palpable par tous, Taliesin put enfin passer à la dernière étape de leur plan : Fulgence.

[Taliesin]

Ne pouvant temporiser davantage, puisqu'il serait inhumain de le prévenir au dernier moment, Taliesin finit par aller trouver le gosse auquel, jusqu'ici, il s'était contenté d'adresser un salut amical. Après s'être enquit de sa santé et de la manière dont s'était passée sa première nuit sous leur toit, il choisit de ne pas tourner autour du pot et entra dans le vif du sujet :
-Voilà, comme tu l'as compris, nous venons en aide aux Luméniens qui ont été envoyés ici et réduits en esclavage. Et comme tu l'as sans doute remarqué, nous sommes en train de préparer une libération assez compliquée. Elle doit avoir lieu ce soir. Et, si tu en es d'accord, bien sûr... Nous aurions besoin que tu nous files un coup de main.

[Galathée]

Le petit garçon lui adressa un sourire et hocha vigoureusement la tête.
" Oui, Ombeline et Aliosha et Calliope, elles m'ont tout expliqué, dit-il avec un léger sourire. Que j'allais pouvoir rentrer à Luménis bientôt, sur le bateau du capitaine Lamalice, avec Guéric qui me fait rire. C'était comme dans les histoires, comme vous m'avez dit quand vous étiez sous la magie de l'elfe noire. Elle me fait peur, mais Aliosha dit que c'est la plus gentille. Vous, vous me faites pas peur."
Il secoua la tête.
" Alors je ferai ce que vous me demandez. Qu'est-ce que c'est ?"